Rabelais médecin secrétaire de Jean et Guillaume du Bellay de Langey
Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, naquit en 1491 au château de Glatigny, berceau de toute la famille.
Il était le fils aîné, de Louis du Bellay et de Marguerite de la Tour-Landry.
C'est assurément un des hommes les plus remarquables du règne de François Ier ; soldat, diplomate, orateur, historien, il a servi avec passion son roi et son pays par l'épée, la parole et la plume ; aussi est-ce lui qui, le premier, va donner un lustre jusque-là inconnu à la famille de Langey, qu'un de nos poètes, contemporain du glorieux personnage, n'hésite pas à placer audessus de foutes les autres :
Ah ! si j'avois loisir...
Je dirois le bonheur d'un chevalier de nom
Qui maintenant possède et tient ton Maintenon (1),
Heur dont en autre race on n'a vu la semblance
Pour des armes avoir et des lettres l'usance,
Fors celle de Langey qui a par ses hauts faits
Tant honoré la France en guerre comme en paix (2).
A son tour, Tahureau, poète manceau, a dit de Guillaume :
Ce Langé, dont le bruit cessera de s'épandre
Quand épandre on verra tout ce grand monde en cendre (3).
Bien que destiné à la profession des armes, Guillaume du Bellay reçut à l'Université d'Angers une éducation libérale et fort distinguée (4), qui ne fut pas une des moindres causes de la faveur qu'il obtint auprès de François Ier.
Conduit, en effet, encore jeune à la cour de France par Louis de Bourbon-Vendôme, à la personne duquel il avait tout d'abord été attaché, il fut vite apprécié du monarque, qui l'employa dans l'armée et dans les ambassades et le chargea de toutes les missions les plus délicates et les plus secrètes de son règne, dans les principales cours d'Europe, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne et en Italie.
On comprendra qu'il nous est impossible de le suivre dans tous les détails de sa carrière politique et diplomatique ; un volume entier n'y suffirait pas ; et d'ailleurs l'oeuvre qu'il a accomplie appartient à l'histoire générale de la France.
Nous ne pouvons qu'en tracer brièvement les grandes lignes et noter rapidement les principaux faits. Malgré ce cadre restreint dans lequel nous sommes obligé de nous mouvoir forcément, ce que nous dirons suffira cependant pour nous faire constater que depuis la bataille de Pavie (1525), où il partagea les périls et la prison de son roi, jusqu'à la campagne de Montferrat (1542), il se signala partout par son courage, sa sagesse et son abnégation (5).
François I er, après avoir été fait prisonnier à Pavie, avait été conduit, de prison en prison, jusqu'à celle de Madrid.
La santé du chevaleresque vaincu s'était profondément altérée. La régente lit alors choix de Guillaume du Bellay pour porter à son fils, captif et malade, de ses nouvelles et des consolations si nécessaires.
Bien que tous les passages fussent fermés, Guillaume sut passer à travers les mailles de ce filet et s'acquitter de la mission qui lui avait été confiée.
Envoyé à Rome en 1527 contre le connétable de Bourbon, Guillaume, à l'entrée du traître dans la ville, se réfugia dans le Château-Saint-Ange, où il soutint un siège de sept mois, et qu'il ne voulut quitter finalement qu'avec armes et bagages.
Mais c'est surtout dans ses diverses ambassades que Guillaume rendit le plus de services à la France.
Député en 1529 auprès de Henri VIII d'Angleterre pour obtenir qu'il remît à François Ier 950,000 écus d'or que le roi de France, aux termes du traité de Madrid, lui devait, il sut si bien flatter les passions du roi anglais que non seulement il obtint de ce dernier la décharge des 950,000 écus, mais encore le prêt de 400,000 autres, qui servirent à payer à Charles-Quint la rançon des enfants de France retenus comme otages.
Le n° 4883 du Catalogue des actes de François Ier (7 vol. in-4°) nous signale à la date du 7 juin 1531 le don au sieur de Langey, gentilhomme de la chambre du roi, de 3,000 livres tournois sur les sommes qui ont été jugées indûment employées par Michel Boucher, ex-receveur municipal d'Orléans, sur sa recette de l'année 1524 (6).
Envoyé en Allemagne, Guillaume parut à la diète d'Augsbourg (1533), y obtint le rétablissement des ducs de Wurtemberg dans leurs domaines, d'où les avait chassés Ferdinand, roi dos Romains, — et la rupture de la ligue de Souabe, que Charles-Quint avait tant à coeur de maintenir.
On le retrouve en 1535 à la diète de Smalkalde, s'offorçant de détacher les princes de la cause impériale.
Le 28 août 1536, Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, adresse au chancelier (Poyet) une lettre signée, datée de Valence (7).
Le 20 avril 1537 (v. st.), Guillaume du Bellay de Langey adresse de Turin au chancelier Poyet une lettre autographe signée, dans laquelle il lui recommande « l'ung des principaulx marchons de Turin, qui va pour quelque sien affaire à la Cour... (8) ».
Guillaume fut envoyé en Piémont et devint gouverneur de Turin en décembre 1537, sous les ordres d'un lieutenant général du Piémont, qui fut d'abord le maréchal Montejean, puis le maréchal-amiral d'Annebault.
Ce dernier ayant été rappelé à Paris vers la fin d'avril 1540 pour remplacer peu à peu dans le Conseil du roi le connétable de Montmorency, Langey devint alors lieutenant général du Piémont par intérim, mais le titulaire de la lieutenance générale demeura le maréchal d'Annebault. C'est donc forcer la note que de donner à Guillaume le titre de vice-roi du Piémont, comme ont fait divers écrivains.
De novembre 1541 à avril 1542, Langey fut en congé à la Cour ; après quoi il retourna à Turin pour mettre la dernière main aux préparatifs de la guerre qui allait reprendre contre Charles-Quint, et il consuma dans ces préparatifs une grande partie de sa fortune et le peu de santé qui lui restait.
Les talents de du Bellay-Langey balancèrent la supériorité des forces de du Guast, commandant en chef de l'armée de Charles-Quint. Quoique malade et épuisé, « ne pouvant plus s'aider que du cerveau et de la langue », il déployait encore une activité, une intelligence dignes d'admiration, qui eurent pour résultat la victoire de Carignan.
Bayle dit de Guillaume du Bellay qu'il ne fut pas moins bon capitaine qu'habile négociateur, et qu'il eut la plume aussi bonne que la langue et l'épée. Son adresse à pénétrer par ses espions et ses intrigues les desseins de ses ennemis était surprenante. Il ne commençait jamais l'exécution d'une entreprise militaire qu'après avoir employé sa plume à découvrir l'état des choses.
Charles-Quint a dit de lui : « La plume de Langei m'a trop plus fait la guerre que toute lance bardée de France. »
C'était le premier homme de guerre de son temps pour découvrir ce qui se passait dans les cours étrangères. « Entre grands points de capitaine qu'avait M. de Langey, — dit Brantôme,
— c'est qu'il dépensait fort en espions. En quoi j'ai ouï compter qu'étant en Piémont, il mandait et envoyait au roi avertissement de ce qui se fesait ou se devait faire en Picardie et en Flandre ; si que le Roi, qui en était voisin et plus près, n'en savait rien ; et puis après, en venant savoir le vrai, s'ébahissait comment il pouvait découvrir ces secrets. » C'est ainsi, en effet, qu'il découvrit en 1541 la trame: ourdie contre les ambassadeurs que François Ier envoyait à Venise et à Constantinople ; et ce fut malgré ses avertissements que les deux ministres coururent au-devant de la mort qui les attendait. Brantôme ajoute : « ... il était fort curieux de prendre langue et avoir avis de toutes parts, de sorte que, ordinairement, il en avait de très bons et vrais, jusqu'à savoir les secrets les plus privés de l'empereur Charles-Quint et de ses généraux, et aussi de tous les princes de l'Europe. Ce dont on s'étonnait fort, et l'on pensait qu'il eût un esprit familier qui le servît en cela. Mais c'était son argent, n'épargnant rien du sien quand il voulait une fois quelque chose. »
Guillaume du Bellay était, en effet, d'un désintéressement et d'une générosité extraordinaires, et il nous est agréable d'en apporter plusieurs preuves.
Lors de la guerre contre le connétable de Bourbon, il avait fait des avances. Se trouvant de ce fait sans argent, il en réclama au chancelier de France, de qui il essuya un refus.
Il écrivit alors au maréchal de Montmorency, à qui il dit que ses biens étaient pour la plupart entre les mains de commissaires, et que son père allait être chassé de sa maison. Mais ce fut peine perdue : on ne lui délivra rien, car il passait pour prodigue. Son ardeur à servir son pays ne se ressentit nullement de cette injustice, car il écrivait à ce sujet : « Quand Mr le Chancelier sera venu à bout de son entreprise, qui est de me faire porter le bissac s'il peut, il aura détruit un bon serviteur de son maître et lui aura ôté le pouvoir de faire service, mais le vouloir, non, car il n'est en sa puissance. »
Il rentra cependant dans ses déboursés un peu plus tard, à la suite de son premier voyage en Angleterre au sujet des' négociations concernant le divorce d'Henri VIII, refusant carrément, s'il n'était remboursé de ses avances, d'aller rendre compte au roi François Ier, pour lors absent de Paris, du résultat de sa mission.
Une autre fois, étant allé à Blois où était la Cour, pour réclamer quelques subsides, il sut se procurer 10,000 écus, et les prêta à son roi, plus en détresse que lui.
Plus tard, il fit venir à ses frais du blé pour ravitailler la ville de Turin assiégée et fit pour cola de telles dépenses que, après sa mort, son frère Martin dut encore en payer pour 300,000 livres.
C'est ainsi que le seigneur de Langey dépensa la meilleure partie de son bien au service de l'Etat, au lieu de s'enrichir de rapines, comme la plupart des autres ministres et capitaines de son temps.
On ne peut s'étonner, après cela, que François 1er l'eût en la plus haute estime et lui permît au palais royal, en sa présence, des licences qui n'étaient pas précisément conformes à l'étiquette habituelle de la Cour.
« Langey, — dit un historien, — ne sçait ni quand le roy se lève, ni quand il se couche ; mais il sçait bien où sont les ennemis. Il se couvre et s'assied devant François Ier ; quand il a chaud, il oste sa fraise et se met en veste. »
On peut conclure de ce passage que, si Guillaume du Bellay fut un des plus braves capitaines de son siècle, il fut aussi certainement l'un des plus mauvais courtisans, et cela est tout à son honneur.
Après avoir parlé du soldat et du diplomate, et dépeint quelque peu le caractère généreux et rempli de simplicité de l'homme intime, disons un mot très bref du stratégiste.
A la suite de la bataille de Marignan, célèbre par la victoire de François 1er sur les Suisses (1515), Guillaume du Bellay, examinant comment il fallait s'y prendre pour attaquer une position défendue par du canon, écrivait : « Le meilleur expédient que j'y voie est d'aller assaillir vitement, sans tenir ordre et sans y aller lentement en troupe ; car, au moyen de la vitesse, vous ne lui donnez pas le temps de redoubler le coup, et pour ce que vous êtes épars l'artillerie rencontre moins de gens quand elle tire. »
— On voit par là que le savant tacticien proposait déjà alors, pour éviter le feu de l'artillerie ennemie et en amoindrir les effets par trop meurtriers, ce que nos meilleurs officiers s'efforcent de faire pratiquer aujourd'hui et que nous appelons l'ordre dispersé.
Il est temps, avant de parler de la mort de Guillaume du Bellay et des oeuvres littéraires qu'il a laissées, de reproduire quelques détails qui nous ont été conservés et qui sont relatifs à sa seigneurie de Langey, dont il porte souvent le nom dans l'histoire : « Monsieur de Langey. »
Il n'est pas douteux, en effet, qu'il ne soit venu, — dans les rares intervalles de liberté que lui laissèrent ses fréquentes campagnes comme soldat et ses nombreux voyages en qualité d'ambassadeur, — se reposer quelquefois dans son château de Langey et sous les frais ombrages qui l'environnaient alors.
C'est ainsi qu'en 1531, à l'automne, il fait aveu personnel à son voisin Léonard de Renty, châtelain de Montigny-le-Gannelon.
Pour mieux saisir le sens de l'acte que nous transcrivons ci-dessous, il faut se rappeler que Louis du Bellay, son père, avait vendu en 1514 le fief dit « de Langey », assis à Cloyes, ainsi que les moulins qui en dépendaient ; le lieu également de Sainte-Radegonde, situé à Lanneray, et ce pour se procurer de quoi fournir des subsides à ses fils, qui étaient au service du roi.
Quoiqu'il ne s'agît là probablement que de ventes simulées ou même nulles, Léonard de Renty prétendait rentrer en ses droits pour chaque mutation : ce qui faisait alors l'objet d'un procès entre les deux seigneurs.
« Du lundy quatriesme jour de septembre 1541, noble et puissant seigneur messire Guillaume du Bellay, chevallier, seigneur de Langey, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy, lequel s'est transporté au lieu et chastel de Montigny, par devers et à la personne de noble et puissant seigneur messire Léonard de Renty, seigneur du dict lieu de Montigny, auquel le dict chevallier deschaud, nud teste et les mains joinctes, y a offert, sans préjudice touttefoys de ses premières offres et réceptions de foy et desquelles il ne se veult despartir, faire et a faict réictération de foy et hommage, ou foys et hommaiges que le dict chevallier estoit tenu de luy faire pour raison de la terre et seigneurye de Langey, vasseurs et appartenances d'icelles. Item, pour les troyes partz dont les quatre font le tout, des moullins de Cloye, leurs appartenances et deppendances.
Item, pour raison du fief appelle le fief de Langey assis à Cloye (9), ainsi qu'il se comporte et poursuict en prés, cens et péaiges, tenuz lesdictz lieux à une foy et hommage au dict seigneur de Montigny, qui sont trois fois et hommages, et pour ce que de nouveau est venu à la congnoissance du dict chevallier que le lieu de Sainte-Radegonde estoit saisy à la requeste du dict seigneur de Montigny, prétendant luy estre deub troys rachaptz... offre par raison des dicts rachaptz la somme de vingt livres tournoys... ou le revenu d'une année... Et en signe de fidellité pour toutes les choses dessus dictes, appartenances et deppendances quelsconques, le dict chevallier a baisé la principalle porte du dict chastel, présentant par luy à mon dict seigneur la bouche et les mains.
— A quoy le dict de Renty a faict response qu'il n'estoit tenu de recepvoir le dict du Bellay en sa foy et hommage ou foys et hommaiges qu'il y a offert présentement faire ainsy comme dessus, et de faict ne recepvait point pour les causes et raisons qu'il entend déclarer en temps et lieu, et que, en faisant par le dict du Bellay ce que est tenu faire, le dict de Renty fera ce que deubvra... »
Quelques passages des minutes du notariat de Cloyes citent Guillaume du Bellay et son chargé d'affaires, Jacques Méau, à propos de plusieurs baux que ce dernier passa au nom de son maître.
Certains actes donnent à Guillaume les titres de « seigneur de Langey et de la Lunaudière (10) », — « seigneur de Langé et Houdebran », — « seigneur de Langey et Bouffery (11) ».
1532. « Vente d'une myne de terre au terrouer de Bouville (12), chargée de 6 deniers de cens chacun an, payables au jour et feste de N.-D. de my-aoust au puys de Boisganier (13), lieu accoutumé, envers le seigneur de Langey. »
1534. « Honneste personne Jacques Néau, ou nom et comme procureur de noble seigneur messire Guillaume du Bellay, seigneur de Langé, baille pour l'année présente à Denis Paisant, laboureur à la Lunaudière, par. de Cloye, ad ce présent, les dismes tant grosses que menues que le dict seigneur poult competer et qu'il a coustume bailler ès paroisses de Saint-Georges et de SaintLéobin de Cloye, — pour la quantité de trois muys de blé tel qu'il sera recueilli ès dites dismes et terraiges, avec deux muys d'avene, le tout mesure de Cloye, et rendu au lieu de Langé ès greniers du dict seigneur. Et à ce faire et passer a esté présent Guillot Villemont, lequel a pleigé et cautionné le dit Paisant pour raison des dits grains. »
En janvier 1534 Jean du Bellay, l’évêque de Paris se rend à Rome en ayant pour mission de convaincre le pape Clément VII de ne pas excommunier Henri VIII. Il engage alors Rabelais comme secrétaire et médecin jusqu'à son retour en avril.
En 1535 le protecteur de François Rabelais, le grand défenseur des humanistes Jean du Bellay, qui venait d'être nommé cardinal le 21 mai 1535, l'avait emmené, pour la seconde fois, à Rome.
Maître François il a 41 ans avait déjà connu un certain nombre d'aventures, dont la moindre n'est pas celle que lui a inspirée on ne sait quel démon du vagabondage lorsque, cinq ans auparavant, il avait jeté aux orties son froc de bénédictin pour prendre la cape crottée et le chaperon d'étudiant. (Plus exactement il quittait le clergé régulier pour le clergé séculier). Un étudiant bohème, voilà bien ce qu'il fut toute sa vie; mais aussi un maître fort savant, un praticien éminent et l'écrivain de génie qui venait de publier à cette date ces chefs-d'œuvre : Pantagruel et, l'année précédente (1534), Gargantua, où se trouve l'épisode fameux de l'abbaye de Thélème (14).
Au mois de février, après plusieurs requêtes auprès du Vatican et grâce à des appuis influents qu'il avait su se ménager dans l'ambassade, il avait obtenu enfin du Pape Paul III un bref d'absolution pour sa malencontreuse et désinvolte émancipation appelée « apostasie » (15).
D'après ce bref il était autorisé à entrer de nouveau dans un monastère bénédictin de son choix et, chose à laquelle Rabelais tenait particulièrement, à exercer la médecine, pourvu qne ce fût a titre pieux et sans en tirer profit (16) ; cette dernière condition semblant une clause de style avec laquelle il pouvait y avoir sans doute des accommodements.
Joie de maître François, dont les désirs étaient comblés, Allait-il faire choix de Ligugé, comme il eut été convenable'?
Mais où serait-il mieux à l'abri que sous la protection directe de Mgr Du Bellay, que le roi en outre tenait lui-même en particulière estime, et qui d'abbé commendataire du lieu venait d'être nommé doyen du chapître de l'Abbaye bénédictine de Saint-Maur-des-Fossés qui, par bulle pontificale du 13 Juin 1533, avait été sécularisée ?
L'abbaye était régulière puisque l'exécution de la bulle de sécularisation n'a pas encore été ordonnée vu sans doute l'absence du Cardinal, mais elle allait passer doyenné.
De sorte que Rabelais, qui n'est pas fâché de se faire pratiquement relever de ses vœux monastiques, se fait accepter par Jean du Bellay comme un membre de la collégiale qui est passée sous sa seigneurerie (17).
Est-ce enfin le port, la réalisation de son rêve contradictoire de vie conventuelle et de vie sans contrainte, le refuge souhaité contre les tracasseries des ennemis et les duretés, de l'existence, où abriter sagement la plus folle fantaisie ? Il faut encore attendre.
Car des affaires d'importance occupent la maison du Cardinal, où la sagacité de François Rabelais est sollicitée de s'employer pour une démarche diplomatique auprès du roi de France pour l'informer, mieux que par l'ambassadeur accrédité, de ce qui se trame contre lui, du discours provocateur de l'empereur Charles-Quint. D'ailleurs il n'en a pas le temps ; car c'est bientôt la guerre. Les Impériaux vont-ils passer la Marne ? Le Cardinal est investi de pouvoirs exceptionnels; on le voit en Picardie, puis il est chargé de mettre la capitale en état de défense. Mais en Septembre c'est la déroute des Impériaux.
Chacun respire, maître François en particulier, qui fait diligence pour rejoindre Saint-Maur, où il arrive à la fin de l'année.
Il est nanti de l'induit du pape, mais on n'est pas à l'Abbaye sans savoir qu'il n'était pas dans les meilleurs termes avec les franciscains et qu'il ne porte pas en son cœur les moines moinant de moinerie (18) ; sa réputation est suspecte : la Sorbonne n'a-t-elle pas comdamné Pantagruel comme obscène puis l'an dernier Gargantua, où l'auteur récidivait, encore plus agressif dans sa satire ?
Et puis voici un bien singulier religieux qui a le privilège de sortir quand il lui plaît de la collégiale pour exercer la médecine ! On peut se douter de l'accueil plutôt froid qu'il dut recevoir de ces anciens moines, qui n'étaient plus alors religieux de Saint-Benoît, mais simples prêtres séculiers.
Ils étaient huit chanoines à se partager les revenus du couvent ; et bientôt l'un d'eux, le chantre, qui était l'ancien prieur, ayant reçu une part double, ils se partageaient neuf prébendes. Mais à l'arrivée inopinée de ce collègue, du neuvième des revenus (19), qui était la somme octroyée à chacun, il allait maintenant falloir descendre à un dixième pour donner une part entière à ce sociétaire M, à cet intrus ! Comment nos chanoines auraient-ils vu d'un bon œil le nouveau venu ? Ce fut un beau tumulte.
Pour soutenir leur choc les chanoines s'avancent.
Pour tracer à loisir une longue requête
Et chanter leur dépit leur brigade s'apprête.
On fait valoir à l'évêché que la bulle, qui est de 1533, qui réglait alors la dispensation des parts telle qu'elle se présentait lilcette date, soit pour neuf religieux, ne peut avoir effet pour un moine qui n'est venu à l'Abbaye que deux ans plus tard. La querelle dura. La bulle, ne fut promulguée « fulminée» comme on disait qu'en Août 1536.
De sorte que Rabelais eut beau jeu à ce moment, étant depuis près d'un an à Saint-Maur, pour soutenir que la bulle ne prenait effet qu a cette date, compte tenu de l'Abbaye telle qu'elle était, c'està-dire lui, François Rabelais, y inclus.
C'était matière à procès. Mais comment le faire sans l'assentiment du Cardinal du Bellay, évêque de Paris, abbé de Saint-Maur, doyen du chapitre et ami de Rabelais ?
Que le titre de chanoine eût continué de lui être contesté, c'est certain. Que les chanoines ne l'aient pas voulu mentionner sur la liste de ceux qui devaient toucher les prébendes, on peut le mettre au compte d'une mauvaise humeur tenace et opiniâtre qui eut peutêtre le don d'amuser maître François. Toujours est-il que l'affaire en resta là.
Mais Rabelais lui ne resta pas là pas même un an -.
Il n'était point tenu à la résidence. Il ne voyait pas souvent Monseigneur l'évêque en son petit manoir, qu'il méditait déjà de transformer en château. Et il a. l'humeur vagabonde. Fuyant des tracasseries, espérant ne plus connaître la tyrannie de la règle qui lui était insupportable, il avait trouvé d'autres tracasseries insupportables, la jalousie, la mesquinerie, la sottise, la vulgarité. Il s'en va.
Il rejoint Lyon dont il a gardé la nostalgie.
Le 26 janvier 1537, le procureur Jacques Néau loue au nom du seigneur de Langé « une place assize sur le pont de Cloye », à condition par le preneur de bâtir une maison de telle sorte « qu'elle ne puisse empescher les eaues et vidanges des mollins à bled dud. Cloye, aud. chevallier appartenans ».
A la mi-février 1537 Rabelais revient à Saint-Maur pour assister à un office capitulaire et peut-être pour tenter de toucher un quartier de sa prébende. Par la - même occasion il va à Paris assister à un banquet avec ses amis Etienne Dolet, Guillaume Budé et Nicolas Bérault. Puis il s'avise que, médecin d'ailleurs fort réputé, il a négligé de terminer ses études de médecine ; il n'est que bachelier et non docteur.
Il va donc se faire recevoir docteur à Montpellier, où il professe ausitôt la médecine. Nous ne le suivrons pas dans ses pérégrinations à Turin, à Chambéry à Metz, à Rome à nouveau avec le Cardinal. Le Tiers Livre est à son tour, censuré par la Faculté de Théologie.
En 1538, le procureur Jacques Néau baille de même, moyennant 36 livres tournois de ferme, « le barraige (péage) des ponts de Cloye ».
Après ces quelques détails, dont le seul intérêt est d'être purement locaux, poursuivons l'histoire de Guillaume du Bellay et racontons les derniers temps de sa vie.
Nous l'avons laissé gouverneur ou lieutenant général du Piémont. Il occupa ce poste d'honneur, où l'avait nommé François Ier, jusqu'à la veille de sa mort.
En 1542, la guerre se ralluma entre les Impériaux et les Français. Mais du Bellay se crut mal secondé par le roi. Il était d'ailleurs perclus de goutte et accablé d'infirmités, « et ne se pouvoit plus aider que du cerveau et de la langue » ; enfin, sa fortune était fort dérangée, car il s'était endetté, répétons-le, de 300,000 livres pour procurer du blé à sa province, « peu lui challant de la despence, moyennant qu'il fist service à son prince ». Découragé, malade, sentant sa fin approcher, Langey demanda la permission de revenir en France.
Il fit son testament (20) à Turin, le 13 novembre 1542, et partit sans retard.
Martin du Bellay raconte ainsi les motifs de son voyage et de sa mort : « Le sieur de Langey, voyant qu'on ne vouloit executer ce dont il avoit tant travaillé et fait de si gros frais, tant à l'entretenement des hommes que pour la fourniture de ce qui y estoit nécessaire, considéra bien que le pareil luy seroit faict entre autres choses : à ces causes, pour la debilité de ses membres (car il étoit perclus à cause de ses longs travaux) , avecques le congé du Roy, partit de Turin en une littiere pour venir devers luy, auquel il désiroit, avant que mourir, déclarer beaucoup de choses pour son service, qu'il ne vouloit mettre en la bouche d'autruy, craigant (sic) de faire tort à ceux qui en luy s'estoient fiez ; mais il ne luy fut possible d'y parvenir, car, le neufiesme jour de janvier mil cinq cens quarante deux (21), trespassa à Sainct-Saphorin (22), sur le mont de Tarare, au grand regret de plusieurs gens de bien, de savoir et d'expérience (23). »
D'autres documents nous permettent de compléter ce récit (24). M. de Langey était accompagné, selon son habitude, de ses fidèles officiers, serviteurs et familiers : Jacques d'Aunay, son neveu ; François de Genouilhac, seigneur d'Assier ; François Érault, président du Parlement de Turin ; Saint-Ay ; ses deux médecins François Rabelais et Gabriel Taphenon ; Claude Massuau, qui a traduit du latin les Stratagèmes de Rabelais, etc.
Le cortège marchait presque silencieux, incommodé par la mauvaise saison et effrayé de certains prodiges qui semblaient annoncer un malheur prochain.
Rabelais a rappelé ce triste itinéraire dans une page du Pantagruel (25), écrite pour faire voir que la mort des grands hommes est annoncée souvent par prodiges et portentes :
« Ce que veismes plusieurs jours avant le département de celle tant illustre, généreuse et heroïcque âme du docte et preux chevalier de Langey. » — « Il m'en souvient, dit Épistémon, et encores me frissonne et me trouble le cueur dedans sa capsule, quand je pense ès prodiges tant divers et horrificques, lesquels veismes apertement cinq et six jours avant son départ.
De mode que les seigneurs d'Assier, Chemant, Mailly-le-Borgne, Sainct-Ayl, Villeneufve-la-Guyart, maistre Gabriel, médecin de Savillan, Rabelais, Cohuau, Massuau, Majorici, Bullon, Cercu dist Bourguemaistre, Françoys Proust, Ferron, Charles Girard, Françoys Bourré et tant d'aultres amys, domesticques et serviteurs du défunct, tous effrayez, se regardoyent les uns les aultres en silence, sans mot dire de bouche, mais bien tous pensans et prevoyans en leurs entendemens que de brief seroit France privée d'ung tant parfaict et necessaire chevalier à sa gloire et protection, et que les cieulx le repetoyent comme à eulx deu par propriété naturelle. »
Cependant, du Bellay était péniblement arrivé à Lyon, où les médecins déclarèrent que le malade ne pouvait, avec prudence, continuer le voyage. Malgré tout, il voulut partir, avec cette illusion commune aux mourants que l'air natal lui rendrait la santé.
Il se remit donc en route le 7 janvier 1543, arriva probablement le 8 à Saint-Symphorien-de-Laye, après avoir couché à Tarare, et s'éteignit le lendemain entre les bras de ses amis consternés.
Le 12 janvier, un secrétaire de l'ambassade de Florence envoyait de Lyon au duc de Toscane une dépêche (26) dont nous donnons la traduction : « Le soigneur de Langey, contre la volonté des médecins, partit de Lyon le 7, et le 9 il mourut à Saint-Symphorien, lieu éloigné de Lyon d'environ trente milles.
L'avis en est venu ici le jour suivant, et hier, qui fut le 11, il a été rencontré par le prieur de Capoue (27), qui, revenant en poste de la Cour, dit avoir laissé, au delà de Saint-Symphorien, son corps, que les siens menaient en sa maison.
Dans une lettre, on dit que sa compagnie de cinquante lances est donnée à Monseigneur de Brissac ; ce qui peut être vrai. Mais on ne peut le savoir par ces informations de Lyon, parce qu'il y a trop peu de temps du 9 au 12, ce qui ne permet pas que l'avis soit allé à la Cour, et de là revenu à Lyon.
Le dit de Langey, avant de quitter Lyon, passa règlement avec Lionnet de l'Obba et resta, de compte fait, son débiteur de 43,000 écus ; on a découvert que, avec les autres sommes, il laisse une dette de 300,000 francs. »
A Saint-Symphorien, comment les choses se passèrent-elles ? A quelle crise suprême succomba le malade? On no nous le dit pas; mais Rabelais nous apprend encore que Langey étonna son entourage par la force et la précision de ses paroles prophétiques : « J'ay souvent ouy dire que tout homme vieil, decrepit et près de sa fin, facillement divine des cas advenir... Vous veulx ramentevoir le docte et preux chevalier Guillaume du Bellay, seigneur jadys de Langey, lequel au mont de Tarare mourut le dixiesme de janvier (28), l'an de son cage le climactere (29) et de notre supputation l'an 1543, en compte romanicque. Les troys et quatre heures avant son decez il employa en parolles vigoureuses, en sens tranquil et serain, nous predisant ce que depuys part avons veu, part attendons advenir; combien que pour lors nous semblassent ces propheties auleunement abhorrentes et estranges, pour ne nous apparoistre cause ne signe aulcun present prognosticque de ce qu'il prédisoit (30). »
Ainsi mourut Guillaume du Bellay, loin de son gouvernement, loin de son roi, loin de ses frères, dans un petit bourg obscur du Beaujolais, à l'âge de cinquante et un ans.
Le corps fut embaumé ; l'opération fut faite, — on peut à peine en douter, — par Rabelais et Taphenon ; et cette fois la maison des praticiens dut trembler.
M. Heulhard croit que la mort du maître désempara la petite troupe qui lui faisait cortège : « Le désarroi fut tel, — dit-il, — que ses papiers, les manuscrits qu'il avait dans ses coffres, disparurent, égarés ou dérobés.
On a perdu ainsi cette Histoire générale des Gaules, pour laquelle il avait mis l'antiquité au pillage (31). » C'est une supposition qui aurait besoin d'être prouvée.
Les restes mortels de Guillaume furent un instant déposés dans la chapelle de Saint-Symphorien ; puis la troupe repartit bientôt avec le cercueil et arriva à Roanne. Là, on pouvait choisir entre la Loire et le grand chemin de Lyon à Paris. On se décida pour la route, et le corps fut transporté jusqu'à Saint-Ay , où l'on attendit les instructions du cardinal Jean du Bellay.
Voici quelques extraits d'une lettre que celui-ci écrivit alors à René du Bellay, évêque du Mans, à propos de la sépulture de leur illustre frère :
« Monsieur, depuis ma dernière lettre, j'ay receu deux des vostres, l'une du 25, l'autre du 26 mois passé. Pour respondre quant à la sépulture de feu mon frère, Saint-Ayt (32) n'en sçait, sinon ce que je vous en ay déjà mandé... Il a esleu sa sépulture à Langey... je ne sçais si au coeur se pourra trouver place.
Le corps est à Saint-Ayt du pénultième du passé... Si n'ay devant deux ou trois jours nouvelles de vous touchant la sépulture de feu mon frère, je vous envoyray un homme.
« Votre très humble frère et serviteur,
« J. DU BELLAY (33). »
Cette lettre nous montre le cardinal assez perplexe quant au choix du lieu où il devait faire enterrer son frère. Mais finalement, quoique Guillaume, par son testament, eût exprimé le voeu d'être inhumé dans sa terre de Langey, Jean ne tint aucun compte de cette dernière volonté.
En effet, le 6 février, le chapitre de la cathédrale du Mans accueillit la demande du cardinal et accéda à son désir, qui était que son frère Guillaume fût enterré dans la cathédrale. Aussi, le vendredi 2 mars, le corps, parvenu au Mans, fut provisoirement déposé dans l'église abbatiale de Saint-Vincent, puis, le lundi 5, de pompeuses obsèques, d'une solennité quasi princière, lui furent faites dans la basilique de Saint-Julien.
Ce dit jour, en effet, les hérauts d'armes, les enfants des écoles, les religieux des six monastères allèrent processionnellement chercher le cercueil à l'abbaye Saint-Vincent, pour l'amener à la cathédrale, où M. l'évêque de Léon officia, cependant que M. des Aubiers, théologal, prononçait l'oraison funèbre.
Messire Louis de Ronsard, seigneur de la Possonnière, tint un pan du drap mortuaire. Il avait amené là son fils Pierre de Ronsard, lequel, n'ayant pas encore vingt ans, aspirait à la cléricature. Le lendemain même, 6 mars, l'évêque du Mans conférait la tonsure au futur poète (34).
Rabelais, qui avait accompagné Langey en Italie en qualité de médecin, et qui l'assistait à ses derniers moments, dit à propos de sa mort : « Le preux et docte chevallier Guillaume du Bellay étant vivant, la France estoit en telle félicité que tout le monde se y rallioit, tout le monde avoit sur elle envie, tout le monde la redoubtoit. Soubdain, après son tres pas, elle a esté en mespris de tout le monde bien longuement. »
Rabelais consacra même un ouvrage latin à l'histoire des hauts faits de Guillaume du Bellay, ouvrage qui fut traduit en français par Claude Massuau, attaché jadis à la domesticité du vaillant capitaine. Mais l'original et la traduction en sont perdus.
Le titre du livre traduit était ainsi conçu : « Stratagèmes, c'est-à-dire Prouesses et Ruses de guerre du preux et très célèbre chevalier Langey, au commencement de la tierce guerre Césariane. » Cet ouvrage, de format in-8°, avait été imprimé à Lyon par Sébast. Gryphius en 1542 (v. st.) (35).
Le poète Joachim du Bellay, cousin de Guillaume, traversant Saint-Symphorien quelques années plus tard, rima sur la mort du « grand Langey » deux sonnets, dont voici le premier :
D'un songe qu'il feit en passant à S. Saphorin.
Triste et rongé du soing qui plus me nuict,
Pour le regret qui m'englace et m'allume,
Je retournois, sur l'hostelière plume,
Mes membres las sous l'horreur de la nuict.
Quand le courrier, qui les umbres conduict,
Devant mes yeux qu'en pleurant je consume,
Feit apparoir, plus grand que de coustume,
Ce grand Langé qui par les astres luict.
Lors effroyé de voir telle merveille, T
out tressuant en sursaut je m'esveille.
Ha (dy-je lors) voicy le mesme lieu
Où de l'Ange l'esprit inimitable,
Esprit sur tous à Charles (36) redoutable,
Laissa le Roy pour s'en aller à Dieu (37).
A ce sonnet médiocre, nous préférons les neuf vers suivants d'un autre auteur, Charles Fontaine :
De la mort de Monsieur de Langey.
Phebus et Mars, l'un beau, l'autre puissant, Avoyent laissé et la harpe et la lance,
Voyant Langey, hélas, trop languissant
En son corps plein de grâce et d'excellence.
Puis quand la mort le mit en deffaillance,
Incontinent harpe et lance ont reprins,
Non pour joüer et user de vaillance,
Mais pour les rompre en très grand desplaisance,
D'aspre regret surmontez et surprins (38).
LE TOMBEAU DE GUILLAUME DU BELLAY A LA CATHÉDRALE DU MANS.
Quatorze ans après la mort de Langey, ses deux frères, Jean et Martin, lui firent élever, dans la chapelle du chevet de la cathédrale du Mans, chapelle dite de la Vierge, et où son corps avait été déposé, un splendide tombeau de 6m 60 de hauteur, auquel travaillèrent, on peut le supposer, les artistes français et italiens les plus renommés de l'époque.
Une longue inscription latine occupait la partie centrale du monument (39). Mutilé à la Révolution, les restes en furent replacés, après 1810, au dos d'un pilier de la chapelle des fonts baptismaux, où l'on peut encore les voir aujourd'hui (40).
On remarque sur ce mausolée l'épitaphe suivante, attribuée à Clément Marot, mort à Turin en 1544 :
Arreste toy, lisant ;
Cy dessoubz est gisant,
Dont le cueur dolent j'ay,
Ce renommé Langey
Qui son pareil n'eust pas ;
Et duquel au trespas
Gectèrent pleurs et larmes
Les lettres et les armes.
Les deux vers suivants d'une autre inscription funéraire évoquent absolument la même pensée :
Cy-gist Langey, qui de plume et d'épée
A surmonté Cicéron et Pompée.
Aujourd'hui encore, on croit voir le génie païen de la Renaissance palpiter et frémir à travers le marbre de ce splendide tombeau resté on partie debout, et qui demeure toujours la plus belle des oeuvres d'art de la cathédrale, malgré les mutilations qu'il a reçues dans les déplacements de tout genre qu'il a subis avant de venir échouer dans la chapelle qui l'abrite aujourd'hui, tout en écartant des yeux de la foule la troupe nue et folâtre de ses tritons et de ses néréides.
Il est regrettable qu'aucune étude n'ait été écrite sur cette oeuvre importante ; il serait curieux de savoir si elle émane tout entière d'un ciseau français, ou si une partie n'a pas été envoyée d'Italie par le cardinal du Bellay. — Dans le Maine, la tradition l'attribue à Germain Pilon. —
Le cardinal du Bellay, qui protégea Germain Pilon, Philibert Delorme, et dont le musée à Rome était rempli de tant de chefs-d'oeuvre, était un véritable connaisseur en fait d'art et dut s'adresser aux grands artistes de l'époque pour élever à son frère un monument digne de lui.
Il n'alla toutefois en Italie, pour y demeurer, que quatre ans après la mort de Langey ; mais ce fut en 1557 seulement que le tombeau fut prêt à être placé dans la cathédrale du Mans (41).
Dans le fascicule in-folio formant la troisième livraison du troisième volume de la Renaissance en France, M. Léon Palustre, directeur honoraire de la Société française d'archéologie, démolit plus d'une tradition hasardée.
A propos de la fière statue de Langey du Bellay qui se dresse encore sur le tombeau élevé par l'amitié pieuse de son frère le cardinal du Bellay, le protecteur des lettrés du temps, on ne devra plus évoquer le nom du sculpteur Germain Pilon, malgré ses attaches mancelles.
Toutefois, tout en rendant justice aux artistes français, M. Palustre ne se départ point d'une stricte impartialité envers les oeuvres des étrangers. Ainsi, pour lui, l'Italie peut revendiquer dans le tombeau de Langey les trophées et le sarcophage de marbre blanc sur lequel se déroule un combat de tritons et de monstres marins qui luttent sur l'élément liquide en l'honneur d'une belle, comme autrefois les preux du moyen âge sur l'arène d'un tournoi.
Parmi les vingt et une gravures de l'ouvrage concernant le Maine, et dues au talent de M. Sadoux, l'aquafortiste hors ligne, le tombeau de Guillaume de Langey occupe le n° 3 des planches hors texte, et la première des gravures sur métal dans le texte reproduit l'ancien état du tombeau de Langey (42).
A son tour, dans le tome IV (1903) do la Revue de la Renaissance, M. Léon Séché, directeur, sous la rubrique « L'intermédiaire des amis du XVIe siècle », pose, à la page 314, cette question, qui prouve que « adhuc sub judice lis est » :
« Quelque érudit pourrait-il nous dire de quel sculpteur est le mausolée que le cardinal du Bellay fit ériger à son frère Guillaume, seigneur de Langey, dans la cathédrale du Mans ? Est-ce une oeuvre italienne ou française, ou fut-elle exécutée à Rome, sous les yeux du cardinal, par un des artistes français qu'il traînait à sa suite? M. Arthur Heulard incline à croire que ce mausolée est de Germain Pilon, mais ce n'est qu'une supposition purement gratuite. »
Le numéro suivant de la Revue (t. V, janvier-février 1904, p. 46) publiait les lignes suivantes : « En réponse à la question que nous avons posée dans le dernier numéro de la Revue, notre collaborateur M. V.-L. Bourrilly, qui prépare en ce moment une thèse sur Guillaume Langey du Bellay, nous écrit qu'il a fait un certain nombre de recherches en vue de découvrir l'artiste auquel on peut attribuer le tombeau du grand capitaine, et qu'il est arrivé à cette conviction que le gisant, c'est-à-dire la statue de Langey, doit être l'oeuvre d'un Manceau nomme Noël Huet, le même probablement qui a travaillé au jubé de l'église des Jacobins du Mans. »
En 1905, M. Henri Chardon, maire de Marolles-les-Braux, a publié à Paris, chez Champion, un in-8° de vingt-trois pages sur l'Auteur du tombeau de Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, à la cathédrale du Mans, avec une gravure du dit tombeau. Il incline également pour l'attribution à Noël Huet, s'appuyant pour cela sur une lettre d'Ysabelle Chenu, veuve de Martin du Bellay, à son beau-frère le cardinal.
Mais voici une attribution nouvelle et probablement définitive.
Un compte-rendu sommaire de la séance du 8 février 1911 de la Société nationale des Antiquaires de France nous dit : « M. Roy apporte de nouvelles notes sur Pierre Bontemps, le sculpteur célèbre du XVIe siècle. Il signale une cheminée commandée à l'artiste, en 1556, pour le château de Fontainebleau par Philibert Delorme, qui confie en la même année au même artiste la statue de François Ier pour la grande salle du Palais de Justice de Paris. Il lui attribue également, d'après les marchés, la statue du Louvre de Charles de Maigny et le tombeau de Guillaume du Bellay (43). »
Voici les armes dont le fameux tombeau est décoré : « D'argent à la bande fuselée de gueules, accompagnée de six fleurs de lis d'azur, mises en orle, trois en chef et trois en pointe, qui est du Bellay ; écartelé de Beaumont-leVicomte, qui est d'azur au lion d'or semé de fleurs de lis de même, et sur le tout de Vendôme l'ancien, qui est d'argent, au chef de gueules, au lion d'azur brochant sur le tout, armé, lampassé et couronné d'or. »
Ce ne sont pas là les armes primitives de la famille du Bellay ; mais elles furent écartelées des armoiries de Beaumont, complétées de celles de Vendôme en coeur, à la suite d'alliances avec ces illustres maisons. — De même, sous le seigneur suivant de Langey, Martin du Bellay, elles seront de nouveau modifiées à l'occasion de son mariage avec la princesse d'Yvetot, Isabeau Chenu.
On a cru, mais à tort, retrouver les restes mortels de Guillaume en octobre 1862, époque où l'on exhuma, à l'entrée du choeur de la cathédrale du Mans, un sarcophage qui se trouvait à un mètre de profondeur sous le dallage.
Le cercueil de plomb ayant été ouvert, on fut frappé de la ressemblance de la figure bien conservée, avec celle que présente la statue du mausolée de Guillaume du Bellay : cheveux blonds, barbe et moustaches rouges, visage long, distingué ; nez saillant et fortement aquilin ; cinquante à cinquante-cinq ans.
Les plus fortes présomptions établissaient, croyait-on, que le corps renfermé dans ce sarcophage, déposé sans doute en cet endroit à la Révolution, était celui de Guillaume du Bellay, seigneur de Langey.
Mais l'on s'était mépris ; ce corps momifié, ramené au jour, ne peut être que celui d'un des membres de la famille du cardinal Philippe de Luxembourg, évêque du Mans, qui furent inhumés en cet endroit.
La dépouille mortelle de l'ancien gouverneur du Piémont, seigneur de Langey, repose encore, selon toute apparence, sous le dallage actuel de la chapelle du chevet, où le monument élevé à sa mémoire avait d'abord été édifié.
Dans son Essai d'iconographie mancelle, M. A. Mautouchet indique comme suit les gravures relatives au portrait et au tombeau de Guillaume du Bellay :
1° Portrait.
In-4°, buste de face, par Stuerhelt.
Par Léonard Gaultier, dans la Chronologie collée.
In-fol., dans Thevet : Les vrais portraits des hommes illustres. (L'auteur fait remarquer, — à tort selon nous, — qu'il doit y avoir erreur dans la désignation ; ce portrait, prétend-il, ne ressemblant pas à Guillaume, mais à Martin du Bellay.)
In-4°, buste dirigé à droite, galerie de Versailles.
In-8°, en pied, Massard del...
2° Tombeau.
In-8°, par Pelletier, lith. Monnuyer.
In-8°, par Pelletier, lith. Duperray.
In-8°, similigravure, non signée, dans la Revue du Perche.
Dans le Magasin pittoresque ; — les Monuments d'art de la ville du Mans, par L. Palustre, dessin de Letrone ; — la Renaissance en France (Maine), par L. Palustre, in-fol., eau-forte de E. Sadoux ; — l'Art, du 1er septembre 1893, in-fol., deux dessins de L. Le Révérend, reproduisant l'état ancien et l'état actuel du monument, avec texte par J. du Noyer de Segonzae, archiviste de la Sarthe (Revue du Maine, t. XXXVI, p. 254 et suiv.). La statue de Guillaume y est reproduite d'après les Monuments d'art de la ville du Mans, par L. Palustre, Gazelle des BeauxArts, 2e période, t. XXXIII.
Dans la Reçue de la Renaissance (1886, t. I, p. 304), par Léon Séché.
Dans la Cathédrale du Mans, par les abbés Ledru et Fleury.
Dans l'Auteur du tombeau de Guillaume du Bellay à la cathédrale du Mans, par Henri Chardon.
3° Médailles.
Dans l'ouvrage précédent, l'auteur écrit en note, p. 13 : « M. Bourrilly, — dans sa thèse sur Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, — traite plus complètement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici, et que ne l'avait fait même Hennin dans ses Monuments de l'ancienne France, l'iconographie de Guillaume du Bellay.
Qu'il me permette cependant de lui signaler une omission : il n'a pas mentionné la médaille représentant G. du Bellay en buste de trois quarts, coiffé d'un chapeau plat. (V. N. 443. Van Naeris, Histor. der Nederlandsche Vesten. La Haye, 1732.) Cette médaille est citée dans l'ouvrage d'Armand, Les médailleurs, t. II, 1891,2e édition. »
Nous avons rencontré dans le Catalogue des sceaux-matrices de la vente Charvet, 1883, p. 111, la description suivante d'un sceau qui semble être celui de Guillaume du Bellay :
S. GVILLERMI DE BBLLEYO.
En minuscules du XVe siècle. Écu penché sous un casque orné de deux tètes de coq. Argent. Diamètre : 0m033. Charnière découpée.
Plusieurs faits regrettables viennent malheureusement jeter quelques taches sur la gloire pourtant si éclatante de notre héros, gloire que nous nous sommes plu jusqu'ici à mettre le mieux possible en relief. Mais, dans notre impartialité, nous ne pouvons nous empêcher de faire les deux remarques suivantes, que nous jugeons défavorables au seigneur de Langey et qui ternissent partiellement sa bonne renommée.
La première, c'est qu'il fut, comme s'exprime Bayle, un des principaux ressorts qui poussèrent quelques universités de France à opiner selon les passions d'Henri VIII, roi d'Angleterre, lorsque ce prince voulut se défaire de sa femme légitime, Catherine d'Aragon, pour épouser Anne Boleyn.
La seconde, c'est qu'il fut l'un des premiers qui révoquèrent en doute le merveilleux de l'histoire de Jeanne d'Arc (44). Il ne vit dans la Pucelle que l'objet d'un stratagème de la Cour (15) et réduisit le rôle de Jeanne d'Arc à celui d'un simple expédient inventé par le parti français aux abois. Un autre écrivain de la Renaissance, du Haillan, soutint aussi la même thèse (46).
GUILLAUME LITTÉRATEUR
Guillaume du Bellay, au milieu d'une carrière remplie par une participation des plus actives à tous les événements politiques et militaires de son temps, conserva un goût si vif pour les lettres qu'il leur consacra tous les instants de loisir que lui laissaient les fatigues de la guerre et les préoccupations de la diplomatie.
L'étude qu'il avait faite de l'antiquité lui avait démontré l'insuffisance de ce qui avait été écrit jusqu'alors sur notre histoire nationale, et il entreprit de remédier à cet état de choses. Son intention, en cela, était de suivre l'exemple des nombreux personnages de l'antiquité qu'il cite, et, parmi les modernes, celui de Froissart, de Monstrelet, de Comines.
Il raconte ainsi comment lui vint l'idée de ce projet : « Après mon adolescence et ma première jeunesse que je commençai à suivre les armes, ainsi qu'est la coutume et ordinaire voccation de la noblesse de France, et par laquelle mes progéniteurs et ancestres, au temps passé, sont parvenus en réputation et hault degrez, n'ay point estimé faire chose indigne et malséante à l'état de noblesse (encore que je sache l'opinion d'aucuns estre contraire) quand je m'appliqueroy à une étude auquel non-seulement se soyent employez tant de grands et notables personnages dessus nommez... et pour ce me suis-je délecté souvent, pour en aucunes manières laisser mémoire des choses de mon temps advenuez, à en escrire dyalogues, épigrammes, élégies, sylves, espitres et panégyriques, selon que la matiere subjecte étoit à l'une ou à l'autre forme d'escrire, à mon jugement, plus convenable et propice, sans espargner peines, voyages ne depens, pour retirer de divers lieux ce qui fesoit à m'esclarcir la chose dont je vouloye escrire. »
Langey avait d'abord essayé, en remuant, comme il le dit, titres, livres, chartes, épitaphes, fondations et autres choses antiques, d'écrire une Histoire des origines de la Gaule et de la France, qu'il ne désespérait pas de pouvoir donner un jour au public, avec un vocabulaire par ordre alphabétique des provinces, cités, villes, châteaux, montagnes, vallées, forêts et rivières du royaume, contenant la situation et la description des lieux, avec la mention des faits mémorables.
Il avait aussi écrit un recueil de ces faits, à l'imitation de Valère le Grand, et, à l'exemple de Plutarque, un parallèle de plusieurs rois, princes et capitaines français, avec des personnages de l'antiquité.
Plus tard, lorsque son séjour et ses relations à la Cour lui eurent procuré la connaissance particulière des événements de son temps, de leurs causes et de leurs conséquences, il en écrivit l'histoire qu'il intitula Ogdoades, parce qu'elle était divisée en huit parties, subdivisées chacune en huit livres. Il était mieux préparé qu'aucun autre pour entreprendre et mener à bonne fin une oeuvre semblable, car, comme il le dit lui-même, il fut présent à presque toutes les guerres tant sur terre que sur mer, et la position et les charges qu'il occupait l'avaient mis à même d'en connaître les causes, le but et les moyens, presque aussi bien de la part des ennemis que de celle des Français. Voilà pourquoi il lui sembla qu'il ne pouvait mieux employer ses loisirs, durant le repos des armes, qu'à coordonner ses notes et ses souvenirs, et à faciliter par là le travail des historiens futurs.
Il avait d'abord mis en tête de ses Mémoires, qui commençaient à l'adolescence de François Ier, son Abrégé de l'origine des Gaules et de la fusion des Gaulois et des Français. Il le supprima ensuite sur l'observation de quelques amis à qui il semblait étranger à son sujet. Quoique ce sentiment ne fût pas le sien, il s'y rangea cependant, parce qu'il ne faisait qu'un exposé sommaire des faits, sans aucune citation des sources à l'appui, et qu'il se voyait placé entre ce double écueil ou de voir quelques-unes de ses assertions contestées, ou de citer tous les auteurs dont la nomenclature serait plus longue que la narration. Mais, pour éviter les digressions qui ralentissent le récit, il avait composé une Ogdoade préliminaire où il traitait de la géographie, des lois, des moeurs, des institutions, des origines et de la fusion des Gaulois et des Français (A. de Trémault, dans les Bull. de la Soc. archéol. du Vendômois).
Un mot maintenant du style de Guillaume d'après les fragments qui nous restent de ses oeuvres. L'auteur lui-même nous dit qu'il n'a pas la prétention que sa manière d'écrire soif irréprochable, car la perfection en ce genre demande une. étude longue et persévérante que les occupations de sa vie active ne lui ont pas permis de faire, son but étant simplement de préparer aux écrivains qui viendront après lui des documents véridiques et sincères.
Le style de Langey, en effet, est naïf. Ainsi, par exemple, en parlant de la magnificence qu'étalèrent les courtisans à l'entrevue du Drap d'or, en 1520, il dit que « leur dépense fut telle que plusieurs y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prés sur leurs épaules. » De plus, la manière circonstanciée dont les faits sont rapportés, les opinions émises dans le conseil, des harangues et des discours entiers intercalés dans le récit à la manière des anciens, en ralentissent la marche, ainsi que de nombreux détails, qui n'offriraient aujourd'hui d'intérêt qu'au point de vue d'une étude purement historique, mais qui rentrent pleinement dans le système suivant lequel Langey concevait que l'histoire doit être écrite, système qu'il expose luimême dans le Prologue de ses Ogdoades.
Pour lui, en effet, l'histoire est autre chose que le sec enregistrement des faits, propre à la chronique. Il ne suffit pas de dire : « Cecy fut fait, cela fut fait ; » il faut encore montrer par qui, par quel moyen, pour quelle cause, dans quel but. Et il regrettait vivement que cette méthode n'eût pas été appliquée aux événements du temps passé.
Faisons remarquer en passant que Langey, — ainsi qu'il se nomme, — parle toujours de lui à la troisième personne, comme si c'était un autre que lui qui fît la narration.
On n'a plus que des fragments de cette oeuvre volumineuse, la majeure partie en ayant été perdue au moment de sa mort. Ses papiers et ses manuscrits, qu'il rapportait dans ses bagages, furent alors égarés ou dérobés. Malgré tous les soins et toutes les peines que se donna plus tard son frère Martin pour les rassembler, il ne se trouva, dans ce qu'il put en recueillir, que trois livres de la cinquième Ogdoade. Le chagrin que ce dernier éprouva de cette perte lui fît concevoir, comme il le raconte lui-même, le projet de combler autant que possible ces lacunes, en écrivant à son tour des Mémoires. Le tout fut imprimé pour la première fois à Paris, en 1569, par les soins de René du Bellay, gendre de Martin.
Voici ce que dit L. Merlet, dans sa Bibliothèque chartraine, au sujet des OEuvres de Guillaume du Bellay :
Guillaume avait cru devoir faire de la première partie de son Histoire un opuscule séparé, qui parut sous ce titre : Épitomé de l'antiquité des Gaules et de la France, avec une préface sur toute son histoire. Paris, Sertenas, 1556, in-4°. Il fut réimprimé en 1587 sous le même format, à Paris, chez Marnef.
Cet ouvrage est divisé en quatre livres. L'auteur fait descendre les Gaulois de Samothès, fils aîné de Japhet, et les Français du mélange des Troyens, échappés à la ruine de leur ville, avec les Gaulois, qui étaient allés au secours de Troie. — A la suite se trouvent trois autres Mémoires du seigneur de Langey : 1° « Translation faite (d'une oraison) en la faveur du roi Jean de Hongrie de la guerre contre le Turc » ; — 2° « Translation d'une lettre escrite à un Allemant sur les querelles et différens d'entre Charles Ve et François, 1er de ce nom » ; — 3° « Translation des lettres escrites par le tres-chrestien roy de France François, 1er de ce nom, aux princes, villes et Estats d'Allemagne ».
Indépendamment de ces Mémoires, la Bibliothèque nationale (fonds Baluze et Dupuy) conserve un grand nombre de missives de Guillaume de Langey relatives à ses diverses ambassades. Plusieurs ont été publiées avec les Mémoires de Martin du Bellay, son frère. — Dans le Sac de Rome en 1521, Léon Dorez a publié en Appendice, entre autres, les lettres de Guillaume du Bellay à l'amiral de Chabot ; ce sont des documents inédits de premier ordre, par lui trouvés dans le fonds Dupuy dont nous venons de parler.
On possède encore de Guillaume du Bellay des poésies latines et françaises, écrites dans le style diffus de l'époque et peu estimées.
Dès sa prime jeunesse, il avait publié un poème, prémices de son petit esprit, « ingenioli primitiae », comme il dit lui-même dans la dédicace à Louis de Bourbon ; ce poème est intitulé : Peregrinatio humana. Item de beatae Virginis Mariae nativitate Elegia, etc.. Paris, Gilles de Gourmont, in-4°.
Guillaume est encore l'auteur d'un autre ouvrage intitulé : Discipline militaire. Au tome V, p. 246, des Mémoires de la Société archéologique d'Eure-etLoir, on trouve une note ainsi conçue : « Voyez Langey, Discipline militaire, liv. III, chap. VIII », et ce à propos du siège de Chartres par Henri IV, qu'on disait devoir entrer dans la ville par des souterrains secrets communiquant de Saint-Jean-en-Vallée dans l'intérieur de la cité, par-dessous les fossés et les remparts.
La citation faite précédemment et concernant l'ordre dispersé appartient sans doute au même ouvrage.
Guillaume du Bellay avait épousé, par l'entremise de son frère Jean, le cardinal, Anne de Créquy, dame de Pondormy.
Les parents de cette demoiselle, encore que leur volonté n'y fût bonne, avaient d'autres projets, et Jean, qui savait que leur héritière était argentée et qu'il s'en fallait de près de 6,000 écus de rente, sans compter la différence quant aux qualités des personnages, que le concurrent de Langey fût à sa hauteur, Jean, disons-nous, s'employa de toutes ses forces à hâter la conclusion de ce mariage, auquel il intéressa Montmorency.
Mme de Langey mourut à Turin en 1541, sans laisser d'enfants.
Un service funèbre fut célébré pour le repos de son âme dans l'église cathédrale du Mans, dont son beau-frère René du Bellay était évêque.
Un passage du testament de Guillaume montre la préoccupation qu'il avait de ne point laisser sortir son avoir du sein de sa famille.
Il ne légua, en effet, la plus grande partie de ses biens à son frère Martin qu'à la condition de les conserver sans division et de les transmettre lui-même, après son trépas, à son fils aîné, et conséquemment d'aîné en aîné. A défaut de fils (ce qui était justement le cas pour Martin, qui n'avait encore et ne devait avoir que des filles), la succession devait être dévolue à la fille ayant épousé un gentilhomme portant le nom et les armes de la famille. C'est précisément ce qui arriva, comme nous le verrons plus loin, pour Marie du Bellay, fille aînée de Martin, qui épousa, l'année d'avant la mort de son père, son cousin René du Bellay, fils de Jacques, seigneur du Bellay et baron de Thouarcé (47).
Société dunoise d'archéologie, histoire, sciences et arts.
Le Vieux Saint-Maur
(1) Jean d'Angennes, seigneur de Rambouillet et Maintenon, avait épousé Philippe du Bellay, fille de Jean et de Jeanne Logé et, par conséquent, soeur de Louis.
(2) Claude Rabet, poète chartrain du XVe siècle, dans son « Hymne triomphal de Chartres », composé en 1559 et dont le manuscrit est à la Bibl. nat., Supplément français, n° 804. Passage cité dans les Mém. de la Soc. arch. d'Eure-et-Loir, t.. III, p. 73, par E. de Lépinois.
(3) Revue du Maine, t. XVI, p. 363, note.
(4) Denis Lefèvre (1488-1538), d'origine vendômoise, fut précepteur de Guillaume du Bellay. Il professa vers le commencement du XVIe siècle à l'Université de Paris et eut une assez grande réputation. Puis il renonça au monde et prit l'habit religieux dans l'ordre des Célestins (Bull. de la Soc. arch. du Vendômois, 1902, p. 102, note).
(5) Le tome III de l'Histoire littéraire du Maine, par M. Hauréau, contient des notices assez étendues sur les quatre frères Guillaume, Martin, Jean et René du Bellay. — L. Merlet, dans sa Bibliothèque chartraine, publiée dans les Mém. de la Soc. arch. de l'Orléanais, a un article sur Guillaume du Bellay (t. XIX, p. 246-248). — M. de Rochambeau, dans sa Biographie vendômoise, t. I, a publié une étude sur Guillaume du Bellay, cet homme illustre que l'on n'apprécie pas assez ». — M. Aug. de Trémault a écrit un article sur les Mémoires de Guillaume et de Martin du Bellay dans les Bull. de la Soc. arch. du Vendômois (t. XXIX, p. 161-173). — Dans les mêmes Bulletins (t. XXXV, p. 62-89), M. l'abbé Blanchard, curé de Souday, a savamment parlé de Guillaume du Bellay, né sur sa paroisse. — Dans la Revue de la Renaissance, t. I, M. Léon Séché a donné sur ce même personnage quelques détails inédits. — En août 1901, dans la Revue du Lyonnais, M. le chanoine Reure a rappelé, au sujet de la mort de Guillaume du Bellay, quelques témoignages du temps. — Plus récemment, M. V.-L. Bourrilly, professeur d'histoire au lycée de Toulon, a publié à la Société nouvelle de librairie et d'édition, 17, rue Cujas, Paris, deux volumes in-8° : Guillaume du Bellay, seigneur de Langey (14911543), et Fragments de la première Ogdoade, du même, avec une introduction et des notes qui forment la thèse que M. Bourrilly a passée au mois de décembre 1904 devant la Faculté des Lettres de Paris. Il nous faut relater les incidents qui se sont passés à cette occasion.
« J'ai assisté, — dit M. Léon Séché, — à la soutenance de cette thèse, qui m'intéressait d'autant plus que Langey du Bellay n'avait encore été l'objet d'aucune étude particulière, d'aucun travail d'ensemble, et si j'ai admiré la science profonde de M. Bourrilly, j'ai souffert de l'ignorance dont, à différentes reprises, les examinateurs ont donné des preuves non douteuses. Je ne veux nommer personne, mais nous étions bien une demi-douzaine dans la salle, que le président a scandalisés par ses observations saugrenues. On aurait dit qu'il n'avait jamais entendu parler de Langey ni de ses frères. Chaque fois que M. Bourrilly mettait en valeur ses vertus, ses talents, ses services, il criait à l'exagération. Pour lui, l'ancien vice-roi du Piémont ne fut qu'un homme de deuxième ordre et, qui fut à peine suffisant dans les différentes charges qu'il remplit. A l'entendre, tous les ambassadeurs du temps le valaient, lui et son frère le cardinal... Heureusement que l'opinion de ce singulier président de Faculté n'a été prise au sérieux par personne, et qu'il suffit de lire le beau livre de M. Bourrilly pour qu'elle soif condamnée... » (Revue de la Renaissance, t. VI (1905), p. 60-61).
(6) Acte donné à Saint-Germain-en-Laye le 4 juin 1531 (Pâques, 9 avril). Arch. nat., Acquits sur l'Épargne, J. 960, n° 22 (Bull. de la Soc. arch. de l'Orléanais, t. XII, p. 698).
(7) N° 313 de la collection Benjamin Fillon, vente les 16 et. 17 février 1877. Paris, Etienne Charavay.
(8) N° 72 d'une collection de lettres autographes et do pièces historiques provenant d'un amateur anglais ; vente le 26 février 1887. Paris, Eug. Charavay.
(9) Ce lieu est appelé ailleurs fief de Trou ou masure Saint-Georges.
(10) Hameau de Cloyes aujourd'hui disparu et qui était situé en dehors de la porte Dunoise.
(11) Bouffry, commune du canton de Droué (Loir-et-Cher).
(12) Bouville, ancienne seigneurie, à Cloyes.
(13) Boisganier, ancienne seigneurie de la commune de Montigny-le-Gannelon.
(14) « Il fit pendant neuf ans de très longs séjours à Saint-Maur, où il écrivit vraisemblablement une partie de son Pantagruel. C'est peut-être dans une tour encore existante qu'il travailla. La description de son abbaye de Thélème semble s adapter aux bâtiments et aux environs de celle de Saint-Maur. Dans cette description. Rabelais a eu sous les yeux le paysage et les murs d'enceinte de l'Abbaye de Saint-Maur.
(Galtier, Hist. S.M. p. 109). Autant d'assrtions, autant d'erreurs, que nous regrettons de relever chez notre distingué fondateur. Amiens Philo, sed magis arnica ventas.
(15) Cf. éd. Marty-Laveaux III, p. 348-351 et art. de Jacques Boulenger : La « Suppli" catios pro Apostasia » dans Rev. Et. Rabelais II, 1904, p. 110.
(16) « Citra adustionem et incisionem, pietatis intuitu ac sine spe lucri vel quaestus. »
(17) Cela ne fait aucun doute, quelque réserve que fasse là-dessus M. Galtier «. s'il est vrai que Jean du Bellay y ait même songé un moment ». On sait qu'un acte fut dressé par la Curie Romaine, écrit par Jean de la Motte, contresigné par Fr. Brébard, secrétaire du Cardinal et Jean Rigaud, scellé de Pierre de Rotz. C'est la Supplicatio Rabelaesi qui nous apprend que l'auteur de Gargantua fut au nombre de ces « canonici ».
Voir Antoine du Verdier, Prosopographie ou description des hommes illustres, Lyon, 1604, in-fol., t. III.. p. 2453 ; reproduit dans éd. de Marty-Laveaux, t. III, p 336-339.
Voir sur toute cette question H. Clouzot : Saint-Maur paradis de salubrité, Rev. Et. Rabelais, t. VII, 1909, p. 259-284.
(18) Expression que cite M. Galtier qui ajoute : « Ne s'expliquerait-elle pas par son ressentiment à la suite d'un tel échec ? ». Il y a de sa part erreur sur la date puisque Gargantua est antérieur de plus d'un an à l'arrivée de Rabelais à Saint-Maur. Quant à l'échec» (?), ce serait le fait que Rabelais n'aurait pu être nommé chanoine à cause de lJ'opposition des autres membres du chapitre : la liste des prébendiers ne porte pas mention de son nom, dans le compte des émoluments pour l'année 1537 (Arch. Nat.. LL 74). Cf. E. Galtier, Union Régionale de Nogent et Saint-Maur, 25 juillet 1919 et H. Clouzot. Revue du XVIe siècle, t. XVI, 1919, p. 280-1. Cette liste porte les mêmes noms que ceux du procès-verbal d'installation, relevés par l'ahbé Lebœuf (Hist. de la ville et du diocèse de Paris, éd. Bournon. 1883. in-8°, t. II, p. 433 et suiv.), celui de Rabelais excepté, qui est remplacé par un nommé Jehan Galle.
(19) Cela ressort avec évidence de la comparaison entre l'état de choses de 1533 « decanatus loco dignitatis abbatialis et cantoria atque octo canonicatus et totidem praebendae, procanonicis octo (sic in bulla) » - (Gallia Christiana, t. VII. col. 301 ; cf. Arch.
Nat. L 454 n° 22) et d'autre part en 1536 (même référ.) : « Novem sunt canonicatus et decem praebendae, duae videlicet pro cantore».
(20) Ce testament a été publié in-extenso par M. l'abbé Pointeau dans les Procès-verbaux et documents de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, t. II, p. 175-224, dans un travail intitulé : L'héritage des du Bellay.
Nous le reproduisons aux Pièces justificatives, n° 10. — A la suite, l'auteur a analysé vingt-cinq pièces relatives à un procès auquel donna lieu la succession du cardinal, frère de Guillaume. Tous ces documents ont été tirés des archives du château de Goué (Revue du Maine, t. XVIII, p. 470).
Guillaume Du Bellay, dans son testament, n'oublia aucun de ceux qui entouraient son lit de mort : Il légua une rente annuelle de cinquante livres tournois à Rabelais, laquelle lui serait payée, tant qu'il n'aurait pas en bénéfices un revenu de trois cents livres au moins.
Ce legs nous apprend qu'une prébende de chanoine n'était guère productive au couvent de Saint-Maur des Fossés, ou bien que» Rabelais ne touchait pas le revenu de la sienne.
Tout nous porte à croire que l'évêque du Mans, René Du Bellay, sans doute pour remplir le voeu de son frère Guillaume, conféra une cure de son diocèse à Rabelais, qui s'y faisait remplacer par un coadjuteur, et qui en avait les produits, sans être obligé à résidence et même sans porter le titre de curé. C'est la paroisse de Saint-Christophe de Jambet, que Rabelais tenait ainsi en fermage.
Après la mort de Guillaume Du Bellay, maître François entretenait des relations amicales avec les gentilshommes qu'il avait connus dans la maison du défunt, et à qui peut-être il dicta cette belle épitaphe pour le grand homme qu'ils pleuraient ensemble :
Ci-gît Langey, dont la plume et l'épée Ont surmonté Cicéron et Pompée.
Le seigneur de Saint-Ay paraît être un de ceux que Rabelais voyait le plus intimenent.
On croit que le château de Saint-Ay, près d'Orléans, recevait souvent ce joyeux hôte qui savait se faire partout des amis, par cette intarissable gaîté et cette franchise cordiale, qu'il puisait dans son pantagruélisme.
(21) 1543, nouveau style.
(22) Saint-Symphorien-de-Lay (Loire).
(23) Mémoires de messire Martin du Bellay. Paris, Pierre L'Huilier, 1569, in-fol., liv. IX, p. 295.
(24) D'après le Chanoine Reure, dans la Revue du Lyonnais, août 1901.
(25) Liv. IV, chap. XXVII, édition Jacob.
(26) Abel Desjardins, Négociations de la France avec la Toscane, t. III, p. 40.
(27) Léon Strozzi.
(28) Rabelais fait ici erreur d'un jour.
(29) Voir Pièces justificatives, n° 11.
(30) Pantagruel, liv. III, chap. XXI.
(31) Voir Heulhard, Rabelais, ses voyages, etc. Paris, 1891, gr. in-8°, p. 170 et suiv.
(32) D'après les recherches de M. Henri Clouzot, parues dans le Revue des Études rabelaisiennes (3e année, 2e fascicule. Paris, 1905) et consignées dans un très curieux mémoire intitulé : Les amitiés de Rabelais en Orléanais, le seigneur de Saint-Ay au service de Guillaume du Bellay, sire de Langeais, et ami et amphitryon de Rabelais, était un Lorens, alias Laurens, probablement Orson, fils d'Etienne. Mais ce n'était là qu'une solution approximative. — Depuis la publication de cette étude, M. Jacques Soyer a donné au problème de l'identification du seigneur de Saint-Ay ou Saint-Ayl une solution d'une certitude absolue. Il s'agit, — comme ici d'ailleurs, — d'Etienne Lorens, qu'il a trouvé, dans un acte de vente du 21 mars 1541 (1542, n. st.), qualifié d' « écuyer, homme d'armes de la compagnie du seigneur de Langeais et capitaine du château de Turin ») Bull. de la Soc. arch.de l'Orléanais, t. XIV, p. 208-210).
(33) Cette lettre sans date, mais qui a été évidemment écrite au commencement de février 1543, nous est fournie par le n° 86, p. 87, de la bibl. de la Faculté de médecine de Montpellier, qui possède la correspondance des frères du Bellay (Revue du Maine, t. VI, p. 228 et suiv.). (Renseignements pris à Montpellier, la référence indiquée est fautive.)
(34) Revue du Maine, t. LXV, p. 176.
(35) Voir Pièces justificatives, n° 12.
(36) Charles-Quint, qui, en apprenant la mort de Guillaume du Bellay, s'écria : « Col homme, à lui seul, m'a fait plus de mal que tous les Français ensemble », témoignage non suspect d'un adversaire acharné et que pouvait seule lui arracher l'éclatante vérité.
(37) Les oeuvres françaises de Joachim du Bellay. Paris, Fédéric Morel, 1573, 2 vol. petit in-8° (t. I, ff. 206 v° et 207).
(38) Les ruisseaux de Fontaine. Lyon, Thibauld Payen, 1555, in-8°, p. 121.
(39) Voir Pièces justificatives, n° 13.
(40) Dans le cours de l'année 1888, en vertu d'une décision du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, un mouleur fut envoyé de Paris à la cathédrale du Mans pour prendre le moulage du célèbre tombeau de Guillaume du Bellay. Ce moulage, destiné au musée de sculpture comparée du Trocadéro, y fut placé au milieu des plus beaux spécimens de l'architecture et de la sculpture française (Revue du Maine, t. XXIII, p. 335).
(41) Revue du Maine, t. VI, p. 232-233.
(42) Ibid., t. XXI, p. 236-238. — Le dessin du tombeau primitif de Guillaume du Bellay est conservé à la Bibliothèque nationale. Depuis Léon Palustre, la librairie do l'Art, rue de la Victoire, 41, à Paris, a reproduit ce mausolée dans son n° du 1er septembre 1893, — ainsi que M. Léon Séché, au t. IV (1903) de la Revue de la Renaissance, p. 315.
(43) Journal L'Univers du 22 février 1911.
(44) Biographie générale de Firmin Didot, 1854, t. V.
(45) Instructions sur le faict de la guerre. Paris, 1548, in-fol., p. 56. Cité dans la Revue du Maine, t. XXV, p. 260, note 4.
(46) La Croix, n° du 3 mai 1894. Supplément relatif à Jeanne d'Arc : Jeanne d'Arc et la libre pensée, 3e page, 1re colonne.
(47) Voir aux Pièces justificatives, n° 14, le compte-rendu du livre de M. Bourrilly sur Guillaume du Bellay.