Destruction du gibier de la forêt de Grasla commune des Brouzils en 1619
Il y avait autrefois des faisans dans les bois et les forêts du Bas-Poitou, non seulement en l'année 1199, époque à laquelle le seigneur de Veluire, confirmant divers domaines à l'abbaye de Moreilles, s'y réservait le droit de chasse exclusif leporum et fasianorum, mais encore au XVIIe siècle alors que l'emploi des armes à feu rendait la destruction de ce magnifique gibier beaucoup plus facile qu'au temps où l'on se servait de l'arc et de l'arbalète.
Avant 1619, la forêt de Grasla, commune des Brouzils, en contenait un très-grand nombre.
La permission accordée par le jeune duc de Thouars, Henri de la Trémoille, de détruire les sangliers qui ravageaient les récoltes des métairies voisines, eut de tristes conséquences pour tous les hôtes de la belle forêt dépendant de sa baronnie de Montaigu.
Les faisans ne furent pas plus respectés que les cerfs, biches et chevreuils. Nuit et jour, les arquebusades étaient si nombreuses et se succédaient avec une telle rapidité, que le gentilhomme chargé de la surveillance de la forêt, n'osait pas y entrer sans une nombreuse escorte, et comme s'il eut conduit un corps d'avant-garde dans un pays ennemi. M. de Puytesson était pénétré d'une profonde douleur à la vue d'excès qu'il ne pouvait réprimer.
Sa lettre à M. du Plessis du Bellay ancien- gouverneur du jeune duc de Thouars, le témoigne d'une manière non moins touchante qu'énergique. Elle prouve aussi que les délits contre le droit de chasse n'étaient pas prévenus et réprimés en Bas-Poitou avec une sévérité égale à celle exercée dans la plupart des anciennes provinces de la France. M. de Puytesson n'a pas daté sa missive, que nous imprimons avec l'orthographe de l'original (1).
Elle doit être peu antérieure à celle qu'il adressait le 11 mai 1619 a M. du Monceau, intendant de Monseigneur et de la duché de Thouars, dans laquelle on lit notamment :
« Il vous est facile de mander ce que le conseil de Monseigneur a résolu sur les actions que j'ay intantées contre les larons de la forest de Grasia. …Il m'est plus facile de voir les abus et malversations qui se cometent en ladite forest que de me travailler à les chicaner et y metre mon argent…. Si je ne say de vos nouvelles, voisi la dernière fois que le vous en escriprey. »
A Monsieur Du Plessis Bellay, capitenne en Hollande a Thouars.
Monsieur mon cousin, suivant ce que je vous ay dit, depuis que Mgr de la Trémouille, estant de dessa, permit verbalement à monsieur de la Violiere, de tirer aus sanglers dedans sa forest de Grasla, tout le monde s'est du depuis tellemant licensié d'y tirer que l'on n'y sauroit plus voir ny serfz, ny bisches, ny sanglers, ny chevreulz, ny faisans, dont il y avoit un très grand nombre, chose qui m'aporte un très grand deplaisir, veu la charge qu'il a pieu à feu Monseigneur (3) me donner d'avoir le soing d'enpescher ses debordemans, outre que seta a futé la forest.
Aucuns sergens n'osent aler en la forest, de creinte de recepvoir quelque arquebusade, comme l'on les en menase; et suis mesme contrainct, y alans, de mener nombre d'hommes avecque d armes avecques moy.
Il me semple qu'il seroit à propos, et vous prie le faire entendre à Monseigneur, qu'il m'escrive qu'il a esté adverty que plusieurs gens se licensioient de tirer dans sa forest de Grasla, dépandans de sa baronnie de Monthaigu, et que par se moien il ne s'i trouvoit plus ny fauve ny noir : pour a quoy obvier il révoque toutes permissions qu'il oroit données de chaser ne tirer de l'arquebus dedans laditte forest m'enjoignans d'informer contre seuls qui y chaseront tireront, et mesme qui feront veue aveques barbus dedans ladite forest.
Et moienant que j'ay une letre conceue en ses termes, je y donneray bon ordre.
Il y a aussi le procureur de Monthaigu, qui maintient ung laron, de l'Espine, dedans la forest, qui est cause qu'ils s'en vont tous perdus et encore que je les face prendre, ils sont tout ausi tost rendus (4); sans faire visiter le domage, ny mesme condamner les delinquans à l'amande.
Ledit procureur maintient ce laront soubz le non emprunté de Madame de Rohan, contre et au préjudice des droictz qui apartienent à Monseigneur de pouvoir seul créer et metre les officiers de la baronie.
Je vous prie faire quil luy en escrive, et m'envoier la lettre. Il ne la faudra que donner à monsieur Babaud, qui est mon procureur à Thouars, qui me la fera tenir seurement.
Et y a plusieurs autres malversations des quelles je fais informer, et dans peu de jours j'envoieray les informations au conseil de Monseigneur. Cepandant je vous baise humblement les meins, et vous prie soliciter ce que dessus.
Croiés que, à la vie et à la mort, je seray, monsieur mon cousin, Votre affectionné cousin et serviteur fidelle,
PUITESSON.
( Les pièces relatives aux arrondissements de Fontenay et des Sables, seront imprimées dans l'annuaire de 1859. ) PAUL MARCHEGAY
Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==.... ....==> Pierre Monnereau et le Prieuré du Brouzils dans la forêt de Grasla au fond du bocage vendéen.
(1) Chartrier de Thouars, choix de lettres-missives du XVIIe siécle.
(2) II avait combattu dans l'armée Hollandaise contre les Espagnols, et avait été nommé capitaine par le célèbre Maurice de Nassau, oncle du duc de la Trémoille.
(3) Claude de la Trémoille, père de Henri.
(4) Mis en liberté.