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PHystorique- Les Portes du Temps
1 septembre 2021

La Roche-Bertin, Histoire et fouilles archéologiques au château fort de Pierre Bertin, sénéchal du Poitou

La Roche-Bertin, Histoire et fouilles archéologiques au château fort de Pierre Bertin, sénéchal du Poitou

Une fouille non publiée est très vite une fouille oubliée. C'est la raison pour laquelle je publie, dans cette étude, les résultats des sondages archéologiques pratiqués sur le site de la forteresse médiévale de la Roche-Bertin, à Sainte-Soulle (2), de juin 1973 à octobre 1979. Cette étude est une première et simple contribution à la connaissance de cette forteresse oubliée, au sujet de laquelle personne, semble-t-il, n'a jamais rien écrit de substantiel (3). Elle sera plus brève que celle qui concerne l'histoire de la forteresse du Breuil-Bertin (4), parue en 1979 dans la Revue de la Saintonge et de l'Aunis (5), pour deux raisons : le petit nombre de documents d'archives concernant ce château fort lui-même et l'abandon des sondages archéologiques sur le site, à l'automne de 1979, pour effectuer, à la demande de la direction régionale des Antiquités historiques, une fouille archéologique de sauvetage à Anais (6).

 

I. - LA ROCHE-BERTIN - SITUATION ET ENVIRONNEMENT

La Roche est un nom donné fréquemment, au Moyen Age, à une forteresse construite sur un rocher ou sur une hauteur qui domine la campagne environnante (7).

La Roche-Bertin est une forteresse édifiée probablement à la fin du XIIe siècle ou au tout début du XIIIE par des seigneurs aunisiens, les Bertin. Le site où elle s'élevait occupe partiellement, au nord, le sommet d'une hauteur de 32 mètres, située à l'ouest du village de Sainte-Soulle (8), dans le canton de la Jarrie (9) et l'arrondissement de la Rochelle. Du lieu-dit voisin de Longueil (10), - lieu d'où l'œil voit loin - on découvre, quand le temps est beau, un vaste panorama qui s'étend, au nord, jusqu'au Marais poitevin.

Un hameau appelé la Roche-Bertin (11), écart du bourg actuel de Sainte-Soulle, est situé au bas de la hauteur où s'élevait le château fort, à l'est. Ce hameau existe peut-être depuis le Moyen Age.

Il comptait encore au siècle dernier une trentaine de maisons. Un autre lieu-dit, mentionné lui aussi sur le plan cadastral et situé non loin de l'emplacement de la forteresse disparue, au nord-est, porte un nom évocateur : « La Chevalerie » (12). Le cadastre mentionne encore un Fief-Bertin, au sud du Bois de la Roche-Bertin, dans lequel se trouve une pièce de vigne appelée « Les Justices » (13). Il y a enfin, proche du lieu de la Roche-Bertin, un fief des  Batailles », nommé aussi fief des « Espicqs » (14).

Dans ses notes manuscrites, déposées à la Bibliothèque municipale de la Rochelle, Georges Musset, bibliothécaire au début du siècle, signale la découverte, à Sainte-Soulle, d'une pièce de monnaie à l'effigie de l'empereur romain Antonin le Pieux (138-161). Il précise qu'on en aurait trouvé beaucoup d'autres, notamment à la Roche-Bertin et dans les propriétés voisines (15).

Si l'information de Georges Musset concernant les découvertes de monnaies romaines à la Roche-Bertin est exacte, nous pouvons nous demander si ce site élevé et occupant, comme celui du Breuil-Bertin, une position stratégique, n'aurait pas été déjà occupé et même fortifié sous l'Empire romain.

Des fragments de tuiles à rebords (tegulœ) ont été trouvés, dans les couches profondes, sous le mur sud de l'église romane de Sainte-Soulle, lors des fouilles pratiquées à cet endroit, en 1980, à l'occasion du dégagement de la base de la façade occidentale romane de cette église (16).

Une anse d'amphore gallo-romaine du 1er siècle a été découverte sur le site de la forteresse médiévale du Breuil-Bertin, à Saint-Ouen-d'Aunis, lors des fouilles pratiquées sur l'emplacement de ce château fort de 1964 à 1972 (17.

Une voie ancienne, peut-être une voie antique, faisant communiquer, autrefois, le nord et le sud, le Bas-Poitou et la Saintonge, à travers le pays d'Aunis, passe toujours à proximité) de la forteresse. Ce chemin, appelé « Grand chemin de Marans à Bourgneuf » dans un document du XVIe siècle 18, jalonné, au Moyen Age, de maisons hospitalières, prieuré Notre-Dame de Roncevaux 19, près de Loiré (20), commanderie des Templiers puis des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (21) à Bourgneuf (22), aumônerie de Saint-Julien (23) de Montroy (24) près de Bourgneuf, était fréquenté par les pèlerins qui se rendaient au célèbre sanctuaire de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne. Ce chemin reliait aussi, vraisemblablement, les deux forteresses des Bertin, la Roche-Bertin et le Breuil-Bertin, distantes d'environ 4 kilomètres à vol d'oiseau.

LES BERTIN ET LA ROCHE-BERTIN

Aucun texte connu ne fait état d'une relation ou d'un rapport quelconque entre les Bertin et leur forteresse de la Roche-Bertin. La Roche-Bertin était-elle le siège d'une seigneurie ? Si oui, quel était celui d'entre eux qui en était le seigneur ? Nous ignorons d'ailleurs le mode de propriété de ces deux forteresses au temps des Bertin. Étaient-elles possédées individuellement ou collectivement ?

Les deux Bertin dont il est question dans le texte des Rotuli litterarum patentium (25) qui nous apprend que Jean Sans Terre (26) a donné l'ordre de faire démolir, sans délai, leurs forteresses, sont Pierre II Bertin et Jean Bertin son frère (27), deux des fils de Pierre Ier Bertin (28), le sénéchal du Poitou, décédé entre 1199 et 1202.

Nous ne savons pas si le domaine est demeuré indivis après la mort de Pierre Ier Bertin ou s'il a été partagé entre ses deux ou trois fils Pierre II, Jean et peut-être Bernard 29). J'invite ceux qui voudraient en savoir plus sur les Bertin à lire ce que j'ai écrit à leur sujet dans mon étude sur le Breuil-Bertin en 1979, et que je ne peux répéter, une nouvelle fois, ici.

 

LA SEIGNEURIE ET LES SEIGNEURS DE LA ROCHE-BERTIN

La forteresse de la Roche-Bertin a-t-elle été le siège d'une seigneurie au Moyen Age ? Alors que pour la forteresse du Breuil-Bertin cela ne fait aucun doute - il y a de nombreux documents qui attestent la réalité de cette seigneurie (30), pour la Roche-Bertin, ce n'est pas évident.

S'il n'y a pas de documents concernant la forteresse elle-même, on trouve le nom de la Roche-Bertin dans plusieurs documents dont au moins six manuscrits de la Bibliothèque municipale de la Rochelle (31) et quatre références de documents qui existeraient aux Archives de France (32) concernant la Roche-Bertin.

L'une de ces références pour un document du XIIIE siècle : « Preposibus (sic) apud Rupem Bertini (1245) » est inexacte ; les trois autres, pour des documents du XVIe siècle, sont incomplètes. Pour ce qui est des manuscrits conservés à la Bibliothèque municipale de la Rochelle, l'un est le titre d'un « dénombrement des châtellenies, terres et seigneuries de la Grémenaudière, Saint-Ouen, Sainte-Soulle, baillie de Cheusses, la Roche-Bertin et dépendances fourni à Monseigneur le prince de Talmond, à cause de son château de Benon », en 1732 (33).

Il ressort de ce titre que la Roche-Bertin, comme la seigneurie du Breuil-Bertin, faisait partie du comté de Benon.

Les cinq autres documents, l'un du XVIe siècle, les quatre autres du XVIIe siècle, respectivement de 1639, 1651, 1660, 1697, concernent des propriétés et des biens et ne font que citer le nom de la Roche-Bertin comme lieu géographique. Seul le document du 17 janvier 1639 mentionne en toutes lettres, mais sans autre précision, « la seigneurie de la Roche-Bertin » (34). Deux autres textes laisseraient entendre que la Roche-Bertin faisait partie de la seigneurie de Chagnolet, village de la paroisse de Dompierre, siège d'une seigneurie attestée, pas très éloigné de la Roche-Bertin. L'un de ces deux textes, celui du 4 mai 1651, mentionne le village de la Roche-Bertin, seigneurie de Chagnolet (35).

Faudrait-il penser, même si ce n'est pas impossible en raison d'un morcellement des territoires des diverses seigneuries, que la seigneurie de Chagnolet comprenait le village de la Roche-Bertin situé immédiatement au pied de la forteresse, à l'est et n'englobait pas la forteresse elle-même ?

Une déclaration du 19 avril 1709 fait état de la vente, sous signature privée, le 9 septembre 1705, à demoiselle Marie Allard, veuve du sieur de la Maignière, qui demeurait à la Rochelle, de la maison noble, terre et seigneurie de Chagnolet, etc. et « ensemble le fief appelé la Roche-Bertin situé en la paroisse de Sainte-Soulle » (36).

Il n'est pas question, ici, de seigneurie, mais de fief ou plus simplement de terre de la Roche-Bertin en quelques autres documents. Nous pouvons penser que le château fort de la Roche-Bertin a été, comme celui du Breuil-Bertin, le siège d'une seigneurie, en imaginant, par exemple, que le plus grand nombre des documents attestant la réalité de cette seigneurie ont été brûlés ou détruits de quelque manière. Ce n'est pas impossible, bien sûr, mais il importe de noter ce qui suit.

Dans le livre Terres et seigneuries, fiefs et arrière-fiefs de la province d'Aunis (vers 1540) 37, conservé aux Archives départementales de la Charente-Maritime, qui inventorie les diverses seigneuries, fiefs ou terres, la Roche-Bertin n'est pas mentionnée. Cette omission est, me semble-t-il, significative, alors que le nom de toutes les seigneuries importantes ou moins importantes d'Aunis figure dans cet ouvrage, y compris le nom de celle du Breuil-Bertin. Il est vrai que la baillie de Cheusses est indiquée sans inventaire de détail (38).

 Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la terre de la Roche-Bertin est comprise, ainsi que la baillie de Cheusses (39), dans les déclarations des seigneurs de la Grémenaudière (40). Jean de Conan, marié à Elisabeth Levesque, eut deux enfants, André et Elisabeth. Cette dernière, mariée à Paul Charles Le Vasseur de Cougnée, chevalier, quitte la France à la Révocation de l'édit de Nantes.

Ses domaines de la Grémenaudière, la Suze, Cheusses, les Laisses et la Roche-Bertin sont saisis (41). Je pense malgré tout que, si au XVIe siècle (1540) la Roche-Bertin avait été le siège d'une seigneurie structurée et influente, son nom aurait figuré dans l'inventaire précité.

Hormis les Bertin propriétaires, donc seigneurs des terres et des deux forteresses de la Roche-Bertin et du Breuil-Bertin, nous ignorons pratiquement, à quelques noms près, les noms des seigneurs de la Roche-Bertin. Et comme je l'ai écrit dans le paragraphe précédent, nous ne savons pas si l'un des Bertin a porté le titre de seigneur de la Roche-Bertin et quel était celui-là. Il est vrai que, si la Roche-Bertin n'était pas le siège légal d'une seigneurie, il ne pouvait y avoir de seigneur de la Roche-Bertin au sens strict.

Le 26 juin 1317, Aimery Borreau, qui demeure à la Roche-Bertin, donne à Messire Guy de Beauçay, chevalier, tous les droits et la seigneurie qu'il peut avoir en la ville d'Andilly (42), à Puyliset (43) et en leurs appartenances (44). Ce Guy de Beauçay, ne serait-il pas seigneur de la Roche-Bertin ? Ce n'est pas exprimé dans cet acte, mais ce n'est pas impossible.

Nous trouvons cependant, dans un compte rendu de 1578, un Jean Prévost qui est dit « Seigneur de la Rochebretyn » ; cent soixante huit ans plus tard, le 1er juillet 1746, nous trouvons Marie Gaucher, veuve du sieur Prévost-Longueil, donataire universelle de Nicolas Prévost-Longueil son fils décédé en mai 1744

qui, par son testament olographe, a laissé les trois cinquièmes, estimés à 1 000 livres, dans une borderie et dépendances située à la Roche-Bertin ou Longueil (45). Serions-nous en présence de deux membres d'une lignée de seigneurs qui auraient possédé la Roche-Bertin du XVIe siècle au XVIIIe siècles pendant 168 ans ?

Comme on le verra, il y a des contradictions. Tout ce que je viens d'écrire au sujet de l'existence ou de la non-existence d'une seigneurie à la Roche-Bertin et au sujet de ses éventuels seigneurs nécessiterait de nouvelles recherches plus approfondies.

LA FORTERESSE DE LA ROCHE-BERTIN

Un texte des Rotuli litterarum patentium édités par sir Thomas Duffus Hardy à Londres en 1835, mentionne en 1207 les deux forteresses des Bertin (46).

Il s'agit d'un arrêt du roi Jean Sans Terre (1166-1216), pris à Dorchester (47) le 9 janvier, qui ordonne à Savary de Mauléon, sénéchal du Poitou, de faire démolir, sans délai, les maisons fortes que Pierre Bertin, Jean Bertin et autres possédaient près de la Rochelle et qui nuisaient à la défense de la ville.

Ce texte est très intéressant car c'est le premier et le seul connu qui atteste au début du XIIIE siècle, même s'il ne les nomme pas explicitement, l'existence des deux forteresses.

Comme je l'écrivais dans l'étude concernant le Breuil-Bertin, il est facile de localiser ces forteresses des Bertin, car elles s'élevaient vraisemblablement sur les lieux auxquels le nom des Bertin demeure attaché et où il subsiste encore d'importants vestiges archéologiques c'est-à-dire à la Roche-Bertin, commune de Sainte-Soulle, et au Breuil-Bertin, commune de Saint-Ouen-d'Aunis.

Ce texte des Lettres patentes est non seulement intéressant, mais il est important, car il nous apporte la preuve de l'existence de la forteresse de la Roche-Bertin en 1207 et de sa possession par les Bertin.

Nous ignorerons toujours la date précise de son édification, de même que celle de la forteresse sœur du Breuil-Bertin, même si nous pouvons raisonnablement attribuer la décision et l'ordre de construction à Pierre Ier Bertin, le sénéchal du Poitou, pendant l'exercice de sa charge, entre 1190 et 1199.

Nous ne savons rien de plus au sujet de la forteresse de la Roche-Bertin ou presque rien et nous en sommes réduits à formuler des hypothèses. En voici trois qui concernent sa destruction et sa ruine.

Une première hypothèse : l'ordre de Jean Sans Terre est exécuté sans délai ; la forteresse de la Roche-Bertin est démolie en 1207, disons plutôt rasée au niveau des fondations puisque ces dernières existent encore, semble-t-il, dans le sol. Il y a un texte troublant de 1223 qui parle de la borderie, c'est-à-dire la ferme, qui est « sur la Roche-Bertin ». Il confirmerait cette première hypothèse de la destruction sur l'ordre de Jean Sans Terre, mais il n'est pas assez explicite : « sur » la Roche-Bertin peut vouloir dire « sur le domaine de la Roche-Bertin » et non pas sur l'emplacement de la forteresse elle-même (48).

C'est une hypothèse très possible, mais démentie semble-t-il par plusieurs constatations archéologiques. Les tessons de céramique trouvés sur le site au cours des sondages archéologiques appartiennent à la céramique des XIIIe et XIVe siècles. Les deux deniers tournois d'Alphonse de France (1220-1271) 49, découverts au centre du château fort, sont bien postérieurs aux premières années du XIIIE siècle.

 Plusieurs éléments d'architecture, exhumés sur le site, pourraient bien être des éléments d'architecture gothique. Les deux catégories d'ardoises trouvées sur le site, grosses plaques de schiste brunes et épaisses, puis nombreux morceaux d'ardoises ressemblant aux ardoises que nous connaissons, pourraient aussi attester une destruction postérieure.

Une seconde hypothèse : l'ordre de destruction de Jean Sans Terre n'est pas exécuté. La forteresse de la Roche-Bertin subsiste et poursuit son rôle défensif pendant les XIIIe et XIVe siècles.

A la fin de ce dernier siècle, en 1381, ou au cours des années précédentes, des routiers ruinent l'église romane de Sainte-Soulle (50). Nous avons retrouvé probablement, en 1980, au cours des fouilles archéologiques effectuées le long du mur de l'église, les traces de cette destruction (51).

Les membres de ces « grandes compagnies» aimaient s'emparer des forteresses qu'ils rencontraient sur leur route pour en faire leurs repaires et de là piller et rançonner le pays avoisinant. Les routiers (52) qui ont ruiné l'église romane de Sainte-Soulle ne seraient-ils pas responsables de la ruine de la forteresse de la Roche-Bertin où ils se seraient retranchés et d'où il aurait fallu ensuite les assiéger et les expulser, ce qui aurait entraîné la ruine du château fort ? C'est une hypothèse possible et vraisemblable.

Une troisième hypothèse : la forteresse de la Roche-Bertin résiste aux sièges, assauts, combats et destructions de la guerre de Cent Ans, elle est ruinée au XVIe siècle seulement pendant les guerres de Religion.

N'oublions pas que l'église de Sainte-Soulle a été détruite, une nouvelle fois, à cette époque : la démolition des voûtes de la partie gothique en particulier l'atteste. Nous savons qu'il y a eu à plusieurs reprises, mais plus spécialement dans le troisième quart du XVIe siècle, au moment du siège de la Rochelle de 1573, des combats et une guérilla incessante, dans le nord de l'Aunis, entre la Rochelle et Marans.

Est-ce que la forteresse de la Roche-Bertin, ainsi que celle du Breuil-Bertin - nous en sommes pratiquement certains pour cette dernière - n'auraient pas servi de camps retranchés ou de points de résistance pour les partis en guerre. Ce rôle leur aurait été fatal et aurait entraîné leur ruine définitive. C'est une dernière hypothèse possible et tout à fait vraisemblable.

L'ingénieur géographe Claude Masse (1652-1737), dans son Mémoire géographique (53), semble ignorer, au début du XVIIIe siècle, le nom de la forteresse de la Roche-Bertin. Il a laissé dans son texte un espace blanc, peut-être avec l'intention de mentionner ce nom ultérieurement.

Voici ce qu'il écrit, dans la notice qu'il consacre à la paroisse de Sainte-Soulle : « Et au sud des Basses Rivières il y a les vestiges d'un ancien château qu'on appelait... ; les fossés en sont forts profonds ».

S'inspirant peut-être du texte de Claude Masse, Louis-Etienne Arcère, dans son Histoire de la ville de la Rochelle et du pays d'Aulnis, parue en 1756, mentionne, lui aussi, dans sa notice sur Sainte-Soulle, les vestiges de la Roche-Bertin en écrivant : « Au sud des Basses Rivières, on voit les vestiges d'une place forte... » (54). Comme l'ingénieur Masse, il semble ignorer le nom de la Roche-Bertin.

Sur sa carte de la Partie du pays d'Aunis à l'est de la Rochelle ou partie de la banlieue de cette ville vulgairement appelé le Rochelois en l'estat qu 'estoit le pays en 1703, Claude Masse figure symboliquement les vestiges de la Roche-Bertin à gauche du nom Sainte-Soulle et un peu au-dessus, sous la forme de deux ovales imbriqués l'un dans l'autre, l'ovale supérieur étant réduit de moitié par rapport à l'ovale inférieur qui est entier, ces deux ovales figurant celui du haut la basse- cour de la forteresse, l'ovale inférieur le château proprement dit, mais il n'y a hélas aucun nom d'indiqué à côté.

Mais ni les vestiges ni le nom de la Roche-Bertin ne figurent sur plusieurs autres cartes de l'Aunis, du XVIIIe siècle.

Celle d'Albert Charles Seutter, géographe de sa majesté, Les environs de la Rochelle et Rochefort avec les îles de Ré et d'Oléron, indique « Le Breuil ruiné » (Breuil-Bertin) (55). Celle que l'on trouve dans le premier volume de l'Histoire d'Arcère, Carte du pays d'Aulnis avec les îles de Ré, d'Oléron et provinces voisines, dressée en 1756, mentionne elle aussi « Le Breuil ruiné » (56). Enfin celle du Gouvernement d'Aunis, de Dubuisson, gravée par Tardieu donne également le nom « Le Breuil Bertin » (57).

Concluons ces citations et l'énumération de ces diverses cartes de l'Aunis où ne figure pas une seule fois le nom « La Roche-Bertin » par deux constatations qui s'imposent.

Au début du XVIIIe siècle, et sans aucun doute bien avant, la forteresse de la Roche-Bertin est ruinée et réduite à l'état de vestiges : c'est ce qu'écrivent Claude Masse et Louis-Etienne Arcère, si ruinée et ruinée depuis si longtemps que l'on a, semble-t-il, oublié son nom lui-même.

Il est possible, et même tout à fait vraisemblable, qu'une fois la forteresse ruinée ou à demi-ruinée, une ferme ait occupé son emplacement ou une partie seulement de son emplacement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, utilisant les pierres mêmes de la forteresse pour sa construction : c'est d'ailleurs ce qui s'est passé au Breuil-Bertin (58).

Les quelques tuiles rondes, classiques dans notre région, mais anciennes, découvertes intactes le long de la muraille de la plate-forme centrale, à l'est et à l'intérieur de cette dernière en D4 sur le plan, et les très nombreux morceaux de tuiles trouvés sur l'ensemble du château fort pourraient en être une preuve, la forteresse ayant été couverte en ardoises et les bâtiments de l'exploitation agricole, qui s'est élevée sur son emplacement, en tuiles.

Il importe aussi de signaler les fondations, bien visibles encore pendant les sondages archéologiques, d'un bâtiment assez grand situé à une petite distance de l'enceinte extérieure de la forteresse à l'ouest et tout près de la ferme actuelle de Longueil, à l'extrémité de cette dernière au sud. La façade de ce bâtiment s'ouvrait peut-être au nord, ses deux extrémités se trouvant situées respectivement à l'est et à l'ouest. Enfin, un peu plus à l'ouest, dans les champs, mais à une petite distance de la ferme actuelle et des vestiges de la forteresse, il y a également les fondations d'un ou de plusieurs autres bâtiments. Ces bâtiments rasés, dont il ne reste que les fondations dans le sol, sont peut-être bien postérieurs à la forteresse mais ils peuvent être aussi plus anciens et avoir eu des rapports avec cette dernière ; il fallait donc en faire état.

 

II. - LES SONDAGES ARCHÉOLOGIQUES

Ils ont été autorisés par M. Nicolini, directeur des Antiquités historiques Poitou-Charentes à cette date (59) et par les propriétaires du site, Mme Héraud, de Marans et Mme Gandouet, de Sainte-Soulle puis, plus tard, après le décès de cette dernière, par ses enfants M. et Mme Seguin, de Pouzauges. Voici les noms de ceux qui ont participé à ces recherches archéologiques : Benjamin Atger, Frédéric Bouin, Hugues Bourreau, Claude Calac, Daniel Calonnec, M. Davidson, Francis Delavaud, Noël Etave, Jean Garang, M. Guéret, Luc Laporte, Philippe Leroy, Denis Métayer, Dominique Métayer, Jean Métayer, Rodolphe Métayer, Anne Pasquiou, Jean-Michel Pick, Yves Robin, Alain Sourbier, Bruno Texier.

 

Plan vestige du château féodal de la Roche Bertin

LE SITE ARCHÉOLOGIQUE ET LE PLAN DES VESTIGES

L'emplacement de la forteresse orientée sud-ouest nord-est, est situé au lieu-dit « Bois de la Roche-Bertin » sur le plan cadastral de la commune de Sainte-Soulle, section D3, parcelles 1133 et 1138, coordonnées Lambert : 340,5 -340,6 - 137,7 - 137,8.

Il est marqué par d'importantes levées de terre et de profonds fossés. Il est entièrement recouvert, depuis très longtemps semble-t-il, peut-être depuis plusieurs siècles, par un bois taillis et de haute futaie.

Le chemin qui traverse les vestiges de la forteresse en CI, C2, C3, D3, D4, D5, D6 sur le plan n'est pas très ancien. Après la première Guerre mondiale, le ou les propriétaires, ou peut-être les usagers du bois, l'ont tracé et établi pour faciliter l'accès au bois et aux champs voisins. Dans ce but, ils n'ont pas hésité à combler les fossés et à couper les deux levées de terre constituant l'enceinte extérieure de l'ouvrage à l'est et à l'ouest.

 Ils ne se sont probablement pas rendu compte - l'archéologie étant le dernier de leurs soucis - qu'ils endommageaient un site archéologique médiéval important, en portant atteinte ainsi à son intégrité.

En arrivant sur le site, nous avons compris tout de suite la nécessité d'y voir clair pour étudier et fouiller les vestiges de ce château fort disparu et en faire lever le plan.

 Le site de la Roche-Bertin était dans le même état d'abandon que celui du Breuil-Bertin (60).

C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris un défrichage et un débroussaillage progressifs mais systématiques du sous-bois sur l'emplacement des vestiges de la forteresse, fossés compris. Il n'était évidemment pas question d'abattre les arbres. Ce défrichage commencé dès 1973, virtuellement terminé en décembre 1975, n'a pris fin qu'en mars 1976.

Le nettoyage effectué mettait bien en valeur les structures de la forteresse détruite. Quel dommage que depuis la nature ait repris ses droits !

Le plan des vestiges de la forteresse de la Roche-Bertin au 1/200 (1 centimètre pour 2 mètres), reproduit par la maison Stéphant de la Rochelle a été levé, en septembre 1975, par M. André Bergé (61), géomètre du Cabinet de M. Michel Tourillon, géomètre-expert à la Rochelle et par ses assistants. Il nous révèle la figure de cette forteresse médiévale qui mesurait 130 mètres de longueur moyenne nord-sud sur 100 mètres de largeur moyenne est-ouest et recouvrait, avec l'appendice de la motte au nord-est, une superficie de 13 200 mètres carrés. Le château fort du Breuil-Bertin mesurait 135 mètres de longueur nord-sud sur 118 mètres de largeur est-ouest ; sa superficie était de 13 000 mètres carrés.

Nous constatons que, malgré les différences de forme et de structures, les proportions des deux maisons fortes des Bertin sont presque identiques. Il importe de remarquer que la motte, ou plate-forme centrale, qui mesure 40,70 m de diamètre nord-sud paraît à première vue moins élevée que le bayle ou basse-cour qui l'enveloppe (34,50 et 35,50 m).

En réalité il n'y a guère plus d'un mètre de différence du fond de la douve. Les cotes d'altitude varient entre 30,90 m au nord-est près de la motte et 38 m au sommet de la levée de terre de l'enceinte extérieure au sud. Le profil des vestiges de la forteresse révèle que les deux points les plus élevés se situent au sommet de la levée de terre de l'enceinte extérieure au sud, 38 m et au sommet de la motte accolée à l'enceinte extérieure au nord-est 37 m. La plate-forme centrale est à 35 m, le fond des fossés à 31 m ou 32 m.

Le bayle ou basse-cour possède une plate-forme plus large au nord, 26,30 m, qu'au sud, 13 m.

La motte située à l'angle nord-est est entourée d'un fossé communiquant avec celui de l'enceinte extérieure ; elle constitue une sorte d'appendice attenant à cette même enceinte extérieure. Elle mesure 12,90 m de diamètre nord-sud et 8,70 m de hauteur au nord. Est-ce qu'il s'agit de l'assiette d'un donjon qui n'aurait pas été situé au centre du château fort, mais accolé à l'enceinte extérieure, ou bien d'une motte fortifiée préexistant à l'édification de la forteresse et dont la construction de cette dernière aurait développé et étendu la fortification ?

Une coupe stratigraphique de cette motte, à peine commencée et qu'il aurait fallu poursuivre, nous renseignerait peut-être à ce sujet. Nous aimerions savoir où situer dans cette forteresse le logis seigneurial - dans le donjon sur la motte ou sur la plate-forme centrale - la chapelle, les bâtiments des communs, cuisine, ateliers divers, écuries, etc. Seules des fouilles importantes qui révèleraient les fondations des divers bâtiments pourraient sans doute fournir des éléments de réponse aux multiples questions qui surgissent dans nos esprits au sujet de ce château fort.

 

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LES SONDAGES

Conjointement au défrichage en cours et après l'achèvement de ce dernier, nous avons pratiqué de 1973 à 1979 plusieurs sondages archéologiques sur le site dont deux plus importants, l'un sur la plate-forme centrale en D4 et E4 sur le plan et l'autre dans la basse-cour en G3 sur le plan.

Le sondage sur la plate-forme centrale au centre de la forteresse

Ce sondage, l'un des deux plus importants effectués sur le site, se situe sur la plate-forme, au centre du château, en D4 et E4 sur le plan. Je pense que le terme de plate-forme est préférable à celui de motte pour désigner cette partie centrale de la forteresse qui mesure 40,70 m de diamètre nord-sud et 42 m de diamètre est-ouest, sa hauteur actuelle variant de 3,60 m à 2,45 m. Il faut la distinguer de la motte bien caractérisée qui s'élève au nord-est. On a creusé une tranchée de 20 m de longueur nord-sud, prolongée sur une longueur de 2,80 m est-ouest et large de 1 m tout le long à l'intérieur de la fondation de muraille qui domine le fossé à l'est, face à la levée de terre de l'enceinte extérieure.

Notre intention était de vérifier si cette muraille existait tout autour de la plate-forme centrale, au-dessus du fossé intérieur. Cette muraille, nous pouvons l'appeler courtine ou chemise, ce dernier terme convenant mieux à la muraille qui entoure un donjon jusqu'à une certaine hauteur. La fondation de muraille découverte est en assez mauvais état ; elle est inexistante par endroits, tant elle a été ruinée. Sa continuité cependant ne laisse subsister aucun doute dans cette partie mise au jour.

Elle mesure 20 m de longueur nord-sud, 0,93 m de largeur et sa hauteur, dans les parties les mieux conservées, atteint 0,66 m et 0,95 m. Elle tourne à angle droit au nord-est où nous l'avons retrouvée sur 2,80 m de longueur dans la direction est-ouest, mais nous avons vainement cherché son parement extérieur à l'angle nord-est : la stratigraphie de la tranchée et les déblais trouvés dans cette dernière, renferment de très nombreuses pierres mêlées à la terre, ainsi que des morceaux de tuiles, quelques tuiles entières posées le long de la muraille à l'intérieur et quelques morceaux d'ardoises.

On y a découvert, le samedi 17 avril 1976, plusieurs éléments d'architecture qui seront détaillés dans le matériel archéologique.

L'approfondissement de cette tranchée creusée en 1976 a permis deux intéressantes découvertes. Dans la base de muraille mise au jour sur le bord du fossé intérieur à l'est, nous avons débouché un conduit construit dans cette muraille et qui permettait un écoulement dans le fossé situé au-dessous. L'orifice de ce canal bien conservé sur la face intérieure de la muraille mesure 0,22 m de largeur sur 0,20 m de hauteur, sa longueur 0,93 m correspond à la largeur de la muraille à cet endroit.

 A la base de cette partie de muraille et à hauteur du conduit, nous avons mis au jour un empierrement de 2,30 m de largeur. Cet empierrement, nous l'avons fait apparaître sur une longueur de 4,15 m environ. Il est constitué de pierres calcaires ordinaires trouvées peut-être sur place. Il se peut que cet empierrement dont les bords sont légèrement relevés et le centre légèrement incurvé pour faciliter peut-être un écoulement continue plus loin vers l'intérieur de la plate-forme centrale.

Sommes-nous en présence d'une bande empierrée située dans la cour intérieure de la plate-forme centrale du château fort avec un conduit construit dans la courtine extérieure de la plate-forme permettant l'écoulement des eaux de pluie dans la douve intérieure ou bien sommes-nous en présence, à l'intérieur d'un bâtiment, d'une écurie par exemple, d'une bande empierrée constituant l'allée centrale de cette écurie, le conduit servant peut-être à l'écoulement du purin dans le fossé ? Ce ne sont là que de simples hypothèses de recherche.

En résumé, ces deux découvertes sont très intéressantes parce qu'elles nous indiquent, semble-t-il, en ce point précis de la plate-forme centrale, le niveau du sol de la forteresse au Moyen Age et aussi peut-être celui de la ferme élevée postérieurement sur le site ruiné. La hauteur de la couche de déblais qui recouvrait l'empierrement à cet endroit, c'est-à-dire au pied de la muraille mise au jour, atteignait 1,10 m environ.

La stratigraphie de ce sondage fait apparaître sous une couche de terre végétale et stérile la couche archéologique dans laquelle on a pu observer quelques grosses pierres taillées, parmi de très nombreux moellons, de nombreux morceaux de tuiles, et plus bas, au-dessus de l'empierrement, des morceaux d'ardoises, ce qui pourrait indiquer que ces morceaux d'ardoises reposaient sur un empierrement datant de la forteresse elle-même. Nous avons trouvé aussi, semble-t-il, le sol d'origine, peut-être tout simplement la « banche », dans le prolongement de la tranchée de 20 m direction nord-sud, quelques centimètres plus bas que l'empierrement dont nous venons de parler. Cette partie de la tranchée se trouve située dans l'angle supérieur gauche du carré E4 sur le plan.

Le principal sondage effectué dans le bayle ou basse-cour

Reconnue dès 1974, l'entrée principale de la forteresse de la Roche-Bertin s'ouvrait au nord en G3 sur le plan. Elle mesure 3,37 m et 3,35 m de largeur, 6,88 m à droite et 6,25 m à gauche de longueur. Les substructions mises au jour, hautes de 0,90 m sur le côté droit et de 0,50 m au point le plus élevé, sur le côté gauche, sont intéressantes mais inégales et en mauvais état, l'appareil de la construction n'est pas le même à droite et à gauche.

Il apparaît que la base de la muraille de droite qui mesure 0,67 m de largeur, alors que la base de la muraille de gauche mesure 2,05 m ou 1,85 m, a été remaniée et reconstruite. Quelques belles pierres taillées aux angles, la trace d'un chanfrein conservé le long de la base de la muraille sur une plus grande longueur à gauche qu'à droite, les bases régulières des pieds droits du portail d'entrée attestent encore, malgré la ruine, l'importance et la beauté du monument disparu. La stratigraphie de ce sondage effectué dans l'entrée de la forteresse a fait apparaître :

1) une couche de terre végétale stérile produite depuis des siècles par le pourrissement annuel des feuilles des arbres du bois qui occupe entièrement le site.

 2) une couche archéologique de terre plus claire contenant de nombreuses pierres ou moellons provenant de la ruine des murailles du château fort, de nombreux morceaux de tuiles et d'ardoises, des tessons de céramique, quelques débris métalliques.

3) les traces, par endroits, d'un empierrement grossier constitué de pierres calcaires inégales, certaines arrondies. Des morceaux de tuiles, d'ardoises, des tessons de céramique et quelques éléments métalliques ont été découverts au-dessus de ce premier empierrement.

4) les traces d'un autre empierrement existent peut-être quelques centimètres plus bas que celui qui a été mis au jour sous la couche archéologique. Il semble que nous les ayons trouvées à l'extrémité sud du mur, du côté gauche de l'entrée. Une jolie dalle de pierre bien taillée qui mesure 0,45 m de longueur, 0,34 m de largeur, 0,10 m d'épaisseur, découverte à plat devant la base du pied droit du portail à gauche, reposant sur un rebord de ce pied droit ne serait-elle pas l'unique vestige du revêtement du sol à l'origine dans l'entrée de la forteresse et n'indiquerait-elle pas le niveau du sol, à cet endroit, lorsque le château fort a été édifié ?

Il nous restait ensuite à sonder et à étudier, par une coupe profonde, le fossé devant l'entrée pour y découvrir peut-être les vestiges d'un pont franchissant jadis le fossé ou de bases de piles de ce pont. Le plan détaillé de l'entrée de la forteresse a été levé par M. André Bergé et son assistant, le samedi 15 novembre 1978.

Les autres sondages effectués dans la basse-cour

Il y en a eu trois ; deux ont été effectués le long et autour de la muraille extérieure du château fort qui domine le fossé au nord, le troisième à l'angle de la forteresse au nord-ouest.

Le premier sondage effectué le long de la muraille, à gauche de l'entrée de la forteresse, sur quelques mètres, a révélé une base de muraille en grand appareil composé de belles grosses pierres bien taillées et régulièrement appareillées. Cet humble fragment de muraille atteste lui aussi, comme le chanfrein dans la base des murs de l'entrée, la beauté de l'édifice ruiné.

Le deuxième sondage, effectué le long de la muraille extérieure à droite de l'entrée sur une longueur de 2 m, a révélé une partie de muraille perturbée. En observant attentivement la portion de mur à cet endroit, on s'aperçoit qu'il y a eu probablement une reconstruction. L'appareil de la partie de muraille en élévation ne ressemble pas à l'appareil de la base de cette même partie de muraille : elle est beaucoup plus fruste. Cette portion de muraille a 0,78 m de hauteur et plus d'un mètre de largeur. L'appareil de la fondation de cette portion de muraille, constitué de grosses et belles pierres, est beaucoup plus soigné.

Le troisième a été pratiqué à l'angle nord-ouest de la forteresse. Des substructions de murs mises au jour superficiellement, en F2 sur le plan, révèlent peut-être l'existence en cet endroit d'une tour d'angle carrée ou rectangulaire, mais on ne peut pour le moment l'affirmer. Ce qui paraît certain, c'est qu'il y a eu en ce point précis de la forteresse un remaniement de la structure originelle du bâtiment, ainsi que des travaux de reconstruction postérieurs. Les bases de murs n'ont pas la même largeur : 0,70 m, 0,45 m, 1,15 m. Un fragment de colonne a été trouvé, en remploi, dans l'une d'elle.

Le sondage effectué sur la motte

Cette motte est située à l'angle nord-est de la forteresse. Son centre est à 36 m au-dessus du niveau de la mer, son pourtour à 37 m. Elle mesure 12,75 m de diamètre et 8 m de hauteur. Cette dernière mesure a été prise de la base de la motte à son sommet sur la face nord. Sur cette motte entourée d'un fossé s'élevait vraisemblablement une tour, en bois ou en pierre, peut-être un donjon accolé à l'enceinte extérieure... Nous avons commencé une coupe stratigraphique de cette motte pour l'étudier et si possible la dater. Cette coupe orientée nord-sud coupe la motte à l'endroit le plus propice à cause des arbres. Nous l'avons ensuite ajournée pour diverses raisons et en définitive nous ne l'avons pas poursuivie. Le début de cette coupe stratigraphique atteignait 0,50 m de profondeur. C'est là que nous avons trouvé l'unique vireton de flèche découvert sur l'emplacement de la forteresse au cours des sondages archéologiques. Nous y avons trouvé aussi quelques tessons de céramique vernissée verte ou commune, des morceaux d'ardoises et de tuiles. Cette coupe stratigraphique pourrait donc être reprise facilement par d'éventuels fouilleurs. Peut-être auraient-ils la chance d'y découvrir les substructions de cette tour, si elles ont jamais existé ?

Le sondage effectué sur la levée de terre de l'enceinte extérieure à l'est

La découverte en surface de deux pierres taillées intéressantes nous a conduits à examiner de plus près cette partie de la levée de terre qui sépare la première et la deuxième enceinte de fossés en D4, D5, E4, E5, sur le plan au point d'intersection de ces divers carreaux. De nouveaux éléments d'architecture d'une porte ou d'une fenêtre ont été mis au jour ainsi qu'une fondation de muraille qui traverse complètement cette étroite levée de terre et rejoint la fondation de muraille qui domine le fossé de l'enceinte extérieure à l'est. Il semble également que nous ayons découvert un sol ou un niveau de sol à l'intersection de ces deux fondations, l'une orientée nord-sud, l'autre est-ouest, sur la levée de terre. Serions-nous en présence des vestiges d'une tour carrée ou rectangulaire de l'enceinte extérieure ? Il faudrait y poursuivre des fouilles pour pouvoir l'affirmer.

 

LE MATÉRIEL ARCHÉOLOGIQUE

Ce matériel comprend : des éléments d'architecture, de la céramique, des objets et fragments métalliques, des pièces de monnaie 62.

Les éléments d'architecture - découverts sur la motte au centre de la forteresse :

il y en a 7 : élément de pilastre hexagonal : 0,23 m de hauteur (E4) - élément d'un arc brisé surmontant peut-être une ouverture, porte ou fenêtre, 0,69 m de hauteur, 0,07 m largeur du chanfrein (E4) - une partie du tailloir d'un chapiteau roman de 0,07 m de hauteur, 0,22 m de côté (E4) - une partie de corbeau ou élément de mâchicoulis de 0,40 m de longueur (E4) - trois autres pierres chanfreinées (E4). découverts sur la levée de terre qui sépare la première et la deuxième enceinte de fossés à l'est :

il y en a aussi 7 qui sont tous chanfreinés :

pierre de 0,50 m de hauteur, 0,20 m de largeur, 0,10 m d'épaisseur, 8,5 cm de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - élément d'arc placé au-dessus d'une fenêtre ou d'une porte de 0,24 m de hauteur, 0,19 m bas et 0,16 m haut de largeur, 0,07 m de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - élément d'ouverture, porte ou fenêtre, avec rainure et trou pour une serrure : 0,28 m de hauteur, 0, 17 m de largeur, 13,5 cm d'épaisseur, 0,07 m de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - pierre avec rainure de 0,18 m de hauteur, 0,15 m de largeur, 0,07 m d'épaisseur, 0,07 m de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - pierre chanfreinée de 0,32 m de hauteur, 0,26 m de largeur, 0,10 m d'épaisseur, 8,5 cm de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - pierre chanfreinée de 0,34 m de hauteur, 0,25 m de largeur, 0,11 m d'épaisseur, 0,08 m de largeur du chanfrein (E4 ou E5) - pierre chanfreinée de 0,26 m de hauteur, 0,18 m de largeur, 0,07 m d'épaisseur, 8,5 cm de largeur du chanfrein.

- découverts dans le bayle ou basse-cour :

dalle de pierre bien taillée : 0,43 m de longueur, 0,33 m de largeur, 0,04 m et 0,07 m d'épaisseur, trouvée devant la base du pied droit du portail de la forteresse, à gauche de l'entrée, reposant sur un rebord de ce pied droit (G3) - pierre trouvée non loin de l'entrée de la forteresse. Elle comprend une cavité permettant d'y introduire une barre de bois pour bloquer une ouverture. Nous en avons découvert deux semblables sur le site de la forteresse du Breuil-Bertin (G3).

Ces humbles pierres sont d'un très grand intérêt parce qu'elles nous prouvent que l'art existait dans la forteresse de la Roche-Bertin.

La céramique

Plusieurs tuiles entières sur la motte centrale devant la muraille extérieure, à l'est, mais à l'intérieur de celle-ci (D4). De très nombreux morceaux de tuiles dans la basse-cour, sur la motte centrale, sur la motte accolée à l'enceinte extérieure au nord-est (D4) (E4 et E5) (F2) (G3 et G4) (H5).

De nombreux tessons de céramique commune dont un fragment du bord d'un vase et une partie du fond d'un autre vase. Vingt tessons de céramique commune ont été trouvés au cours de la fouille de l'entrée de la forteresse (G3).

De nombreux tessons de céramique vernissée verte, dont une anse de vase, une partie du fond d'un petit pot, un fragment du bord d'un vase. Vingt-sept tessons de céramique vernissée verte ont été découverts au cours de la fouille de l'entrée de la forteresse (G3). Plusieurs de ces tessons de céramique vernissée verte ont permis la reconstitution d'une partie de vase, la partie vernissée verte se trouvant située à l'intérieur du vase, la partie extérieure étant décorée de traits marrons.

Jean Chapelot a examiné, le 26 mai 1978, les tessons de céramique trouvés, à cette date, sur le site de la Roche-Bertin. Pour lui, ces tessons appartiennent à la céramique des XIIIe et XIVe siècles. Il a distingué les tessons de poterie fine en terre blanche cuite, provenant de vases utilisés pour le service de la table et n'allant pas au feu, des tessons de poterie grossière, en terre granuleuse, au vernis irrégulier, provenant de vases utilisés pour la cuisine. L'un des tessons de céramique fine est décoré d'une tête humaine.

Les pièces de monnaie

Au cours des sondages effectués sur le site de la forteresse de la Roche-Bertin, deux monnaies seulement ont été trouvées, le 5 janvier 1978, par Jean-François Métayer, sur la motte centrale, au-dessus de la douve, à l'ouest, en D2 sur le plan.

 Il s'agit de deux deniers tournois d'Alphonse de France, comte de Poitiers (1241-1271). Ces deux monnaies sont semblables, l'une mieux conservée que l'autre ; elles appartiennent à un type qui a cessé d'être fabriqué en 1263. Ces deniers tournois ont été identifiés par le Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale.

Les objets et fragments métalliques

Un vireton de flèche, le seul, découvert sur la motte accolée à l'enceinte extérieure au nord-est (H5).

Des clous, dont un gros clou de 0,16 m de longueur et 0,05 m de largeur de la tête (G3) (D4) (E4).

Un très petit anneau de métal (G3).

Une tige de fer (G3).

Une partie de la monture métallique d'une bride de harnais. Il s'agit de la partie située entre la lanière de cuir de la bride et le mors (D4) - une petite lame de cuivre de 7,5 cm de longueur et un autre petit morceau de cuivre dentelé d'un côté, troué de deux petits trous, avec une encoche de l'autre côté, mesurant 2 cm sur 2 cm ; ces deux morceaux de cuivre ont peut-être fait partie d'une serrure... (G3)

Une petite clef de 0,06 m de longueur, en mauvais état, trouvée sur le premier empierrement dans l'entrée de la forteresse (G3).

Une boucle de ceinture ou de ceinturon mesurant 6 cm dans sa plus grande longueur, 4,5 cm dans sa plus grande largeur, l'ardillon mesurant 4 cm (G3).

Les objets divers

De très nombreux morceaux d'ardoises communes ont été découverts au cours des divers sondages effectués sur le site. Mais aussi un certain nombre de plaques de schiste plus épaisses, brunes, contenant des paillettes de mica, identiques à celles trouvées sur le site du Breuil-Bertin (G3) (D4) (E4) (H5) (F2).

Un certain nombre de petits os ou fragments d'os ; il s'agit d'os d'oiseaux ou de petits rongeurs (D4) (E4) (H5) (G3). Il faut mentionner le graffite d'un écu orné de 4 chevrons découvert en 1979 sur une pierre de taille à l'angle du mur de l'entrée de la forteresse à droite mais sur la partie regardant l'intérieur du château fort.

 

CONCLUSION

C'est incomplet, ce doit être inexact sur plusieurs points. Il fallait tout de même l'écrire et rassembler, dans ce texte, ce qu'on sait de la Roche-Bertin, dans l'état actuel de la recherche, en raison du peu de documents dont on dispose apparemment. Les historiens resteront sur leur faim.

Nous aussi d'ailleurs ! Les « initiés », j'entends par là ceux qui ont travaillé sur le site : ceux qui l'ont débroussaillé et nettoyé et qui ont contemplé l'importance, l'étendue et la beauté des vestiges mis en valeur ; ceux qui l'ont fouillé et qui ont compris tout l'intérêt archéologique et historique qu'il y aurait à poursuivre les fouilles, seront satisfaits, je pense.

 Ce site médiéval et féodal, plus riche peut-être qu'on ne pense, mériterait qu'une fouille systématique et de grande envergure soit pratiquée sur son emplacement, fossés compris, par une équipe compétente.

Je dis la même chose pour ce qui est du site de la forteresse du Breuil-Bertin, qui est loin d'avoir révélé toutes les richesses archéologiques qu'il contient.

En terminant, je formule un souhait, celui du classement, ou au moins celui de l'inscription à l'Inventaire des monuments historiques, des mottes féodales de la Roche-Bertin et du Breuil-Bertin, deux vestiges parlants de la féodalité en Aunis.

 Pour l'instant, les vestiges des deux forteresses de Pierre Bertin, enfouis à nouveau sous la végétation et qui ont attendu patiemment plusieurs siècles avant qu'on prenne conscience de leur importance et de leur richesse archéologique, continueront d'attendre, dans le mystère de leurs sous-bois, les archéologues du futur.

Jean MÉTAYER.

Revue de la Saintonge et de l'Aunis : bulletin de la Société des archives historiques

Fédération des Sociétés Savantes de la Charente-Maritime.

 

 

 

 

Histoire et fouilles archéologiques, sur le site de la forteresse médiévale du Breuil-Bertin ( Motte Castrale) <==

 

 

 


 

1 Il n'y a pas eu de causerie ou de conférence sur la Roche-Bertin, en raison du peu que l'on sait à son sujet ni d'exposition des vestiges archéologiques mis au jour. Une seule publication, un article de 3 pages dans le Bulletin municipal de la commune de Sainte-Soulle d'octobre 1980, repris dans la présente étude.

2 Sainte-Soulle. comm.. cant. de la Jarrie. arr. de la Rochelle.

3 Bibl. mun. La Rochelle, ms. 2520. fonds Millot, plusieurs fiches dans une chemise.

4 Breuil-Bertin, village de la comm. de Saint-Ouen-d'Aunis, cant. de Marans, arr. de la Rochelle, aujourd'hui le Breuil.

5 Revue de la Saintonge et de l'Aunis, t. y 1979, p. 43 et suiv.

6 Anais, comm., cant. de la Jarrie, arr. de la Rochelle.

7 A. DAUZAT et Ch. ROSTAING, Dictionnaire des noms de lieux de France, Paris, 1963, p. 569.

8 I.G.N. carte de France au 1/25000. Surgères nos 1-2.

9 La Jarrie, chef-lieu de cant., arr. de la Rochelle.

10 Longueil, lieu-dit, comm. de Sainte-Soulle, près de la Roche-Bertin.

11 La Roche-Bertin, lieu-dit, écart, comm. de Sainte-Soulle.

12 La Chevalerie, cadastre de Sainte-Soulle, section D, feuille 2.

13 Fief-Bertin, les Justices, cadastre de Sainte-Soulle, feuille Z R.

14 Fief des Batailles, fief des Espicqs, cadastre de Sainte-Soulle, section Z S.

15 Bibl. mun. La Rochelle, ms. 2612. S.V

16 Luc LAPORTE, Bruno TEXIER, Sain te-Sou lie/Église, Rapport de fouilles archéologiaues. 1980. D. 6 et 8.

17 J. MÉTAYER, Le Breuil-Bertin dans Revue de la Saintonge et de l'Aunis, Of). cit., p. 64.

18 Arch. dép. Char.-Mar.. 1 J 162. no 13.

19 Roncevaux Roncesvalfes, village prov. de Navarre, Espagne. Ibid., 3E 13, notaire Roy, 1683.

20 Loiré, village, comm. de Vérines.

21 Arch. dép. Char.-Mar., E7.

22 Bourgneuf, comm., cant. de la Jarrie, arr. de la Rochelle.

23 Lieu-dit, comm. de Montroy, où s'élevait au Moyen Age une maison hospitalière.

24 Montroy, comm., cant. de la Jarrie, arr. de la Rochelle.

25 Th. Duffus-HARDY, Rotuli litterarum patentium, Londres, 1833-1844, t. 1, p. 58.

26 Roi d'Angleterre (1199-1216), cinquième fils d'Henri II et d'Aliénor d Aquitaine.

27 Fils de Pierre le, Bertin, voir J. MÉTAYER, op. cit., p. 49.

28 Sénéchal du Poitou, voir J. MÉTAYER, op. cit., p. 45 et suiv.

29 Renseignement fourni par J.-C. Bonnin, cf. Arch. dép. Vienne, commanderie du Temple et des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem.

30 J. MÉTAYER, Op. cit., p. 53.

31 Bibl. mun. La Rochelle, ms. 123, p. 53 ; ms. 601, p. 294 ; ms. 1673, p. 278 ; ms. 16/9, p. 281 : ms. 1680, p. 282 ; ms. 1683, p. 285.

32 Ibid.. ms. 2520. fonds Millot.

33 Ibid., ms. 123. fo 53.

34 Ibid., ms. 1680, fo 79.

35 lbid., ms. 1679, fo 96.

36 Arch. dép. Char.-Mar.. 0. contrôle des actes du centième denier, ree. n° 1 fo 592.

37 Ibid., 3J 35.

38 Ibid.. D. 7.

39 Cheússes, lieu-dit, comm. de Sainte-Soulle, centre aéré, château détruit.

40 La Grémenaudière, lieu-dit, comm. de Sainte-Soulle, château habité.

41 Bibl. mun. La Rochelle, ms. 351, notes bibliographiques Jourdan, vol. 2.

42 Andilly, comm., cant. de Marans, arr. de la Rochelle.

43 Puyliset, aujourd'hui Pied-Lizet, ferme, comm. de Longèves, cant. de Marans.

44 Arch. Hist. de Saintonge et d'Aunis, t. I, p. 119.

45 Reg. du Centième denier du Bureau de la Rochelle, no 715, 1er juillet 1746.

46 Th. DUFFUS-HARDY, op. cit., p. 58.

47 Dorchester, ville d'Angleterre, cap. du comte de Dorset.

48 Inventaire des titres de la Commanderie du Temple de la Rochelle, 1530. Document communiqué par J.-C. Bonnin.

49 Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, septième fils de Louis VIII et de Blanche de Castille.

50 Arch. Vatican, Reg. Aven. Clément VII, no 22, [0 230 b ad an. 1381, Martu 6, cité par H. DENIFLE, O.P, La désolation des églises, monastères et hôpitaux, en France, vers le milieu du xve siècle, 1897.

51 Luc LAPORTE. Bruno TEXIER. 00. cit.. D. 4 et 8.

52 Routiers, bande de soldats pillards au Moyen Age.

53 Bibl. mun. La Rochelle, ms. 31, Claude MASSE, Mémoire géographique du Bas-Poitou, pays d'Aunis et Saintonge, p. 163.

54 ARCÈRE, Histoire de la ville de la Rochelle et du Pays d'Aulnis, La Rochelle, 1756,1.1, p. 156.

55 Albert SEUTTER, gravure aquarellée 53,5 x 62, Exposition Mémoire d'un Port, Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, 1985.

56 ARCÈRE. OD. cit.. carte au début du t. I.

57 Dubuisson-Tardieu, carte propriété de l'auteur de ces lignes.

58 J. MÉTAYER, Op. cit., p. 59.

59 Autorisations des 19 juin 1973, 20 février 1975, 26 février 19/6, 1er mars 19//, 2U mars 1978, 12 mars 1979.

60 J. MÉTAYER, Op. cit., p. 59.

61 M. André Bergé et M. Michel Tourillon sont malheureusement décédés depuis.

62 Les lettres et chiffres qui suivent chaque élément ou chaque objet découvert sur le site, indiquent les carrés du plan où ces éléments ou objets ont été trouvés.

 

 

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