4 février 1413, Traité d'alliance entre Regnault de Pons et Jacques de Créquy, seigneur d'Heilly, maréchal de Guyenne

Au début de l'année 1413, malgré la paix d'Auxerre qui, le 22 août 1412, a mis provisoirement fin aux querelles entre les Armagnacs et les Bourguignons, les foyers de guerre civile ne sont pas encore, en France, complètement éteints. En outre, sans que la guerre étrangère ait officiellement repris, le pays subit des incursions anglaises.

En juin 1412, les princes armagnacs ont appelé les Anglais à leur secours contre les princes bourguignons sous l'influence desquels le roi Charles VI est momentanément tombé.

Les Anglais, sous la conduite de Thomas de Lancastre, duc de Clarence, sont arrivés après la signature de la paix d'Auxerre ; ils n'ont accepté de repartir qu'après avoir reçu l'engagement d'être indemnisés.

Un traité a été conclu en ce sens à Buzançais le 14 novembre 1412 entre le duc de Clarence et les princes armagnacs ; puis les Anglais ont traversé le Poitou en novembre et décembre et sont arrivés en Guyenne à la fin de ce dernier mois.

 Mais une fois en Guyenne, les troupes du duc de Clarence ne sont pas restées dans les quelques possessions que conserve encore le roi d'Angleterre : elles ont rayonné à travers le pays, provoquant de nombreuses défections parmi la noblesse locale. La Saintonge et l'Angoumois sont alors en grand péril.

Pour résister au duc de Clarence, Charles VI envoie en Guyenne, en janvier 1413, Jacques d'Heilly, maréchal de Guyenne, qui est nommé « lieutenant du Roi es parties de Guyenne » (1). Dès qu'il rejoint son poste, Jacques d'Heilly s'efforce de ramener plusieurs seigneurs à l'obéissance du Roi.

C'est sans doute dans ce but qu'il conclut, le 8 février 1413 (nouveau style), avec Regnault de Pons, vicomte de Turenne, un traité dont le texte ci-après a été recueilli par Alfred Richard d'après l'original, jadis scellé, appartenant alors (avant 1914) au duc des Cars.

 

Regnault de Pons est alors un puissant seigneur du Limousin et de l'Angoumois.

 

Il faut donc voir, dans ce traité, un procédé assez fréquemment employé en ces temps de guerres et de troubles, où les luttes privées sont revenues en honneur. Jacques d'Heilly cherche à constituer, dans le sud-ouest de la France, un réseau d'alliances qui puisse contrebalancer les amitiés que le duc de Clarence s'est suscitées et, par là-même, restaurer, dans le pays, l'autorité du Roi de France.

René LACOUR.

 

 

Edenteûre faicte par A B C D par nous Regnault seigneur de Pons vicomte de Turenne (2) et nous Jacques seigneur de Heilly maresehal de Guienne (3) pour considération de la bonne vraie et parfecte amour qui a esté est et espérons estre on temps à venir entre nous et pour perseveerr et continuer en icelle de mieulz en mieulz et avoir et pouoir parfecte alliance ensemble doresennavant, promectons loyamment en bonne foy d'avoir et tenir vraie amour, loiauté et alliance l'un de nous vers l'autre garder procurer et pourchasser le bien, hounour et prouffit l'un de nous à l'autre, eschiver le mal et dommage l'un de nous à l'autre, au mieulz de nostre povoir, et icelui faire assavoir et notiffier l'un à l'autre, tantost et incontinent qu'il viendra à nostre notice, et d'en garder et deffendre l'un de nous l'autre de tout nostre povoir, et s'aucun mal ou domage l'on vouloit faire conprocurer à l'un de nous ou tous deux ensemble, nous serons tenus de ayder et secourir l'un l'autre de corps et de biens au mieulz de noz povoirs, envers tous et contre tous excepté le Roy nostre souverain monseigneur de Guienne  (4) et nos seigneurs de son sang et aussi nos seigneurs ausquielz nous seroïons hommes de foy et noz parens et amis charnels.

Et si le cas advenoit, que Dieu ne veuille, que aucuns de nos dits parens et amis charnels eust aucun débat ou discension ou voulust faire et porter aucun mal ou dommage à l'un de nous, celui de nous de qui seroient les diz parens sera tenus, tantost et incontinent qu'il viendra à sa notice, de le révéler et faire assavoir à l'autre ; et voulons que ces présentes soient fermes estables et creables et ayent valeur et fermeté en elles, jusques à ce que par nous ou l'un de nous soient quictées et adnullées et par lettres scellées de nos propres seaulx faisant mancion de ceste présente alliance et que, empres la dicte quictance, ceste dicte présente alliance soit valable huit jours complez ; empres toutes et chacune lesquelles choses susdictés nous, chacun de nous par tant qu'il lui touche, avons promis, juré et convenance, promectons, jurons et convenançons, par la foy et sairement de noz corps et que nous portons de baptisme, avoir, tenir et garder, faire acomplir et entériner bien et loyaument l'un de nous à l'autre, par la manière dessus déclairée et divisée, sans riens y enfraindre ne venir ou faire venir par nous ne par autre au contraire, en quelque manière que ce soit, et affin de greigneur fermeté nous avons fait mectre et apposer à ces présentes noz propres seaulx.

Fait et donné à Pons, présens nobles hommes messires Jehan de Chambrillère, Regnault Girard chevaliers et maistre Arnoult de Tourrettes bachelier en loiz, le VIIIe jour du moys de fevrer l'an mil quatre cens et douze.

 

 

 

 

A la Mardigrelle 1412, salé Saute Bourguignon- Sac de Fontenay-le-Comte, par les Bourguignons sous la conduite du sire Heilly <==....

 


 

1. Cf. Machet de la Martinière (Jules). Les Guerres anglaises dans l'ouest et le centre de la France (1403-1417) (Positions de thèses des élèves de l'Ecole des Chartes, promotion 1899).

(2). RENAUD VI de PONS, Vicomte de Turenne et de Carlat, seigneur de Ribérac, etc. Lieutenant du roi en Poitou, Saintonge et Angoumois, Conservateur des Trêves de Guyenne

Les dernières armes adoptées par les sires de Pons, sont : d'argent à la fasce bandée d'or et de gueules de six pièces.

Antérieurement elles étaient : d'argent à la fasce de gueules; témoin le recueil de Cécille, héraut maréchal d'armes de Hainaut, tiré en partie de celui de Vermandois, héraut de Charles, roi de France en 1425. (Voy. bibl. de l'Arsenal fol. 179 dudit recueil, où elles sont ainsi blasonnées, et qui plus est coloriées)

Le 4 août 1365, le duc lui permet de percevoir une partie de l'aide d'un franc et d'un florin par feu, accordée par les Etats d'Auvergne, qui sera levée eu ses terres (Bibl. Nat., mss. fr. 26.006 n° 192).

Le 19 juin 1392, il cède au duc de Berry son vicomte de Cariât, en échange des terres de Chessoux, de Monteigli et de Broue par de-là la Charente et de la terre de Sainte-Néomaye en Poitou. (Arch. Nat., J. 274 n° 24, et Saige et comte de Dyenne, Recueil de Documents relatifs à la vicomte de Cariât, t. I, p. 418).

En juin 1399, il vend à Thibaud Portier, chambellan du duc, la seigneurie de Sainte-Néomaye (Cf. Guérin, Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, 1894, p. 22).

 

(3). Jacques III de Créquy était le fils de Jacques II d'Heilly et d'Ade de Renneval, fille de Raoul de Renneval, grand panetier de France et de Philippotte de Luxembourg.

 

 (4). Louis, dauphin de France, duc de Guyenne, est mort le 18 décembre 1415.