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PHystorique- Les Portes du Temps
29 mai 2021

Les Plantagenet duc de Normandie, les fêtes de Noël et cours plénières, dans le château de Bures, à Noron-la-Poterie.

Les Plantagenet duc de Normandie, les fêtes de Noël et cours plénières, dans le château de Bures, à Noron-la-Poterie

A quelques centaines de mètres seulement du cimetière, où ces arbres séculaires sontréellement une des curiosités du pays, se trouve dans la vallée de la Drôme, sur le territoire de Noron, un lieu aujourd'hui à peu près désert, mais dont la pelouse tourmentée annonce que son gazon recouvre les ruines de nombreuses constructions.

Ce lieu s'appelle Bur-le-Roi.

 Aujourd'hui solitaire, il fut jadis le théâtre d'une grande animation, et là, où actuellement on n'entend plus que le mugissement de la vache laitière et le cri de la chouette, piaffaient autrefois les destriers de puissants seigneurs, et retentissaient souvent les accents de la trompette guerrière.

Ce château était contemporain du vieux château de Bayeux, construit par le duc Richard 1er au Xe siècle; de celui des barons du Molay, de celui de Semilly dont les imposants débris existent encore, et de tant d'autres en Normandie dont les noms seuls sont parvenus jusqu'à nous.

On montre encore parfois la motte féodale sur laquelle ils s'élevaient dans les communes qui ont conservé le nom de leurs anciens possesseurs, mais depuis longtemps les générations successives en ont fait des carrières de pierres à leur usage, et c'est ce qui explique la disparition de tant de forteresses, que la prudence de nos rois avait fait démanteler lorsque la Normandie était redevenue française.

Mais, au temps de nos ducs, elles étaient dans tout l'éclat de leurs beaux jours.

Bayeux et la vaste forêt de Bur, dans ses environs immédiats, attiraient ces princes passionnés pour la chasse et aimant un pays où leur langue et leurs habitudes danoises étaient encore en usage.

Nous ne pouvons certifier que leur royal rendez-vous de chasse existât déjà en 1002; mais, cette année-là pourtant, nous trouvons Richard duc Normandie chassant dans le bois du Verney, buisson, comme on disait, de la forêt de Bur, car son frère naturel Guillaume, comte d'Hiesmes, et plus tard comte d'Eu, s'y jeta à ses pieds pour lui demander grâce de ses felonies.

C'est au midi de ce bois, sur les bords de la route de Balleroy à Caen, que s'élevait le château du Mesnil-Hamel.

On n'a point trouvé, sur cette motte, de vestiges de construction : sa force consistait dans des fossés et des remparts, en terre, sans doute garnis de palissades en bois. Ce château est mentionné dans rénumération des principales pièces qui composaient le prieuré du Mesnil-Hamel au XVe. siècle" (A de Caumont 3-347)

 

 Il faut en suivre le récit dans le Roman de Rou de maître Wace, dont nous allons essayer de traduire littéralement le vieux et naïf langage.

« Richard eut des frères et des soeurs, de bons et beaux chevaliers, qu'il fit comtes et barons, et auxquels il donna des terres et des maisons.  A Guillaume (fils naturel de son père Richard 1er),  il donna le comté d'Hiesmes, pour lequel il lui jura fidélité et hommage; il eût dû vivre en paix, mais point ne fit. Guillaume fut très-orgueilleux, a et, comme il aimait les aventures et croyait aux médisants, il desservit son frère Richard. Il attira à lui tous les félons, aima la guerre et prit en haine son pays. Il s'allia à ceux des frontières et guerroya Richard, qui plusieurs fois le menaça, et, ne voulant pas s'en mêler, le fit châtier par d'autres. Mais, à la fin, voyant qu'il ne voulait entendre à rien, et qu'il ne pouvait obtenir ni  paix ni trêve, Richard le fit prisonnier et le mit dans la grand'tour à Rouen (1).

 

  De ses conseillers insensés les uns furent tués, les autres condamnés à perdre la vue et privés de leurs terres. Guillaume fut cinq ans dans la tour, sans pouvoir en sortir ; mais un jour, par le conseil d'un chevalier, qui lui fit préparer une corde en cachette, il sortit par une fenêtre et dévala tout le long de la corde.

Il se jeta aux bois comme il put, dormait le jour et errait la nuit, ne sachant où aller ni en quel lieu il pouvait être en sûreté, tant Richard avait de puissance; il ne pouvait s'adresser au Roi de France qui aimait trop son frère pour vouloir le secourir en risquant de se brouiller avec lui; il ne savait en qui se fier, ni où se cacher.

Il n'osait aller en Bretagne, ni en Anjou, ni en Poitou; après y avoir bien réfléchi, c'est à son frère qu'il ira demander merci et se mettre en sa main; plutôt se confier à lui son a maître qu'à tout autre; il aura plus de chance d'obtenir son pardon. Arrêté à cette pensée, il marcha tant de jour et de nuit, qu'à la fin il arriva au Verney, qui est une forêt du Bessin (2).

Là, il se cacha pour n'être pris ni poursuivi.

Le Comte était allé chasser et se divertir au bois ; Guillaume le guetta dans la forêt et tombant à ses pieds soudainement, il lui cria merci très-humblement. Richard lui demanda: Qui es-tu? Mais dès qu'il  l'eut reconnu, il le fit monter à cheval, l'emmena avec lui, lui pardonna son mauvais vouloir, et le traita très-honorablement en le gardant longtemps auprès de lui.

 Par le conseil de son oncle Raoul, et il fut le seul à le lui conseiller, il lui donna le comté d'Eu pour lequel il lui jura fidélité, et puis lui donna une jeune fille nommée Lesceline, fille de Turquetil. Turquetil était un seigneur très-riche, et sa fille était de grand savoir et de grande bonté. Charitable et aimant Dieu, ce fut elle qui fonda l'abbaye de Sainte-Marie-sur Dives (à Saint-Pierre-sur-Dives).

Elle eut trois fils de son seigneur : Robert, l'aîné, fut comte d'Eu, après son père ; Jean, fut le second; et le troisième (Hugues), fut évêque de Lisieux, bien lettré et bien savant. (Il vécut jusqu'en 1077.) 

 

Nous n'avons trouvé dans l'histoire aucune mention de Bur pendant le long règne de Guillaume-le-Conquérant devenu duc de Normandie en 1035.

 Ses fils, Robert et Henri Ier Beauclerc, ne paraissent pas y avoir séjourné; et il est à croire que ce ne fut que sous le règne de Henri II Plantagenet, que ce rendez-vous de chasse devint une importante et grande demeure royale.

 

Au XIIe siècle, à Bur-le-Roi, les Ducs de Normandie, rois d'Angleterre, avaient leur maison de plaisance, et là ils venaient, dans toute leur magnificence, se livrer aux plaisirs de la chasse, dans les forêts d'alentour.

Mais les distractions de ce genre n'étaient pas les seules occupations qui absorbaient les instants des habitants du palais de Bures-le-Roi.

 

La politique y revendiquait aussi ses droits.

En l'année 1169, Henri II, roi d'Angleterre, y passa plus d'une nuit sans sommeil.

A cette époque, son royaume était le théâtre d'une de ces luttes acharnées que, de temps en temps, se livrent la société religieuse et la société civile, luttes d'autant plus violentes qu'elles puisent souvent leur force dans les inspirations sincères de la conscience.

Le roi d'Angleterre était le champion de la puissance civile; Thomas Becket, archevêque de Cantorbery, était le défenseur des privilèges que revendiquait l'Église.

La lutte se prolongeait implacable et acharnée, et ni l'intervention conciliante du pape Alexandre, ni les efforts d'une partie des évêques n'avaient pu amener le primat d'Angleterre à des idées plus pacifiques et plus pleines de modération.

Ces tentatives de conciliation étaient demeurées inutiles; le drame devait, à la fin, avoir un dénouement.

 

On connaît la lutte de Thomas Becket avec le roi Henri II et sa fin tragique.

Comme plusieurs de ses épisodes se rapportent au séjour de la Cour à Bur, nous allons la résumer en peu de mots.

Thomas Becket, fils d'un bourgeois de Londres et d'une sarrasine qui avait suivi son amant d'Orient en Angleterre, ayant embrassé la carrière ecclésiastique, était devenu archidiacre de Cantorbéry. Homme instruit et ambitieux, il avait réussi à s'insinuer dans les bonnes grâces du roi, qui l'avait nommé son chancelier. Jeune encore, il n'y avait peut-être pas alors à la Cour de personnage plus adonné aux plaisirs que lui.

Mais lorsque la faveur du roi l'eut élevé au poste éminent d'archevêque de Cantorbéry, Thomas changea subitement de sentiments, de mœurs et de langage, et s'identifiant avec les intérêts de l'Église et du Clergé, il ne songea plus qu'à en défendre les droits.

 Nommé archevêque en 1162, il ne tarda pas à renvoyer les sceaux de la chancellerie au roi, et somma tous ceux qui avaient usurpé les biens de son Église à les rendre sans délai. Cette mesure exaspéra la Cour, et le roi lui-même mécontent de l'abandon de son chancelier, irrité des prétentions du nouveau primat, fit sentir son ressentiment.

Une scission éclata. Pour définir les droits et les privilèges de la royauté et les séparer de ceux de l'Église, on convoqua les évêques et les barons à Clarendon, et ce grand conseil fut ouvert le 28 janvier 1164.

Mais Thomas Becket hésita beaucoup à apposer son sceau à l'acte de Clarendon ; et sollicité de le faire, il ne se rendit qu'après avoir protesté contre l'humiliation de l'Église. Plus tard, accablé de menaces par une partie même du Clergé, qui, dans l'assemblée de Northampton, lui reprochait de fomenter la discorde entre le Souverain Pontife et le Roi, et l'accusait de trahison; il se rétracta et se déroba par la fuite à la colère de tous.

Quittant l'Angleterre sur une simple barque de pêcheur, il eut le bonheur de gagner la côte de France, sans tomber entre les mains de ses ennemis.

L'archevêque, obligé de fuir son pays, fut admirablement accueilli en France, et, du fond de sa retraite, lança l'excommunication contre ceux qui avaient eu le plus de part à l'acte de Clarendon.

De son côté, le roi d'Angleterre, le jour de Pâques 1165, eut à Gisors une entrevue avec le roi de France ; mais l'entretien des deux rois ne changea en rien le sort de Thomas Becket, qui continua de passer en France ses années d'exil.

De toutes parts parvenaient des supplications au Pape pour faire cesser cet état de choses et mettre des bornes à la hardiesse des ennemis de l'archevêque; le roi de France, les évêques de ce royaume, la reine elle-même écrivirent au Souverain-Pontife.

Le roi d'Angleterre menaçait de faire jurer à tous les Anglais de ne plus obéir au Saint-Siége; on était à la veille d'un schisme. Il y avait dans le caractère, le tempérament et par suite dans les mœurs du roi Henri II, beaucoup de ressemblance avec son successeur homonyme du XVIe siècle, seulement Henri VIII invoquait de prétendues formes légales pour excuser ses crimes, tandis que Henri II satisfaisait ses passions de la manière la plus brutale et la plus cruelle.

Le droit du plus fort, l'habitude du pouvoir absolu était alors dans les meurs du peuple, qui cependant n'aurait pas encore admis une réforme religieuse.

Henri II sentit un orage terrible se former sur sa tête, et il fit tout au monde pour se réconcilier avec la Cour de France.

 

 

==> 6 janvier 1169. Paix de Montmirail entre Henri II Plantagenêt et Louis VII roi de France médiateur de Thomas Becket.

Il y fut question de la grande querelle qui agitait l'Église, et on y sonda les sentiments du roi d'Angleterre, auquel le pape Alexandre III avait déjà envoyé deux légats, Vivien et Gratien. Mais on se sépara encore sans avoir rien terminé.

Ce fut quelques mois après cette entrevue que fut écrite à Thomas Becket la lettre dont nous avons parlé plus haut.

Comme elle donne une idée très-juste de ce qui se passait alors à la Cour du roi d'Angleterre, et que les faits qu'elle relate ont eu lieu en grande partie à Bur, nous allons en donner ici la traduction. Elle pourra en même temps offrir une étude de meurs, car rien n'est plus intéressant à cet égard que les lettres contemporaines de Henri II, de Thomas de Cantorbéry, de Jean de Salisbury, d’Arnoul de de Lisieux, du roi Louis VII, et enfin du Saint-Père lui-même, qui presque toutes nous ont été conservées.

« Un ami à Thomas, archevêque de Cantorbéry.

« Le jour de l'Assomption (15 août 1169), on apporta de la part des légats les lettres du Pape, et le Roi, après les avoir lues, en fut assez troublé.

Le lendemain, il fit partir le doyen et l'archidiacre de Salisbury (3) pour aller au-devant des  légats qui arrivèrent à Domfront la veille de la saint Barthélemy (23 août). Leur arrivée fit partir en toute hâte Geoffroy Ridel et Néel de Sacqueville, vous savez pourquoi.

Le même jour, comme il était déjà tard, le Roi revenant de la forêt, s'arrêta au logis des légats avant de rentrer à sa demeure, les salua humblement et les accueillit avec le plus grand respect. Il était encore à leur parler lorsque le seigneur Henri le jeune, s'arrêta aussi à la porte avec ses valets, qui tous sonnaient du cor pour la prise d'un cerf qu'il leur abandonna.

Ce qu'il en fit était pour que leurs hôtes l'entendissent. En ad populum phaleras ! Le lendemain (24 août), vers une heure, le Roi retourna au logis des légats, et avec lui entrèrent les évêques de Séez et de Rennes (5).

Quelques instants après furent admis Jean, doyen de Salisbury et Réginald, l'archidiacre; puis ensuite, Rainulfe, l'archidiacre de Landaff.

La séance dura jusqu'à neuf heures, et la discussion fut tantôt tranquille, tantôt vive et tumultueuse. L'intention du Roi était d'obtenir, que les excommuniés, en recevant leur absolution, ne prêtassent pas le serment de ne jamais se séparer de l'église de Rome.

 Un peu avant le coucher du soleil, le Roi sortit très-irrité, se plaignant beaucoup du Pape; et se promettant de ne plus l'écouter en rien, il ajoutait: « Par les yeux de Dieu, j'agirai maintenant autrement. »

Gratien lui répondit avec douceur: « Seigneur, pas de menaces! Nous a ne les craignons pas, car nous appartenons à une Cour qui a coutume de commander aux Empereurs et aux Rois. »

Faisant alors appeler tous les barons et tous les moines blancs qui étaient à la Cour, le Roi leur demanda d'attester en temps opportun tout ce qu'il avait fait pour la paix et la réintégration de l'archevêque. A la fin il parut un peu calme, et il les assigna à huitaine pour avoir une réponse définitive.

On convoqua pour ce jour-là les archevêques de Rouen et de Bordeaux, qui ne manquèrent pas au rendez-vous, ainsi que tous les évêques de Normandie; celui du Mans s'y trouva aussi par hasard. L'évêque de Worcester ne put arriver que le lendemain, et celui de Poitiers s'excusa sur ce qu'il tenait un synode, mais il écrivit qu'il viendrait tout de suite après.

 

 

 

 Ce fut donc le 31 août, qu'à Bayeux les légats présentèrent au Roi les lettres du Pape recommandant la concorde et demandant votre réintégration, et que ce prince leur répondit en exposant de nouveau tout ce qu'il a coutume de vous reprocher :

« Si, à cause des prières du Pape, je fais quelque chose pour cet homme, il devra m'en avoir bien de la reconnaissance. »

Le lendemain « (1er septembre), les légats et tous les évêques se trouvèrent réunis à Bur (6).

 Aussitôt que les légats furent annoncés, le Roi les reçut dans le parc (7), entouré de tous les évêques et de quelques seigneurs qui avaient été désignés nominativement. Puis, prenant les légats à part, il leur demanda d'absoudre les excommuniés sans exiger d'eux aucun serment. Comme ils s'y refusaient, le Roi courut à son cheval, monta dessus et se mit à jurer devant tout le monde, que jamais de sa vie il n'écouterait ni le Pape, ni personne à votre sujet.

Les archevêques, les évêques, tous ceux qui étaient là, supplièrent les légats de céder pour l'amour de Dieu. Ils y consentirent, mais avec bien de la peine.

Le Roi alors descendit de cheval et reprit le conseil, mais cette fois en présence de tous ceux qui étaient dans le parc, et prenant la parole, il dit qu'il voulait qu'ils sussent que ce n'était pas lui qui vous avait fait sortir d'Angleterre, qu'il vous y avait rappelé plusieurs fois et que vous n'aviez pas voulu y rentrer.

 Maintenant cependant, à la prière du Pape et par son ordre, il consent à faire la paix, à vous  rendre votre archevêché et à pardonner à tous ceux qui se sont exilés pour votre cause.

Il était environ neuf heures quand il fit cette concession, et après il paraissait de très-bonne humeur.

Il fit traiter devant lui plusieurs autres affaires. Quand celles-ci furent terminées, il revint aux légats et leur demanda d'aller eux-mêmes en Angleterre pour absoudre les excommuniés qui s'y trouvaient. Ils s'y refusèrent absolument, ce qui irrita de nouveau le Roi, qui désirait que l'un d'eux y fût, tandis que l'autre resterait en France, ou qu'au moins ils y envoyassent un de leurs clercs, dont il paierait d'avance tous les frais.

Gratien, qui, je l'espère, dans cette circonstance, est bien inspiré, répondit que cela ne se pouvait. Alors, le Roi, de plus en plus en colère, s'écria de façon à ce que tout le monde l'entendit :

« Faites ce que vous voudrez, mais sachez que je ne tiens nul compte de vous ni de vos excommunications, et que je m'en soucie comme d'un auf. »

Il remonta précipitamment à cheval. Mais les archevêques et les évêques coururent après lui, en lui disant qu'il avait eu tort de parler ainsi. Il consentit à descendre de cheval une seconde fois et à reprendre l'entretien.

Le résultat fut qu'ils écriraient tous à Rome pour exposer les faits tels qu'ils s'étaient passés; que lui, le Roi, avait été  tout disposé à se réconcilier avec vous, et qu'il n'avait tenu qu'aux légats que cela eût lieu. On perdit assez de temps à rédiger ces lettres, et plusieurs fois le Roi, s'impatientant, menaçait de se retirer, lorsque les évêques vinrent lui dire que les légats leur avaient montré les pleins pouvoirs du Pape, et qu'ils seraient tenus de leur obéir.

« Je sais, je sais, » dit le Roi, « qu'ils peuvent  interdire mon royaume. Mais est-ce que moi, qui puis, si je le veux, m'emparer d'une ville forte en un jour, je n'aurais pas raison d'un prêtre qui viendrait interdire mon royaume ? »

A la fin, les esprits se calmant de part et d'autre, on lui accorda quelque chose qu'il désirait :

« Faites la paix ce soir ou jamais vous n'y reviendrez, » leur dit le Roi. « Le Pape est mon père spirituel, et je consentirai pour ma part à faire beaucoup à sa requête; je rendrai donc à cet homme son archevêché et mes bonnes grâces pour lui et pour tous ceux qui, à cause de lui, se sont fait bannir de mes terres.

Les légats et tous les autres personnages lui adressèrent leurs remerciements, et dès lors, tout à fait radouci, il leur ajouta :

« Si je dois faire encore plus, je le ferai demain d'après votre conseil. »

Le lendemain, 2 septembre, on se réunit au même lieu vers midi; on reprit l'affaire de l'absolution des excommuniés sans serment préalable, et Geoffroy Ridel, Néel de Sacqueville,  Thomas fils de Bernard, la main sur l'Évangile, jurèrent solennellement d'obéir aux légats.

On demanda ensuite à ceux-ci de consacrer les donations que le Roi avait cru devoir faire des biens de votre Église; mais, d'après ce que nous avons appris, ce point fut laissé à votre décision. On passa alors à la formule de réconciliation, telle que le Roi voulait que les évêques l'écrivissent, et il y tenait d'autant plus qu'il aurait désiré qu’un des légats allât en Angleterre pour lever les sentences d’excommunication.

Après bien des discussions, il était déjà trois heures de l'après -midi, le Roi voulut faire ajouter à la formule convenue, sauf l'honneur et la dignité de son royaume: « Mais Gratien refusa positivement d'insérer cette clause inattendue.

 Et ils en restèrent là, devant retourner le jour de la Nativité à Caen pour terminer cette affaire. Arnoul, de Lisieux, se chargea d'adoucir le Roi, et l'archevêque de Rouen, de plaire à Dieu et au Pape. Adieu.

Le résultat fut que Rotrou, archevêque de Rouen, fut chargé d'aller, par autorité du Pape, délier Foliot, évêque de Londres, de son excommunication ; et que les légats envoyèrent en même temps à Thomas des lettres qui lui recommandaient, au nom de son devoir d'obéissance à l'Église, l'humilité, la douceur et la circonspection envers le Roi. (Hist. de Fr., tom. XVI, p. 393 et 414.)

 

 

==> 25 décembre 1169 : Henri II Plantagenêt tient sa cour de Noël à Nantes où il célèbre les fiançailles de son fils Geoffroy II

 

Le 15 janvier 1170, l'archevêque d'Yorck et les évêques de Londres et de Salisbury, arrivés à Bur-le-Roi, annoncèrent à Henri les périls qui menaçaient son autorité en Angleterre, et le supplièrent de prendre des mesures sévères contre Thomas Becket qui, par l'excommunication, appelait, disaient-ils, le peuple à la révolte.

« Eh quoi ! s'écria le roi, un homme qui est venu à ma cour sur une jument boiteuse pour tout bien, vilipende ma famille et foule impunément aux pieds tout mon royaume ; je ne nourris donc à ma table que des gens lâches et ignobles, puisque tous ensemble ne peuvent me venger d'un prêtre seul qui m'insulte si grossièrement ! »

 

 Enfin, au temps de carême 1170, Henry II retourna en Angleterre, où il n’avait pas paru depuis plusieurs années, et aborda à Portsmouth le 3 mars, après avoir essuyé une horrible tempête, dans laquelle sombra le plus beau de ses navires et les quatre cents personnes de tout sexe de sa suite.

 

 ==> Pâques le 5 avril 1170, au château de Niort, Aliénor présente aux barons Poitevins, Richard comte de Poitou âgé de douze ans.

 

Le 14 juin 1170, le jeune Henri est sacré roi d'Angleterre à Westminster par Roger de Pont-l'Évêque, archevêque d'York, assisté de dix ou onze évêques anglais et normands, probablement dans la crainte qu’un jour la partie du clergé qui adhérait aux maximes ultramontaines du primat du royaume ne refusât l'obéissance à ce jeune prince.

 Ce pouvait être aussi l'occasion de faire exercer par un autre les plus importantes fonctions attachées à la primatie du royaume, et il avait ordonné à l'archevêque d’York de remplacer Thomas Becket dans cette circonstance.

Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry et primat d'Angleterre, est normalement le seul habilité à sacrer le roi d'Angleterre. Furieux, Becket demande à Alexandre III des sanctions contre les ecclésiastiques qui ont pris part à cette cérémonie. Le pape décide de leur suspension et pour certains, de leur excommunication.

De là un des plus violents griefs de l'archevêque de Cantorbéry.

 Aussi à peine fut-il de retour dans son archevêché, qu'il promulgua l'interdiction qu'il avait obtenue du Pape contre l'archevêque d’York et les évêques de Durham, Rochester, Londres et Salisbury, pour avoir sacré le jeune Henri.

Cette audacieuse démarche, dictée chez le prélat par la défense qu'il croyait sacrée des droits de son Église, consterna le Roi, qui recevant de toutes parts des plaintes contre les prétentions de l'archevêque, en était exaspéré au dernier point.

Nous n'avons pas l'intention de recommencer ici l'histoire bien souvent écrite de Thomas Becket; nous dirons donc seulement qu'à la fin on ménagea entre lui et Henri une entrevue et une solennelle réconciliation, qui eut lieu le 22 juillet 1170, dans un champ situé entre la Ferté-Bernard et Freteval, sur la limite des États des rois de France et d'Angleterre, et où ces deux souverains avaient eu un colloque deux jours auparavant.

 La réconciliation fut complête, et l'archevêque de Cantorbéry retournait en Angleterre et reprenait possession de son diocèse le 1er décembre, en abordant au port de Sandwich.

 

 

 

 

 CHRONOLOGIE ABREGEE D'HENRI II PLANTAGENET <==

L'expansion de l'empire Plantagenêt (carte et Donjon de Niort) <==.... ....==> 29 décembre 1170, meurtre de Thomas Becket archevêque de la cathédrale de Cantorbéry

 


 

(1) D'après les notes de M. Le Prévost, cet événement eut lieu en 997. Cette tour avait été bâtie par Richard 1er vers le milieu du Xe siècle, et on l'appela dans la suite la Vieille-Tour. Elle s'élevait sur la place qui porte encore aujourd'hui ce nom, et la Seine en baignait le pied. (Licquet, tom. I, p. 183. )

(2) A Vernei vint, ço fu la fin,

Une forest de Baessin. C'est bien là le buisson du Verney de la forêt de Bur, située dans le Bessin.

En sa chape s'est embuschié.
K'il ne fust priz ne encerchié.
Li Quens esteit alé chacier
El bois s'alout esbancier.

(Wace Roman de Rou, tom. Ies, p. 316).

 

(3) Jean d'Oxeneford, doyen, et Réginald, archidiacre de l'église de Salisbury.

(4) Thomas Becket les avait excommuniés.

 (5) Froger, évêque de Séez, de 1157 à 1184.

Etienne II de Fougère, évêque de Rennes, de 1168 à 1178.

(6)   Cette imposante réunion, qui eut lieu le 1er septembre 1169, au château de Bur, outre le Roi et sa cour, se composait donc des légats du Pape, de Rotrou, de Beaumont-le-Roger, fils du comte de Warwick, archevêque de Rouen (1164-1183); de Bertrand de Montaut, archevêque de Bordeaux; de Guillaume de Passavant, évêque du Mans, d'Henri de Salisbury, évêque de Bayeux (1164-1205) ; d'Achard, évêque d'Avranches 31161-1171); probablement de Gilles du Perche, qui venait d'être nommé évêque d'Evreux ; de Froger, évêque de Séez (1157-1184); du fameux Arnoul, évêque de Lisieux (1141-1182), qui devait apporter à cette assemblée toute son expérience; enfin, de Richard de Bohon, qui du doyenné de Bayeux passa à l'évêché de Coutances (1150-1178).

L'évêque de Poitiers était Jean, aux blanches mains, et celui de Worcester, Roger, fils du comte de Glocester et de Mabile, l'héritière de Robert Fitz-Hamon, seigneur de Creully.

(7)   Le parc de Bur était une partie du bois du Verney, qui entourait le château; il devait être clos par des fossés et des palissades. Les fossés existent encore en partie et sont connus dans le pays sous le nom de Fossés-Saint-Regnobert, auquel une vieille légende les attribuait. Saint Regnobert de Bayeux ou saint Renobert de Bayeux (mort vers 666), est le douzième évêque de Bayeux au VIIe siècle.

 Nous verrons plus loin un compte de l'Échiquier de 1193, pour les palissades de ce parc. Le beau temps avait probablement engagé à tenir conseil sous des tentes dehors.

 

 

 

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