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PHystorique- Les Portes du Temps
1 mai 2021

Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau le 10 septembre 1419.

Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau (10 septembre 1419)

Sous la domination romaine, Montereau s'appelait Condale. Il doit son nom actuel à un petit prieuré (monasteriolum), fondé sous l'invocation de saint Martin de Tours vers le VIe s.; au Xe s., il faisait partie du comté de Sens; vers 1026, Raimond, comte de Joigny, y construisit un château pour prélever un péage sur les rivières de l'Yonne et de la Seine.

 Une ville se forma peu à peu autour de ce château, dont Charles le Mauvais s'empara sous le roi Jean, et que reprit le dauphin, depuis Charles V.

 

 

En 1419, le pont de l'Yonne, à Montereau, fut le théâtre d'un crime royal qui eut pour la France les plus déplorables conséquences, l'assassinat de Jean sans Peur.

Si la paix de Saint-Maur avait été sans suite, ne convenait-il pas d'en conclure une meilleure, afin que le royaume pût enfin respirer ? Par lettres communes du dauphin et de Jean Sans Peur, de vrais négociateurs allaient vaquer "par bonne vérité et alliance à tous les grands faiz de cedict royaulme, sans vouloir riens entreprendre ne avoir aucune envie l'ung sur l'autre.

Le duc de Bourgogne, n'ayant pas voulu céder aux prétentions exagérées du roi d'Angleterre Henri V, s'était rapproché du dauphin. Une première entrevue avait eu lieu à Pouilly-le-Fort, sur le pont, à une lieue de Melun.

"Le traité dit de Pouilly-le-Fort, paroisse de Vert-Saint-Denis, fut signé le mardi 11 juillet "sur le ponceau qui est à une lieue de Melun". On croyait bien alors à une paix possible : traité juré des seigneurs des deux camps, avec échange de cadeaux ; chose à peine croyable, Robert Le Maçon accepta des mains du duc une cédule pour recevoir cinq cents moutons d'or de trente sols pièce !

Ils s'étaient mutuellement promis la paix, s'engageant à chasser le roi Henri d'Angleterre hors de France. Pourtant la méfiance restait vive de part et d'autre.

Mais les intrigants qui exploitaient la faiblesse du dauphin, et dont la guerre civile avait fait la fortune, voyaient avec angoisse la fin imminente de leur grandeur. Ils se riaient peu d'ailleurs au pardon du duc de Bourgogne, et savaient que Jean sans Peur n'oubliait guère.

Ils résolurent de l'assassiner. Leur complot tramé, ils l'invitèrent de la part de leur maître à une seconde entrevue, afin de délibérer ensemble « des grandes affaires touchant la séparation des royaumes. »

Le lieu du rendez-vous proposé était Montereau, où se trouvait déjà le dauphin avec un nombreux corps, d'armée amené des provinces du Midi. Jean sans Peur, qui était à Troyes, refusa d'abord, puis il céda aux instances de Mme de Giac, sa maîtresse, qui le trahissait. Cependant, arrivé à Bray, il hésitait encore. L'évêque de Valence, envoyé à sa rencontre, le détermina, sans se douter du rôle qu'on lui faisait jouer.

On convint que le duc aurait le château de Montereau pour logis, que le dauphin aurait la ville, et que la conférence se tiendrait sur le pont de l'Yonne, qui joint la ville au château. « Sur le pont durent, être faites barrières, et au milieu une manière de parc (ou de loge) bien fermé, où il y aurait une entrée du côté du château et une autre du côté de la ville, à chacune desquelles entrées était un huis (porte) qui se fermerait et garderait par les gens de chacun des deux princes. »

Le dauphin et le duc Jean devaient entrer dans la loge chacun, avec dix compagnons. Contre l'usage accoutumé en ce temps de défiance, et de trahisons, les Dauphinois, qui construisirent la loge, n'établirent point de barrières entre les deux partis dans l'intérieur.

Les avertissements ne manquèrent pas au duc de Bourgogne; il n'en tint aucun compte. Seulement, il envoya à la découverte le sire de Giac; celui-ci, qui trahissait son maître, revint en disant qu'il n'avait rien trouvé d'alarmant.

« Le 10 septembre 1419, vers trois heures de l'après-midi, dit M. Henri Martin, le duc descendit du château de Montereau, et, laissant ses gens d'armes à la porte qui regardait la ville, il s'avança, suivi de neuf seigneurs et d'un secrétaire, sur le pont où l'attendait le dauphin.

Le duc et ses compagnons, suivant les conventions arrêtées, ne portaient que la cotte et l'épée. Jean sans Peur en fit l'observation à Tannegui Duchâtel et à un autre Dauphinois, qui les vinrent recevoir aux barrières avec des bâches à leur ceinture; néanmoins, il passa outre en frappant sur l'épaule de Tannegui et disant à sa suite :

« Vées-ci en qui je me fie ! — Vous avez bien tardé ! » répondirent les Dauphinois ; et ils l'introduisirent précipitamment dans la loge, lui et le seigneur de Noailles, un des frères du comte de Foix. Les autres seigneurs bourguignons étaient un peu en arrière.

« Les barrières furent refermées derrière eux. Ce qui se passa ensuite a été rapporté très-diversement par les deux parties.

Suivant les Bourguignons, le duc aborda le dauphin en ôtant son aumusse (chaperon à longues bandes) de velours noir et en fléchissant le genou :

« Monseigneur, lui dit-il, je suis venu à votre mandement. Vous savez la désolation de ce royaume, votre domaine à venir, entendez la réparation d'icelui. Quant à moi, je suis prêt d'y exposer le corps et les biens de moi et de mes vassaux sujets et alliés

.— Beau cousin, répliqua le dauphin, vous dites si bien que l'on ne pourrait mieux; levez-vous et vous couvrez. »

 Un signe fut alors, dit-on, échangé entre le dauphin et Tannegui, qui s'écria :

« Il est temps ! » et, à l'instant où le duc se relevait, Tannegui « le férit si roidement d'une hache parmi le visage, que le duc « chut à genoux. » Le duc mit la main à son épée et fit un effort pour se relever; mais le vicomte de Narbonne et les autres chevaliers du dauphin, qui étaient tous « armés à blanc » sous leurs robes, se ruèrent sur Jean et « l'abattirent à terre comme mort. »

Un nommé Olivier Layet l'acheva en lui « boutant une épée par-dessous son haubergeon, tout « dedans le ventre. » Le sire de Noailles tomba au même instant, la tête fendue par derrière d'un coup de hache. Les autres Bourguignons accoururent trop tard.... Un seul des dix compagnons du duc Jean s'échappa; tous les autres furent tués ou pris.

 Quant au dauphin, il avait été emmené par le président Louvet dès le commencement du tumulte.

 

« Les soldats dauphinois, embusqués près de l'extrémité du pont donnant sur la ville, s'étaient élancés en foule par la barrière ouverte de ce côté, tandis que l'autre barrière, du côté du château, avait été fermée, suivant les conventions, pour empêcher les gens d'armes bourguignons d'avancer. »

Tel est le récit bourguignon. Les Dauphinois prétendirent, au contraire, qu'il n'y avait point d'embûche ni « d'aguet. » Le dauphin, suivant eux, parla le premier et exhorta le duc Jean à s'unir franchement à lui contre les Anglais. Le duc lui répondit qu'on ne pourrait rien aviser ou faire, sinon en la présence du roi son père, et qu'il fallait qu'il y vînt. « J'irai devers monseigneur mon père, reprit le dauphin, quand bon me semblera, et non mie à votre volonté .»

Le sire de Noailles, alors, aurait porté une main sur son épée et étendu l'autre comme pour saisir le dauphin, en disant : « Monseigneur, vous viendrez à présent à votre père ! « . Tannegui prit le dauphin dans ses bras et l'emporta hors du « parc, tandis que le vicomte de Narbonne, Robert de Loire, Guillaume Bouteille et Frottier, frappaient sur le duc et sur Noailles, « Tu as coupé le poing à mon maître, s'écria Bouteiller, ancien serviteur du feu duc  d'Orléans, je te couperai le tien. »

Les détails mêmes de la version des Dauphinois, telle que la rapporte Juvénal, prouvent, ce qu'ils voudraient nier, la préméditation du meurtre.

L'escorte bourguignonne s'enfuit du côté-de Bray, poursuivie l'épée dans les reins par les Dauphinois; le détachement qui occupait le château de Montereau se rendit faute de vivres et d'artillerie. Le jeune comte de Clermont, le sire de Giac et Philippe Jossequin prêtèrent serment au-dauphin, ainsi que la dame de Giac, ce qu'on interpréta généralement comme un aveu de leur complicité.

Tous les autres prisonniers déclarèrent qu'ils aimeraient mieux mourir que de suivre cet exemple : on leur imposa une rançon, excepté à l'amiral Charles de Lens, qui fut mis à mort.

 Ainsi finit Jean sans Peur, par une trahison aussi noire que celle dont il avait lui-même donné l'exemple, douze ans auparavant, envers le duc d'Orléans.

 

Les conséquences en devaient être plus terribles encore; chacun des grands forfaits qui se succédaient périodiquement depuis l'avènement de Charles VI enfonçait la France plus avant dans l'abîme. »

Le 20 juin 1420, Philippe le Bon, secondé par le roi d'Angleterre, s'emparait de Montereau. Il fit déterrer le corps de son père, qui avait été inhumé « à peu d'honneur » en l'église Notre-Dame de Montereau, et, « après grand deuil et service solennel, » il l'envoya en un cercueil de plomb, « plein de sel et d'épices, » aux Chartreux de Dijon.

 

 

Il n'est pas absolument sûr que le prévôt Tanneguy du Chastel ait le premier frappé Jean d'un coup de hache d'armes.

Ce qui importe ici est de savoir si Robert Le Maçon, présent à Montereau, eut quelque responsabilité dans cet assassinat. Ceci est peu probable ; le chancelier n'était pas un homme de guerre ; il s'y trouvait, mais non armé, comme en témoigne Jouvenel des Ursins (1) qui cite les partisans du dauphin présents sur le pont. Il aurait tenté de convaincre le dauphin de ne pas atteindre à la vie du duc.

Malgré Montereau, la vie de Robert fut sans heurts dans les années suivantes.

Nous le voyons présider le Conseil du Dauphin, séant à Bourges en février 1420.

 Sa première épouse étant décédée, âgé de 55 ans environ il prend pour femme Jeanne de Mortemer de Couhé qui n'avait pas encore 18 ans, et se trouvait dans l'entourage de la reine Yolande d'Anjou.

Nous le voyons dans l'été 1420 négocier auprès de la famille de Penthièvre la libération de Jean, duc de Bretagne, et le dauphin lui fait don d'un cheval, puis d'une mule (2).

Mais le chancelier peut surtout financer les travaux de Trêves grâce à de nouveaux droits qui lui sont accordés par lettres patentes du 7 novembre 1420 : il ferait lever "sur chaque pipe de vin passant la rivierre de Loire, en dévallant ou en montant devant ledict chastel la somme de 10 deniers, ou traversant par charroi ladicte chastellenie" (3).

 

 

En l'absence du dauphin resté à Chinon, le chancelier préside le 5 août 1421 à Blois un Grand Conseil de seigneurs français et écossais. On convoquait toutes les troupes disponibles pour le 25 du même mois à Vendôme, afin de secourir la place de Dreux assiégée par les Anglais (4).

 

Nous voyons aussi un habitant de Poitiers, nommé Jean Frottier, prendre une part active à l’assassinat de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, sur le pont de Monterau-Fault-Yone.

La cause du Dauphin, qui fut alors déclaré indigne du trône par le parti des Anglais, n’en continua pas moins d’être celle de la nationalité française : aussi chaque jour on voyait arriver à Poitiers des hommes de marque et des guerriers de renom.

 Le régent était dans cette ville, en 1421, lorsqu’il apprit que les Ecossais avaient défait les Anglais au petit Beaugé, en Anjou, et que le comte de Clarence, frère du roi d’Angleterre, avait été tué dans cette bataille.

 Le prince partit aussitôt pour Tours, et donna l’épée de connétable a John Stuart , comte de Buchan, auquel il devait un si grand avantage.

Dès qu’il eut appris la mort de son père, arrivée le 25 octobre 1422, le Dauphin, salué roi par les personnes de sa suite, au château d’Expally, près le Puy en Velay, ne tarda pas à partir pour Poitiers, qui était sa capitale, et s’y fit proclamer d’une manière solennel en plein parlement, au milieu de toutes les autorités, de tous les capitaines et de toutes les personnes dont se composait sa cour.

Cette cérémonie eut lieu dans l’ancienne salle des gardes des comtes de Poitou, appelée aujourd’hui la salle des Pas Perdus.

Peu de temps après, Charles VII se rendit à Bourges, ou des affaires l’appelaient ; il revint bientôt à Poitiers, et y reçut le serment des grands vassaux des provinces qui lui obéissaient encore, ainsi que des officiers des villes demeurées soumises à son autorité.

Dans cette cérémonie, de Taunay, maire de Poitiers, et Guillaume Taveau, baron de Mortemer, échevin, prirent séance parmi les comtes et les barons.

Le roi confirma les privilèges de Poitiers, qu’il appela sa ville fidèle ; il la visita de nouveau, à la suite d’un voyage à la Rochelle, ou il s’était fait accompagner par une compagnie bourgeoise de cette cité, et y passa huit mois presque sans en sortir.

Ce fut vers ce temps qu’il commença à se servir d’Ecossais pour sa garde : telle a été l’origine de la compagnie écossaise des garde du corps, laquelle a existé jusqu’à la révolution de juillet 1830.

 

Enfin, en janvier 1427, le roi assembla à Poitiers les Etats Généraux pour plusieurs provinces.

Arthur de Richemont avait remplacé dans la dignité de connétable le comte de Buchan, tué à la Bataille de Verneuil. Richemont exigea bientôt le renvoi de la cour de Poitiers tous ceux qui avaient contribué à l’assassinat de Montereau.

Il fit une nuit, saisir Giac, chargé par Charles VII du gouvernement des finances, poste dont on prétendait que le favori usait à son profit, et après un procès sommaire fait, il le fit jeter dans un sac à la rivière.

L’intendance du trésor ayant été donné à Le Camus de Beaulieu, celui-ci déplut encore, et les gens du connétable le tuèrent dans la prairie joignant le château de Clain et Boivre. et presque sous les yeux du roi.

Alors commença la faveur de Georges de la Trémouille, qui non-seulement sut résister à Richemont, mais encore soutint contre lui la lutte la plus acharnée.

 

 

 

 

 

De Paris à Lyon (4e édition) / par Paul Joanne

 

 

 

 

Château de Trêves de Robert le Maçon, chancelier du Dauphin Charles, protecteur et compagnon d'armes de Jeanne d'Arc. <==.... ....==> Chinon, Robert Le Maçon négocie avec Charles le départ de Marguerite de Bourgogne qui rejoint Arthur de Richemont à Parthenay

 

 

 

 


 

11. - Jouvenel, op.cit 11,555. Comme les gens du duc, ceux du dauphin "avoient pris des harnois, c'est assavoir espées et haubergeons, excepté son chancelier Monseigneur Robert Le Maçon et le président de Provence qui n'avoient pris de harnois."

12. - Beaucourt, op.cit,. I, 212.

13. - CPort, op.cit article Trêves

14. - Ordonnances, op.cit.,Xl,\26.

 

 

 

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