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PHystorique- Les Portes du Temps
20 mars 2021

Notre-Dame du Chevalier Béhuard sur une île de la Loire (Maine-et-Loire)

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Plusieurs auteurs se sont évertués à discuter sur l'étymologie de Béhuard ; mais dès lors qu'aucune de leurs données ne parait certaine, il serait puéril de s'y arrêter. Faisons donc grâce au lecteur de ces élucubrations plus ou moins fictives ; passons à côté du pays des légendes pour entrer en plein dans le domaine de l'histoire. La suite du récit indiquera d'ailleurs l'opinion la plus probable.

Que la dévotion à Notre-Dame de Béhuard remonte au temps de saint Maurille, évêque d'Angers, vers la fin du IVe siècle, c'est ce qu'il serait difficile de contester.

Pour cela il faudrait s'élever contre les assertions d'auteurs très sérieux et très réservés en matière de critique historique : il faudrait méconnaître la corrélation des faits et repousser les traditions les plus respectables.

Nous devons dire toutefois, pour nous maintenir sur le terrain de la vérité, que les origines diverses attribuées  par le peuple à cette dévotion ne nous semblent point suffisamment prouvées.

Ainsi, pour le retour de la, statuette sur le rocher plusieurs fois miraculeusement arrivé, nous n'avons rien trouvé qui pût corroborer cette tradition, et il est fort possible qu'on ait attribué à Béhuard un fait qui se rapporte à l'origine incontestée de Notre-Dame du Chêne, près Sablé, ces deux sanctuaires ayant fait partie de l'Anjou n'étant pas très éloignés l'un de l'autre et possédant le même vocable.

Donc, sans rejeter absolument ces faits, il serait téméraire, croyons-nous, de se prononcer sur leur certitude.

On ne pourrait pas cependant, sans s'écarter de la vraisemblance, contester que le saint évêque Maurille, longtemps curé de Chalonnes, à trois lieues seulement de Béhuard, n'eût dû répandre autour de lui les fruits de sa dévotion à la Sainte Vierge et que la roche de cette île charmante, débarrassée des idoles païennes, n'eût pu recevoir pour nouveau couronnement une statue de Marie.

Ce qui nous confirme dans cette opinion, c'est la similitude des pratiques et observances gardées jadis au pèlerinage de Béhuard et à celui du Marillais dont saint Maurille était assurément le fondateur. »

Quoi qu'il en soit, ce n'est qu'avec le temps que le pèlerinage de Notre-Dame de Béhuard acquit assez d'extension pour arriver à la célébrité, et c'est au XIe siècle seulement que nous le voyons revendiquer sa place dans l'histoire.

A cette époque il existait, sur l'une des crêtes du rocher, une toute petite chapelle dans laquelle était vénérée l'image de la Mère de Dieu.

Les vestiges de cet humble sanctuaire ont complètement disparu, et à la place s'élève maintenant la sacristie de l'église actuelle bâtie par Louis XL. Quelques anachorètes étaient venus non loin de là sur le rocher établir leur demeure. On voyait encore, il n'y a pas cinquante ans, les débris d'une maisonnette appelée la Moinerie.

Les choses étaient en cet état, quand, au cours du XIe siècle, Geoffroi Martel, comte d'Anjou, donna en fief à un pieux chevalier appelé Buhardus ou Buhard, deux îles de Loire, dont la réunion forma plus tard celle qui aujourd'hui porte ce nom.

Notre-Dame de Béhuard vue depuis le Château de la Roche aux Moines

(Notre-Dame de Béhuard vue depuis le Château de la Roche aux Moines)

L'une se nommait l'ile Marie, sans doute à cause du culte de la Sainte Vierge dont elle était le théâtre; l'autre s'appelait la Vacherie.

Par celte générosité, le comte avait voulu récompenser les loyaux services de Buhard, et, sans nul doute, il s'acquit de la part de son serviteur reconnaissant une affection profonde.

Geoffroi mourut en 1061, et Buhard, grandement affligé de la mort de son bienfaiteur, afin de soulager son âme par une bonne oeuvre, donna ses deux îles à l'abbaye de Saint Nicolas d'Angers. Il voulait ainsi par- là se préparer lui-même au trépas.

L'acte de donation qui nous a été conservé porte qu'en l'une de ces îles était son rocher, sa maison et sa chapelle et en l'autre ses bouquets de bois, les pâturages de ses troupeaux ainsi que ses parcs à poissons.

Dans cet acte, il est encore question d'un duit, c'est-à-dire d'un cours d'eau créé par un endiguement spécial, et d'un moulin offert dans l'état où il se trouvait après sa construction.

Cette donation fut confirmée peu de temps après par Anne sa femme, en présence de l'abbé Arrandus. Le territoire qui en était l'objet formait alors trois bordages.

Une autre raison des préférences de Buhardus pour l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers peut se trouver dans ses relations déjà anciennes avec elle.

Il en avait obtenu un religieux pour chapelain et en échange il cédait aux moines la moitié de son revenu.

Les nouveaux possesseurs des iles de Buhard songèrent bientôt à donner à leur propriété un développement plus considérable. Ils y parvinrent assez promptement, grâce surtout à la vive affection que leur portait Girard-Folet, prévôt de la ville d'Angers, en 1070.

 

 

 Il y avait alors sur les bras de la Loire, situés dans le voisinage, certains droits perçus par Foulques IV le Réchin, comte d'Anjou et successeur de Geoffroi Martel.

Les moines de Saint-Nicolas désiraient vivement se les approprier, et Girard Folet en sollicitait pour eux la cession. Assez longtemps on ne put rien obtenir; Foulques ne voulait d'aucune manière en entendre parler. La Providence vint à leur aide.

Le comte, qui avait mené ses Angevins au siège de La Flèche, y ayant été blessé d'un coup de pied de cheval, se fit reconduire à Angers dans un bateau, en descendant le cours du Loir. Girard était du voyage.

D'abord, tout alla pour le mieux; mais devant le village de Corzé, il y eut un terrible moment d'arrêt. Là se trouvait un barrage qui n'était ouvert que par une porte assez étroite dans laquelle il existait un très fort courant.

Arrivés en cet endroit périlleux, l'un des mariniers laisse maladroitement échapper sa perche, qui va se mettre en travers de la porte. La barque poussée par le courant sur cet obstacle, incline et va chavirer ; l'équipage transi de peur ne sait que faire. Soudain, Girard se jette sur la perche, la brise et, débarrassant ainsi la voie, se sauve avec ses compagnons d'un naufrage certain. Ainsi, grâce à sa présence d'esprit, le passage s'effectua sans accident.

Aussitôt, pénétré de reconnaissance pour un si grand service, Foulques prit une branche de saule, la mit dans les mains de son prévôt et lui accorda, en faveur des religieux de Saint-Nicolas, tout ce qu'il lui avait si longtemps et si vainement demandé.

La propriété de ces religieux s'accrut encore de plusieurs dons qui leur furent faits. Ainsi Foulques le jeune, fils et successeur de Foulques Réchin, pressé par son médecin, le célèbre Jean, qui était en même temps religieux de Saint-Nicolas, les mit en possession d'un bras de Loire dont ils avaient besoin pour augmenter le courant qui faisait tourner leurs moulins.

En 1135, d'après M. Quicherat, ils en auraient reçu un autre de Geoffroi Plantagenet qui, non content de leur donner l'eau, y aurait ajouté plusieurs ilots situés du côté de Savennières et qui sont beaucoup moins apparents depuis la construction du chemin de fer.

Jean Ier était abbé de Saint-Nicolas quand ils en furent solennellement investis.

 

 Dom Rousseau parle d'un dernier îlot dont l'aumône leur, aurait été faite en 1170 par un chevalier qui s'appelait Mathieu Garault.

 

 (Panorama Robert d'Arbrissel - Aliénor d'Aquitaine, Richard coeur de Lion Abbaye de Fontevraud)

 

 

Cette propriété se trouvait ainsi définitivement constituée lorsque, après son avènement au trône, Richard Coeur-de-Lion la leur confirma le 14 novembre 1189.

Il ne parait pas qu'à cette époque les religieux n’aient fait aucun changement au modeste sanctuaire de Béhuard : ils se contentèrent probablement de le conserver dans, l'état où ils l'avaient reçu.

D'ailleurs, tous les travaux qu'au dire des auteurs contemporains ils firent à ces lieux, leurs moulins, leurs écluses, leurs réservoirs pour le poisson, tout a disparu, et il n'en reste aucune trace.

 

Dans un trait de la vie du vénérable Sigon, abbé de Saint-Florent, rapporté par Dom Rousseau, on parle d'une chapelle dite de l'écluse de Saint-Nicolas.

Nos historiens modernes l'ont crue différente de celle de Béhuard, en avouant toutefois qu'il était impossible d'indiquer la place où elle se trouvait. Nous croyons qu'elle n'a jamais existé et que, dans le texte latin, il n'est question d'autre chapelle que de celle de Béhuard.

Voici d'ailleurs le fait. Nous le rapportons d'autant plus volontiers qu'il tourne à la gloire de la Très Sainte Vierge, invoquée en ce pèlerinage.

 

L'abbé Sigon, se rendant un jour au Mont-Glonne avec quelques-uns de ses religieux, fut surpris par la nuit non loin de l'embouchure de la Maine, et obligé de s'arrêter dans une île proche de celle de Béhuard et en face de la chapelle de l'écluse Saint-Nicolas.

 Or, il se trouva que, manquant de provisions, ils n'avaient pas de quoi faire le repas du soir. Ils appelèrent donc un pêcheur qui demeurait sur l'autre rive et achetèrent de lui quelques poissons.

Le brave homme voulait repasser immédiatement sur son île, mais le saint abbé l'invita de si bonne grâce à souper avec eux qu'il finit par y consentir.

Après le repas, Sigon, qui avait été vivement-intéressé par ce qu'avait dit le pêcheur sur ses affaires et sur sa famille, voulut lui donner une nouvelle preuve de bienveillance en ajoutant quelques pièces de monnaie au prix du poisson et le pria en outre d'accepter les restes de leur frugal repas.

Celui-ci, fort content, quitte les religieux et s'empresse de retourner vers sa barque.

La nuit était devenue très obscure et, en outre, un vent violent agitait les eaux du fleuve. Accoutumé à braver les tempêtes, notre pêcheur saute dans son embarcation et se dirige vers la rive opposée.

Mal lui en prit. Le batelet fut bientôt submergé par les vagues. Lui-même n'eut que le temps de jeter quelques cris de détresse et disparut dans l'abîme. Cependant les religieux, pleins d'inquiétude, l'avaient entendu; mais comment le secourir en cette obscurité complète et par un tel orage ? Ils se mirent en prières et attendirent avec une vive anxiété l'aurore du lendemain.

 Leurs supplications avaient été exaucées : la Vierge de Béhuard avait sauvé le malheureux qui, sans en avoir conscience, s'était cramponné à l'un des poteaux de l'écluse. C'est là qu'ils le virent dès que le jour parut.

Interrogé sur la manière dont il avait échappé à la mort, il dit qu'étant déjà sous l'eau, le pieux abbé avait écarté avec son manteau les flots qui l'enveloppaient, puis, avec son bâton, le soulevait au-dessus des vagues, la Sainte Vierge voulant sans doute lui faire connaître par- là aux prières de qui il devait la vie.

Nous venons d'affirmer que la chapelle dont il est question n'est pas autre que le Sanctuaire lui-même de Notre-Dame de Béhuard.

En effet, il passait autrefois au pied même du rocher un bras de Loire qui le séparait de ce qui est devenu la partie antérieure de l'île. Les plis du terrain en montrent encore la direction et les contours.

Cette partie antérieure n'était probablement, au temps de Sigon, qu'un îlot qu'il devait naturellement rencontrer le premier en descendant le cours du fleuve. Elle se trouvait près de la roche de Béhuard, prope rocham Behuerardi, et, en face de la chapelle de l'écluse Saint-Nicolas, juxla capellam exclusse Sancti-Nicolaï, désignation très applicable à la chapelle de Béhuard si l'on place au pied du rocher ou dans son voisinage une des écluses construites par les moines.

Les pieux étrangers appellent un pêcheur de Béhuard qui demeurait sur l'autre rive; mais, d'après notre hypothèse, le bourg de Béhuard, étant comme aujourd'hui derrière la roche, se trouvait parfaitement à portée de la voix, de l'autre côté du lieu en question.

Depuis cette époque (1060) jusqu'à la fin du XIVe siècle, l'histoire se tait sur Béhuard et son sanctuaire.

La puissance de Notre-Dame Angevine semble ici sommeiller; mais ce n'est que pour se manifester bientôt dans un réveil splendide.

 

 

Notre-Dame de Béhuard et son pèlerinage : notice historique / par M. l'abbé M. Dubreil,...

 

 

 

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