La chapelle funéraire à Fontevraud l’Abbaye, lanterne des morts (1225 Charte de Berthe, abbesse)
Il existe une classe de monuments funéraires dont on ne s'occupe que depuis un petit nombre d'années, et qui ne sont pas moins intéressants, au point de vue architectural, que sous le rapport de l'histoire des mœurs et coutumes au moyen âge : ce sont ceux auxquels on donne le nom de lanternes des morts, colonnes creuses ou fanaux de cimetières.
Ces curieuses constructions furent sans doute d'un usage à peu près général, mais elles ont évidemment été beaucoup plus communes dans certaines contrées que dans d'autres : en effet on peut parcourir, en France, de vastes espaces sans en rencontrer une seule, et, au contraire, sur une étendue de pays assez restreinte, on en a découvert un assez grand nombre, auxquelles il faut encore ajouter celles qui sont détruites aujourd'hui, mais dont l'existence à une époque peu éloignée de nous a été constatée.
Le Poitou est la province où sont situées la plupart de celles qu'on a signalées ; l'Auvergne en possède également plusieurs, et l'on en a découvert dans les départements de l'Indre, de la Sarthe, etc.
On ne sait rien de positif sur l'origine des lanternes des morts ; l'observation apprend seulement qu'il n'en est pas d'antérieures au XIIe siècle, et que presque toutes datent de cette époque, ou du siècle suivant, ce qui peut d'ailleurs être en grande partie le résultat de ce que la grande majorité des édifices anciens que renferme la France ont été élevés pendant cette période.
Sans être encore complètement dégagée de l'obscurité qui l'enveloppait, la destination des lanternes des morts a cependant été déterminée d'une manière assez satisfaisante pour en faire apprécier l'importance. Plusieurs archéologues ont en effet écrit sur ce genre de monuments, et, il faut le constater, à la louange de l'école moderne, leurs conjectures paraissent généralement très-vraisemblables, appuyées qu'elles sont sur des textes authentiques et interprétés avec intelligence.
Nous allons en donner ici un résumé succinct.
Les colonnes de cimetières, toutes creuses et percées de baies à leur partie supérieure, étaient destinées à contenir une sorte de fanal qu'on allumait, soit chaque soir, soit seulement en certaines circonstances. L'existence de ces fanaux ne saurait être contestée, car plusieurs documents l'établissent formellement.
Ainsi, il existe une donation faite, en 1268, à la cure de Mauriac (Cantal), par un de ses curés, afin qu'on allumât tous les samedis une chandelle dans la lanterne qu'il avait fait élever au milieu du cimetière ; il paraîtrait même que cet usage remontait à une époque reculée, car il se trouvait un phare de cette espèce ( pharus ignea ) à Saint-Hilaire de Poitiers, lors de la bataille de Clovis contre Alaric.
La principale destination des fanaux de cimetières, et celle dont il n'est pas permis de douter, c'était de constituer une sorte d'hommage rendu aux morts. L'emploi de lampes, brûlant devant les objets sacrés, était commun parmi les anciens chrétiens, pour lesquels elles rappelaient l'idée du chandelier à sept branches dont parle l'Ancien Testament ; il est donc naturel qu'on ait eu, plus tard, la pensée de placer de semblables lampes dans les champs de repos, avec le désir d'honorer la mémoire des morts.
Voici d'ailleurs un texte précieux, cité par M. de la Villegille, et qui en est une preuve irréfragable ; il est extrait d'un ouvrage de Pierre de Cluny, dit le Vénérable, mort en 1156 (1), et il y est question de la petite tour contenant le fanal du monastère de Cherlieu, diocèse de Maçon :
« Obtinet medium cimeterii locum structura quœdam lapidea, habens in summiIl tate sua quantitatem unius lampadis capacem, quœ ob reverentiam fidelium ibi quiescentium, totis noctibus fulgore suo locum illum sacratum illustrat. Sunt et gradus, per quos illuc ascenditur; supraque spatium duo bus vel tribus ad standum vel sedendum hominibus sufficiens..., etc. »
Cette description se rapporte parfaitement aux lanternes des morts que nous connaissons.
Les colonnes de cimetière servaient certainement aussi à plusieurs cérémonies religieuses relatives aux funérailles.
La présence de l'autel orienté qui se trouve faire partie de plusieurs d'entre elles ne peut s'expliquer autrement ; il est à supposer qu'on y disait la messe lors des inhumations, et lors de certaines fêtes.
M. Le Cointre du Pont, ayant remarqué que les fanaux se rencontraient particulièrement dans les cimetières qui bordaient les chemins de grande communication, ou qui étaient dans des lieux très-fréquentés, en a tiré cette conséquence, qu'ils avaient dû être élevés afin de préserver les vivants de la peur des revenants et des esprits des ténèbres ; de les garantir, comme il le dit, de ce timore nocturno, de ce negotio perambulante in tenebris dont parle le Psalmiste. Sans contester positivement cette opinion, nous croyons que M. Le Cointre est beaucoup plus dans le vrai lorsqu'il ajoute que les fanaux conviaient les passants à prier pour les morts. Nous croyons aussi que les fanaux ont pu être destinés à servir de guides aux voyageurs ; la tradition l'affirme en effet en plusieurs endroits, et Mabillon, lui-même, dit que les fanaux servaient à éclairer la route des personnes qui se rendaient la nuit aux églises (2).
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Les citations que nous avons rapportées dans notre notice sur la Tour de Boston, démontrent d'ailleurs que plus d'une fois les monuments religieux ont été utilisés en vue d'un résultat analogue.
Les lanternes de cimetières ont généralement la forme d’une petite tourelle cylindrique, carrée ou polygonale, exhaussée sur un soubassement, et coiffée d'un amortissement conique ; mais il en est également quelques-unes qui, beaucoup plus vastes, forment de véritables chapelles, où avait probablement lieu l'exposition des corps, et dans lesquelles pouvaient facilement se célébrer toutes les cérémonies funéraires. Cette collection renferme le monument le plus important de cette espèce, l'Octogone de Montmorillon. Celui qui fait l'objet de cette notice peut être considéré comme un type intermédiaire entre ce dernier et les simples colonnes creuses; il est connu sous le nom de Chapelle Sainte-Catherine.
Ce petit édifice est situé dans l'ancien cimetière médiéval des religieuses de Fontevraud, aujourd'hui transformé en promenade. Il sert maintenant d'habitation particulière, destination qui en a fait diviser l'intérieur en deux étages ; mais comme la décoration en a été conservée intacte, il a été facile de le reproduire dans son état ancien.
La planche qui contient le plan par terre, celui de la voûte, l'élévation extérieure et la coupe, est beaucoup trop aisée à comprendre pour qu'il soit nécessaire de donner une description du monument, sur la curieuse voûte duquel nous nous contenterons d'attirer l'attention de nos lecteurs.
M. l'abbé Martin a découvert un document qui constate que la chapelle Sainte-Catherine est du commencement du XIIIe siècle; c'est une charte datée de 1225, de Berthe, dixième abbesse de Fontevrault, élue en 1217, par laquelle elle confirme une fondation que la duchesse Alix de Bourbon fit en faveur de cette chapelle, qu'elle avait fait bâtir et dédiée à sainte Catherine d’Alexandrie pour recevoir les cendres d’Hersende de Champagne, première Grande Prieure de l’abbaye.
En voici l'extrait : « Bertha Dei gratia Fontis Ebraudi abbatissa omnibus praesentes litteras inspecturis salutem in Domino.
Noveritis quod venerabilis Ala quondam ducissa Borbonii post vero multo tempore religiosa monialis et benefactrix nostra, dedit nostro consilio et assensu in puram et perpetuam eleemosynam capellam quam adstrui fecit de suo proprio, in medio cimeterii nostri, in honore Beatœ Catharinae XLIX. solidos quatuor denarios minores singulis annis percipiendos, per manum prioris de Montilibus, hiis tribusterminis, videlicet in sesto S. Albini XXXII. Solidos, et in Natale Domini VIII. Solidos. Dedit iterum octo solidos dictœ capellœ quos annuatim percipiat apud Codreium Marchoardi per manum Philippi Jacob in sesto S. Michaëlis recipiendos, et duos solidos apud Fontenei recipiendos, per manum prioris ejusdem loci, in sesto S. Michaëlis, et triginta sextatia frumrnti apud Torcam ad luminare praefatae capellae faciendum, in eodem sesto similiter recipienda per manum Aimerici dErrer. Ut autem hœc donatio firma et stabilis in perpetuum perseveret ad petitionem supra dictœ Alœ, presentes litteras sigilli nostri munimine fecimus roborari. Actum anno gratiœ MCCXXV. » (Gallia christ., t. 2, Instrumenta, col. 363.)
Au XVe siècle, elle est surmontée d’une lanterne des morts, allumée pour inciter les fidèles à prier leurs défunts.
Elle abrita ponctuellement des séances du conseil municipal de Fontevraud l’Abbaye après la Révolution et fut vendue par la commune, en 1823, pour payer l’acquisition d’un presbytère.
==> Education de Mesdames de France, filles de Louis XV et Marie Leszczynska à Fontevrault (1727-1800)
(1) De Miraculis, lib. 11, in Bibliotheca patrum, t. XXII, p. 1121.
(2) Annales sancti Benedicti, t. VI.
Gersende ou Hersende de Champagne, fille de Payen de Champagne et veuve de Guillaume de Montsoreau, était très proche parente du Foulque Comte d’Anjou. Elle fut première prieure de l’abbaye de Fontevrault, à laquelle elle donna sa terre de Courléon (Cursis leone). Une charte tirée du Gall. Christ., t.II, p. 1313, l’a dite sœur d’Hubert de Champagne.
Elle portait ordinairement le titre de « priorissa », mais parfois celui d’ »abissa », elle mourut en 1112 ou 1113. Son ancienne coadjutrice, Pétronille de Craon, veuve du baron de Chemillé lui succéda et fut élue abbesse en 1115.
1223. Hélie, évêque de Saintes, confirme une charte par laquelle Savary de Mauléon assigne sur la prévôté de la Rochelle trente livres de rente données par Ebles de Mauléon, son oncle, à Berthe, abbesse de Fontevrault. –1218-1228
Ibid., F 220. « Titres de l'abbaye de Fontevrault. Titres anciens, La Rochelle » Scellé en cire verte sur un cordon de fil. Sceau et contre-sceau.
Helias, Dei gracia Xanctonensis episcopus, universis…. Cartam vidimus sub hac forma « Savaricus de Maloleone….. universitati vestre significamus quod, cum ecclesia Fontis Ebraldi X libras super redditibus Eblonis avi mei ad emendum sepias…..apud Sanctum Michael de Heremo, et XVII libras in rivagio de Rupella…. ab avunculo meo G. de Maloleone et a me ipso…. et X lib. etc….. per modum escambii inter me et Bertham abbatissam….. super X solidos patrimonio meo in preposituramea de Rupella….. XXX libras asssignavi censuales eidem ecclesie inter duos terminos, XV libras ad festum sancti Johannis Baptiste, XV libras ad natalle Domini….
Anno gracie MCC XXIII, mense junii apud Rupellam. » Nos ad petitionem dicti Savarici de Maloleone predictam excambiationem confirmamus, et in hujus rei testimonium presentem cartam sigillo nostro fecimus sigillari.
Hélis, par la grâce de Saintes, tout ... Charte, nous avons la manière suivante: "..... Savary de Mauléon à propos de votre communauté veut dire que, lorsque l'assemblée Fontevrault 10 livres sur les revenus d'Eble grand-père pour acheter Sepia .....apud Michael hors du désert et 17 livres dans le rivage de Rochelle .... De mon oncle G.Maloleone et moi sommes ... et 10 lib. ... etc .. Par la méthode d'échange entre moi et Berthe abbesse ..... plus de 10 dans ma banque paie pour preposituramea de Rochelle ... .. 30 livres asssignavi sur ces terres à l'église entre deux trimestres, la fête de St 15 livres, 15 livres des natalls ....
En 23e année 1200, le mois de juin à La Rochelle. «Nous allons demander au Maloleone, a déclaré Savarici, que l'excambiationem corrobore le témoignage de cet acte avec notre sceau.