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PHystorique- Les Portes du Temps
11 mai 2020

GEOFFROY LA GRAND'DENT ET LES RELIGIEUX DE L'ABSIE.

GEOFFROY LA GRAND'DENT ET LES RELIGIEUX DE L'ASIE

En 1232, Geoffroy II de Lusignan, vicomte de Châtellerault, seigneur de Vouvent et de Mervent, dont la légende a fait Geoffroy la Grand'Dent, se disposait à aller à Rome pour régler certains litiges pendants entre l'église de Maillezais et lui.

 Avant de partir, il voulut donner satisfaction, autant que faire se pourrait, à tous ceux qui avaient de justes causes de se plaindre de ses actes, particulièrement aux religieux. Averti de ces bonnes dispositions Geoffroy, alors abbé de l'Absie, s'empressa de se rendre auprès de lui.

Il demanda une indemnité équitable pour son monastère et ses moines, en réparation des dommages considérables que son père et lui avaient infligés à leurs biens, notamment à leurs bois de Romeya. Il leur concéda à perpétuité la faculté d'acquérir à quelque titre que ce fût et dans l'étendue de tous ses fiefs, des terres qui, du fait même de leur acquisition par eux, seraient libérées de tout droit de suzeraineté et de juridiction, cette dernière immunité devant s'étendre à toutes celles qu'ils possédaient déjà (1).

Ce Geoffroy de Lusignan, IIe du nom, était fils de Geoffroy 1er et d'Eustachie Chabot, dame de Vouvent et de Mervent, décédée avant 1202, année au cours de laquelle Geoffroy 1er se remaria avec Humberge de Limoges (2). Il était né peu avant 1200.

 Le 4 mai de cette année, tout petit enfant (adhuc infantulus), avec sa mère Eustachie, il avait donné son consentement à la reconnaissance par son père des droits des moines de l'Absie sur diverses terres des environs d'Assais et, d'une main certainement guidée, il traçait au bas de la charte son signe, probablement une croix (3).

Geoffroy Ier était fils de Hugues VIII et de Bourgogne de Rancon. Ceux-ci avaient eu un autre fils, Hugues, qui mourut en 1169, avant son père (4).

Quant à Bourgogne de Rancon elle était fille de Geoffroy III de Rancon  seigneur de Taillebourg et de Fossifié de Moncontour (5).

Les Lusignan étaient les avoués ou protecteurs de l'abbaye de Maillezais et, pour certains biens, de l'abbaye de l'Absie.

 Cette protection n'allait pas sans charges pour les protégés, qui devaient au protecteur et à sa suite (6) la procuration, c'est-à-dire le vivre et le couvert, lorsqu'ils se déplaçaient pour leur faire rendre justice. Ces charges, lorsque l'avoué était peu consciencieux, dégénéraient facilement en déprédations.

C'est ce qui se produisit à l'abbaye de Maillezais dès le temps de Geoffroy Ier et s'aggrava lorsque son terrible fils lui eut succédé.

L'abbé LACURIE, dans son Histoire de l'abbaye de Maillezais, a reproduit un texte du P. Labbe décrivant le sans-gêne, pour ne pas dire plus, dont il usait à l'égard des moines

 « Chaque fois que Geoffroy et les siens se rendaient à cette abbaye avec leurs écuyers, leurs chiens, leurs mules, leurs faucons, leurs soudards et tous les valets qu'ils avaient racolés, ils exigeaient que le monastère leur fournît indéfiniment la procuration et tout ce qui leur était nécessaire.

Même lorsque Geoffroy n'y venait pas en personne, les gens de sa domesticité et tous ceux  qui, à un titre quelconque, étaient censés faire partie de sa maison, entendaient être traités comme lui (7) ».

On conçoit quelle charge devait constituer pour les moines la protection ainsi pratiquée, surtout lorsqu'ils avaient affaire à une brute telle que Geoffroy la Grand'Dent.

Les lieux réguliers étaient envahis par une bande de gens d'armes et de valets sans vergogne, se faisant un jeu de troubler les offices. Molestés s'ils protestaient, les religieux voyaient dissiper en quelques jours les provisions qui devaient les faire vivre et leur permettre de distribuer les aumônes accoutumées jusqu'à la prochaine récolte, et assistaient à l'anéantissement de celle-ci, piétinée au cours d'une chasse par leurs hôtes, leurs chevaux et leurs chiens.

La Grand'Dent « finit par chasser les religieux et s'installa dans les dortoirs et les réfectoires (ARNAULD, Hist. de Maillezais).

Le Duchat dit même qu'en 1232, il mit « le feu à l'abbaye (8) ».

Du chef de sa grand'mère, Bourgogne de Rancon, et de son oncle, Hugues de Lusignan, il était l'avoué des moines de l'Absie pour divers domaines situés, ceux provenant des Rançon, aux environs de la Saumore, sur les limites des paroisses de la Chapelle-Thireuil et du Beugnon (9), ceux provenant d'Hugues, dans divers fiefs qu'il a été impossible de déterminer.

Deux chartes analysées au cartulaire des donations en font foi (10).

 Par la première, Geoffroy de Rancon, père de Bourgogne, sa femme Fossifie et leur fils Emery, après avoir abandonné à l'abbaye de l'Absie des tailles à percevoir sur la terre de la Saumore, ajoutent « insuper promiserunt se cuslodiendos omnes res ipsorum (monachorum) sicut familiares res proprias. »

Par la seconde, Hugues de Lusignan, fils de Bourgogne de Rancon, déclare « hanc etiam elemosinam concessi me semper ad opus monachorum ipsius Absiae tueri et ubique defendere (11) ».

Tout porte à croire que, sous prétexte de les protéger, les deux Geoffroy n'avait pas plus épargné les moines de l'Absie que ceux de Maillezais.

L'abbé Geoffroy demandait réparation pour les nombreux et graves dommages et préjudices (magnis et gravibus dampnis et injuriis) que le monastère et lui-même avaient subis de la part du père et du fils.

 Celui de Maillezais, dans les suppliques qu'il dut adresser au pape, s'il donnait des détails plus circonstanciés, ne pouvait pour l'ensemble se servir de termes plus énergiques.

L'incendie du monastère de Maillezais provoqua l'excommunication de Geoffroy la Grand'Dent.

 

Il dut, en juillet 1232, se rendre à Spolète, auprès du pape Grégoire IX, pour obtenir son absolution (12).

 

1232

Geoffroy de Lusignan, vicomte de Chàtelleraud , seigneur de Vouvent et Mervent, indemnise les moines de l'Absie des dom­mages que lui et son père avaient causés au temporel de ce mo­nastère, en lui concédant le droit d'acquérir librement des biens dans tous ses fiefs et d'y exercer la juridiction à laquelle il pouvait prétendre. .

(Arch. des Deux-Sèvres, H. 37.)

Universis présentes litteras inspecturis, Gaufridus de Leziniaco vicecomes Castri Airaudi, dominos Volventis el Mayreventis, salutem in perpetuurn.

A tous ceux qui examineront la présente lettre, Geoffroy de Lusignan, seigneur du châtel d'Airaud, seigneurs des Vouvant et de Mervent, salut pour toujours.

 Noveritis quod cum disposuerim iter arripere ad Romanam curiam pro expe­diendis negotiis meis que habebam cum ecclesia Mallea­censi, prius volui antequam iter arriperem satisfacere pro posse meo illis qui contra me habebant justam querirno­niam et maxime viris religiosis et ceteris universis,

Vous saurez que lorsque j'ai pris des dispositions pour faire un voyage à la Cour romaine dans le but de rechercher mes affaires que j'avais avec l'église de Maillezais, j'ai d'abord voulu avant de pouvoir réparer les plaintes contre moi, et surtout à tous les hommes religieux,

Cum hec audiens et intelligens Gaufredus abbas de Absia tunc temporis personaliter accessit ad me, petons me monas­terio de Absia et monachis ibidem deservientibus congruam emendam fieri super magnis et gravihus dampnis et injuriis que sibi et dicto monasterio feceram et maxime de nemoribus suis de Romeya et in multis aliis locis, et pater meus ante me multa eisdem dampna intulerat , prout dictus abbas asserebat,

En entendant et en comprenant ces choses, l'abbé Geoffrey de l'Absie à ce moment-là vint personnellement vers moi, me demandant de faire amende honorable au monastère de l'Absie et aux moines qui y servaient pour les dommages et blessures importants et graves que je lui avais causés et au dit monastère, et surtout de la plupart des bois de Romeya et en beaucoup d'autres lieux, et mon père avait fait beaucoup de dégâts avant moi, comme l'affirmait ledit abbé,

Quod vero, prout a quibusdam viris fide dignis didici in parte maxima esse vera, pro dictis vero dampnis et injuriis a me et a patre meo dicto monas­terio illatis, et pro remedio anime mee parentum meorum­que salute et proborum virorum consilio, satisfeci eisdem in hune modum, videlicet quod dedi eis et concessi in perpetuum omnimodam licenciam aoquirendi et aequisita faciendi, quocumque titulo poterint acquirere in iota terra mea et in cunctis feodis meis, quocumque loco se extendit; et in acquisitis et in acquirendis dedi eisdem omnem juridictionem et omne dominium quod habebam vel babere poteram vel debebam, quocumque nomine cen­seantur, nichiljuris vel dominii miehi, nec heredibus meis, nec successoribus meis retinens in acquisitis factis seu de cetero .faeiendis ; acquisita vero seu acquirenda in supra dictis locis teneant et explectent in perpetuum, omnimoda juridicione et plenaria libertate, et alius nomine ipsorum similiter possideat cum simili libertate.

Mais cela, comme je l'ai appris de quelques hommes dignes de foi, est en grande partie vrai, mais pour les dommages et blessures causés par moi et mon père audit monastère, et pour le soulagement de mon âme de mes parents et la sécurité et le dessein des hommes intègres de la même manière, à savoir, que je leur ai donné et leur ai accordé la licence perpétuelle de se prévaloir de toutes sortes d'équités et de faire des choses justes, à quelque titre qu'ils puissent acquérir dans ma terre, et dans toutes mes redevances, en quelque lieu qu'elle s'étende ; et dans ces choses acquises et acquises, je leur ai donné toute juridiction et toute domination que je pouvais ou possédais, possédais ou devais, en quelque nom qu'elles puissent être comptées, sans droit ni domination pour moi, ni pour mes héritiers, ni à mes successeurs, conservant en actes acquis ou à d'autres égards, mais celles acquises ou acquises dans les lieux ci-dessus mentionnés lieront et embrasseront pour toujours, toute sorte de juridiction et de liberté complète, et un autre possède la même liberté en son propre nom de la même manière.

Et ad hec omnia et singula firmiter tenenda et fideliter ohservanda, obligavi me et heredes meos et successores meos eisdem cum omnibus bonis meis mobilibus et immobilibus présentes et futuros.

Et afin de garder chacune et toutes ces choses fermement et fidèlement observées, je m'y suis lié, ainsi que mes héritiers et mes successeurs, avec tous mes biens mobiliers et immobiliers présents et futurs.

 Et ad majorem hujus rei certitudinem dedi eisdem presentes Iitteras sigilli mei munimine roboratas, in testimonium et munimen ,

Datum anno Domini M° CC° tricesimo secundo.

Et pour une plus grande certitude de cette chose, j'ai donné au même présent Lettres de mon sceau, renforcées par la fortification de mon sceau, comme témoignage et protection,

Donné la trente-deuxième année de Notre-Seigneur.

 

D'après le P. ANSELME, il fut contraint de renoncer à son droit d'avouerie, gîte et juridiction. Le Duchat ajoute qu'on exigea de lui qu'il rebâtît l'abbaye de Maillezais et lui fît des rentes pour plus de 3.000 livres (13).

En 1238, Geoffroy de Lusignan, seigneur de Vouvent et Mervent, affranchit Jean Galoubeau du service militaire et donne cet affranchissement aux Templiers de Mauléon (D. P., vol. LII, d’après l’origi. Jadis scellé aux Arch. Du Temple de Mauléon)

Ainsi furent réglés ce que Geoffroy II appelait modestement les affaires (negotia) pendantes entre l'église de Maillezais et lui.

L'abbé de l'Absie fut bien inspiré en allant le trouver au moment de son départ pour Rome. Il débarrassa son abbaye d'une protection désastreuse et obtint en échange des avantages substantiels.

 

 

Fondation de l’Abbaye Royale de l’Absie - Pierre de Bunt ; Giraud de Salle ; Louis VII le Jeune ; Aliénor d’Aquitaine<==.... ....==>1232 Geoffroy à la Grand Dent excommunié, après avoir fait un pèlerinage pénitentiel à Rome est absous par le pape Grégoire IX

 


 

Du XIe siècle à la restauration du XXIe, 1000 ans d'Histoire - 1225 Geoffroy la Grand Dent incendie l'église de Foussay.

Aujourd'hui que la Vendée est sillonnée de superbes routes, cette curieuse et historique contrée est devenue plus accessible à l'étude, et les amis des arts du moyen âge pourront désormais admirer à l'aise les trésors d'architecture enfouis dans le sein de son pittoresque bocage....

 

(1)   LEDAIN, Cartulaires, p. 155, charte n° XXIV. – Il a été impossible de déterminer où se trouvaient les nemora de Romeya.

La Rimoire, village de la commune de Viennay, s'appelait la Romayre en 1378 (LEDAIN et Dufond, Dicl. lopogr. des Deux-Sèvres). Mais Romeya a-t-il pu donner naissance à Romayre II est plus vraisemblable que ce bois se trouvait à l'ouest de l'Absie, dans la région comprise entre La Chapelle-Thireuil, Vouvent et Mervent.

 (2) Pour tout ce qui concerne la généalogie des Lusignan, nous avons suivi la 2e édition (1899) de L'Ancienne Famille de Lusignan, de M. Charles FARCINET.

(3) LEDAIN, Cartulaires, pp. 137 à 139. M. Farcinet estime qu'il avait alors de 18 mois à 2 ans.

(4) lbid., pp. 132, 133.

(4) Ibid., p. 26, n° 136.

(5) Ibid., p. 26, nu 136.

(6) Normalement quelques chevaliers et hommes de loi. Lorsque, sur la plainte des moines de l'Absie, au sujet de redevances réclamées par les agents de sa seigneurie de Moncontour sur leurs granges de Desmaulines, d'Ecoussais et du Fouilloux-Rousseau, Geoffroy Ier les en déclara exempts, il avait envoyé sur place pour examiner l'affaire trois de ses chevaliers et neuf officiers de justice ou jurés, qui furent certainement défrayés par les religieux (Charte du 4 mai 1200, précitée).

(7) P. 301 Quando cumque divertissent ad eeclesiam meinoratam praedictus et sui cum canibus, equitibus, mulis, avibus, satellitibus ac servientibus universis quoscumque de quacumque adducerent, vel etiam sine ipso omnes ipsius domestici ac quicumque de familia ejus quoquo nomine censebantur in procuratione continua a praedicta ecclesia providere atque sibi debere necessaria ministrari dicebant.

(8) FARCINET, op. cit., p. 33, note 2.

(9) Cf. abbé Drociion, Journal de Paul de Vendée, p. 9.

(10) LEDAIN, Cartulaires, p. 26, n« 136, et p. 130.

(11) « De plus, ils promirent de veiller sur les biens des religieux comme sur leurs propres biens « A titre d'aumône j'ai promis de venir toujours « au secours des moines de l'Absie et de les défendre partout. »

(12) Gallia Christiana, t. I, col 1364

(13) Farcinet, op.cit, p 33, note 2; p38, note1.

 

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