Jean Calvin et les débuts de la Réforme calviniste
Ce n'est pas, en effet, un réformateur que Poitiers accueille dans ses murs quand Calvin y entre, et c'est un fondateur d'Eglise qui en sort quelques semaines plus tard. Esprit réfléchi et traditionnel, Calvin, en 1533, est encore nettement catholique. Il tient à l'église qui l'a baptisé autant qu'aux réformes qui sont nécessaires, et son ami Daniel songe à faire de lui un official, à le charger de rechercher les hérétiques. A lui, comme à tant d'autres, c'est la persécution qui a dessillé les yeux, persécution assez bénigne du reste pour le moment ; rendu suspect par un discours qu'il a composé pour le Recteur Cop, et où il a résumé le programme qui doit être, selon lui, celui de l'Eglise, il est obligé de s'enfuir de Paris et se réfugie à Chaillot, tandis que Cop passe en toute hâte à Bâle. Il est bien, dès lors, obligé de se demander si on peut encore espérer une réforme de l'Eglise catholique. Cette réforme est-elle possible dans l'Eglise, est-elle légitime hors d'elle ?
Tel est le problème qui se pose à l'esprit de Calvin alors que celui-ci suit la grande route qui le conduit à Angoulême chez son ami Du Tillet, chanoine d'Angoulême et curé de Claix. D'après l'Histoire Ecclésiastique, Calvin aurait alors composé des sermons que Du Tillet faisait lire au prône, et quelques chapitres de l'Institution Chrétienne. La chose est très vraisemblable. D'Angoulême, Calvin passe à Nérac, attiré à la cour de Marguerite, soeur du roi, par la présence de Lefèvre d'Etaples, qui achève sa traduction des Ecritures, l'homme de France sans doute, à cette date, qui connaît le mieux la Bible. Là aussi, il trouve Gérard Roussel, réfugié dans cet asile à cause de ses opinions religieuses, et à ces deux hommes, Calvin paraît déjà un esprit hardi, mais Lefèvre lui donne habituellement raison et Roussel généralement tort. Il ne séjourne pas très longtemps à Nérac et, le 4 mai, il résigne, à Noyon, les bénéfices ecclésiastiques dont il est titulaire, la cure de Pont-l'Evêque et la chapelle de la Gésine.
Certains historiens ont fait, du 4 mai, la date de la conversion de Calvin ; c'est peut-être aller un peu loin. D'abord, il pouvait très bien renoncer à bénéficier d'un abus manifeste, sans pour cela sortir de l'Eglise, et puis Calvin allait avoir vingt-cinq ans ; tonsuré dès l'enfance, parce que ses parents le destinaient à l'état ecclésiastique, il devait, à cet âge, renoncer à ses bénéfices ou prononcer des voeux qui le lieraient pour la vie ; et vraiment, Calvin ne pouvait pas, à cette date, entrer dans les rangs du clergé. Calvin ne semble pas, alors, avoir désiré séjourner à Paris où l'on recherchait trop les suspects, et le voilà parti pour notre Ouest où l'on avait des opinions moins avancées, mais où l'on pouvait encore étudier et discuter assez librement.
Il reprend la route d'Angoulême d'où il revient à Orléans. C'est vraisemblablement à l'aller que se place le séjour prolongé qu'il fit à Poitiers (1).
C'est vers le mois de juin 1534 que Calvin entre à Poitiers. L'histoire n'a pas gardé la date de cet événement. Qui eût cru que ce jeune homme inconnu allait bouleverser la société contemporaine ? Il rencontre à Poitiers Charles Lesage, son compatriote, docteur régent de la Faculté de Droit, qui l'introduisit sans doute dans le monde universitaire. N'était-ce pas, d'ailleurs, tout naturellement, le milieu que devait fréquenter cet étudiant frais émoulu des Facultés de Bourges et d'Orléans ? Aussi, notons-nous parmi ses compagnons habituels : Albert Babinot, lecteur des Institutes (professeur de droit romain), Antoine de la Duguie, régent à la Faculté de Droit ; Jean Vernou fils, sans doute proche parent de Charlotte Vernou, femme du lieutenant-général du Poitou, Doyneau de Sainte-Soline, chez qui Calvin fut reçu. C'est chez le prieur des Trois Moutiers, François Fouquet, que Calvin logea, mais sans doute pas dès le début de son séjour (2). A cette troupe se joignirent plus tard Jean Boiceau, sieur de la Borderie, avocat au présidial, et Lavau de Saint-Vertunien.
Or, l'histoire n'a conservé les noms que des personnages qui avaient une situation officielle à Poitiers. Elle ne mentionne ni Laurent de Normandie, ni Pierre de Laplace (3), ni Charles de Sainte-Marthe, second fils de Gaucher et alors âgé de vingt-quatre ans ; leur présence à Poitiers à ce moment est cependant certaine.
Mais il faut nous représenter autour de Calvin toute une cohorte d'étudiants, sans doute la partie la plus ardente et la plus nombreuse de son auditoire. Ce sont des jeunes, du reste, qui se groupent autour de Calvin. La Duguie, Lesage et Boiceau seront encore en vie trente ou quarante ans plus tard. Parmi les vieux, Calvin semble avoir eu moins de succès : une vieille tradition montre le docte Robert Irland, Ecossais établi en France depuis une quarantaine d'années, lançant son bonnet à la tête de Calvin qui développait devant lui une thèse peu orthodoxe, à son gré.
Par contre, il semble difficile de ne pas placer près de Calvin les deux frères Lefèvre : Guillaume, le savant hébraïsant, collaborateur de Robert Estienne et de Vatable pour la nouvelle édition de la Vulgate et qui écrivait en 1536 un traité sur les avantages de l'Ecriture et de la philosophie chrétienne, et son frère René le professeur de droit (4).
Calvin jouissait d'une assez large liberté, peut-être grâce à la protection du lieutenant-général, mais il lui fallait se méfier des autorités ecclésiastiques et il devait changer souvent le lieu de ses réunions, sans pourtant être obligé de les tenir de nuit. La tradition a gardé le souvenir de réunions dans les caves du collège de Sainte-Marthe (partie supérieure du lycée de garçons actuel), asile tout naturel de la troupe universitaire qui escortait le jeune réformateur (5) ; la tradition aussi a conservé le nom de grottes de Calvin à deux trous de rochers sur le bord du Clain ; et les historiens nous parlent de réunions dans les grottes de Saint-Benoît et de Croutelle (6).
Un tel cadre ne se prêtait pas à des cours très dogmatiques, et les réunions présidées par Calvin étaient plutôt des entretiens familiers où, d'une lecture bibliques on cherchait à faire jaillir la vérité. Chacun disait librement son opinion et, parfois, Calvin se jetant à genoux, conviait son auditoire à prier avec lui, ce qu'il faisait avec beaucoup de véhémence, rapporte Florimond de Raemond. Sans doute, sur certains points, on était d'accord et il ne semble pas qu'il y ait eu discussion sur la question des reliques ou des indulgences. Ce qui souleva les plus vives discussions ce fut le dogme de la communion, et, peut-être aussi, la question de la légitimité du ministère réformé qui n'allait pas tarder à se poser (7).
C'est dans le jardin du lieutenant général que Calvin semble avoir abordé pour la première fois le sujet de la communion, et il intéressa si bien ses auditeurs qu'on le pria de mettre par écrit l'exposé qu'il venait de faire pour pouvoir l'étudier plus à loisir ; il en circula longtemps des copies manuscrites à Poitiers, et, peut-être, tel chapitre de l'Institution Chrétienne a-t-il son origine dans cet entretien.
Calvin rencontrait pourtant des objections et, dans la grotte de Croutelle, Charles Lesage soutint contre lui le dogme catholique de l'eucharistie : « C'est là ma messe, dit Calvin montrant la Bible qu'il avait à la main... Seigneur, si au jour du jugement tu me reprends de ce que je n'ai pas été à la messe, je pourrai dire avec raison : Seigneur, tu ne me l'as pas commandé, voilà la loy, voilà l'Ecriture que tu m'as donnée dans laquelle je n'ay pu trouver autre sacrifice que celuy qui fut immolé à l'autel de la croix ». L'homme qui prononçait ces paroles était manifestement hors de la communion catholique, et l'opposition même qu'il rencontrait chez certains de ses auditeurs devait lui faire sentir que, maintenant, sa place n'était plus dans l'Eglise officielle. Pourtant si quelques-uns refusaient de le suivre, la plupart l'acclamaient. Les convictions se précisent dans l'atmosphère héroïque des caves et des grottes
— c'est déjà l'attrait mystérieux du culte au désert — et aussi, il faut le dire, à l'appel du meilleur dialecticien de l'époque. Encourageant les uns et encouragé par les autres, Calvin se décide, lui qui n'a pas reçu les Ordres, à donner la communion. Du jour où, dans une grotte ou dans les caves du lycée — car la tradition varie sur ce point — Calvin, rompant la chaîne de la succession apostolique, donna à ses disciples le pain et le vin et substitua le ministère au sacerdoce, de ce jour-là, la première église réformée était créée.
Le culte qu'on célébrait se composait de deux parties: l'invocation suivie de lectures bibliques et d'explications, constitue l'exhortation ; et la communion — nommée manducation — vient ensuite, suivie de la récitation par tous de l'Oraison dominicale et du Symbole des apôtres en latin. Ce n'est peut-être pas encore le « culte » moderne ou le prêche des temps héroïques. Le chant manque encore, et les psaumes n'apparaîtront que plusieurs années plus tard, ainsi que la Confession des péchés qui marque d'une empreinte si calvinienne le culte réformé ; mais c'est encore moins la messe, même à sept points, comme celle que Calvin avait pu entendre à Nérac.
Calvin a-t-il donné à cette église naissante une organisation, on serait tenté de le croire quand on connaît l'esprit méthodique du réformateur et l'importance que l'église de Poitiers attachera aux questions d'organisation ; le seul indice que nous ayons est cette vague indication que Babinot fut le premier diacre institué par Calvin (8). Mais, le temps a pu manquer à Calvin pour établir à Poitiers l'administration qu'il souhaitait. Le bruit de ses réunions alarmait le clergé. Fouquet, inquiet pour la sécurité de Calvin et pour la sienne propre, avertit Calvin du danger qu'il courait, et Calvin partit. C'était un étudiant hésitant qui était arrivé à Poitiers quelques semaines auparavant et c'est un fondateur d'Eglise qui en sort maintenant.
Tous ceux qui avaient écouté Calvin à Poitiers ne devinrent pas ses disciples : Charles Lesage ne semble pas s'être prononcé bien nettement ; Boisseau aura toujours des scrupules, en attendant d'abjurer quinze jours avant sa mort ; Pierre de Laplace ne se décidera bien franchement que beaucoup plus tard, ce sera suffisant pour qu'il meure à la Saint-Barthélémy. Mais ceux qui furent dès lors convaincus se donnèrent corps et âme à leur foi, et, dans les grottes cultuelles le premier soin du fondateur d'église fut d'organiser la mission. Une collecte fut faite, l'on partagea entre les missionnaires les champs de mission, sans qu'aucun, cependant, ait été l'apanage exclusif d'aucun des nouveaux apôtres, et trois missionnaires partirent.
Babinot, qui avait cru plus prudent de cacher son identité sous le nom de guerre de Bonhomme, travailla d'abord en Poitou et dans les contrées voisines, surtout chez les nobles et dans les villes. On lui attribue la conquête des Saint-Georges de Vérac, la puissante famille des seigneurs de Couhé, et en particulier, celle de Ponthus de Saint-Georges, abbé de Valence, ainsi que celle des seigneurs du Fa en Angoumois et de Mirambeau en Saintonge. « Il allait, nous est-il dit, par le pays, faisant quelques prières en secret, enseignant comme il fallait faire la manducation du Seigneur, comme cet homme de Dieu (Calvin) leur avait appris. » Prolongeant sa course vers le Midi, il prêchait la Réforme à Agen en 1536 et y convertissait un régent nommé Sarrazin, qui allait devenir l'apôtre de cette région. Il avait, sans doute, une première fois visité l'Université de Toulouse où Calvin allait l'envoyer de nouveau. Il semble y avoir eu beaucoup de succès parmi les étudiants. Beaucoup, sur ses conseils, allèrent continuer leurs études à Poitiers où ils étaient moins inquiétés pour leurs opinions religieuses. il avait, d'ailleurs, en quelque sorte, son port d'attache en Poitou et y revenait de temps en temps.
Il travaillait en Loudunois quand Calvin l'appela près de lui à Genève, sans doute vers 1537. Il publie une Christiade en sonnets en 1537 à Poitiers, puis nous perdons sa trace 9. Mais, quand nous trouvons, en 1562 à Saint-Maixent, et en 1569 à Niort des libraires protestants nés à Verfeil (diocèse de Toulouse), Pierre Portier et Jean Destadenx, nous ne pouvons- nous empêcher de songer à Babinot prêchant la Réforme dans celte région de Toulouse, et envoyant certains de ses disciples à Poitiers (10).
D'un caractère bien différent était le second missionnaire. Tandis que Babinot est resté, dans la mission, l'homme du Monde et le lettré qui conquiert la noblesse de l'Université, le Ramasseur — c'est le nom de guerre de Véron — s'est fait peuple pour conquérir le peuple. Point n'est besoin de dogmatiser : voyez-le sur la place du village, à la sortie de la grande messe. Il chante des hymnes d'un nouveau genre :
Prêtres, il faut vous marier,
Coeli enarrant gloriam Dei.
ou encore :
Loeiabundus,
O gras tondus (11).
On fait cercle autour du chanteur et il s'explique. Méthode grossière, sans doute, mais qui semble avoir réussi, sinon à Poitiers où on ne lui attribue que trois prosélytes, du moins à la campagne. Il prêcha ainsi — si l'on peut dire prêcher — pendant vingt ans. En 1541, on le trouve à Fontenay-le-Comte ; en 1562, il annonçait la Réforme aux environs de Saint-Quentin et mourut au cours d'un voyage en Auvergne.
Quant à Vernou, sans doute à cause des appuis qu'il y trouvait, il avait obtenu pour champ de mission Poitiers, et il y était trop connu pour pouvoir y dérober son identité sous le masque d'un pseudonyme. On lui attribue aussi l'expansion de la Réforme dans la région de Chenay d'où «a famille était originaire, et à Saint-Hilaire sur l'Autise (Saint Hilaire des Loges) où il avait une soeur mariée (12).
A Poitiers même, des poursuites commencèrent, en dépit de toutes les protestations : en 1537, un marchand nommé Guillemard fut condamné à l'amende honorable, et en 1541 on perquisitionnait dans les caves où se réunissaient les protestants (13).
Le départ de Calvin n'avait pas rompu les liens entre lui et ses missionnaires. Quand il fut établi à Genève, il les appela tous trois auprès de lui. Ayant reconnu les qualités toutes particulières de Babinot, et sur le rapport qu'il lui fit de l'état des esprits à Toulouse, il lui confia la tâche de travailler dans cette Université. Babinot ne semble pas être retourné à Genève. Vernou y venait parfois, dit Cayet, et Véron deux fois par an ; c'était une grosse perte de temps et, si le renseignement est exact, ce voyage semestriel ne peut s'expliquer que par l'hypothèse, d'ailleurs très vraisemblable, que nos deux évangélistes étaient en même temps colporteurs et allaient renouveler leur stock de bibles et de traités. Sans doute, le renouvelaient-ils chez leur camarade de Poitiers, disciple de Calvin, avec eux, Laurent de Normandie, qui y tenait alors une librairie. Ce qui est sûr, c'est que Vernou fut arrêté au cours d'un voyage en Savoie et condamné à mort en 1555 (14).
La démarcation est bien vague alors entre missionnaire et laïc, presque aussi vague qu'entre catholique et protestant, car il y a encore toutes les nuances.
Pratiquement, tout nouvel adhérent est un évangéliste, mais certains ne quitteront pas pour cela leurs anciennes fonctions : c'est ainsi que Charles de Sainte-Marthe, qui est resté en relations épistolaires avec Calvin, entreprend, quoique sa spécialité soit le droit, de faire un cours de théologie, profitant peut-être pour cela" du moment où, en 1536, il est recteur. Ce titre ne lui fut pas une protection suffisante, et il dut cesser ses leçons, suspectes au clergé, et quitter la ville. La persécution le suivit à Grenoble où il s'était réfugié et il dut feindre la folie pour sortir de la prison où il allait mourir de faim, après trente mois de détention (15).
Il ne se créait pas encore d'églises ; il n'y avait ni célébration régulière de la cène, ni mariage, ni baptême : « Ils se contentaient lors seulement, dit Cayet, de déniaiser leur monde ». Il ne s'agit que de prêcher la nécessité d'une réforme qui n'est pas toujours envisagée comme un schisme. Calvin n'était pas encore définitivement établi à Genève que des moines, conquis par ses premiers apôtres, quittaient leurs couvents et prêchaient dans les églises.
Ponthus de Saint-Georges,, abbé de Valence, gagné à la Réforme par Babinot, comme nous l'avons vu, fut le premier à se déclarer ouvertement : il licencia ses moines, fit étudier certains et fit apprendre un métier aux autres, tandis que lui-même épousait la supérieure des Bénédictines de Bonneuil (16).
Son exemple fut suivi, non seulement par son frère aîné Gabriel, seigneur de Couhé, mais aussi par ,son second frère, Guichard, abbé commandataire de Bonnevaux, et aussi par l'abbé de la Réau, en Haut-Poitou (17).
Plus dangereux pour l'église étaient les moines qui, sans rompre ouvertement avec elle, prêchaient dans ses propres chaires la nécessité d'une réforme et préparaient les esprits à accepter des propositions de plus en plus hardies. C'est ainsi que le très catholique Le Riche, à Saint-Maixent, admire le talent du cordelier De Troja qui avait prêché Pavent 1536 et le carême suivant dans cette ville, mais il note qu'il « n'a pas suivi la forme des autres en ses prédications ».
Et Le Riche ne devait pas être seul à goûter son éloquence, puisque le conseil de ville de Niort demande à ce même moine de venir prêcher Pavent 1537 et le carême suivant, et qu'à la fin de ce carême, il lui vote une récompense et lui demande de rester comme gardien des Cordeliers (18)
Or il semble bien que ce soit le même cordelier dont la doctrine parut insoutenable aux étudiants de Poitiers, et dont la prédication produisit une émeute (19).
L'évêque d'Uzès, abbé de Saint-Maixent, semblait, d'ailleurs, assez favorable à une réforme modérée, et c'est lui qui y avait attiré le cordelier dont nous venons de parler. Grâce à lui aussi, Voisin, jeune gardien des Cordeliers, put y prêcher Pavent en se fondant sur l'épître aux Galates et « sans suivre la forme et doctrine des autres prêcheurs (20) ». Un moine augustin, Jean de l'Espine, était attaché à Michelle de Saur bonne, mère de Jean du Parc Soubise et ne disait pas la messe (21). Mais si, dans le bas clergé et le clergé régulier, les partisans d'une réforme, soit totale, soit modérée ne sont pas rares, il n'en est pas de même dans le haut clergé séculier : le coadjuteur de l'évêque de Poitiers vient, le 3 octobre, à Saint-Maixent, faire publier au prône un arrêt émanant de l'Official de Poitiers contre les Luthériens et ceux qui les recèlent. C'est la première mention que nous ayons de l'existence d'un groupement réformé dans cette ville (22).
A Poitiers même, une condamnation prononcée le 29 août 1537 nous révèle qu'il y avait encore à Poitiers des protestants et que ceux-ci ne craignaient pas de manifester leurs opinions (23)
Le 15 mai 1541, on constata qu'un bras d'une statue de la Vierge placée devant Notre-Dame-la-Grande avait été cassé. Comme on ne put découvrir l'auteur du méfait, un libraire suspect d'hérésie fut condamné à être brûlé (24).
L'année suivante, pendant les Grands Jours de Poitiers, une commission présidée par le maire Jean d'Estivalle perquisitionna dans les caves où les protestants étaient soupçonnés de se réunir (25).
Cependant, la Réforme se propageait dans la province- :
dès 1538, André Lefebvre était venu s'établir sur les confins du Limousin et avait prêché avec succès au Vigeant, au Dorat, à Bellac, à Magnac et à Rançon, tandis que la campagne restait réfractaire à son enseignement 26.
En 1543, tandis qu'un nommé de Louba profitait des prédications de carême pour annoncer la réforme à Niort, un autre prédicateur était venu s'établir à la Mothe-Saint-Héraye pour le carême et s'était élevé contre l'emploi des cierges, la conduite des prêtres et le culte des saints.
Le jour de Pâques (25 mars), le procureur du roi à Poitiers, Arembert, venait avec une troupe en armes arrêter l'audacieux, prédicateur ; mais celui-ci, averti du danger, s'était enfui, aussitôt son sermon fini, avec l'aide des seigneurs de Curzon, de la Villedieu et de Salles. Il est vraisemblable que l'exemple de la puissante famille de Saint-Georges ne fut pas étranger à la faveur que la réforme naissante trouva auprès des nobles 27.
Cependant, le zèle des prédicateurs qui, du haut de la chaire, annonçaient la réforme, avait alarmé les autorités (28) et, en;
avril 1543, fut publiée une interdiction à tous les religieux et prêtres de prêcher sans autorisation spéciale de l'évêque 29. Mais, il était plus facile de réduire au silence les simples moines que les grands dignitaires, et, ne pouvant plus faire prêcher des moines de son choix, l'abbé de Saint-Maixent lui-même monta en chaire. La nouveauté du spectacle d'un évêque prêchant, jointe à l'attrait de son éloquence et de son enseignement, attira de grands auditoires au pied de sa chaire pendant, le carême 1544, et la Reine de Navarre, elle-même, passant à Saint-Maixent, ne dédaigna pas de venir l'écouter le 5 avril.
Le « venin de l'hérésie », selon l'expression de Dom Liabeuf, se glissa dans le coeur de beaucoup des auditeurs de l'évêque d'Uzès (30). Les passions religieuses étaient si bien surexcitées que le supérieur des Cordeliers de Saint-Maixent, ayant prêché sur la présence réelle dans l'hostie, fut abordé, au pied de la chaire, par un certain maître Jérôme qui lui proposa une discussion publique pour le lendemain. Malgré l'intervention du lieutenant et de l'évêque d'Uzès qui cherchèrent à étouffer l'affaire, maître Jérôme fut arrêté sur l'ordre du procureur du roi, en même temps que « six compagnons qui couraient le pays, prêchant l'hérésie en chambre et en cachette (31) ».
Ce serait, cependant, une erreur de croire que seuls des ecclésiastiques ont prêché la Réforme : le Pierre Denfer, fils d'un marchand du Breuil-Barret et qui y prêchait en 1548, était un laïc (32).
Le livre protestant venait secourir la prédication hérétique : Un certain Denis Périer fut arrêté à Clermont au retour de Genève où il était allé s'approvisionner en traités religieux. Emprisonné à Paris, il fut, après information, condamné à une double amende honorable (à Paris, puis à Mort) tandis que ses livres étaient voués au bûcher (14 avril 1547).
En même temps, le Parlement de Paris interdisait, dans tout son ressort, la vente, l'achat et la possession de livres hérétiques. Malheureusement, les pièces conservées du procès n'indiquent pas depuis combien de temps il faisait ce commerce d'ouvrages hérétiques et combien de fois il avait fait le voyage de Genève (33).
Le pouvoir royal lui-même commence à s'alarmer de l'audace des apôtres de la réforme et, le 22 mai 1544, François 1er écrivait au comte de Lude, gouverneur du Poitou :
« J'ai été averti que de la Rochelle et des environs il y a plusieurs personnages grandement tachés et infectés de ces maudites et damnées erreurs luthériennes qui se sont mis ensemble par troupes, vont par le pays faisant infinis scandales et semant parmi le peuple leur malheureuse et damnable doctrine, chose qui me déplait ». Il lui enjoint en conséquence de les « prendre, châtier et punir si étroitement et rigoureusement que ce soit exemple et terreur à tous les autres (34) ».
Mais il était trop tard : les prosélytes étaient des apôtres et avaient la vocation du martyre. Le roi pouvait allumer des bûchers, il ne pouvait plus empêcher la diffusion de la Réforme.
Triste temps, d'ailleurs, que cette fin du règne de François 1er : un pays ruiné par les guerres ; gouverné non plus par le roi, tout décrépit, mais par une coterie où domine la maîtresse du Dauphin, Diane de Poitiers, l'ennemie jurée des protestants ; la politique des alliances espagnoles qui nous entraîne non seulement à l'encontre de nos intérêts les plus sûrs en Europe, mais aussi vers l’Inquisition, l'extirpation de l'hérésie et l'absolue soumission à la Papauté (35).
La récolte de 1545 fut mauvaise :
Le peuple était écrasé d'impôts. Celui de la gabelle avait causé, l'année précédente, une révolte à Niort et sur quelques autres points du Poitou. La province était infestée de brigands qui tuaient et pillaient partout. Les troupes qu'on envoyait contre eux achevaient de ruiner les campagnes. Lorsqu'on parvenait à arrêter quelques-uns des malfaiteurs, on trouvait, dans le nombre, des gentilshommes et des gens d'Eglise ; qu'on juge du désordre (36).
Les dernières années de François 1er se passèrent dans de sanglantes exécutions. On brûlait dans toutes les villes de France, et, le plus souvent, avec les victimes, on jetait les procès aux flammes, pour anéantir jusqu'au souvenir de leur existence.
Pour donner une idée de la violence avec laquelle sévissait la persécution, nous reproduirons le dispositif d'un jugement du Parlement de Paris du 21 octobre 1546 confirmant une sentence du lieutenant de la sénéchaussée de Poitou, contre Guillaume Saulnier, accusé de « paroles damnées et de blasphèmes contre l'honneur de Dieu et du Sacrement de l'Autel, et la très sacrée Vierge Marie, mère de Dieu. » Le Parlement, « pour raison desdits cas, condamne ledit prisonnier à être mené des prisons de la ville de Poitiers en un tombereau jusques au lieu où l'on a accoutumé faire exécution publique ; et illec en lieu plus: commode et convenable être dressée et plantée, une potence à l'entour de laquelle sera fait un grand feu, auquel aprèsavoir été soulevé en icelle potence, il sera ars et brûlé et son corps converti en cendres, avecque son procès... déclare ses biens confisqués au roi.
» Et, outre, la chambre duement avertie qu'au pays de Poitou et lieux circonvoisins, de jour en jour cette pernicieuse et damnable secte luthérienne et autres hérésies, pullulent grandement et qu'il y en a grand nombre qui occultement et indûment en sont entachés et infectés... ordonne que, tant en ladite ville de Poitiers qu'autres villes de ce ressort... sera publié à son de trompe et cris publics... qu'elle a défendu et défend à tous... de dire et soutenir publiquement et occultement aucuns propos erronés ou scandaleux et blasphèmes contre l'honneur de Dieu, du Saint-Sacrement de l'Autel et de la très sacrée Vierge Marie, mère de Dieu et des saints et des saintes du Paradis, et autres sacrements, commandements et doctrines de notre mère, Sainte Eglise Catholique ; et ce, sur peine d'être brûlés ou autrement grièvement punis ». La Cour enjoint à l'évêque de faire, dans l'étendue de son diocèse, « diligemment et secrètement informer » contre tous les suspecte d'hérésie, de procéder contre ceux qui sont de sa juridiction, comme les ecclésiastiques, et de dénoncer les autres aux juges laïcs. Elle lui conseille, en outre, d'envoyer dans les paroisses des prédicateurs capables pour y combattre l'hérésie.
Afin de leur faciliter la besogne, les juges désarment leurs adversaires préalablement ; c'est-à-dire qu'on ordonne que les Bibles, les livres de piété et de controverse seront consignés ; « enjoint à tous les demeurans en ladite ville de Poitiers et dedans le diocèse d'icelle mesmement à gens méchaniques et de petit état d'apporter et faire apporter, dedans huitaine après la publication de ce présent arrêt, tous les livres qu'ils ont en français de la Sainte-Ecriture ou concernant la doctrine chrétienne au greffe de la sénéchaussée de Poitiers... sur peine de confiscation de corps et de biens (37)».
Au mois de mars 1547, la France changea de roi : Henri II succéda à son père ; mais l'état des protestants ne fit qu'empirer.
Le nouveau roi, livré tout entier à l'influence catholique de sa maîtresse, du cardinal de Lorraine et du connétable de Montmorency, multiplia les supplices pour arrêter le mouvement religieux qui prenait chaque jour des proportions plus larges (38).
Le Poitou paya largement son tribut de victimes (39).
Malgré la persécution, la Réforme continua à gagner des adhérents, et les cloîtres confinèrent à se vider : en 1540, Philippe Chasteigner, abbesse de Saint-Jean de Bonneval, près de Thouars, entre en correspondance avec Calvin.
Huit ans plus tard elle se décidera à passer à Genève avec huit de ses religieuses, n'en laissant qu'une dans le couvent (40).
Depuis que Calvin avait fait de cette ville sa patrie d'adoption, elle voyait affluer du côté de la France un immense concours d'hommes et de femmes de tout âge et de toute condition qui venaient y chercher un asile temporaire ou définitif, et la liberté de vivre dans la religion de leur choix. C'étaient surtout des jeunes gens qui se rendaient à Genève pour y entendre les enseignements du Réformateur et qui bientôt en repartaient, pieux candidats au martyre, pour évangéliser les pays voisins jusqu'à ce que la mort affreuse du bûcher ou de la potence vînt couronner leur ministère.
Le Poitou a fourni, de cette manière, à notre martyrologe, sous le seul règne de Henri II : Gabriel Béraudin, jeune homme de Loudun, brûlé à Chambéry en 1550 avec son compagnon Jean Godeau de Chinon ; Pierre Navihères, de Limoges qui avait embrassé la Réforme étant étudiant à Poitiers, exécuté à Lyon en 1553 avec Charles Faure de Blanzac (Angoumois) et trois autres jeunes gens : Jean Vernou, mis à mort en 155o avec plusieurs évangélistes ; Barthélémy Hector de Poitiers, condamné au supplice du feu par le Parlement de Turin ; Jean Buron, natif d'Apremont, d'où il était sorti depuis longtemps, supplicié en Anjou en 1557 ; Pierre Gabard, de Saint-Georges de Montaigu, l'un de ceux qui avaient assisté au prêche de la rue Saint-Jacques à Paris et qui fut brûlé à petit feu (1557) ; et enfin, Nicolas Ballon, du Breuil-Barret, exécuté à Paris en 1559 et qui avait déjà été condamné à mort à Poitiers en 1556, parce qu'il colportait la Bible dans le pays.
Tous avaient vu Genève, et c'est une circonstance qu'on n'oubliait jamais de rapporter dans leur procès. Il suffisait, parfois, d'être trouvé sur la route de cette ville pour être envoyé à la mort (41).
Histoire des protestants et des Églises réformées du Poitou de Dez, Pierre
La peste, tout affreuse qu'elle est, épargne quelques contrées, et, dans le pays où elle passe, elle choisit ses victimes. Un autre fléau, la disette, frappa cette année même la France entière. En 1515, la récolte manqua. La spéculation, toujours attentive à tirer de tout profit, même des malheurs publics, aggrava bientôt la situation par ses menées cupides.
1. Le Cauvin qui fut emprisonné à Noyon dans les derniers jours de mai pour une affaire de sédition n'est pas le Réformateur, mais, comme l'a démontré M. Abel Lefranc, un autre Cauvin, un prêtre et un triste sire qui fut flétri au fer rouge pour une action honteuse. Donc, le Réformateur peut très bien avoir quitté Noyon avant le milieu de mai. Florimond de Raemond dit que, de Poitiers, Calvin -alla à Nérac ; mais on ne peut pas faire état de cette affirmation, tout au plus peut-on en retenir que Calvin sortit de Poitiers par la porte du sud. Comme Calvin partit d'Angoulême avec du Tillet à la fin de son second séjour, et qu'il n'est jamais question de du Tillet lors du séjour à Poitiers, il me paraît plus vraisemblable de placer ce séjour à l'aller. Si toute- fois ce séjour s'était fait au retour, c'est un mois ou deux plus tard qu'il faudrait le situer. Sur le séjour de Calvin à Poitiers, voir Calvin, de Doumergue, et Bull. 1934, p. 207.
2 Un document récemment signalé mentionne : « notre bien aimé Maître Jean Calvin dans son hôtellerie de Poitiers » (Chevalier : Verteuil sous la Réforme, pp. 4 et 43). Pour tous les universitaires, on consultera avec profit l'Histoire de l'Université de Poitiers.
Charles Lesage semble n'avoir jamais été nettement protestant, mais passe pour avoir préservé contre les poursuites les étudiants à tendances hérétiques. Il vivait encore en 1560. Nous retrouverons plus loin un fils de la Duguie, lui aussi professeur en droit, mais inquiété dans ses fonctions pour sa religion. Le nom de ce dernier figure sur un acte notarié pour l'achèvement du temple des Quatre-Piquets (minutes Chesneau 1600) ; acte qui mentionne aussi un Lavau de Saint-Vertunien, professeur en médecine et sans doute fils de l'auditeur de Calvin. Ce dernier, correspondant de Michel Servet, avait sans doute adopté une partie de ses doctrines. Calvin met en garde contre lui les fidèles de Poitiers, et le premier règlement consistorial lance l'anathème contre sa secte.
3. La bibliothèque de la ville de Poitiers possède un manuscrit de la Vie de l'homme chrétien, traduction française d'un chapitre de l'Institution chrétienne, par un certain Laplace, mais il semble qu'il s'agisse d'un autre Laplace.
4. Il n'est pas impossible qu'il y ait une parenté entre ces deux frères et le réformateur de la Marche, André Lefebvre (Leroux, Histoire de la Réforme dans la Marche et le Limousin) que Leroux considère comme disciple direct de Calvin.
5. La tradition a été recueillie par Bobinet {Annales d'Aquitaine, II, p. 1446 et I, p. 806).
6. M. Doumergue pense que c'est plutôt la première des grottes (en face de l'aqueduc romain) qui aurait été utilisée par Calvin.
Mais, outre que Calvin peut très bien avoir parlé dans les deux pour varier ses lieux de réunion, la -seconde grotte pourrait très bien avoir été un des premiers abris de la petite troupe : située à mi-hauteur des rochers de Passe-Lourdin, elle avait un caractère nettement universitaire, étant le lieu d'épreuve traditionnel des bizuths qui devaient escalader les rochers, au risque de se rompre le cou (Rabelais, Pantagruel, II, 5. La Fontaine, Voyage en Limousin, 1927, p. 85). Il y a, à Croutelle, quelques trous de rocher derrière des maisons, et aussi une grotte, la Roche Saint-Jean, dans le bois de la Mataudrie, sur le territoire de cette paroisse.
7. Florimond de Rasmond mentionne les scrupules qu'exprima à ce sujet, Boisseau de la Borderie, en 1559, ce qui s'accorde avec son abjuration quinze jours avant sa mort.
8. Babinot va partir en mission ainsi que deux autres des plus zélés disciples. Que pouvait-il alors rester de l'organisation primitive ?
9. L'épître de Cayet {Bull. 1858, p. 85) qui est avec Florimond de Rsemond la source essentielle à consulter sur le séjour de Calvin à Poitiers et sur les premiers disciples, dit que Babinot mourut dans peu d'années ». Sa Christiade serait-elle posthume ? D'après Florimond de Raemond, sur ses vieux jours il aurait vendu des caques à harengs pour gagner sa vie. Un Babinot signe une lettre de l'église de Poitiers en 1561 (voir cidessous).
10. Bull, des Antiquaires de l'Ouest, 1906, p. 478.
11. Le texte complet de la chanson est dans Bull., 1858, p. 367. Voir l'article XIV du synode de Poitiers (1561) interdisant toutes paroles injurieuses contre les « chapelains, prêtres et moines ».
12. Joubert, Mémoire de diplôme d'études supérieures. Boone, Bulletin philologique et historique, 1926.
13. Le Riche, Journal, p. 34, et Lettres de Calvin (éd. Bonnet), I, p. 133, note.
14. Voir Epître de Cayet et les Martyrs de Crespin. M. Doumergue place, d'après l'épître, l'envoi des missionnaires après le voyage à Genève. La lettre ne précise pas ; au contraire, on y voit Babinot faire à Calvin un rapport sur l'état des esprits à Toulouse ; c'est donc qu'il en venait et ne faisait plus ses cours à Poitiers. F. de Raemond donne la date — 1536 — d'une conversion opérée par Babinot à Agen (et sur ce point il devait être bien renseigné), or Calvin ne peut avoir appelé nos Poitevins à Genève avant août ou septembre 1536, ce qui resserre singulièrement les possibilités de conversion.
Enfin, une telle hypothèse rend inexplicable l'éclosion de prédications hérétiques vers 1537, qui suppose un travail préalable assez long dans les couvents,., Une note des Lettres de Calvin {éd. Bonnet, II, p. 15), nous apprend que Vernou devint, en 1554, pasteur à Angrogne ; en réalité, il changea seulement de champ de mission, sans doute, parce qu'il était trop connu dans l'ancien pour échapper aux poursuites, et c'est au retour d'un voyage à Genève qu'il fut arrêté.
15. Bull., 1883 ; Hist. Eccl., I, p. 81 ; Histoire de l'Université de Poitiers.
16. tradition d'après laquelle Calvin aurait prêché sur sa demande à la chapelle de Valence n'est pas invraisemblable : Valence est sur la grande route d'Angoulême à Poitiers, et Calvin peut avoir été prié par Ponthus de s’y arrêter en allant d'Angoulême à Orléans. De vagues traditions mentionnent aussi sa prédication à Villefagnan et à Civray ; on peut se demander si l'imagination populaire n'a pas prêté au maître les actes des disciples.
17. F. de Raemond. VII. XVIII.
18. Riche. Journal, p. 14 ; Registre de délibérations de l'échevinage de Niort (juin 1537 et 26 avril 1538) cité par Joubert, ouv. cit. Ces prédications furent données dans l'ancienne église Saint-Gaudens {détruite en 1572) cf. Mémoires de la société de Statistique des Deux-Sèvres, 1884, p. 282.
19. Il semble bien qu'il l'aille identifier De Troja, cordelier dont il est question dans l’Hist. Ecc. (I, p. 81) et De Trosa (Le Riche, ouv. cité, p. 14) et aussi avec le cordelier Trojan, professeur à la Faculté de théologie de Poitiers que Bouchet cite parmi les membres du cénacle de Fontenay-le-Comte {Histoire de l'Université de Poitiers p. 111). L’Histoire Ecclésiastique signale aussi un certain Quintin, originaire d'Autun, qui aurait fait à Poitiers une « levée de boucliers » avant ce cordelier, mais serait bientôt revenu -au catholicisme (I, p. 81).
20. Le Riche. Journal, p. 31.
21. Joubert. Ouv. cité.
22. Le Riche. Journal, p. 17.
23. Le Riche. Journal, p. 34. « Le 29 août 1537, un nommé Guillemard, marchand à Poitiers, fit amende honorable durant la procession... pour avoir mal parlé et suivi la secte luthérienne ». Le terme de luthérien désigne alors tous les protestants.
24. Le Riche. Journal, p. 34. Il y eut appel. Nous ignorons si la sentence fut exécutée. Il est probable qu'il s'agit du libraire de Lugré (cf. ci-dessous).
25. Lettres de Calvin (éd. Bonnet, I ; p. 433, note).
26. Leroux. Histoire de la Réforme dans la Marche et le Limousin, p. 7.
27. Le Riche. Journal, p. 49. M. Joubert {ouv. cité) pense que ce prédicateur n'était, autre que Laurent de Normandie. Il est remarquable que la justice ait attendu le dernier jour pour intervenir. Faut-il y- voir une marque d'indulgence ou, au contraire, le désir de frapper un grand coup devant un grand auditoire ?
28. A Champdeniers; en 1541, un inconnu profite de la chaire placée sous la halle pour exhorter leshabitants (Desaivre : Histoire de Champdeniers).
29. Le Riche. Journal, p. 50.
30. Id., ibid, p. 54
31. Le Riche, Journal, pp. 54-56.
32. Détail tiré par Lièvre des papiers de la famille Bailly du Pont. Pierre Denfer était beau-frère de Pierre Desaivre dont le -Journal a été publié. {Arch. Hist. du Poitou, t. xxv).
33. Bull, des Antiquaires de l'Ouest, 1906, p. 465.
34. Arch. Hist. du Poitou, XII, p. 9.
35. Les paragraphes suivants sont empruntés à Lièvre.
36. Voir : Journal de Le Riche ; passim.
37. Filleau. Décisions Catholiques, p. 22.
38. Ici finit la citation de Lièvre.
39. Weiss : Chambre Ardente 23 décembre 1547 : René Garnier, prieur des Carmes de Tours, interné à Paris pour informations contre lui faites sur aucunes propositions prêchées à Montreuil-Bellay. — 4 mai 1548 : Jehanne Favereau, femme de Berthomé Pot, à la Conciergerie pour blasphèmes, relâchée avec recommandation de veiller à ses propos. — 6-8 juin 1548 : François Chabot, sieur de la Pinpelière, marchand à Niort, renvoyé à" un mois. — 14 juillet 1548 : Michel Grondeau, serviteur de Bertrand dit la Mothe (greffier à Châtellerault), condamné à 4 livres parisis d'amende. — 22 octobre 1548 : Etienne Lugré, libraire, prisonnier depuis juin à la Conciergerie, puis à Poitiers, condamné à être brûlé vif et à la confiscation de ses biens, renvoyé à l'évêque de Poitiers (1550) et Mathurin Raguyn, dit Trompillon, libraire, est condamné à l'amende honorable devant la cathédrale de Poitiers, battu et fustigé, ses biens confisqués. — 4 décembre 1548, Jehan Biraudeau, Nicolas Vaussy, Denis Souriceau, accusés d'hérésie, sont renvoyés au sénéchal de Poitou. — 11 mars 1549, Simon Serpier sera confronté avec des témoins, renvoyé à l'évêque (1550) ainsi que Jehan Pichon. — 24 octobre 1548 : doivent être pris de corps même en lieu saint : Saint-Victimier, sieur de Lavau (évidemment Lavau de Saint-Vertunien dont nous avons déjà plusieurs fois parlé), Olivier Gouyn, Virandeauj- Baignault, Michel Cheusse, Abel Cheusse, père et fils, Michel Duplex, dit Pelé, maître Simon (ayant prêché à Poitiers) ; Denys, imagier, paroisse Saint-Paul, chez qui maître Simon a prêché ; Loys, serviteur de feu Jehan Serre, libraire ; ajourné à comparaître : Jehan Gaulteron, maître René Moreau, avocat à Poitiers ; d'Aigonnu, marié paroisse Sainte-Opportune. — 1549 : François Morichon, prisonnier à Saint-Maixent. — 1549 : accusation d'hérésie contre Jehan Bertrand, André Boytault, prisonnier à la conciergerie. — 18 février 1549 : on demande un supplément d'information pour Pierre Auvouyer, Thibault et Jacques Mareitz. — 15 avril 1549 : Anthoine Hardouin, Robert Testard et Antoine Macquaire, condamnés à amende honorable. — 13 avril 1549 : élargissement de 26 prisonniers : Jacques et Guillaume Prousteaux, Marie Griffière, Pierre Brethet, Jehan Lamberton, Mathurin Frappier, Simonne La Morissenne, Denis Blanchet, Jehan Bournaveau, Pierre Véry, François Chauvet, Jacques Dexmier, Jehan Boucquet, Jacques Gaillart, Marie Housmeau, Guillaume Pineau, André Duryvault, Jehan Monot, Guillaume Geoffroy, Ligier Chendon, Catherine Chezendonne, Catherine Raboys, Georges Auran, Jacques Rousselle, Anthoine Fouasseau, Jehan Le Grand. Sont ajournés : Maixant Poictevin, Pierre, Charles, Christophe Denichot, prêtres, à Souvigné, Méry Herbet, sergent à l'abbaye, Jehan Sarraut et Jehan Roulleau, prêtres à Souvigné. — De Lugré, renvoyé à l'évêque, échappa à la condamnation {Mém. Antiquaires de l'Ouest, 1899, p. 275).
40. Gallia Chrisiana, II, col. 1134.
41. Ce paragraphe est emprunté à Lièvre qui a utilisé le livre des Martyrs de Crespin. Voir aussi sur ces martyrs la France Protestante.