Le pape Innocent IV, élu en 1243, entreprend rapidement de lutter contre Frédéric II pour imposer son utilisation des « deux glaives » à celui qui prétend être une « loi vivante ». Menacé dans la cité pontificale, il décide de réunir un concile général hors d'Italie. Il demande d'abord à Louis IX de le tenir à Reims, mais ce dernier refuse, ne voulant pas sortir de sa neutralité entre les deux puissances. Lyon, ville indépendante et à la frontière entre le roi de France et l'Empereur s'impose donc comme la meilleure solution.
1er concile de Lyon, 17 juillet 1245 ; Le pape Innocent IV prononce l’excommunication de l’empereur romain-germanique Frédéric II de Hohenstaufen
Entre le 26 juin et le 17 juillet 1245, Innocent tint le premier Concile de Lyon. Le Pape Innocent IV le convoqua par une lettre circulaire adressé à tous les princes, sans excepter l’empereur Frédéric II, qui fut jugé dans ce même concile. Les prélats se trouvèrent assemblés au jour de l’indication qui était la Saint-Jean. Ils étaient au nombre de cent quarante tant archevêques qu’évêques. L’empereur Frédéric, le roi d’Angleterre et quelques autres princes avaient envoyé leurs ambassadeurs. Baudouin, empereur de Constantinople, et le comte de Toulouse, étaient présents en personne. Le détail de ce concile a été donné par Matthieu de Paris, moine de ce monastère.
Le conflit qui oppose la papauté et l'Empire est dans une impasse.
Saint Louis voulut pourtant encore essayer d'opérer la conciliation. Des messages eussent indéfiniment prolongé le débat. Il résolut d'en conférer avec le pape personnellement et l’invita à se rendre à Cluny. Innocent IV y était depuis quinze jours, quand arriva le roi accompagné de sa mère, de ses trois frères, de sa sœur Isabelle et d'un très-grand cortège (novembre 1245).
Le pape lui-même n'était pas moins magnifiquement escorté le jour de la Saint-André (30 novembre), lorsqu'il dit la messe devant le roi, il avait autour de lui douze cardinaux, les patriarches d'Antioche et de Constantinople, et dix-huit évêques qui n'avaient pas encore pris possession de leurs sièges.
Plusieurs autres princes avaient voulu se trouver à cette rencontre du pape et du roi; et tous avec leur suite avaient pu se loger dans l'abbaye, sans que les religieux eussent besoin de quitter les-lieux qu'ils habitaient.
Saint Louis y conféra quinze jours avec Innocent IV. La conférence fut très-secrète. Mais on peut supposer que le roi ne négligea point de travailler à la réconciliation du pape et de Frédéric II. Matthieu, Paris dit même qu'avant de se séparer ils convinrent d'une autre conférence à laquelle ils tâcheraient de faire que Frédéric assistât.
Le même auteur prétend que le pape, irrité des plaintes portées par les Anglais devant le concile contre les exactions des ministres de Rome, avait cherché à entraîner le roi de France dans une guerre contre l'Angleterre. L'occasion eût été bien choisie, quand saint Louis ne songeait qu'à rétablir partout la paix dans l'intérêt de la croisade, et quand, à défaut même de la croisade, le pape aurait eu besoin de tout l'appui de saint Louis contre Frédéric!
La paix entre la France et l'Angleterre était dans les vues et dans les intérêts: de l'un et de l'autre; et s'il fut question de l'Angleterre, ce ne put être que pour aviser à faire proroger la trêve de Henri III et de saint Louis.
Pendant tout ce séjour, le roi traita le pape avec les plus grands honneurs; et ces témoignages de respect rendent absolument invraisemblables ces prétendues marques de défiance avec lesquelles, selon Matthieu Paris, il l'aurait laissé venir, dans le royaume. Le grand bien qui pouvait résulter de cette conférence si les vues de saint Louis y étaient accueillies, donnent tout lieu de croire qu'il l'avait, comme le rapportent d'autres récits, désirée et provoquée.
Avant de quitter le pape, saint Louis avait reçu de lui une absolution générale en vue de son départ pour la croisade. C'est par cette: guerre, qu'il espérait étouffer l'autre et consacrer l'oeuvre d'apaisement qu'il avait entreprise aux conférences de Cluny.
En attendant les suites qu'il en espérait, il travailla à préparer le royaume à son absence et à prévenir les périls qui en pouvaient provenir. Les barons de France et d'Angleterre se ressentaient encore de leur origine commune; ils avaient dans l'un et dans l'autre pays des terres qui leur imposaient, en cas de lutte, des obligations contradictoires.
Reconstitution Historique du Cortège de l’Entrée de Saint Louis à Cluny, en 1245 pour le millénaire de la fondation de l'abbaye de Cluny (910-1910)
Le Millénaire de la fondation de l'Abbaye de Cluny va se célébrer solennellement les 10, 11 et 12 septembre. C'est un événement diocésain et national qui réunira dans l'admiration reconnaissante le clergé, les lettrés de France et les habitants du Maçonnais. Son Éminence le Cardinal Luçon, archevêque de Reims, qui a bien voulu nous promettre sa présence, se verra entouré d'Archevêques et d'Évêques, en même temps que d'Abbés de monastères bénédictins qui viendront à nous de la terre d'exil.
C'est le zélé pasteur de L'antique église clunisienne de Notre-Dame, dont l'esprit vit des souvenirs bénédictins, qui nous a rappelé la date mémorable du 11 septembre 910, jour où fut signée la charte de fondation du monastère par Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine, en son palais de Bourges, à la demande de Bernon, Abbé de Baume, et d'Hugues, Abbé de Saint-Martin d'Autun. Aussitôt nous avons annoncé aux fidèles notre projet d'en solenniser le Millénaire. Rien vite l'Académie de Mâcon et par elle l'Institut de France, ainsi que la ville de Cluny, adoptèrent cette idée qu'elles firent leur, et chacun dans sa sphère a rivalisé pour en assurer le succès. ……
A la Religion revenait cette initiative : sa mission n'est-elle pas de relier la terre au ciel, en unissant, par la prière, les générations successives? Ne doit-elle pas garder de l'oubli les gloires de ses grands hommes, de ses saints, afin de tirer de leur vie des exemples, de leurs oeuvres des leçons, de leur sainteté une protection? L'éloignement ne fait qu'accroître leur prestige; ainsi mille ans écoulés mettent encore plus en relief la lignée d'Abbés tels que Bernon, saint Odon, saint Odilon, saint Hugues, saint Mayeul ou Pierre le Vénérable.
L'histoire, la littérature, l'art et la sociologie trouveront des voix éloquentes pour exprimer les services rendus par les Bénédictins à la science et à l'humanité. A nous, il importe de faire revivre leur foi, leurs vertus monastiques et leur piété. Ils ont créé nos traditions chrétiennes; « au siècle de fer et de plomb », ils ont défriché les âmes par leur indomptable énergie, plus encore que nos forêts, à la sueur de leur front. Par eux, Cluny a rayonne sur deux mille abbayes et jusque sur le trône pontifical. Quatre papes, saint Grégoire VII, le bienheureux Urbain II, Pascal II et Calixte II, eu sont sortis pour monter sur le trône de saint Pierre. Pionniers de la civilisation, nos moines ont été les héros de l'indépendance de l'Eglise catholique.
Pendant que, pour célébrer le Millénaire de Cluny, l'Académie de Mâcon organisait un Congrès d'histoire et d'archéologie et le Clergé un Triduum de solennités religieuses, le conseil municipal de la ville songeait à fêter cet anniversaire de façon à attirer à Cluny une grande affluence.
Le succès obtenu à Compiègne, l'année précédente, après Nevers et Nancy, après la Suisse et la Belgique, par la reconstitution d'un épisode important de l'histoire locale, orienta de suite les esprits dans cette direction.
Aucun événement ne s'y prêtait mieux que l'entrevue de saint Louis et du Pape Innocent IV, qui eut lieu à Cluny, en 1245, telle que la rapportent les vieux chroniqueurs. D'abord Guillaume de Nangis :
Et furent avec lui (le Roi) ses trois frères et Madame Blanche, la reine, leur mère. Mais comme glorieusement il y alla, environné de sa gent, ne fait pas à taire, ainçois fait à raconter. Se vous vissiez comment sa gent était glorieusement en armes, ordonnée par diverses parties et troupeaux, entour de lui, vous dissiez certainement que ce fut un host ordonné en bataille. Devant allaient cent sergents bien montés et appareillés, les arbalestres aux mains, et autres cent les suivaient, les hauberts vétus, les haumes aux têtes, et les targes à leurs col pendues. Après ces deux cents, venaient devant le Roi cent autres armés de toutes armes, les glaives au poing forts et reluisants et le Roi venait après en la quatrième rangée, environné de grande multitude de chevaliers armés et entra ainsi dans l'Abbaye de Cluny où le Pape était. L'Apostole et le Roy parlèrent secrètement ensemble de ce qu'ils voulurent, et puis s'en retourna le Roy quand il eut salué les Cardinaux et il eut eu la bénédiction du Pape.
La Chronique du monastère de Cluny dit (1):
L'an du Seigneur 1245, à la fête du bienheureux André, Apôtre, le seigneur Pape Innocent IV a célébré la messe à Cluny, dans la grande église, au grand autel; et furent avec lui douze Cardinaux, à savoir le seigneur Egidius d'Espagne, le seigneur Jean de Tolède, le seigneur Otton, le seigneur évêque de Sabine, le seigneur évêque de Tusculum, le seigneur Octavien, maître Hugues de la sainte Tête, le seigneur Jean Gaétan, maître Pierre de Barro, le seigneur Guillaume neveu du seigneur Pape, le seigneur abbé de Saint Faconde, le seigneur Pierre Capioche. Tous ceux-là étaient Cardinaux. Avec eux se trouvèrent dans la même église de Cluny, le patriarche d'Antioche, le patriarche de Constantinople, l'archevêque de Reims, l'archevêque élu de Lyon, l'archevêque de Besançon, l'évêque élu de Chalon-sur-Saône, l'évêque de Paris, l'évêque de Langres, l'évêque de Clermont, l'évêque de Châlons-sur-Marne, l'évêque de Senlis, l'évêque d'Évreux, l'évêque de Prusse, l'évêque des cinq églises, l'évêque de Bethléem, l'évêque élu d'Agen qui fut ensuite consacré par le seigneur évêque de Tusculum légat du siège apostolique. Furent présents en même temps l'abbé de Cluny et une foule d'abbés noirs, l'abbé de Cîteaux et un grand nombre d'abbés blancs.
A la même époque se rencontrèrent, à Cluny, le seigneur Louis, roi de France et la reine sa mère, et le comte d'Artois, son frère, et l'Empereur de Constantinople, et le fils du Roi d'Aragon et le fils du Roi de Castille, et le Duc de Bourgogne, et le Comte de Ponthieu et le Comte Guillaume qui perdit sa terre en rentrant en grâce auprès de l'Empereur et du Pape, et l'avocat de Béthune, et tous les chevaliers qui sont du conseil du Roi de France, le Comte de Forez, le comte de Bingniacum, le seigneur de Beaujeu, le seigneur de Bourbon, et une multitude d'autres Comtes, Châtelains, Princes et Chevaliers dont nous ne voulons pas faire mention à cause de leur trop grand nombre.
Et il faut savoir que dans l'intérieur du monastère reçurent l'hospitalité le seigneur Pape avec ses chapelains et toute sa cour; l'Évêque de Senlis avec sa maison l'Évêque d'Évreux avec sa maison; le seigneur Roi de France avec sa mère, son frère, sa sœur et toute leur suite le seigneur Empereur de Constantinople, avec toute sa cour; le fils du Roi d'Aragon avec tous ses gens; et beaucoup d'autres chevaliers clercs et religieux que nous passons sous silence. Et cependant, malgré ces innombrables hôtes, jamais les moines ne se dérangèrent de leur dortoir, de leur réfectoire, de leur chapitre, de leur infirmerie, de leur cuisine, de leur cellier, ni d'aucun des lieux réputés conventuels. L'Évêque de Langres fut aussi logé dans l'enceinte du couvent.
Pour réaliser la commémoration de ce grand événement historique, la Commission des fêtes du conseil municipal de Cluny, composée de
MM. BALLANDRAS, Maire;
Pètrë, Premier adjoint;
GENTEZ, Deuxième adjoint;
LOISY, GAUTHIER et Ducoté, Conseillers
s'adjoignit douze membres pris parmi les commerçants et notables de la ville, et constitua un comité du Millénaire avec :
MM. Paul CHACHUAT, Président
L. Félix, Vice-président;
Docteur ANGELIER, id.
MM. J CHARVET, Secrétaire général;
F. SIRAUD, Secrétaire adjoint;
P. LETOURNEAU, id.
C. DUTRION, Trésorier;
C.DUMONT, Trésorier adjoint;
PETITJEAN, Membre;
JUILLARD, id.
MARTINET, id.
POIVRE, id.
Le Comité, désirant intéresser à ses projets les notabilités de la région, une députation, sous la conduite de M. Duréault, secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, se rendit au Château de Bresse-sur-Grosne, pour demander au comte de Murard de vouloir bien apporter à leur entreprise l'appui de sa haute personnalité. M. de Murard se rendit de très bonne grâce et très galamment à cette démarche et provoqua à Cluny une réunion d'où sortit un comité spécial d'organisation du cortège historique ainsi composé
Président le comte de MURARD
Vice-président le baron de CONTENSON
Membres MM. P. de LAFARGE, le comte de MILLY, le vicomte de Maubou, VITAL DE LA CHAPELLE, de BELLEFOND. Le comte de Murard et le baron de Contenson sollicitèrent leurs amis auprès desquels ils trouvèrent l'accueil le plus empressé. Les uns promirent leur concours personnel pour représenter dans le cortège de saint Louis, l'un des personnages mentionnés par les chroniqueurs, les autres participèrent, par leur contribution financière, à l'éclat de cette reconstitution historique.
Finalement le cortège, dont le programme général des Fêtes orné d'une artistique composition de M. Poupart, donna la nomenclature, fut composé de la manière suivante :
COMPOSITION DU CORTÈGE
TROMPETTES A CHEVAL
OFFICIER ET SERGENTS ARBALÉTRIERS
COMTE DU FOREZ ….. M. le Vicomte Charles DE LORIOL
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
SEIGNEUR DE BEAUJEU….. M. Augustin LACROIX
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
OFFICIERS ET PIQUIERS
COMTE DE PONTHIEU….. M. Léon DE BORDE
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
OFFICIERS ET HOMMES D'ARMES
SONNEUR DE CLOCHES
MASSIERS
SERGENTS A VERGES
PREMIER ÉCHEVIN A CHEVAL
ÉCHEVINS
TROMPETTES
HÉRAUTS D'ARMES
SEIGNEUR DE BOURBON…… M. Gabriel BOUCHACOURT
ÉCUYERS ET PORTE-BANNIÈRE
FOUS
DUC DE BOURGOGNE…… M. le Comte DE MONTAGU
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
SEIGNEUR DE LA ROCHE-POT……. M. Christian VIOLOT DE BEER
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
SEIGNEURS DE BRANCION…… MM. Jacques DE LA CHAPELLE, Pierre DE LA CH APELLE
SEIGNEUR DE BRESSE M. Vital DE LA CHAPELLE
ÉCUYER-PORTE-BANNIÈRE
FIFRES ET TAMBOURS
Fous
Pages. …..MM. Gaston MARLIN, Marcel MARLIN, Lucien FAIBIE, Robert Boullay
LE ROI LOUIS IX. ……M. Ludovic REBILLARD
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
COMTE GUILLAUME ……M. JOURDAN
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
COMTE DE BÉTHUNE. ……M. Léon CORNUDET
AVOCAT DU COMTE
SEIGNEURS DE THY DE MILLY……. MM. le Comte DE MILLY, le Baron DU VILLARD, Jean PROTAT, Pierre Protat
ÉCUYER
Chevalier …..M. le V" Henri DE SAINTE-CROIX
SEIGNEUR DE TAIZÉ. …..M. le V Émile DE BRIE
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
SEIGNEUR DE SERCY…… M. Louis DE CONTENSON
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
CAPITAINE DU CHATEAU DE SAINT-GENGOUX M. Jules RÉGNIER
ÉCUYER -PORTE-BANNIÉRE
COMPAGNIE DE SAINT-GENGOUX
PAGE A CHEVAL…… M. Régis DE LAFARGE
PAGES
BLANCHE DE CASTILLE…... Mme Xavier DE LAFARGE
ISABELLE, Sœur DU ROI Mlle DE MURARD
Écuyer M. Max TARUT
LÉVRIERS
PAGE A CHEVAL. ….M. Roger DE BRIE
PAGES
DAMES D'HONNEUR….. Mlle DE MONTAGU , Mlle DE CONTENSON
Écuyer….. M. A. SORDET, Mme MÉRIC DE BELLEFON, Mme Émile DE BRIE
HÉRAUTS D'ARMES
OFFICIER ET HOMMES D'ARMES
FOUS
COMTE D'ARTOIS…... M. Xavier DE LAFARGE
ÉCUYER …….M. Hubert DE LAFARGE
PORTE-BANNIÈRE. ……M. Antoine DE LAFARGE
COMTE DE POITOU……. M. le Vicomte DE MURARD
Écuyer-chevalier……. M. le Baron DE MONTESQUIEU
PORTE-BANNIÈRE
COMTE D'ANJOU……. M. Jean Méric DE BELLEFON
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
SIRE DE GHISTELLES. M. Lucien LIBERSART
PORTE-BANNIÈRE
CHEVALIERS
TROMPETTES
OFFICIER ET HOMMES D'ARMES
FOUS ·
EMPEREUR DE CONSTANTINOPLE. M. Fredo StMYAN
Écuyer….M. Nino SIMYAN
PORTE-BANNIÈRE
IMPÉRATRICE DE CONSTANTINOPLE… Mlle Simyan
CHEVALIERS
DAMES D'HONNEUR….. Mlle CLÉMENSO, Mlle FERRET
PAGE. ….Mlle CHAMBIGE
GROUPE DE DEMOISELLES AVEC LE MAI FLEURI
FILS DU ROI D'ARAGON……. M. Charles DE Boisset
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
FILS DU ROI DE CASTILLE……. M. Roger DE Boisset
ÉCUYER ET PORTE-BANNIÈRE
OFFICIER ET PIQUIERS
Le samedi 1 septembre, à la tombée de la nuit, un héraut d'armes recouvert d'une sorte de dalmatique, suivi de trompettes à cheval, parcourut tous les carrefours de la ville. Après une fanfare dont les accords pouvaient peut-être bien quelque peu détonner avec l'archaïsme des fenêtres à colonnettes aux voussures sculptées, il lisait sur un parchemin, d'où pendait un large sceau, la proclamation suivante, annonçant l'arrivée du Roy.
PROCLAMATION DES HÉRAUTS
Citiens de Cluny, manans et forains, à tous salut !
De par le Seigneur Révérend Abbé, saichés que le jour de demain onziesme du mois de Septembre, sur l'heure de deux après midy, nostre biaus sires roy Loys, neuviesme du nom, entrera en nostre bonne ville de Cluny, avec sa pie mère la royne Blanche, sa suer Isabiau et ses frères, le très glorieux empereur de Constantinople, Balduyn, les princes, l'escort de ses vassaulx et de ses féaulx chevalers.
Diex soit loé
Paix à vos logis, joye en vos cuers!
Mais la population n'avait pas attendu cet avis moyenâgeux pour se préparer à honorer ses hôtes. Partout des festons et astragales de buis, allant d'un mât de verdure à un autre, formaient une voie triomphale. Dans une des rues principales des arceaux de feuillages en ogive, d'un fort heureux modèle, et assez rapprochés entre eux, donnaient l'illusion d'une voûte gothique de verdure. Le soir, une lumière discrète, s'allumant au-dessous de chacun d'eux, produisait des effets merveilleux.
Le dimanche 1 septembre, à deux heures du soir, toutes les cloches de la ville (et entre autres les barabans de l'Abbaye désenchaînés pour la circonstance) sonnaient à toutes volées, et le cortège qui s'était formé sur la promenade du Fouettin, se mettait en marche à travers une foule compacte, salué par des applaudissements enthousiastes.
Les costumes, dont la grande majorité était copiée avec la plus stricte exactitude sur les documents du temps, rendaient, dans un effet tout à fait imposant, la vérité historique du XIIIe siècle.
A cette époque, c'était la cotte de maille pour les hommes, la masse, la longue épée, le grand bouclier ou targe terminé en pointe pour pouvoir au besoin être planté dans le sol, le heaume sans aucun panache. Les femmes portaient la coiffure basse, avec couronne ou bandeau. Les caparaçons des palefrois, coupés d'après les sceaux de saint Louis, de ses frères, du duc de Bourgogne et brodés, ainsi que ceux de leurs porte-fanions, aux armes des seigneurs à cheval, avaient, en général, grande allure. Dans les rues de la ville admirablement décorées, plusieurs maisons, avec leurs séries de petites fenêtres séparées par des colonnettes supportant un plein cintre à boudin et ornements géométriques, devaient être déjà là lors de la véritable entrée de saint Louis.
Le cortège, après avoir parcouru la ville tout entière pavoisée, arriva dans les jardins de l'ancienne Abbaye.
Là, sur une estrade, se tenaient le Pape Innocent IV et l'abbé Guillaume III de France, entourés des cardinaux, archevêques, évêques et moines. Ces derniers étaient représentés par les membres de la Chorale de Mâcon, en costumes religieux, sous la direction de leur chef, M. Oberdoerffer qui, revêtu d'un très exact habit de bénédictin du XIIIe siècle, la crosse à la main et la mitre en tête, figurait l'abbé.
A quelque vingt mètres de l'estrade, saint Louis, avec les principaux seigneurs qui l'accompagnaient, mit pied à terre. Le Pape s'avança pour le recevoir. Le Roi parla le premier en français, le Pape lui répondit en latin :
DOCUMENTS
DISCOURS DU ROY AU PAPE
Béatissime Père ! Ce nous est grand joye de mettre le genoil en terre devant vostre personne sacrée. Que vostre saincteté ovre son cuer au nostre ; qu’elle abaisse un sien paternel regard sur nostre mère la pie royne Blanche, sur nostre suer Isabiau et nos frères, sur le très glorieux empereur Balduyn, sur les princes qui nous accompaignent, sur le brillant escort de nos vassaulx, sur la vaillante trope de nos féaulx chevalers. – Qu’elle nous octroye sa saincte benéiçon !
DISCOURS DU PAPE AU ROY
Rex christianissime Franciae, mi devote fili, salve. Gaudens orum gaudeo in Domino, quod te mihi offers, te glossime rex, piam Blancam reginam, Isabellam sororem tuam et frates, Balduinum clarissime imperatorem, cui sanctissimam spinarum coronam et alias preciosissimas reliquias debes, regum filios, principes, et fortem hanc militum turbam per cujus fortitudem, favente Deo, et Britones et Pictavos et Britannos et Aquitanos alterna vice debellasti, per cujus ardentem fidem Sarracenos feliciter coerces et coercebis. Hic mecum adsunt et te salutant venerabilis abbas et pater Guillelmus, quem, tibi gratias, de manibus Frederici imperatoris eripuisti, et numerosi hujus celeberrimi monasterii monacho, tam pietate, quam literris, artibus et scientia eminenter adornati, Ecclesiae flos et decus.
Benedico vos omnes, et Deum omnipotentem, Jesum Christum, et ejus sanctam matrem, Mariam virginem, deprecor, ut vos conservet sanos et salvos faciat !
Après avoir parlé, le Pape, élevant les mains, donna sa bénédiction au Roi de France ; après quoi tous deux, accompagnés des frères de Louis IX, de sa sœur, suivie de ses dames d’honneur, de l’impératrice de Constantinople et de ses dames, vinrent prendre place sur l’estrade.
La Chorale de mâcon, dans ses robes de moines, exécuta alors d’une façon magistrale le Christus vincit, chant liturgique du VIIIe siècle arrangé par Vincent d’Indy, puis les Martyrs aux Arènes de Laurent de Rillé, et, enfin le chœur des pèlerins de Tannhauser, de Wagner.
Telle fut cette journée magnifique qui fit revivre sous nos yeux, d’une façon saisissante, un épisode brillant et glorieux de l’histoire du pays.
B. De Contenson, Membre associé de l’Académie de Mâcon.
Le millénaire de Cluny, 10, 11, 12 septembre 1910 : souvenirs religieux et littéraires / Académie de Mâcon
La septième croisade est la première des deux croisades entreprises sous la direction du roi Louis IX dit Saint Louis. Décidée par le roi en 1244, elle quitte le royaume de France en 1248 et aborde l’Égypte en 1249. Vaincue par les maladies, l’armée ne retrouve sa liberté qu’en 1250, et le roi de France passe les quatre années suivantes à mettre le royaume de Jérusalem en état de se défendre contre les Mamelouks. La croisade prend fin en 1254, avec le retour du roi en France après la mort de sa mère Blanche de Castille, qui assurait la régence du royaume pendant son absence.
(1). « Bibliotheca Cluniacensis ». Traduction de Lorain, histoire de l'Abbaye de Cluny, Paris, 1845, p. 154.