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PHystorique- Les Portes du Temps
30 novembre 2019

MÉLUSINE A FONTEVRAUD - Légendes et Miracles de Fontevrault

MÉLUSINE A FONTEVRAUD - Légendes et Miracles de Fontevrault

Le roman de Mélusine, écrit par Jean d'Arras en 1387 et publié en 1478, a charmé et intrigué le XVe siècle. C'est un de ces premiers romans à clefs qui ont exercé la curiosité et mis en défaut la sagacité des interprétateurs. On s'est acharné à démasquer les personnages et on a cherché partout leur trace, jusqu'à Fontevraud, parce qu'un chroniqueur a écrit « qu'il avait vu Méluzine à Fontevrault ».

L'affabulation est tellement dominante dans le roman de Jean d'Arras qu'il est bien difficile de reconnaître la trame sous la broderie. Les noms seuls pourraient servir de guides, aussi a-t-on surtout cherché à travers leur déformation.

Il faut rappeler sommairement cette amusante épopée du moyen-âge :Mélusine rencontre le beau Raymondin et lui propose de faire de lui le plus grand seigneur du royaume s'il veut l'épouser ; mais à la condition qu'il ne cherchera jamais à la voir le samedi de chaque semaine. Le pacte est conclu, Mélusine promet à son mari de lui donner en terres autant qu'il peut en tenir dans une peau de cerf. Et, à cet effet, elle fait découper la peau en fines lanières dont elle entoure la terre promise. C'est le stratagème de la fondation de Carthage.

Raymondin, jaloux de sa femme, regarde un samedi par un trou du mur de sa chambre et la surprend au bain. Horreur ! elle lui apparaît moitié femme et moitié serpent. Il se trahit par une exclamation d'effroi, et Mélusine s'enfuit en poussant de grands cris, s'élève dans les airs et va, après avoir décrit trois cercles, s'abattre sur l'endroit où a été construit le château de Lusignan.

Jean d'Arras n'en reste pas là ; il poursuit son conte par l'histoire des trois fils de Mélusine : Urian, Guion et Geoffroy, dont il fait des prototypes différents. Geoffroy est le preux chevalier qui combat contre les géants et accomplit « moult prouesses d'armes à la Grand-Dent ».

Après Jean d'Arras, d'autres conteurs ont repris l'histoire de Mélusine avec des variantes.

Ils expliquent que c'était pour avoir fait mourir son père que, chaque samedi, le bas de son corps se changeait en serpent. Qu'elle comptait, au nombre de ses aïeux, un roi d'Albanie du nom d'Elénas.

Que par son alliance avec Raymondin « comte de Poitou » elle devint la tige des familles de Lusignan, de Jérusalem, de Chypre, de Luxembourg et de Bohême. Que son mari, effrayé après l'avoir surprise, l'enferma au fond de son château de Lusignan.

Nous ne chercherons pas à découvrir le sens philosophique de ces allégories ; nous constaterons seulement la survivance de Mélusine comme magicienne dans les romans de chevalerie, et comme fée dans la tradition populaire.

En Poitou, on dit encore, pour caractériser des cris effrayants : « pousser des cris de mélusine ».

Les sirènes-serpents sculptées sur les chapiteaux du moyen-âge dériveraient, selon certains archéologues, de l'histoire de Mélusine.

Le moyen-âge avait fait de son image une chimère, et la maison de Lusignan avait adopté cette figuration dans ses armes. Elle était représentée échevelée, portant peigne et miroir et paraissant sortir d'une cuve où s'agitait sa queue de serpent. Beaucoup d'autres familles, se prétendant issues de la même souche, portaient également une mélusine à leur cimier, telles les Parthenay, les Soubise, les Saint-Vallier, les Larochefoucauld, les Lansac.

C'est donc bien dans le Poitou, parmi les Lusignan, et avant 1387, date du roman de Jean d'Arras, qu'il faut chercher Mélusine.

D'ailleurs, Mélusine, qui s'écrivait autrefois Melusigne, paraît bien être l'anagrame de Lusignem, vieille orthographe de Lusignan.

Certains ont voulu voir dans Mélusine une déformation de Mélisende et l'on a cherché parmi les Mélisendes qui sont passées par Fontevraudt. Elles sont nombreuses, parce que ce nom de femme était très répandu.

Etant donné aussi qu'on a présenté Mélusine comme fille d'un roi de Jérusalem, on a pensé à Mélisende, fille de Baudoin, roi de Jérusalem, qui, en épousant Foulques, duc d'Anjou, lui donna ce royaume et un titre des plus enviés. Resterait toutefois à expliquer la condition restrictive.

Isabelle d'Angoulême Fontevraud l'abbaye

Il faut, croyons-nous, limiter les recherches parmi les Lusignan, si tant est que Mélusine n'est pas un personnage inventé de toutes pièces :

On a nommé Isabelle d'Angoulême, veuve de Jean Sans-Terre, remariée avec Hugues X de Lusignan, son premier fiancé, qu'elle avait délaissé le jour même de son mariage ; on a appelé cette princesse la Jésabel de son temps. Elle vint mourir à Fontevraud.

Sa fille, également nommée Isabelle d'Angoulême, fut aussi enterrée dans l'abbaye.

Les seigneurs de Lusignan furent des bienfaiteurs de l'Ordre. Une charte de 1214, signée de l'archevêque de Lyon, relate une donation faite au prieuré de Beaulieu par Guy, comte de Forêts. Dans une charte de 1215, ce seigneur donne confirmation de sa donation.

En 1216, une autre donation de la maison de Lusignan à Fontevraud est faite par Geoffroy de Lusignan. M. Guérinière, en y faisant allusion dans son histoire du Poitou, s'exprime ainsi qu'il suit :

« Cette charte est remarquable, en ce sens surtout qu'elle témoigne que Geoffroy de Lusignan, ce chevalier si célèbre que les vieux romanciers ont surnommé la Grande-Dent, ne fut point un personnage chimérique, non plus que son épouse, la célèbre Mélusine, qui l'un et l'autre ont certainement existé.

« Le château qu'habitait Geoffroy, en Poitou, passait pour imprenable. Il avait été bâti, disent les romanciers, par une fée nommée Mélusine, tenant à la fois de la femme et du serpent. Mais cette Mélusine, qui servit d'héroïne aux fabulistes anciens et modernes, entre autres à Jean d'Arras, Jean Bouchet et F. Etienne, n'était autre que Mélusine des Forêts, épouse de Geoffroy, seigneur de Lusignan, dont l'existence fut de beaucoup subséquente au château de Lusignan, assurément bâti par Hugues II, seigneur de Lusignan, surnommé le Bien-Aimé. »

On a cherché le héros de l'aventure des Lusignan parmi les seigneurs qui se sont succédé :

Hugues XII, sire de Lusignan, marié avec Jeanne de Fougères, eut deux fils, Hugues et Gui ou Guiard. Hugues succéda à son père sous le nom de Hugues XIII, sire de Lusignan, comte de La Marche et d'Angoulême ; il mourut en 1303 sans avoir eu d'enfants. Son frère Guiard hérita de ses biens et mourut comme lui, sans enfants, en 1307, instituant le roi de France, Philippe le Bel, pour son héritier.

Les soeurs de Guiard réclamèrent en vain contre cette donation. Le roi les désintéressa par des dédommagements qu'elles furent forcées d'accepter. La plus jeune se fit religieuse et mourut à Fontevraud. Rien dans sa vie ne laisse supposer qu'il y ait eu quelque rapport entre elle et le roman de Mélusine.

Tout porte à croire que le chroniqueur, en relatant « qu'il a vu Méluzine à Fontevrault », a voulu dire qu'il avait vu le livre de Jean d'Arras à l'abbaye. A défaut des religieuses, les moines étaient assez friands des lectures de ce genre, si l'on en juge par les titres des volumes que l'on sait avoir figuré dans la bibliothèque que les abbesses et les grands prieurs de l'Habit se sont plu à enrichir.

Légendes et Miracles de Fontevrault, par le colonel L. Picard, président de la Société des lettres, sciences et arts du Saumurois

Légendes et Miracles de l'Abbaye de Fontevraud, les quatre-vingt tombeaux de Robert d’Arbrissel <==

La Tour Mélusine du château de Fougères - Voyage dans le temps de Jeanne de Fougères et Hugues XII de Lusignan <==

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