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PHystorique- Les Portes du Temps
15 août 2019

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon)

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (22)

Le pèlerin fidèle des lieux historiques, ou le simple touriste qui vient à l'île d'Aix, ne lit pas sans une particulière émotion cette inscription placée au fronton d'une maison de construction banale et que surmonte un aigle de pierre aux ailes éployées :

A

LA MÉMOIRE

de notre immortel Empereur

NAPOLÉON 1er

15 juillet 1815

Tout fut sublime en lui, sa gloire, ses revers,

Et son nom respecté plane sur l'univers.

 

 

 La pauvreté poétique de ce distique ne diminue point la grandeur de ces quelques mots de reconnaissance et de pieux hommage à une grande mémoire. Le plus distrait ou le plus indifférent de ceux qui passent ne peut se retenir de méditer un instant devant cette maison où se joua le dernier acte du grand drame impérial sur la terre de France.

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (5)

C'est ici en effet que Napoléon a passé les dernières heures de sa liberté dans cette France qu'il avait tant aimée et qui lui avait rendu si passionnément son amour. Rien ou à peu près n'a été changé depuis que l'Empereur habita ces lieux. Cette maison du commandant de la place où il vécut quelques jours avant de se confier à la mauvaise foi britannique est dans le même état qu'en 1815. Façade, intérieur, jardins, horizon, tout est semblable à ce que Napoléon connut et ses yeux virent les mêmes choses que les nôtres voient en cet endroit aujourd'hui. Et cela rend plus poignante l'impression ressentie, lorsque, le décor étant le même, il n'y a que le héros principal qui en est absent.

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (6)

(la vitrine présentant les 52 pendules anciennes arrêtées à 17 h 49, heure de la mort de l’Empereur le 5 mai 1821 à Longwood.)

A droite et à gauche d'un vestibule de pierres nues, des pièces assez vastes. Du dallage de larges carreaux part un escalier de pierre, de belle allure, conduisant au premier étage qui est le seul de la maison. A gauche, avant le palier desservant les chambres qui donnent sur la façade, s'ouvre une petite porte cintrée. « L'Empereur, dit Gustave Larroumet, a gravi cet escalier, suivi par les amis de la dernière heure. Ses éperons d'argent ont sonné sur ces dalles et sous cette porte basse a passé la silhouette légendaire, le buste court sous l'habit vert, les jambes serrées dans les hautes bottes, la grosse tête pâle sous le petit chapeau ». C'est ainsi que, selon la légende, un artiste, un poète comme Larroumet peut s'imaginer Napoléon à l'île d'Aix en 1815, c'est-à-dire comme il était, aux Tuileries, en 1809.

Illusion ! En juillet 1815, l'Empereur est vêtu en simple bourgeois, habit vert, chapeau rond, mais il est toujours le grand homme qu'une immense gloire environne et malgré les revers, malgré l'abdication, aux yeux de tous il est toujours « l'Empereur ».

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (25)

La chambre qu'occupa Napoléon est très claire, carrée, de dimensions moyennes, avec deux fenêtres dont une à balcon. Elles donnent sur un petit jardin où vieillissent des arbres qui ont été les témoins de cet événement. Ces arbres ne coupent pas la vue sur la mer, et, du balcon, on l'aperçoit qui miroite au-delà des remparts. Le mobilier de cette chambre a certainement subi plus d'une modification. Le reps grenat des tentures garnissant les fenêtres et l'alcôve, mélangé de calicot blanc, que l'on y voyait il y a quelques années, ne prouvait pas une ancienneté bien authentique et le vrai style empire n'apparaissait que dans les fauteuils et le guéridon, placés sur un tapis vétuste mais relativement moderne lui aussi.

 

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (20)

Napoléon est partout présent ici. Il y est non pas seulement parce que son buste de marbre trône sur la cheminée, mais parce que son souvenir, son âme glorieuse et triste restent plus intimement mêlés aux détails de cette chambre banale. Autre part on sent moins cette concentration d'une pensée et d'un sentiment qui font revivre la figure originale avec son relief particulier.

Cette modeste chambre avait été choisie par Napoléon lui-même, parce que, selon le dire des contemporains qui connurent ces détails, elle possédait plusieurs issues et que du balcon on pouvait voir la mer et suivre à la lunette le mouvement des navires, vers lesquels se portaient sans cesse les regards inquiets du grand homme. Ces regards inquiets, ces regards profonds ne voyaient pas se dessiner l'avenir à cet horizon où déjà cependant le drame prenait forme. Tout ce que la perfidie, la trahison qui avaient accompagné les pas du vainqueur sur le chemin de la gloire peuvent réserver de déboires à un homme, l'avenir le lui réservait plus amplement encore et voilà ce que, de cette chambre claire, ouverte largement sur le ciel et la mer, le futur prisonnier de Sainte-Hélène ne voyait pas apparaître.

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (16)

C'est le 12 juillet 1815 que Napoléon vint s'établir à l'île d'Aix. Il mettait le pied dans l'île pour la deuxième fois alors. La première avait été en 1808, au cours de ce voyage d'apothéose qu'il fit avec la bonne et souriante Joséphine. Comme à cette époque éloignée, Napoléon, malgré les revers de la fortune, fut acclamé avec enthousiasme et si, de la croisière anglaise mouillée dans la rade des Basques, on a entendu ces acclamations de la population et de la garnison, on a dû se convaincre que l'Empereur détrôné régnait encore par l'affection dans le cœur de bien des Français.

Après Waterloo et l'abdication, Napoléon se trouvait à la merci de la Commission de Gouvernement instituée pour préparer certaines circonstances et diverses conditions qui n'avaient rien de commun avec les intérêts de la France, une restauration des Bourbons ou même l'instauration de tout autre régime. Dans cette Commission se trouvaient Fouché et Talleyrand, modèles de fourberie, d'astuce et de trahison, dont l'un, comme Judas, mais à plus haut prix, avait vendu son maître. (C'était à Erfurth aux souverains qui signaient avec lui un traité de paix). Ces gens et leurs acolytes avaient le plus grand intérêt à éloigner l'Empereur et à l'éloigner sans qu'il puisse revenir, car ils redoutaient que les sympathies populaires, encore très vives, ne se manifestassent en sa faveur. Ces sympathies, ils en redoutaient l'explosion à Paris d'abord, puis à la Malmaison où Napoléon était allé se réfugier momentanément auprès de la reine Hortense et de sa famille. A peine

fut-il arrivé à la Malmaison que le général Becker était placé d'ailleurs à côté de lui comme geôlier avec mission de ne pas le laisser échapper et de surveiller étroitement tous ses actes.

L'Empereur avait pris la résolution de passer aux Etats-Unis et de s'y fixer définitivement. Il en avait informé les membres de la Commission de Gouvernement qui s'étaient empressés de mettre à sa disposition tout ce qui pouvait lui être utile à cet effet et notamment deux frégates, la Saale et la Méduse, qui se trouvaient à ce moment-là disponibles en rade de Rochefort.

Pour s'embarquer à bord de l'une ou l'autre de ces frégates, le départ de Napoléon pour l'île d'Aix fut décidé et précipité, en raison, disait-on, de l'effervescence populaire, mais en réalité conformément à un plan tout de perfidie et d'hypocrisie où l'âme de Fouché et celle de Talleyrand se reflétaient complètement. L'intention secrète des membres de la Commission de Gouvernement était de pousser leur victime dans le piège qui lui était tendu. La croisière anglaise barrait en effet la route d'Amérique et nul bâtiment ne pouvait échapper à sa surveillance et passer sans un sauf- conduit.

Ce sauf-conduit ainsi que les pièces nécessaires au libre passage de Napoléon, furent en effet demandés au gouvernement anglais, mais avec la certitude absolue qu'on ne les obtiendrait pas. Aussi pressa-t-on Napoléon de partir, en lui promettant de lui faire tenir les papiers indispensables en cours de route ou à l'île d'Aix. Ces papiers, bien entendu, il les attendit vainement.

En exécution d'ordres formels et précis, Becker pressa le départ et, dans la crainte toujours vive de manifestations inquiétantes, on se mit en route en dissimulant ce départ qui ressemblait à une fuite honteuse.

L'Empereur, qui était vêtu en civil, prit place dans une calèche attelée de quatre chevaux. Il avait à ses côtés les généraux Bertrand, Savary et Becker. Un seul valet de chambre s'installa sur le siège à côté du postillon et l'on partit au galop à cinq heures du soir, le 29 juin, après que les voyageurs eurent passé par une porte de service d'une partie isolée du parc. Par la grille d'honneur, devant la foule assemblée, les voitures nombreuses de la suite impériale partaient ostensiblement deux heures après.

On coucha au château de Rambouillet et le lendemain matin 30 juin, à 11 heures, on se remit en route. Nul incident ne marqua le passage de Napoléon à Tours. A Poitiers, la population vendéenne et poitevine, mal disposée, le laissa passer sans manifester aucun sentiment. A Niort, qui fut la dernière ville de France où Napoléon fut traité en souverain, le 2 juillet, il est acclamé. Fonctionnaires et citoyens le traitent encore en empereur.

Cependant le temps presse, les nouvelles ne sont pas bonnes. A 3 heures du matin, le 3 juillet, on part de Niort pour se rendre à Rochefort après avoir traversé de bien beaux pays : Mauzé, Saint-Georges-du-Bois. Partout la voiture de l'Empereur est saluée des vivats de la population accourue sur son passage. Dans les champs, les paysans interrompent leurs travaux pour venir saluer du chapeau et de la main et crier leur vivat.

 

Au relais de Muron ce furent d'indescriptibles manifestations d'enthousiasme. L'Empereur ne descendit point de voiture, mais il reçut la touchante visite de deux anciens grenadiers de sa garde, Breuil et Bonnessée, avec qui il s'entretint familièrement.

A 4 heures du soir, le 3 juillet, la voiture impériale, escortée de chasseurs, entrait à Rochefort par la porte fortifiée de La Rochelle, porte aujourd'hui démolie, et gagnait la préfecture maritime où l'attendait le préfet Bonnefoux, prévenu depuis le matin par le général Gourgaud, arrivé de très bonne heure et descendu à l'hôtel du Bacha. Le préfet s'avança au-devant de l'Empereur pour le recevoir et le conduisit dans le même appartement qu'il avait occupé en 1808, pendant quelques jours, en compagnie de l'impératrice Joséphine.

« Pendant le séjour de Napoléon à la préfecture maritime, dit un écrivain des mieux informés, le commandant Silvestre, la population emplissait le Jardin Public, se tenait sous les fenêtres et l'acclamait. C'est surtout le soir que la foule s'amassait et quand elle apercevait l'Empereur sur la terrasse, ou se promenant, ou causant sur la galerie qui domine le port militaire, les acclamations redoublaient et Napoléon alors saluait de la main. Il avait gardé l'habit bourgeois. Il reçut des visites, mais avec la même étiquette qu'aux Tuileries ».

Des officiers vinrent le supplier de se mettre à la tête des troupes fidèles, des forces importantes et dévouées plus que jamais à sa cause, mais Napoléon ne voulut pas livrer la France aux horreurs d'une guerre civile ajoutée aux dangers de la guerre étrangère, tout cela sur le sol national. Il ne sentait pas assez que toute la France était pour lui comme aux jours éclatants de la fortune et il ne voulait pas appeler sur elle d'irréparables malheurs. Dans l'infortune il sut rester grand et, envisageant toutes les conséquences de la proposition qui lui était faite, il fit abstraction de son intérêt personnel, il refusa.

Aussitôt après l'arrivée de Napoléon à Rochefort, un Conseil, formé d'officiers supérieurs et de marins expérimentés, s'était réuni. Cette assemblée émit à l'unanimité l'avis que l'Empereur ne pouvait s'embarquer immédiatement, ni tant que les navires anglais seraient si nombreux dans la rade ou en vue des côtes.

Or, le nombre de ces navires s'était beaucoup accru depuis le 27 juin, jour où Napoléon fut résolu à gagner les Etats-Unis en partant de l'île d'Aix (1).

(1) L'escadre anglaise, sous les ordres du contre-amiral lord Hotham, croisait de la pointe de Quiberon à l'embouchure de la Gironde, elle comprenait 15 unités : 2 vaisseaux : Le Superbe et le Bellérophon, 2 frégates : Le Pactolus et l'Endymion et une dizaine d'avisos, bricks, corvettes et sloops.

 

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (15)

Dans cette occurence, il importait de prendre une détermination rapide. Des offres pour sauver la personne de l'Empereur furent faites et des bâtiments préparés à cet effet. Napoléon ne se décidait à rien. Ni le projet de l'amiral Baudin à Bordeaux, ni celui préparé par Besson, qui donna même sa démission d'officier de marine pour prendre le commandement d'un navire danois acheté à La Rochelle, ne retinrent son attention. Ce dernier projet cependant semblait réunir toutes les chances de réussite : chargé de barriques d'eau-de-vie et monté par de jeunes officiers faisant fonction de mariniers, le navire devait se mettre en route, cachant Napoléon dans des futailles disposées d'une certaine façon. Aucune de ces perspectives ne parut souriante à Napoléon, aucune des dispositions prises ne put le décider. On comprend d'ailleurs ses hésitations. Il s'était de très longue date, et depuis son enfance, formé sur la générosité du peuple anglais des illusions dont aucune expérience ne l'avait pu guérir et que d'ailleurs, remarque judicieusement Frédéric Masson, il n'était pas le seul à partager dans sa famille. Sans cette illusion sur la générosité anglaise, dont il devait si cruellement être bientôt désabusé, il aurait tout essayé pour ne pas tomber entre les mains d'ennemis aussi perfides et aussi déloyaux.

Essayer de gagner les Etats-Unis était chose difficile, quasi impossible sous le feu de la croisière anglaise, et cependant, à deux reprises, on aurait pu tenter de le faire. Les autres voies ne lui convenant pas, l'Empereur revint à sa première idée, à son idée fixe pourrait- on dire, à celle qui si souvent mène l'homme à sa ruine. Poussé à une décision rapide par le général Becker et le préfet Bonnefoux, il résolut enfin de quitter Rochefort, mais il ne fit connaître sa détermination que 2Û heures après le départ du courrier pour Paris ; de la sorte il évitait quelques-uns des pièges qui pouvaient lui être tendus.

Le préfet donna immédiatement les ordres nécessaires pour qu'à la marée du soir le 8 juillet, les embarcations fussent prêtes au port de Fouras.

A quatre heures précises, les voitures et leur escorte se mirent en route au grand trot, dit le commandant Silvestre, prenant par la rue Saint-Charles pour gagner la porte de La Rochelle et la route de Fouras. La foule respectueuse qui garnissait les rues et la place Colbert saluait le cortège au passage des cris répétés de : « Vive l'Empereur ».

Napoléon, cependant, n'était point dans l'une ou l'autre de ces voitures aux stores baissés, il ne quitta la préfecture qu'un peu après le cortège officiel, monta dans une calèche qui fila vers la porte de Charente, puis tourna à l'extrémité du faubourg où elle rejoignit les autres voitures.

Le trajet de Rochefort à Fouras s'effectua silencieusement dans la voiture impériale, bruyant dans la foule émue qui la suivait,

Fouras n'était pas alors la coquette, la riante ville d'eaux que l'on connaît aujourd'hui. Ce n'était qu'une bourgade maritime avec la triste forteresse que la légende fait remonter à Charlemagne et qui attriste l'horizon de sa masse inélégante.

C'est au pied de cette antique forteresse que Napoléon foula pour la dernière fois la terre continentale de France. De supposer cette forteresse vraiment bâtie par le premier grand empereur d'Occident, de voir le dernier grand empereur d'Occident partir de là pour l'exil, il y aurait lieu à un rapprochement qui ne manquerait ni de grandeur ni de pittoresque et l’imagination poétique pourrait inventer un tragique colloque de ces deux grands hommes réunis en un point de l'espace et en un point du temps par le cours irrégulier et fantaisiste de la fortune.

 

Les canots du port de Rochefort et ceux des frégates mouillées dans la rade l'attendaient à l'anse de la Coue, petite plage encaissée au sud de la falaise sur laquelle le fort est placé. Ces lieux sont dans le même état qu'au moment où l'Empereur s'y embarqua.

Voici le récit de cet embarquement mémorable d'après le commandant Silvestre qui s'est entouré de tous les documents authentiques et qui a reçu lui-même, de témoins aujourd'hui disparus, des récits véridiques, que lui seul a su conserver dans son livre plein de détails captivants :

« Des officiers, des soldats, des campagnards couvraient tout le rivage, depuis les Rochers de la Grand'- Plante et du Terrier jusqu'au sommet des batteries de la forteresse. L'embarquement se fit avec ordre, à dos d'homme, selon la tradition populaire ; car il n'y avait pas assez d'eau pour que les baleinières pussent accoster le rivage. Le marin qui porta Napoléon sur ses épaules était un nommé Beau, ancêtre d'une famille de Fouras. Quelques officiers avec les bagages prirent place dans d'autres embarcations. Lorsque les avirons s'abaissèrent, un grand cri s'éleva dans Fouras : « Vive l'Empereur ! » Lui salua encore une fois de la main.

« Nous pleurions comme des filles », déclarait plus tard le vieux douanier, celui-là même qui grava sur une pierre de la jetée ce nom magique : NAPOLÉON. »

Tant que les embarcations furent en vue, les officiers, l'escorte, la foule, demeurèrent sur le rivage, suivant des yeux ces canots qui emportaient, vers un exil qu'on ne savait pas devoir être si cruel, celui qui avait été si longtemps l'idole du peuple et de l'armée. On les perdit de vue lorsqu'ils eurent doublé la pointe d'Enet, et, la nuit tombant, la foule reprit silencieuse et morne le chemin de Rochefort ».

On crut que l'Empereur se rendait à l'île d'Aix et l'état de la mer le donnait à penser. Au contraire, il ordonna de le conduire aux frégates préparées pour lui et sa suite. Il embarqua sur la Saale à 7 heures et demie du soir, avec les généraux Bertrand, Rovigo, Lallemand, Gourgaud, son secrétaire Las Cases, Becker et trente et une autres personnes, parmi lesquelles la comtesse Bertrand et ses trois enfants et le valet de chambre Marchand, soit au total 40 passagers. La frégate la Méduse n'en reçut que 26 dont le général de Montholon, sa femme et leurs fils. La suite de l'Empereur comportait en tout 66 personnes. Les chevaux et les bagages furent réservés pour un prochain embarquement sur les mêmes frégates.

Napoléon avait voulu être reçu simplement, cependant il fut traité à bord en souverain, sauf pour les salves d'artillerie. Aussitôt monté à bord, il se fit présenter les officiers d'état-major et il visita le bâtiment.

 

L'Empereur était toujours en bourgeois : habit vert, gilet blanc, culotte de nankin, bottes et chapeau ; la tenue de l'île d'Elbe, qui d'ailleurs lui allait fort mal, aux dires des témoins.

Napoléon fut installé dans le logement du capitaine et la suite un peu partout. On fit l'appareillage peu après, mais eut-on bien l'intention de partir ? Le calme subitement revenu rendait tout départ impossible et de plus la croisière anglaise était en ligne.

Le lendemain, de grand matin, Napoléon était sur le pont pour s'enquérir de l'état de la mer, de celui des vents. Rien n'était favorable. En inspectant l'horizon, il vit les hauts mâts des vaisseaux anglais dépasser la pointe de l'île d'Oléron, sentinelles immobiles à leur poste de garde, et il mesura toutes les difficultés de la situation. Soudain, il demanda qu'on le conduisît à l'île d'Aix pour la visiter,

L'ordre fut exécuté aussitôt. Gourgaud et Las Cases prévenus arrivèrent en hâte. Le général était en tenue mais sans son sabre. L'Empereur l'envoya le chercher. Quant à lui il était toujours dans sa même tenue bourgeoise.

La garnison et la population de l'île firent à Napoléon un accueil des plus chaleureux et c'est au milieu d'incessantes ovations qu'il visita les fortifications, les forts « La Rade » et « Liédot », et l'armement avec la plus grande attention.

Au moment de rentrer à bord, il fit une sorte d'inspection du régiment de marine caserné dans l'île (i).

A dix heures, l'Empereur réintégrait la Saale sur laquelle le général Becker était dans une grande inquiétude, car son prisonnier pouvait bien lui avoir échappé.

Au milieu des conseils très contradictoires d'un entourage fort divisé sur les résolutions à prendre, en face des périls d'une situation inéluctable, de l'attitude des pouvoirs publics, s'obstinant à créer autour de l'Empereur une atmosphère angoissante, Napoléon prit le parti de s'adresser lui-même au chef de la croisière anglaise et il lui envoya porter une lettre par un parlementaire.

Les gens qu'il chargea de cette mission : Las Cases, Rovigo, Lallemand, Gourgaud, n'étaient guère faits pour ce genre de négociations, ils n'étaient ni diplomates, ni gens d'affaires, ils manquaient de l'expérience des hommes et des choses avec lesquels il fallait de la dissimulation au lieu de la franchise et de la rouerie à la place de la loyauté, à l'égard surtout de pareils ennemis qui ne mettaient nullement la loyauté dans les paroles ni la droiture et l'honnêteté dans les moyens quand il leur fallait arriver à un but.

 (1) C'était l'Empereur qui avait dressé lui-même le plan du fort Liédot, en 1808, le fort, en construction depuis 1810, n'était pas alors complètement achevé.

 

Dans ces conditions, les frégates mises à la disposition de l'Empereur lui devenaient inutiles. Le séjour à bord, d'autre part, manquait absolument de confort. Napoléon se détermina donc le 12 juillet à quitter l'incommode Saale et à établir son quartier à l'île d'Aix. Le même jour il vint habiter, comme il fut dit, la maison du commandant de la place.

En réponse à une question que Napoléon lui avait fait poser par Rovigo, le commandant de la Saale, Philibert, avait déclaré qu'il ne devait sous aucun prétexte débarquer l'Empereur sur un point quelconque du territoire, et que d'un autre côté il ne pouvait risquer de faire broyer ses frégates par les feux de la croisière anglaise. Or, on a constaté, depuis, que tenter de forcer le blocus n'était pas si dangereux, ni si impraticable qu'on le croyait et qu'on l'avait affirmé. Le Bellérophon était un vieux bâtiment plus imposant que redoutable et son compagnon, le Myrmidon, un brick qui ne pouvait sérieusement en imposer.

Dans ces conditions, il ne restait plus à l'Empereur que d'aborder franchement les Anglais afin de savoir quelles étaient leurs intentions à son égard, afin de leur demander aussi le libre passage pour les Etats- Unis et, en cas de refus, un asile dans quelque campagne d'Angleterre ou d'Ecosse.

Napoléon avait d'ailleurs été informé des instructions du gouvernement provisoire transmises à Becker par le capitaine Bonnefous. Ces instructions étaient les suivantes :

 

1° Si le départ des frégates la Saale et la Méduse était retardé par les vents, et qu'il fût possible de transférer Napoléon par aviso, il devait en être mis un à la disposition de l'Empereur, à condition que cet aviso appareillât et mît à la voile dans les 24 heures.

2° Si Napoléon préférait être conduit à bord d'une -croisière anglaise, le Préfet maritime devait lui en fournir le moyen.

3° Aucun parlementaire ne pouvait être envoyé aux Anglais si l'Empereur n'en faisait formellement et par écrit la demande.

Le grand maréchal Bertrand écrivit donc par l'ordre de Napoléon au Préfet maritime à Rochefort pour lui demander une embarcation propre à servir de parlementaire vers la croisière anglaise. Le 10 juillet, le duc de Rovigo et Las Cases montèrent à bord d'une mouche envoyée de Rochefort et se rendirent à bord du Bellérophon qu'ils accostaient à 7 heures du matin. Ils étaient porteurs d'une lettre du grand maréchal informant le chef de la station anglaise, qu'il croyait être Lord Hotham, que l'Empereur, ayant abdiqué, avait choisi les Etats-Unis d'Amérique pour s'y réfugier et qu'il attendait le sauf-conduit du gouvernement anglais pour faire voile vers cette destination avec ses deux frégates. Voici d'ailleurs cette lettre :

« Monsieur l’Amiral,

» L'Empereur Napoléon ayant abdiqué le pouvoir et choisi les Etats-Unis d'Amérique pour refuge s'est embarqué sur les deux frégates qui sont dans cette rade pour se rendre à destination.

 

» Il attend le sauf-conduit du gouvernement anglais qu'on lui a annoncé, ce qui le décide à expédier le présent parlementaire pour vous demander, Monsieur l'Amiral, si vous avez connaissance de ce sauf-conduit 'et si vous pensez qu'il soit dans l'intention du gouvernement anglais de mettre empêchement à notre voyage en Amérique.

» Général BERTRAND. »

 

Ce fut le capitaine Maitland qui prit connaissance de la lettre. Il fut des plus courtois, mais en s'abstenant de révéler les ordres précis qu'il avait reçus d'embarquer Napoléon sans retard et de le conduire dans le port des Iles Britanniques le plus rapproché. Il déclara devoir demander des ordres à son chef immédiat, l'amiral Hotham, qui était alors à bord du Superbe. Maitland rusait. Il ajouta que l'Empereur pouvait sans la moindre crainte demander asile à l'Angleterre.

Rovigo et Las Cases, qui n'avaient pas le moindre instinct diplomatique, s'illusionnèrent facilement au langage de l'Anglais. Cependant Las Cases, qui comprenait la langue, avait senti dans la conversation de Maitland avec ses officiers des paroles tout à fait en opposition avec ce qu'il affirmait, mais il n'en tint aucun compte et lui-même commit certaines imprudences qui mirent le capitaine Maitland en garde coutre les projets d'évasion par Bordeaux ou par La Rochelle. Maitland déclara qu'il avait ordre de ne laisser sortir aucun navire, même marchand, portant un personnage de telle importance.

La duplicité de l'Anglais était patente. Le 7 juillet il avait reçu de son chef, lord Hotham, la dépêche suivante :

« Le gouvernement anglais a reçu dans la nuit du 3o juin une demande adressée par les chefs de France à l'effet d'obtenir un passeport et un sauf-conduit pour que Bonaparte puisse se rendre en Amérique. Une réponse négative a été faite à cette demande et lord Keith ordonne de redoubler de vigilance pour intercepter Bonaparte. D'après les mesures adoptées chez nous on paraît s'attendre à ce qu'il mette à la voile d'un des ports du Nord, Mon opinion est que Bonaparte a pris la route de Rochefort et que, probablement, il s'embarquera sur une des deux frégates mouillées dans l'île d'Aix.

» HOTHAM. »

Une autre lettre du même Hotham donnait de nouvelles précisions :

« Le Ministre de la Marine de France a reçu l'ordre de préparer des bâtiments de guerre qu'on a mis à la disposition de Bonaparte, et deux frégates ont été préparées pour lui et sa suite. On a annoncé aux deux chambres qu'il avait quitté Paris le 29 juin à 4 heures du matin et l'on croyait qu'il avait pris la route de Rochefort. Je ne doute pas que les deux frégates qui sont en rade de l'île d'Aix ne lui soient destinées. C'est à vous d'employer tous les moyens pour intercepter le fugitif, de la captivité duquel paraît dépendre le repos de l'Europe. »

Pendant que Las Cases et Rovigo accomplissaient leur mission, une corvette, le Falsmouth, arrivant d'Angleterre, prévint par signaux optiques le capitaine Maitland qu'il avait un courrier pour lui. Une dépêche de lord Hotham contenait ceci :

« Il vous est enjoint de faire les plus strictes recherches sur tout bâtiment que vous rencontrerez. Si vous êtes assez heureux pour intercepter Bonaparte, vous devez le transporter, avec sa famille, sur le vaisseau que vous commandez, l'y tenir sous bonne garde et revenir avec toute la diligence possible au port d'Angleterre le plus voisin. A votre arrivée, vous interdirez toute communication avec la terre. »

Au cours du déjeuner que Maitland offrit à Rovigo et à Las Cases sur le Bellérophon, il fut parlé du projet de Napoléon de partir pour les Etats-Unis. Maitland s'étonnait que l'Empereur ne préférât pas se placer sous la sauvegarde des lois anglaises qui lui assureraient avec la liberté un traitement digne de lui. Dans un français qu'il parlait avec beaucoup de netteté, le capitaine Maitland exposa aux parlementaires tous les avantages qu'aurait Napoléon à demander asile à l'Angleterre. Il paraissait rempli de sincérité et il fallut l'objection de Las Cases relative à l'éventualité d'un brusque départ de la Saale et de la Méduse, franchissant le cordon anglais, pour qu'apparût une partie des intentions cachées de Maitland. Celui-ci déclara qu'il n'hésiterait pas alors à faire bombarder les deux frégates par toutes les unités anglaises qu'il avait à sa disposition. Cette dernière déclaration fixa les envoyés de Napoléon. Avant de quitter le bord, Las Cases exprima le désir d'avoir une réponse écrite qu'il remettrait à l'Empereur. Après quelques hésitations, Maitland rédigea la réponse suivante :

 

« Bellérophon, 10 juillet 1815.

« Monsieur le Comte,

» Je ne saurais dire quelles peuvent être les intentions de mon- Gouvernement, mais les deux pays étant présentement en état de guerre, il m'est impossible de permettre de prendre la mer à aucun bâtiment de guerre sortant du port de Rochefort. Quant à la proposition faite par le duc de Rovigo et le comte de Las Cases de laisser partir l'Empereur sur un bâtiment marchand, il n'est pas en mon pouvoir, sans la sanction de mon chef le contre-amiral Sir Henry Hotham, qui se trouve à présent dans la baie de Quiberon et à qui je vais adresser votre dépêche, de laisser passer aucun bateau, sous quelque pavillon que ce soit, avec un personnage d'une aussi grande importance. »

» FRED. L. MAITLAND. »

 

A deux heures de l'après-midi, la mouche qui ramenait Las Cases et Rovigo accosta la Saale. A peine avaient-ils quitté le Bellérophon que Maitland donnait des ordres pour mouiller en rade des Basques de façon que les frégates françaises fussent à portée de canon du vaisseau anglais.

« Maitland, dit Henry Houssaye, s'était avancé vers sa proie pour la mieux guetter. »

En rapportant leur entrevue avec Maitland, les parlementaires n'omirent aucun détail de l'entretien et ils eurent soin d'ajouter que selon eux le plus prudent et le meilleur était de demander, d'après l'opinion de Maitland, un asile honorable à la loyale Angleterre. Tout autre parti était chanceux, voire périlleux, et le salut ne leur apparaissait que de ce seul côté. Le lendemain matin, n juillet, Montholon, qui était à bord de la Méduse, apporta à Napoléon une lettre du lieutenant de vaisseau Ponée, commandant cette frégate.

« J'ai consulté mes officiers et mon équipage, écrivait ce vaillant marin. Je parle donc en leur nom et au mien. Voici ce qu'il faut faire. Cette nuit la Méduse marchant en avant de la Saale, surprendra, grâce il l'obscurité, le Bellérophon qui est venu mouiller en rade des Barques. J'engagerai le combat bord à bord, j'élongerai ses flancs, je l'empêcherai de bouger. Je pourrai toujours bien lutter deux heures Après ma frégate sera en bien mauvais état. Mais pendant ce temps, la Saale aura passé, en profitant de la brise qui, chaque soir, s’élève de la terre. Ce n'est pas le reste de la croisière, une méchante corvette et un aviso, qui arrêtera la Saale, frégate de premier rang, portant du 23 en batterie et des caronades de 36 sur le pont. »

Napoléon, qui se connaissait en héroïsme, fut profondément ému par l'offre de l'équipage de la Méduse et de son commandant. Cette sympathie, cet attachement qu’ils lui manifestaient aux plus cruelles heures de son infortune le disposaient à accepter la proposition du lieutenant Ponée. Mais le capitaine Philibert, commandant de la Saale, qui ne voulait point enfreindre les ordres reçus, se refusa à entrer dans les vues de Ponée. La tentative devenait de ce fait irréalisable, Elle doit cependant demeurer à l'honneur du vaillant officier et des vaillants hommes qui en eurent spontanément l'idée.

Un secret sentiment retenait Napoléon d'accepter les propositions anglaises. En attendant il prit la décision de se rendre à l'île d'Aix où il débarqua le 12 juillet au matin. Tout décidait l'Empereur à cette détermination et d’abord les mauvaises conditions dans lesquelles lui et les siens se trouvaient à bord de la frégate. Avant de quitter celle-ci. Napoléon, toujours plein de générosité, offrit quelques souvenirs à ceux qu'il quittait : une tabatière en or, avec un N en diamant, au préfet maritime Bonnefoux. Son intention était de loger dans la maison du commandant de la place, une partie de sa suite devait l'occuper avec lui l'autre partie occuperait la « maison du génie » qui se trouvait en face.

A l'île d'Aix, « on entre dans les projets d'aventure, mais tout cela sombre car l'Empereur qui en laisse parler devant lui, dit Frédéric Masson, paraît en discuter, ne s'arrête à rien. Dès qu'il ne reprend pas le commandement de l'armée, dès qu'il ne sort pas en souverain sur les frégates, muni d'un sauf-conduit qui le mette à couvert de toute recherche insultante, il ne voit qu'une issue, demander asile à l'Angleterre ».

La population de l'île lui avait fait un accueil plus chaleureux encore qu'au voyage précédent. Napoléon put s'assurer là encore combien son culte demeurait vivant dans les cœurs et sur quels dévouements il pouvait compter. En arrivant, il choisit d'abord sa chambre dans cette maison où il est possible de la voir aujourd'hui de tout point semblable à ce qu'elle fut en 1815, comme nous le disons plus haut. Son premier souci fut de prendre un parti qui soit décisif. A cet effet il forma un conseil des personnes de sa suite et il convoqua pour y prendre part le lieutenant Genty, du 14e d'artillerie de marine, qui commandait la garnison de l'île. Celui-ci émit l'avis qu'il était possible de déjouer la surveillance anglaise avec des bateaux plus légers que les frégates.

On aurait utilisé deux chaloupes pontées disponibles, et, suivant la côte dans la direction du nord, on eût gagné le large, guettant un bateau qui, de gré ou de force, fît voile pour les Etats- Unis. Ce projet retint l'attention de Napoléon. Il y voyait une chance de réussite et il chargea Bertrand de faire l'achat des deux chaloupes qui appartenaient deux armateurs de La Rochelle, Thiron et Villedieu., Ce dernier s'était d'ailleurs offert comme pilote et Napoléon avait accepté. Le lendemain tout était prêt et sur les onze heures du soir les deux bâtiments appareillaient. Ils se tinrent près de la côte, attendant l'Empereur. On l'attendit en vain. Entre temps Napoléon avait renoncé à ce projet. Nous en expliquerons les raisons plus loin.

Joseph, frère aîné de l'Empereur, était arrivé à l'île d'Aix dans la journée du 13 juillet, pour aviser celui- ci qu'un navire américain était à Bordeaux, prêt à faire voile pour les Etats-Unis. Ce navire était disposé à faciliter le passage en Amérique de l'Empereur et de sa suite. La voiture de Joseph était restée sur l'un des bords de la Charente, d'où elle pouvait en très peu de temps rejoindre la Gironde. La proposition, toute tentante et toute praticable qu'elle fût, se heurta au refus de Napoléon. Joseph se vit donc obligé de partir seul. Son voyage s'effectua sans encombre et il parvint aux Etats-Unis qu'il habita plusieurs années.

Il semble qu'un mauvais génie s'acharne à la perte de Napoléon. Une autre proposition du commandant de la Bayadère, qui faisait dire par Lallemand qu'il était toujours disposé à transporter l'Empereur aux Etats-Unis, ne parvint pas à fléchir une irrésolution que son entourage semblait se plaire à entretenir. Une seule personne montre une opinion arrêtée, c'est la générale Bertrand qui insiste avec un entêtement particulier pour que Napoléon aille vers les Anglais. Il faut ajouter par parenthèse que la femme du grand-maréchal est anglaise, fille du malheureux général Dillon. Finalement Napoléon renonce à s'embarquer sur la Bayadère. « J'ai renoncé de bonne foi déclare-t-il, et pour toujours à la vie politique, je ne vois pas pourquoi on m'empêcherait de librement aller achever ma vie loin des intrigants et des ingrats ».

Selon Henri Houssaye, Becker aurait fait à ce projet <les objections si vives, qu'elles équivalaient à un refus.

Le projet Genty semble le plus raisonnable et bientôt il rallie tous les suffrages. Mais un inconvénient se présente : chaque chaloupe ne peut contenir que cinq passagers. Qui sera sacrifié ? De violentes compétitions s'élèvent entre ceux qui ont tout abandonné pour suivre l'Empereur et qui ont lié leur sort à son infortune. La maréchale Bertrand, qui était accompagnée de ses trois enfants, serait certainement obligée de rester à l'île d'Aix, elle tenait de plus à sa première idée que le seul moyen de salut et qui convînt à la dignité de l'Empereur était d'aller demander asile à l'Angleterre. Elle représenta à Napoléon tout ce que la tentative avait de dangereux, de risqué, et surtout, avec une habilité bien féminine, elle lui montra combien cette fuite était peu digne de l'homme qui avait dominé l'Europe. Ce dernier argument devait l'emporter. Au milieu des avis divers, des disputes, des opinions rivales, Napoléon excédé parcourt la chambre à grands pas. Lui, l'homme parfait des promptes décisions, il ne sait plus décider. Silencieusement il sort de la pièce et rentre dans sa chambre où il reste à méditer.

Sur le soir, un peu avant la nuit, Planat fait transporter les bagages de l'Empereur sur l'une des deux chaloupes et demeure à bord à attendre. An heures du soir, Becker, qui s'était montré toujours favorable au projet Genty, informa Napoléon que tout était prêt pour le départ.

C'est l'opinion de Mme Bertrand qui a fini par l'emporter dans l'esprit de Napoléon. Sourd aux avis de ceux qui lui conseillent de ne pas se livrer aux Anglais, il décide de rester. Le malheur le pousse sans rémission vers la pente fatale. A Becker, il déclare que s'il est dangereux de se confier à ses ennemis, il l'est moins encore que de risquer, en voulant leur échapper, de tomber entre leurs mains comme un prisonnier vulgaire. Sa marotte était de s'en remettre à la loyauté anglaise. Rien n'avait pu le détromper sur ce point, il croyait fermement à la bonne foi britannique.

Aussi peut-on dire que dès le 13 juillet Napoléon avait pris son parti. Il abandonnait l'idée de se rendre aux Etats- Unis, il rejetait les moyens qui lui étaient offerts d'échapper à la surveillance anglaise, il s'abandonnait à son destin. La déchéance avait fait de Napoléon un autre homme. Lui qui s'était toujours senti protégé de la Providence, il se croyait maintenant abandonné par elle. Lui qui toujours avait décidé seul, échappant aux contradictoires influences de ses conseillers, il donnait l'exemple de la faiblesse des êtres irrésolus. Personne et surtout personne de ses ennemis ne pouvait savoir à quel degré de découragement était tombé l'Empereur. Maitland, toujours inquiet sur le sort de la proie qu'il convoitait, avait usé tous les moyens pour savoir ce qui se passait à l'île d'Aix. Par une forte promesse d'argent il était parvenu à savoir qu'un pilote d'Oléron, pour qui la passe de Maumusson n'avait pas de secrets, devait conduire un navire sortant de nuit. Napoléon allait-il lui échapper ? Son inquiétude ne devait pas durer longtemps. De toute manière il avait profité de ces temporisations, pour mieux organiser la défense de toutes les issues.

Le 14 juillet, au matin, Napoléon avait envoyé en parlementaire au Bellérophon Las Cases et le général Lallemand. Las Cases parle d'abord des sauf-conduits pour le voyage aux Etats-Unis. Maitland répond simplement : « Je ne suis autorisé à acquiescer à aucun arrangement, mais je crois pouvoir prendre sur moi de recevoir l'Empereur à mon bord pour le conduire en Angleterre » et peut-être ajoute-t-il comme il l'a écrit plus tard : « Toutefois je ne puis faire aucune promesse sur les dispositions de mon gouvernement à son égard, puisque, dans le cas que je viens de supposer, j'agirai sous ma propre responsabilité sans être même certain que ma conduite obtiendra l'approbation de mon gouvernement. »

Les deux parlementaires éprouvèrent naturellement une gêne assez vive de ce que Maitland leur déclarait. Celui-ci ne fut pas sans l'apercevoir. Aussi parla-t-il aussitôt d'arrangement, d'accueil convenable, des sentiments généreux de la nation anglaise et de l'asile qu'elle offrirait aux parlementaires eux-mêmes. Il ajouta que l'Empereur serait traité avec les égards qui convenaient à son rang. Lallemand crut bon de demander si Napoléon n'aurait pas à redouter par la suite d'être livré au roi de France. Maitland considéra la seule hypothèse de cela comme une injure.

Las Cases était peu au courant de ce genre de négociations,. il s'attribuait une grande importance et volontiers croyait en imposer par ses opinions, il voulait en outre jouer auprès de l'Empereur le rôle du serviteur indispensable et il brûlait de lui apporter des nouvelles favorables. Le général Lallemand savait qu'en cas d'échec sa tête était en jeu. Maitland d'autre part appuyait volontiers sur les promesses, sentant qu'il était à la veille de couronner des efforts qui servaient à la fois son succès d'officier et sa haine personnelle. Peut-être, lui aussi, croyait-il, comme Napoléon, à la bonne foi britannique et l'on peut se demander si Maitland n'était pas de bonne foi en affirmant que l'Angleterre offrirait généreusement l'hospitalité sur son sol à un ennemi désarmé qui venait lui demander asile et protection.

Las Cases, avant de quitter le Bellérophon, crut devoir dire à Maitland qu'il était probable que dès le lendemain l'Empereur quittant l'île d'Aix viendrait lui demander d'attendre à son bord les sauf-conduits réclamés au gouvernement britannique. A leur retour, les parlementaires rapportèrent à Napoléon tous les détails de leur entrevue. Pour la forme, il réunit un dernier conseil dans sa chambre. Comme précédemment, les avis furent partagés. Montholon et Lallemand étaient toujours contre le projet de se rendre à bord du vaisseau anglais. Tous les autres opinèrent pour. Il y avait encore à choisir, ou bien revenir sur le continent pour essayer, comme après l'île d'Elbe, de reprendre le pouvoir et c'était la guerre civile, ou bien se rendre sur le Bellérophon.

« S'il était question, dit Napoléon, de marcher à la conquête d'un empire ou de le sauver, je pourrais tenter un second retour de l'île d'Elbe, mais je ne cherche que la tranquillité et si j'étais encore la cause d'un seul coup de canon, la méchanceté ne manquerait pas d'en profiter pour me déchirer.

» On m'offre du repos en Angleterre, je ne connais pas le Prince régent, mais, d'après ce que j'ai ouï dire, je ne puis manquer de confiance dans la loyauté de son caractère.

Mon parti est pris, je vais lui écrire, et demain, à la pointe du jour, nous irons à bord de la croisière anglaise ; en abordant le Bellérophon, je serai déjà sur le sol britannique ; les Anglais seront liés par les devoirs de l'hospitalité, et ils ne seront pas assez peu soucieux de leur gloire pour laisser passer une si belle occasion de se montrer magnanimes. »

Napoléon prit une dernière décision : il demanderait asile aux Anglais. Après le conseil, il entraîna Gourgaud dans sa chambre et tirant de sa poche une lettre destinée au Prince Régent d'Angleterre, il lui en donna lecture. Voilà ce que contenait cette lettre :

 

« Altesse Royale,

» En butte aux factions qui divisent mon pays et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai consommé ma carrière politique et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir au foyer du peuple britannique.

 Je me mets sous la protection de ses lois que je réclame de votre Altesse Royale, comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis.

Ile d'Aix, 13 juillet 1815.

» NAPOLÉON. »

 

Gourgaud avait les yeux en larmes quand l'Empereur eut achevé sa lecture. C'est lui que Napoléon avait choisi pour porter cette lettre et la remettre en mains propres.

Le soir du même jour, donc, Gourgaud et Las Cases se rendaient à bord du Bellérophon. Napoléon les avait chargés en outre d'instructions spéciales pour Maitland : « Mon aide de camp Gourgaud se rendra à bord de l'escadre anglaise avec le comte de Las Cases. Il repartira sur l'aviso que le commandant de cette escadre expédiera soit à l'amiral, soit à Londres. Il tâchera d'obtenir audience du Prince Régent et lui remettra ma lettre. S'il ne voit pas d'inconvénient pour délivrer des passeports pour les Etats-Unis d'Amérique, c'est ce que je désire. Mais je n'en veux pour aller dans aucune autre colonie. A défaut de l'Amérique, je préfère l'Angleterre à tout autre pays. Je prendrai le titre de colonel Muiron ou Duroc. Si je dois aller en Angleterre, je désirerais être logé dans une maison de campagne à 10 ou 12 lieues de Londres où je souhaiterais arriver le plus incognito possible. Il faudrait une habitation assez grande pour loger tout mon monde. Je suis désireux — et cela doit entrer dans les vues du Gouvernement — d'éviter Londres. Si le ministre avait envie de mettre un commissaire près de moi, Gourgaud veillera à ce que cela n'ait aucun air de servitude et que ce soit un homme qui, par son rang et son caractère, ne puisse donner lieu à aucune mauvaise pensée.

 

» Si Gourgaud doit être envoyé à l'Amiral, il serait plus convenable qu'il le gardât à son bord pour le faire partir sur une corvette afin d'être sûr qu'il arrivera à Londres avant nous.

 Ile d'Aix, 14 juillet 1815.

» NAPOLÉON. »

 

La bonne foi, la confiance qui éclatent dans ces lignes, opposées à la duplicité de Maitland et à la perfidie anglaise, font ressortir mieux que nul commentaire la trahison du gouvernement britannique et la malhonnêteté de son geste quand il s'empara de Napoléon pour le conduire à Sainte-Hélène, après lui avoir fait espérer une vie tranquille et digne sous la protection des lois.

Maitland fit immédiatement embarquer Gourgaud sur le Slaney, à destination de l'Angleterre. Mais, là encore, la fourberie et l'imposture dirigent la manœuvre. Jamais le Slaney n'arriva à Londres et jamais Gourgaud ne put remplir sa mission. Ayant fait relâche à Plymouth, le bateau fut mit en quarantaine par l'amirauté anglaise, avec ordre formel à l'équipage et aux passagers de n'avoir nulle communication avec la terre. Ironie ! Le Bellérophon devait arriver à Plymouth avant que Gourgaud ait pu quitter le bord. Entre temps il avait été contraint de se dessaisir de la lettre autographe que Napoléon lui avait confiée.

Las Cases et Maitland devaient, à bord du Bellérophon, diriger les préparatifs de la réception de l'Empereur. Las Cases passa toute la nuit à bord et fut témoin des inquiétudes non dissimulées de Maitland qui avait toujours peur que 1'Empereur lui échappât. Ceci le mit en défiance sur le caractère généreux et loyal de l'hospitalité qu'on réservait à son maître.

Durant la nuit, sur la goëlette Sophie et sur le brick l'Epervier, on chargea les bagages de l'Empereur, y compris sa calèche et deux chevaux, et l'on embarqua la plus grande partie de la suite.

Le matin de ce même 14 juillet, le capitaine de Bonnefoux, préfet maritime de Rochefort, avait reçu la visite du nouveau préfet de la Charente-Inférieure, le baron Richard, qui lui apportait des ordres nouveaux du gouvernement en -ce qui concernait Napoléon. Ce baron Richard était un ancien conventionnel, régicide, que Napoléon avait destitué de ses fonctions peu de temps auparavant. C'est à son caractère insolent et fourbe qu'il devait cette destitution. Il va sans dire que les sentiments que nourrissait Richard à l'égard de Napoléon étaient des plus vindicatifs. Louis XVIII, qui savait la nature des sentiments de Richard, l'avait tout exprès renommé à son poste afin que les mesures prises contre Napoléon fussent aussi odieuses et aussi blessantes qu'il était possible. Les ordres du nouveau préfet portaient que l'une des deux frégates mises à la disposition de Napoléon ralliât immédiatement Rochefort. Trois lettres étaient adressées par le gouvernement royal à lord Hotham ; elles émanaient l'une du roi, l'autre du comte de Jaucourt, ministre de la Marine, la troisième de Gouvion Saint-Cyr, ministre de la Guerre. Toutes trois avaient pour but de livrer sans retard Napoléon aux Anglais. Ces ordres impitoyables n'eurent pas besoin d'être exécutés et le gouvernement de Louis XVIII n'a heureusement pas à porter devant l'histoire le poids de leurs conséquences.

Bonnefoux, qui avait prétexté d'attendre la marée pour porter ces ordres, ne quitta Rochefort en compagnie du baron Richard qu'à 11 heures du soir. On savait Napoléon encore à l'île d'Aix et Bonnefoux mieux que quiconque. Il fit cependant diriger la vedette qui les emportait sur la Saale pour gagner du temps. Quand il aborda la frégate vers une heure du matin, le 15 juillet, le commandant Philibert l'avertit que dans deux heures Napoléon serait en route pour aller rejoindre le Bellérophon. Bonnefoux, dont la correction fut parfaite en la circonstance, déclara au baron Richard que Napoléon était déjà embarqué sur L’Epervier. Secrètement il prit l'initiative de conseiller au général Becker de faire toute diligence pour l'embarquement afin d'éviter que les mesures vexatoires décidées par le gouvernement et désirées par Richard ne fussent mises à exécution.

C'est vers deux heures que Becker reçut cette lettre. L'Empereur à ce moment revêtait l'uniforme qu'il avait abandonné depuis le 28 juin, à la Malmaison. Ce fut Savary qui le prévint de ce que venait d'apprendre Becker. Tant de basse ignominie le révolta. Mais il se contint et garda le silence.

Le plus ému était Savary dont les sanglots entrecoupaient la parole. Pour toute réflexion Napoléon poussa un long soupir et il recommanda simplement à Marchand de ne pas perdre une minute.

Le 15 juillet, à 3 h. 15 du matin, en tenue militaire, l'Empereur quittait sa chambre. Une dernière fois son ombre, à la faible clarté des flambeaux, se profila sur les murs, une dernière fois il passa sombre et courbé par la porte basse que l'on voit encore, une dernière fois son pas, que rendaient sonore les éperons d'argent, retentit sur les marches de bois, et, dans le silence et la nuit, il gagna son embarcation. C'était presque comme un fugitif, que l'un des plus grands hommes de l'histoire, que l'un des plus glorieux, s'en allait ainsi vers le mystérieux inconnu où tant de menaces étaient accumulées.

A 3 h. 30, il mettait le pied dans le canot que l'Epervier avait envoyé pour le prendre. Au clair de lune, deux goëlettes s'avancèrent vers le brick l'Epervier, mouillé à Boyard, près de l'île d'Oléron. Sur l'une était Napoléon accompagné de Bertrand, Savary, Rovigo, Lallemand, Becker, Montholon et de Mme Bertrand.

Au petit jour il montait à bord du brick l'Epervier, commandé par le lieutenant de vaisseau Jourdan de la Passardière. L'équipage, aligné sur un double rang, accueillit l'Empereur avec un enthousiasme indescriptible. Une émotion profonde serrait tous les cœurs. A peine Napoléon parut-il qu'une immense acclamation le salua : « Vive l'Empereur ! »

De pareils moments payent les longues heures d'amertume que valent aux âmes généreuses les trahisons et les malpropretés de la rancune ou de la politique. Aussi ému qu'eux tous, Napoléon serra les premières mains qui se tendaient. Il se fit présenter les officiers et passa en revue tout l'équipage. Ce fut la dernière revue de troupes françaises du grand capitaine.

A ce moment, un officier de la Saale, le lieutenant Borgnis-Desbordes, émissaire du commandant Philibert, vint dire en secret au commandant de l'Epervier qu'il fallait se hâter si l'on ne voulait pas s'exposer à ce qu'on vînt arrêter l'Empereur, par ordre du roi. Il fallait faire toute diligence pour conduire Napoléon à la croisière anglaise, car l'ordre était formel et immédiatement exécutoire. Après la simple constatation de l'identité du prisonnier, on devait d'ailleurs procéder aussitôt à son exécution.

Jourdan de la Passardière, commandant de l'Epervier, fit cette fière réponse : « Pas à mon bord, toujours ! »

Le brick appareilla. Napoléon congédia le général Becker, lui fit un cordial adieu en lui disant qu'il ne faudrait pas qu'on pût l'accuser plus tard de l'avoir livré aux Anglais.

« Retournez à l'île d'Aix, général, reprit Napoléon en lui tendant la main, je vous dispense de m'accompagner jusqu'aux vaisseaux anglais comme le veut votre gouvernement, la France ne doit pas porter le poids d'un acte que j'ai décidé moi- même ». Becker, la voix brisée par l'émotion, prit congé de l'Empereur.

« C'était, à la fois, un spectacle douloureux et sublime que cette lutte où le génie, tombé du faîte de la puissance, apparaissait aux prises avec l'adversité. Calme et résigné comme à l'époque de sa plus grande splendeur, Napoléon n'avait rien perdu de cette aménité qui faisait le charme de ses conversations familières. Il ne semblait nullement préoccupé du sort que lui réservait l'avenir. Affable avec les personnes qui l'approchaient, il avait pour tous des encouragements et des conseils utiles dans ces tristes circonstances. Il subissait sa destinée, mais sans manifester ni émotion, ni abattement, sans proférer une plainte contre ceux qui l'avaient abandonné dans ses malheurs. » Ainsi s'exprime le général Becker lui-même.

L'Epervier leva l'ancre, mais, les vents n'étant pas favorables, la marche fut lente. Aux premières lueurs de l'aube, Napoléon put apercevoir l'île d'Aix qu'il venait de quitter et les côtes de cette France dont malgré tout il avait conscience d'avoir fait la gloire. Longuement, obstinément, il fixait un regard songeur sur cette terre comme s'il pressentait que c'était la dernière fois qu'il pourrait la voir.

Du Bellérophon, la lorgnette en mains, Maitland observait la marche de l'Epervier. Toute inquiétude n'avait pas encore abandonné son âme. Il sentait que la proie allait être prise, mais il redoutait que ce ne fût pas lui qui effectuât cette prise. Au large, Maitland avait en effet aperçu le Superbe, battant pavillon du contre-amiral Hotham et paraissant se diriger de

son côté. Pour prévenir l'embarquement possible de Napoléon sur le Superbe, Maitland fit détacher une embarcation pour aller à la rencontre de l'Epervier. Quand cette embarcation eut abordé le brick, Napoléon se prépara à y descendre.

Ses adieux aux officiers et à l'équipage furent empreints de la même émotion qu'à sa montée sur l'Eperuter. On lui présenta les armes, et quand la vedette anglaise se mit en marche, tous les matelots poussèrent de longues et chaleureuses acclamations. Cette spontanéité dans la marque d'affection qui lui était donnée, cet élan d'hommes simples et de braves hommes lui alla au cœur. On dit que, se penchant alors par-dessus le bord de l'embarcation, il prit de l'eau dans le creux de la main droite et que, dans un geste de bénédiction il en aspergea les flancs de l'Epervier à plusieurs reprises.

Bientôt la vedette ne fut plus qu'un signe dans le lointain. Aussi loin que l'Empereur put entendre la voix de l'équipage du brick, cette voix lui apporta les vivats enthousiastes de ceux qui étaient restés. C'était le dernier lien le rattachant à la France qui venait de se rompre. Le sentit-il, comprit-il que désormais c'était fini de ce mariage de la gloire française et de son génie, que c'était fini de sa fortune, fini de sa grandeur et qu'il entrait vivant dans cette mort anticipée qu'était la captivité ? L'Empereur, à cette minute mémorable, ne devenait plus qu'un homme haï, dupé, contre qui la rancune des valets et des maîtres allait se manifester de la plus indigne manière.

 

A six heures du matin, ce 15 juillet 1815, au moment où le vaisseau de sir Henry Hotham, commandant la flotte anglaise, entrait dans la rade des Barques, Napoléon abordait au Bellérophon.

Bertrand monta le premier à bord du vaisseau anglais. L'Empereur, qui le suivait immédiatement, s'avança vers Las Cases qui lui présenta Maitland. Otant son chapeau, Napoléon lui dit à haute voix avec un grand accent de fermeté : « Capitaine, je viens à votre bord me mettre sous la protection de votre Prince et de vos lois ».

Aucun des honneurs généralement rendus à des personnes de haut rang ne l'attendait sur le Bellérophon. La garde rangée sur le pont ne présenta pas les armes. « L'heure matinale me servit d'excuse », dit plus tard le fourbe Maitland. « Sur les bâtiments britanniques, il est d'usage, déclara Maitland à Napoléon, de ne pas rendre les honneurs militaires à qui que ce soit avant que le pavillon soit hissé, ce qui n'a lieu qu'à huit heures du matin. » Napoléon se fit présenter les officiers, il visita le bateau, il s'informa de toutes choses avec cette curiosité appliquée qui est l'une des formes de son génie, il posa des questions sur les habitudes anglaises. « Il faut maintenant, dit-il, que j'apprenne à m'y conformer, puisque je passerai probablement le reste de ma vie en Angleterre ».

Maitland conduisit l'Empereur à la chambre qui lui était réservée. Il affectait en l'accompagnant de ne l'appeler que « Monsieur ». La froideur hypocrite de cet accueil ne sembla pas frapper Napoléon qui conserva toute sa sérénité. Retiré dans sa chambre, il s'y reposa un long moment.

Le Superbe étant à portée, le capitaine Maitland alla rendre compte à l'amiral : « Je pense, lui dit-il, que j'ai bien fait et que le Gouvernement approuvera ma conduite, ayant considéré qu'il était de beaucoup d'importance d'empêcher le départ de Bonaparte pour l'Amérique et de prendre possession de sa personne. » Sir Henry Hotham répondit : « Gagner de le prendre, en quelques conditions que ce fût, était de la plus grande conséquence ; mais, comme vous n'êtes entré avec lui dans aucune condition quelconque, il ne peut y avoir de doute que vous n'obteniez l'approbation de sa Majesté. »

Une chose est à retenir de cet entretien, c'est que Maitland envisageait possible, croyant probable même, que Napoléon eut passé en Amérique ; ainsi n'était-il pas sans s'inquiéter du rôle qu'il avait dû jouer, de la comédie déloyale qu'il avait montée pour obtenir que l'Empereur vînt de lui-même à bord du Bellérophon. L'amiral, homme d'honneur, n'approuvait sa conduite que sous la réserve qu'il n'eût stipulé aucune condition qui ne dût pas être tenue, il soulignait même une réserve qui pouvait faire croire qu'il n'avait dans son subordonné qu'une confiance relative.

Invité par Maitland d'abord, puis par le général Bertrand, à venir voir l'Empereur, Sir Henry Hotham accepta de se rendre à bord du Bellérophon. Cette visite eut lieu dans l'après-midi. Lord Hotham fut aimable et courtois, autant pourrait-on dire que Maitland avait été arrogant et insolent. Napoléon le retint à dîner. C'est l'Empereur qui traite, ce sont les gens de l'Empereur qui font le service et c'est en souverain que Napoléon prend partout la place d'honneur. Cela n'est pas sans étonner Maitland. Avant de se séparer, lord Hotham pria Napoléon d'accepter pour le lendemain, de déjeuner avec lui à bord du Superbe.

Le 16 juillet, au matin, l'Empereur se rendit à l'invitation de l'amiral. Sauf le coup de canon, Lord Hotham fait rendre à Napoléon les honneurs dus aux souverains. L'équipage tout entier dans les vergues et le gréement, les soldats sous les armes. L'Empereur les passa en revue et leur commanda quelques mouvements d'armes. A quelques-uns il fit croiser la baïonnette et, jugeant la manœuvre sans énergie, il prit l'arme des mains d'un marin et exécuta le mouvement lui-même. « Cet acte, dit Las Cases, surprit beaucoup les matelots anglais, leur visage refléta l'étonnement de voir l'Empereur se mettre ainsi au milieu des baïonnettes anglaises. »

Cette réception eut lieu avec une grande magnificence. Sir Henry Hotham, qui était un gentleman, un homme de grande éducation et de fine culture, se fit le plus charmant qu'il fût possible et montra toutes les grâces de son esprit, tout le charme de ses manières. « Les officiers anglais, écrit Savary, assuraient qu'une réception pareille n'avait lieu que lorsque la roi était à bord des vaisseaux. Une tente magnifique, ayant pour plafond le grand pavillon britannique, ombrageait le pont du bâtiment. L'équipage, en habit de fête, garnissait toutes les vergues, et une très bonne musique était placée sous la dunette. On a peine à croire que lord Hotham eût traité Napoléon de la sorte s'il l'eût considéré comme prisonnier. »

« Au cours du déjeuner, écrit Frédéric Maison, il fut entendu qu'on embarquerait, outre les deux voitures et les chevaux que Maitland avait accepté de recevoir, six voitures et 45 chevaux restés à Rochefort. L'ordre fut adressé au capitaine Philibert, qui, même s'il en avait eu la volonté, n'avait aucun moyen de l'exécuter. »

Il paraît hors de doute que, dans la pensée de lord Hotham, Napoléon devait être traité en Angleterre comme un souverain exilé. Cela concordait avec ce qu'il considérait comme l'honneur britannique et sans doute avec ce qu'il avait cru pénétrer des intentions de son gouvernement.

On revint au Bellérophon vers midi. Par ordre du contre-Amiral, tous les bâtiments anglais mouillés dans la rade avaient fait monter leur équipage dans le gréement et sur les vergues. Pourrait-on admettre que de tels honneurs aient été rendus à quelqu'un que l'on considérait seulement comme un prisonnier ?

A peine Napoléon fut-il à bord qu'on leva l'ancre. Le Bellérophon, accompagné du Myrmidon, sur lequel étaient embarquées les personnes de la suite, firent voile pour l'Angleterre.

Napoléon, debout sur la dunette, demeurait tourné vers les côtes de France, dont son regard semblait ne pas pouvoir se détacher. Pendant toute la traversée du Pertuis d'Antioche et autant qu'il fut possible de distinguer à l'horizon la terre, l'Empereur, les bras croisés, demeura silencieux à regarder fuir, dans l'éloigne- ment du soir, ce qui avait été le plus grand amour, sans doute le seul amour de sa vie. Mais la brume lui cacha les dernières lignes encore visibles de la côte et il n'aperçut plus rien que la mer et l'immense étendue des cieux. Alors de toute son âme il dit un long adieu à la France qu'il ne devait plus jamais revoir, et, comme s'il comprenait tout ce que cette séparation avait de définitif, il resta encore un moment debout, le visage bouleversé, sur la dunette, puis il descendit à sa cabine où il s'enferma jusqu'au soir.

Le drame était consommé. Celui qui avait été le plus grand capitaine des temps modernes, celui qui avait conduit la France à toutes les victoires, celui qui avait porté si haut et si loin le nom français rentrait dans ce qui peut être appelé son agonie. Toute la douleur qui accompagne une telle déchéance, Napoléon l'avait éprouvée. Il faut reconnaître cependant que la douleur suprême d'être livré par sa patrie aux Anglais lui avait été épargnée. Et cela n'avait tenu qu'à bien peu.

On a trouvé dans les papiers de M. de Jaucourt, ministre de la marine du roi Louis XVIII, des ordres qui, s'ils avaient pu être exécutés, auraient été le suprême affront pour Napoléon. La Providence a voulu, autant pour éviter au gouvernement français une ineffaçable honte que pour préserver l'Empereur du plus infamant des malheurs, que les dispositions prises par le Conseil du Roi, ne fussent pas exécutées.

L'ordre de Jaucourt, qui portait qu'on devait par tous les moyens s'assurer de Napoléon, était daté du 10 juillet ; il ne parvint à Rochefort qu'alors que l'Empereur était en route pour l'Angleterre. Il n'a point été pris, il n'a point été livré, c'est librement qu'il est venu réclamer l'hospitalité et se placer sous la garde du pavillon anglais.

Affront encore que Napoléon n'a point subi : « Le 15 juillet, le chef militaire du port de Rochefort et le général Rutreau, commandant le département, prescrivirent chacun à leurs subordonnés qu'en vertu des ordres du ministre le drapeau blanc devait être arboré le 16 juillet au lever du soleil. Un retard dans la transmission des ordres fit remettre la cérémonie le 17 à midi. Le Bellérophon était loin. » Napoléon n'a pas pu de ses yeux voir le drapeau tricolore remplacé par le drapeau blanc.

On connaît le reste. Arrivé à Plymouth, Napoléon reçut l'ordre de s'embarquer sur le Northumberland pour être conduit à Sainte-Hélène, où il devait mourir en 1821, après la plus douloureuse et la plus ignominieuse des captivités.

Quelques esprits prudents déplorent encore que l'Empereur, aveuglé par sa confiance en la loyauté anglaise, n'ait pas profité des occasions nombreuses qui lui furent offertes, et qui la plupart avaient chance de succès, pour gagner l'Amérique. Qu'en fût-il résulté ? Napoléon, devenu un bourgeois quelconque, aurait achevé médiocrement sa vie dans une obscure retraite. Cette fin ne semblait pas en harmonie avec la fantasmagorie d'une existence tenant du prodige. Il est mieux à notre sens qu'une grande infortune, éclatante et noble comme celle de ce grand homme, vienne succéder à une fortune sans égale au monde. Du haut de cet îlot perdu sur l'Océan, comme l'antique Prométhée, le grand Empereur a fini dignement une carrière qui s'auréole de la double lumière de la gloire et du martyre.

Depuis le 15 juillet 1815, le nom de l'île d'Aix n'a cessé d'évoquer les plus angoissantes heures du drame napoléonien. Le souvenir du grand capitaine n'est pas seulement vivace, en effet, dans les cœurs français, mais dans les cœurs de tous ceux à qui le génie et l'infortune humaine se présentent comme dignes d'une vénération particulière. Depuis longtemps, la petite maison banale, aux murs fouettés du vent de mer, est le lieu de pèlerinage de tous les fervents du culte impérial.

L'émotion qui étreint le cœur à la vue de cette maison est accrue encore par une simplicité, une pauvreté pourrait-on dire, qui semblent s'accorder mieux avec l'adversité qui, là mieux que nulle autre part, a frappé l'Empereur. Pour évoquer son ombre, revivre les instants cruels de ses derniers jours de France, il n'est que de regarder la maison, les appartements, les arbres, tout y est comme à cette époque, et si l'ombre du grand mort revient visiter les lieux où il souffrit le premier acte de sa passion, rien ne la peut détourner des précises ressouvenances.

Il y a une trentaine d'années, sur la table ronde de la dernière chambre où coucha l'Empereur avant de quitter le sol de France, il y avait un modeste petit registre sur lequel les visiteurs inscrivaient avec leur nom l'expression de leur cœur. Sur ces feuillets on lisait des noms de tous les pays, et à côté des Français plus rares, ceux des Japonais, des Américains, des Russes et même des Anglais

En 1895, les officiers du navire de guerre Le Surcouf, du port de Rochefort, un des vaisseaux qui avaient été envoyés à l'inauguration du canal de Kiel, en rentrant au port, jetèrent l'ancre devant l'île d'Aix. Ils débarquèrent et vinrent à la petite maison où, sur le « Livre d'or » ils inscrivirent leur nom, sous cette phrase qui semblait une réparation d'honneur :

« Les officiers du Surcouf, il leur retour de Kiel (17 juin 1895), sont venus saluer le vainqueur d'Iéna », 8 juillet 1895.

Ce geste patriotique ne plut pas à Guillaume II qui en fut aussitôt informé par un de ses nombreux espions qui infestaient notre pays. Il y eut sans retard une réclamation de l'ambassade d'Allemagne qui essaya de créer un incident diplomatique. Le gouvernement de la République, oublieux du grand Empereur et de ses victoires, s'inclina devant la réclamation de l'Empereur d'Allemagne, et le ministre de la marine donna des ordres au préfet maritime de Rochefort et au général commandant la subdivision de La Rochelle d'avoir à faire détruire le Livre d'or de la maison de Napoléon. Que n'aurait-on pas fait alors pour acheter les bonnes grâces de Guillaume II ?

L'ordre ne fut pas promptement exécuté car, douze ans après, nous avons copié le texte ci-dessus, sur l'original, précieusement et discrètement sauvé par un garde d'artillerie intelligent, ce qui nous permet aujourd'hui de le publier en rendant hommage aux officiers français du Surcouf.

Comme épilogue de cette tragique aventure, peut- être n'est-il pas inutile de noter les détails suivants :

Napoléon, en partant de Paris, s'était fait suivre de nombreuses voitures, de quantité de chevaux, avec tout un matériel de harnachement et toutes sortes de bagages. La plus grande partie de cela demeura à terre, ne pouvant être embarqué sur les navires anglais. Bien des choses furent laissées à l'abandon et pillées par la suite.

Quantité d'objets provenant de la maison impériale se trouvaient encore il y a peu d'années dans des familles de l'arrondissement de Rochefort, ayant échappé aux brocanteurs, antiquaires, collectionneurs qui avaient exploré la contrée. Il est juste cependant de dire que tout ce que l'on présente comme provenant de la débâcle manque souvent d'authenticité et que les pieux possesseurs des vraies reliques de Napoléon sont ceux qui les gardent dans un respectueux secret.

Quant aux chevaux, dont le nombre s'élevait à 68, aux 9 voitures, aux 110 pièces de harnachement, le marquis de Vernon, premier écuyer du roi Louis XVIII, les revendiqua comme soustraits à son maître et ordonna qu'on les renvoyât à Paris.

Un assez nombreux personnel accompagnait tout ce matériel et se trouvait abandonné comme celui-ci après le départ de l'Empereur. Le préfet Richard fit rentrer à La Rochelle les hommes, les chevaux et le matériel laissé en dépôt à Saintes et à Rochefort. Palefreniers, piqueurs furent rassemblés avec les chevaux, les voitures et les harnais dans la caserne des Cordeliers où ils firent un séjour d'assez longue durée.

Parmi les gens attachés à la sellerie se trouvait un personnage fort singulier, naguère théophilanthrope zélé, actuellement simple ouvrier passionnément dévoué à son Empereur, qui lui était, comme à beaucoup de ses camarades, un véritable dieu. Il l'avait suivi à l'île d'Elbe, il le suivit à Rochefort. Employé aux écuries impériales, il le demeura aux écuries royales.

A La Rochelle, cet ouvrier fut logé place des Cordeliers. Laissé à l'inaction, il s'abandonna au cours de ses rêveries. Cependant il est dans un milieu plébéien où le culte de Napoléon est des plus vifs. Il y trouve quelque agrément, mais il reste obstinément triste, solitaire. Comme avec cela il parle peu et ne paye pas de mine, ses compagnons ne le recherchent pas plus que lui ne met de complaisance à les fréquenter. Il erre par la ville plutôt qu'il ne s'y promène.

Un jour, en allant par la rue des Fonderies qui va de la place des Cordeliers au marché, il passe devant la boutique d'un petit coutelier et s'arrête. Une sorte d'alène, exposée dans la vitrine, attira son regard. Il franchit rapidement les deux marches de pierre de la porte d'entrée, pénètre dans la boutique et demande si l'on ne pourrait pas lui fournir un outil du même genre avec la pointe plus forte. Dans l'affirmative, il revient et le coutelier lui présente un outil affectant la forme d'un poignard effilé. Il le paie la somme de 30 sols.

C'est avec cette arme singulière que l'ouvrier sellier Louis Louvel, admirateur de Napoléon et en haine des Bourbons, poignarda le duc de Berry le 13 février 1820.

Louvel était un fanatique, un fou tourmenté d'une idée fixe qui aujourd'hui, probablement, profiterait des circonstances atténuantes d'un jury humanitaire.

Mais il y avait d'un autre côté une vengeance implacable qui ne se laissa arrêter par aucune considération, c'était la vindicative haine des Bourbons et des ultras qui ne pardonnèrent à personne et n'oublièrent personne, excepté ceux qui quelquefois les avaient servis, comme certaines familles des chefs vendéens. C'est ainsi qu'ils se hâtèrent de briser la carrière de tous ces jeunes officiers qui, à l'exemple de l'enseigne Doret, s'étaient eux-mêmes sacrifiés en se dévouant au salut de l'Empereur et qui avaient combiné les moyens de le soustraire à la croisière anglaise ou au poteau d'exécution préparé avec acharnement par ce même duc de Berry.

 

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon) (17)

APPENDICE

C'est à M. Pierre Chanlaine, publiciste et homme de lettres, que l'on doit le classement comme monument historique de la « Maison de l'Empereur » à l'île d'Aix. C'est à lui également qu'il faut faire remonter le mouvement d'attention et de faveur qui s'est porté sur le dernier asile de Napoléon en terre de France, avant l'exil.

Nous croyons utile de narrer brièvement les efforts qui ont abouti à cette pieuse réhabilitation historique d'un site et d'un monument auxquels s'attachent de si mémorables souvenirs.

C'est le 7 avril 1925 que M. Pierre Chanlaine, envoyé par le Matin pour un reportage sur les « Iles qui meurent D, fit un séjour à l'île d'Aix et visita la maison de l'Empereur. Le 1er mai 1925, il publiait dans le Matin un article de tête demandant que cet immeuble historique soit classé. Sur le même sujet, il donna à l'illustration, le 27 juin, un nouvel article, à la suite duquel M. Yvon Delbos, sous-secrétaire d'Etat aux Beaux -Arts, lui demanda un rapport détaillé sur la question. Ce rapport fut immédiatement fourni.

Le duc de Trévise, président de la « Sauvegarde de l'Art Français », écrivit sur ces entrefaites à M. Chanlaine pour lui demander de l'aider à sauver la maison de l'Empereur. D'un commun accord, ils décident tous les deux de fonder une société, filiale de la « Sauvegarde de l'Art Français », qui aurait pour but de poursuivre le classement de la « Maison de l'Empereur » comme monument historique, de la restaurer et d'y créer un musée.

M. Pierre Chanlaine est nommé secrétaire général fondateur de cette société. La présidence en est donnée au baron Gourgaud, arrière- petit-fils du général Gourgaud qui accompagna Napoléon Ier à l'île d'Aix et à Sainte-Hélène. La vice- présidence est donnée au duc de Trévise.

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon)

L'assemblée générale eut lieu chez le baron Gourgaud le 4. juillet 1925. A la suite d'une conférence de M. Chanlaine sur les derniers moments de l'Empereur à l'île d'Aix, le Conseil d'administration de la société fut formé. Sa composition est la suivante :

 

COMITÉ D'HONNEUR

Présidente d'Honneur :

Mme la Duchesse d'ALBUFÉRA.

Vice-Présidents d'Honneur :

M. le Directeur des Beaux-Arts, membre de l'Institut *; M. Jean BOURGUIGNON, Conservateur du Musée de Malmaison.

Membres :

M. le Préfet de la Charente-Inférieure.

Mmes la Princesse J. DE BROGLIE, née Wagram.

la Comtesse DE CASTEJA, née Montebello.

la Princesse DE LA TOUR D'AUVERGNE.

S. A. la Princesse MURAT.

MM. le Duc D'ALBUFÉRA.

le Général BALFOURIER.

le Prince D'ESSLING, Duc de Rivoli.

le Baron FABVIER.

Charles FOUQUERAY.

le Comte de LAS CASES.

LE PROVOST DE LAUNAY.

le Duc de MASSA.

S. A. le Prince MURAT.

le Duc de REGGIO.

le Colonel Rousset.

 

COMITÉ DE DIRECTION

Président :

M. le Baron GOURGAUD.

Vice-Président :

M. le Duc de TRÉVISE.

Secrétaire Général :

M. Pierre CHANLAINE.

Trésorier :

M. Hector LEFUEL.

Membre :

M. le Baron COUDEIN.

Par la suite, le président de la République, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, le ministre de la Marine, les maréchaux Foch, Lyautey, Fayolle et Franchet d'Esperey s'inscrivirent au comité de patronage.

Les négociations sont activement poursuivies par M. Pierre Chanlaine au ministère et, le 25 septembre 1925, il obtient que la maison de l'Empereur soit classée.

La « Société des Amis de l'île d'Aix », régulièrement constituée, demeure en sommeil jusqu'au début de 1927.

Elle avait réalisé une partie de son programme, mais une partie seulement. Il restait à restaurer l'immeuble et à en faire un musée. Il fallait que la Société obtînt cette maison à elle pour lui donner sa vraie destination.

Généreusement, le baron Gourgaud s'était offert à l'acheter de ses deniers et à en faire don à la « Société des Amis de l'île d'Aix ». Cette offre acceptée, l'achat eut lieu en décembre 1926. Dès janvier 1927, le baron Gourgaud et M. Pierre Chanlaine s'occupèrent d'obtenir des pouvoirs publics les autorisations et l'aide nécessaires. Ils encouragent M. Tierch à créer un service régulier entre Fouras et l'île. Le baron Gourgaud remet dans ce but une très généreuse subvention à M. Tierch. Dans le minimum de temps, grâce aux démarches actives de M. Gourgaud et de M. Chanlaine et grâce à la générosité du baron Gourgaud, la réfection de l'immeuble, son aménagement sont entrepris. Personnellement, et avec toute la somme possible d'efforts et de sacrifices, le baron Gourgaud s'emploie à recueillir les objets et les collections qui doivent enrichir, qui déjà enrichissent le musée.

C'est le 1er juillet 1928 que ce musée fut ouvert au public. Grâce à l'insistance de M. Pierre Chanlaine et du baron Gourgaud auprès de M. Herriot, celui-ci décide de venir inaugurer le musée le 16 septembre 1928, donnant ainsi un témoignage de la sollicitude gouvernementale aux glorieux souvenirs de l'histoire de France et aux habitants de l'île.

Accès : Musées de l'île d'Aix
Musée napoléonien
Musée africain
17 123 ILE D'AIX
tél. 05.46.84.66.40
fax 05.46.84.69.67

Embarquement Pointe de la Fumée, Fouras (Charente-Maritime).

Horaires : http://www.service-maritime-iledaix.com/

 

Napoléon 1er – 250 ans, le dernier Asile sur l’ile d’Aix (Musée Napoléon)

 

250e anniversaire de la naissance de Napoléon Bonaparte: Ajaccio est en fête

Ce 15 août marque les 250 ans de la naissance de Napoléon Bonaparte. Un anniversaire que sa ville natale d'Ajaccio fête en grandes pompes durant trois jours. Les festivités ont débuté à Ajaccio ce mardi 12 août 2019 et se termineront jeudi 15. Le jour J.

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L'Ile d'Aix voyage dans le temps sur les pas de Napoléon <==

Napoléon et les Guerres de Vendée <==

Déstination Time; Le 1er janvier 1800 (11 nivôse de l’an VIII ).Le tout premier Jour de l'An du Consulat de Bonaparte <==

Napoléon fit venir la tapisserie de Bayeux au Musée du Louvre à Paris en 1804 <==

1808, Napoléon sur Rochefort pour inspecter le réseau de défense l’embouchure de la Charente et l’Arsenal <==

L'île d'Aix, sentinelle impériale - la Bataille navale des brûlots 1809 <==

Retour de la campagne d'Egypte, Napoléon débarque à Fréjus - PACIFICATION DE LA VENDEE (Napoléon Ier auteur du texte) <==

la traversée du temps - Napoléon à l'île d'Aix -Bellérophon / Pierre Loti <==

Le Canot impérial de Napoléon Ier est de retour à Brest. <==

Napoléon de Rochefort à Sainte Hélène (juillet 1815) <==

Le retour de Napoléon de l'île d'Elbe et départ de Madame Royale, l’héroine de Bordeaux pour l' Angleterre <==

Napoléon Ier s'enfuit de l'île d'Elbe le 26 février 1815 <==

5 Mai 1821 ; Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène <==

Le bicorne avec cocarde (Napoleon à Rochefort) anciennement porté dans l'armée française <==

L'obusier napoléonien pour les 350 ans de Rochefort <==

 

 

 

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