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PHystorique- Les Portes du Temps
2 août 2019

La légende Bretonne d’ Herdabilla, la capitale du pays d’Herbauge engloutie dans les eaux du lac de Grand-Lieu

La légende Bretonne d’ Herdabilla, la capitale du pays d’Herbauge engloutie dans les eaux du lac de Grand-Lieu

Le département de la Loire-Inférieure renferme un des plus grands lacs de France : c’est le lac de Grand-Lieu, situé dans le canton de Saint-Philibert et dont on évalue la superficie à 3,895 hectares ; il a environ 8 kilomètres du nord au sud et 6 kilomètres de l’est à l’ouest ; il sert de déversoir aux petites rivières de l’Ognon, du Tenu et de la Boulogne, qui sont en partie navigables ; l’Achenau le met en communication avec la Loire. Le lac représentait la seigneurie de Grand-Lieu. Une fois sous domination bretonne (après 851), il est placé sous tutelle royale, puis ducale.

En 1145, Conan III concède certaines de ses prérogatives aux moines de Buzay. Dans certains endroits, il n’a pas plus d’un mètre d’eau ; dans d’autres, au contraire, sa profondeur est assez considérable ; le fond, en général, est de vase, la côte méridionale de tourbe et la septentrionale de sable, qui repose sur un vaste plateau de roche serpentineuse ; il est très poissonneux et ses pêcheries forment l’industrie principale des riverains. La croyance populaire est que ce lac occupe l’emplacement d’une cité jadis florissante, nommée Herbadilla, capitale du pays d’Herbauge, qui, comme l’antique Sodome, aurait été engloutie vers l’an 580, en punition des dérèglements de ses habitants.

 

Après la destruction de la cité de Namnetes par Jules Césars, Grégoire de Tours est le premier qui ait parlé de ce pays, qu’il renferme dans l’ancien territoire des Poitevins : Apud terminum vero pictavum vicus et in Arbatilico, nomine Becciaco, in quo ejus (Vincentii) habentur reliquiae. Suivant le même auteur, le pays de Rais et celui d’Herbauge étaient également sur le bord de la mer (1) : Oceani littus inhabitabant Ratenses, pagus herbatilicus non longé à littore Oceani. Suivant cet écrivain et l’auteur de la vie de St Martin de Vertou, ces deux cantons confinaient à la ville de Nantes. Pagus ratiatensis adjacet civitati, dit l’un ; Urbs Herdabilla namnetensi contigua civitati, dit l’autre.

En effet, en suivant la Loire, allant de l’Est à l’Ouest jusqu’à la mer, se trouvait le pays qu’on affecta à un doyen dont la résidence était un lieu important, appelé Ratiastum (2), Ratiatum ou Ratiate.

Saint Grégoire de Tours, le célèbre auteur de l’Histoire ecclésiastique des Francs (Georgius Florentius Gregorius, Père de l’Histoire de France - Grégoire de Tours), rapporte que, de son temps, et qu’on veuille bien le noter, dans le ressort même de sa métropole, cette ville fut submergée et disparut, comme notre siècle l’a vu pour Mendoza des Cordillères, dans un affaissement du sol. «  Herbatilicus pagus, ad Herdabilla urbe dictus, quae terrae hiatu absorpta fuisse dicitur circà annum DLXXX (3) » « Le pagus herbatilique, ainsi appelé de la ville d’Herbilla, que l’on rapporte avoir été engloutie dans une dislocation du sol, vers l’année 580. »  Le fait géologique garde exactement, on le voit, son caractère naturel dans le récit contemporain de l’auteur sacré. Trois siècles après, le pieux écrivain qui nous a transmis la Vie de Saint Martin de Vertou reproduit ce fait, mais déjà l’imagination populaire s’en est emparée, et elle a attribué à l’obstination invincible des habitants dans les erreurs du paganisme la destruction de la ville par le feu du ciel et les convulsions de la terre. La narration nouvelle est calquée de point en point sur le récit biblique de Sodome et Gomorrhe (4)

Jusque sur les rives du Poitou, enveloppées sans doute dans les mêmes désastres que celle de la Bretagne, vous retrouverez dans la mémoire des hommes les souvenirs confus et altérés, les images à demi effacées de catastrophes semblables. Là aussi le demi-dieu préhistorique Gargantua enjambe les sommets, épaves d’un monde disparu et y laisse comme au Montdol et sur d’autres éminences isolées, l’empreinte de son pied. Entre les îles de Ré et d’Oléron, dans le Pertuis d’Antioche, des têtes de rochers couvertes de varechs simulent pour les yeux prévenus les pinacles et les murs frangés d’une cité que l’Océan a entrainée dans ses abîmes.

 

Légendes expliquées par une cause naturelle.

— La tradition place au jour de Noël de l'an de grâce 555 l'engloutissement d'Herbadilla ou Herbauge dans les eaux du lac de Grand-Lieu (Loire-Inférieure). On raconte dans la contrée que pendant la nuit de la Nativité on entend sonner au milieu du lac les cloches de la cité maudite.

Un savant, M. Thomas de Saint-Mars, voulut avoir le cœur net de cette histoire fabuleuse. Dans ce but, la veille de la Noël de 1780, il se rendit à onze heures du soir sur les bords du lac de Grand-Lieu. « Une demi-heure après mon arrivée, raconte-t-il, j'entendis très distinctement le son des cloches. Ce son paraissait, comme on me l'avait dit, sortir du lac. Je cherchai, en prenant différentes positions, à détruire cette illusion d'acoustique, et je réussis à me convaincre que ce son n'était autre que celui des cloches de la Cathédrale de Nantes, qui, dans le silence de la nuit, traversait les airs, sans obstacle, au-dessus du lac. Je fis part de ma découverte que j'ai eu depuis, plusieurs fois, l'occasion de confirmer, non seulement dans la nuit de Noël, mais tous les jours de grandes fêtes. »

Ce dernier membre de phrase ne saurait laisser subsister aucun doute sur l'origine naturelle du carillon nocturne du lac de Grand- Lieu.

Dieu me garde de vouloir détruire le charme des nombreuses et poétiques croyances de nos compatriotes. Mais il me semblerait intéressant de connaître quelques légendes de nos provinces de l'ouest expliquées par une cause purement naturelle.

 

Voici donc la légende :

Autrefois, il y avait à la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne, un vallon délicieux et fertile qu’ombrageait la forêt de Vertou. Ce fut là que se réfugièrent les plus riches citoyens de Nantes, et qu’ils sauvèrent leurs trésors de la rapacité des légions de César. Ils y bâtirent une cité qu’on nomma Herdabilla, à cause de la beauté des prairies qui l’environnaient. Le commerce centupla leurs richesses ; mais en même temps le luxe charria jusqu’au sein de leurs murs les vices des Romains. Ils provoquèrent le courroux du ciel. Un jour que saint Martin de Vertou, fatigué de ses courses apostolique, se reposait près d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pècheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon ou s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. A la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme.

 

Avant de frapper la ville coupable, il a voulu encore une fois recourir à la clémence :

A Vertou, dans son monastère,

Reposait le bon saint Martin.

Se levant à la voix du Père,

De la ville il prend le chemin.

 

Comme un parfum dans la campagne,

Se répandait sa sainteté.

On venait de Rome et d'Espagne

Lui demander vie et santé.

 

Devant le peuple, en arbre immense

Son bâton s'était transformé ;

Il faisait croître l'abondance

Où l'homme n'avait rien semé.

 

« Accorde, dit le divin Maître,

A la ville d'Herbadilla

 Douze heures pour se reconnaître ;

Au bout de ce temps, détruis-la ! »

A l'appel tout-puissant le saint avait obéi... Il marche, il pénètre dans la cité maudite; son coeur est attristé par le spectacle des plus effroyables désordres. Il parle ; sa voix est méprisée. Cependant il invoque encore la miséricorde divine. C'est en vain, l'arrêt est irrévocable ; une seule famille peut être sauvée, celle qui seule l'a écouté, et s'est montrée hospitalière.

Saint Martin commande à l'homme de prendre la fuite, et lui-même emporte dans ses bras la femme mourante; mais l'enfant unique, entraîné par les flots mouvants de la foule épouvantée, est, sans doute, resté englouti dans le déluge, des eaux qui montent, montent, et vont bientôt recouvrir la ville entière :  

« Tout-à-coup, malgré la distance,

 La mère dans l'air étouffant,

 Est-ce sortilège ou démence ?

 Croit reconnaître un cri d'enfant.

 Mais au cours du sort ordinaire,

 Ne voyons pas là de défis,

Puisque, dans l'absence, une mère

 Croit toujours entendre son fils. »

La pauvre mère, en effet, résiste, se retourne en tendant les bras, et appelle toujours son enfant. Mais voilà que les muscles de son corps s'engourdissent, que sa chair devient froide et livide... En vain le saint abbé la conjure :

« A vous punir, voyez vous-même,

 Si les cieux semblent résolus.

 La mère dit dans un blasphème :

 Tant mieux ! Je ne souffrirai plus ! »

A ces mots, perdant la pensée, Elle durcit subitement, Et, comme une tombe glacée, Elle attend, là son jugement...  

Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une ile au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements.

A quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande de pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est bon de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue.

Telle serait, suivant la tradition, l'origine d'une longue pierre debout, que l'on dit exister près de Pont-Saint-Martin, sur le bord du lac de Grand-Lieu.

La légende Bretonne d’ Herdabilla, la capitale du pays d’Herbauge engloutie dans les eaux du lac de Grand-Lieu

 

 

 

La France illustrée : géographie, histoire, administration statistique. 3 / par V.-A. Malte-Brun

Alexandre Chévremont. Les Mouvements du sol sur les côtes occidentales de la France et particulièrement dans le golfe normanno-breton... 

Dictionnaire infernal : répertoire universel des êtres, des personnages, des livres... qui tiennent aux esprits, aux demons... (6e éd.) / par J. Collin de Plancy.

Recherches sur les peuples qui habitaient le nord de l'ancien Poitou, sur la Loire et la mer, lors de la conquête des Romains et de l'introduction du christianisme / par M. de La Fontenelle de Vaudoré.

Rapport par M. Biou sur les "Histoires et légendes bretonnes", du comte de Saint-Jean.

 

Martinus Vertavensis Saint Martin de Vertou  <==.... ....==>Herbadilla - de Noirmoutier au Herbiers sur les traces du fleuve Yprésis

La légende de Châtelaillon (Mélusine) - L’ancienne cité, appelée Chastel-Aillon <==....

 ==> Mauzé, Un tremblement de terre a secoué l'Ouest de la France ce vendredi 16 juin 2023 à 18h38.

 

 


 Les Herbiers : un village gaulois sur la voie romaine du Portus Namnetum  (Port des Namnètes Nantes) - Secondigny

La légende de Saint Philbert et les Vikings ou la véritable histoire des 1200 ans de l’abbaye de Déas

(1) Il est probable que l’embouche de la Loire, d’une grande largeur et ou les eaux étaient encore saumâtres, est prise ici pour la mer, comme la mer elle-même. Du reste, le pays d’Herbauge joignait la mer, au Nord du pays de Rais.

(2) La position de Ratiastum a été fixée diversement par d’autres écrivains encore que ceux qu’on indique. Beaucoup d’auteurs bretons y voient très-mal à propos de Rezé, localité très-rapprochée de de Nantes et qui ne convient nullement pour la position que devait avoir l’antique cité que l’on recherche. MM. Robert du Dorat, dans leurs manuscrits, conservés à la bibliothèque de Poitiers.

Paul Féval a, dans son roman historique, l’homme de fer a revêtu cette légende des couleurs brillantes de sa palette.

(3)    Œuvres, p.828.

(4)    Voir Dom Lobineau, Vie des Saints de Bretagnes, édition Tresvaux, tomme II, p.6

 

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