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25 mars 2019

Architecture : le style Plantagenêt - Recherches pour servir à l'histoire des arts en Poitou par Jos. Berthelé

Architecture le style Plantagenêt - Donjon de Niort

Le style Plantagenet (3), né de la fusion de la coupole byzantine du Périgord et de l'Angoumois (apportée en Anjou par l'abbaye de Fontevrault) et de la croisée d'ogives de l'Ile-de France (4), a régi pendant plus de cent ans les constructions de presque tout l'Ouest. Son évolution, qui remplit toute la seconde moitié du XIIe siècle et toute la moitié du XIIIe, est marquée en Anjou, en Poitou, en Touraine, etc., par une série de monuments importants dont la filiation n'est pas impossible à établir.

Le style Plantagenet a poussé ses transformations en Angleterre beaucoup plus loin qu'en France. En Angleterre, il a produit les voûtes en éventail dépassé les célèbres combinaisons de nervures de Toussaint d'Angers, supérieures à celles, si fameuses cependant, du chœur de l'église Saint-Serge, de la même ville.

(3) Sur les diverses étapes du stylo Plantagenet, voir le travail qu'a publié M- l'abbé Noguès (avec notre collaboration) A propos des voûtes de l'église de Vandré, apud Recueil de la Commission des Arts de Saintes, avril 1887, p. 68 à 75, et le chapitre vu du présent volume.

(4) Voir F. DE VERNEILH, l'Architecture byzantine en France, p. 284 à 289; — ANTHYME SAINT-PAUL, Annuaire de l'archéologue français, 1877, p. 125-127 ; —etc.

(5) VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné de l'Architecture françoise, t. iv, P- 117 à 122 et t. IX, p. 521 à 537. — ANTHYME SAIXT-PAUL, Annuaire, cité ci-dessus, 1877, p. 127, et Viollet-le-Duc et son système archéologique, 2e édit., p. 170. — cf De VERNEILH, apud Compte-rendu du congrès archéologique de Saumur, 1862, p. 316.

Les voûtes de Toussaint, — voûtes réputées uniques en Anjou (1) — ont été démolies en 1815, mais d'anciens auteurs (architectes, ingénieurs, etc.) nous en ont conservé la description et le dessin (2).

Le système des voûtes d'Airvault et de Saint-Jouin-lès-Marnes, —j'en dirai presque autant des voûtes du chœur de Saint-Germain-sur-Vienne (Indre-et-Loire), — est le même que celui de Toussaint, avec un léger détail d'ornementation en plus, et en mieux: une nervure reliant les clefs de voûtes latérales.

 Les voûtes de Toussaint n'existant plus, il se trouve que les voûtes d'Airvault et de Saint-Jouin représentent aujourd'hui l'apogée du style Plantagenet dans notre région. — Il y a d'autant plus d'intérêt à le constater, que malgré cette supériorité au point de vue technique de la construction, les églises d'Airvault et de Saint-Jouin restent bien inférieures, comme effet décoratif, à l'admirable chœur de Saint-Serge d'Angers. Le chœur de Saint-Serge est d'une parfaite unité ; ses allures élégantes ne sont gênées par aucune immixtion fâcheuse, tandis qu'à Airvault et à Saint-Jouin, le monument a conservé dans toute son élévation de lourdes constructions romanes, qui empêchent la richesse de leurs voûtes du XIIIe siècle de s'épanouir dans le milieu qui leur conviendrait.

(1) « La disposition des voûtes de Toussaint ne ressemble à aucune de celles qui me sont connues dans l'Anjou. » L'abbé CHOYER, l’Architecture des Plantagenêts, apud compte-rendu du Congrès archéologique tenu à Angers en 1871, p. 266-26i.

(2) Voir GODARD-FAULTRIER, Inventaire du Musée d'Antiquités Saint-Jean et Toussaint, 2e édition, 1881, p. 37-38; — Congrès archéologique d'Angers, 1871, planche hors texte (mémoire de l'abbé Choyer) ; — d'Espinay, Notices archéologiques, 1re partie, planche hors texte et p. 279 à 281 et 291.

 

L'imitation du type Plantagenet de Toussaint, à Airvault, n'a rien qui doive étonner. — Toussaint était en quelque sorte la fille d'Airvault: c'étaient des chanoines d'Airvault qui avaient initiés ceux de Toussaint à la vie régulière (1). Il devait y avoir des rapports constants entre les deux maisons.

 - Le voisinage explique que Saint-Jouin ait emprunté à Airvault ce que cette dernière église avait elle-même emprunté à. Toussaint.

 La date de la construction de Toussaint d'Angers n'a pas encore été précisée, que nous sachions. Elle pourrait peut-être se placer avec quelque vraisemblance dans le second quart du XIIIe siècle, dans les années qui suivirent 1232.

 Le, Gallia christiana rapporte qu'en cette année l'abbé Adam reçut une indemnité du roi saint Louis, pour les dégâts faits à son monastère. Evidemment ces dégâts avaient porté sur les bâtiments. Avec l'indemnité à lui versée par le roi, l'abbé Adam put faire reconstruire. — Cette supposition n'est Pas en désaccord avec les particularités archéologiques du monument.

 Si l'église de Toussaint a été rebâtie dans le second quart du XIIIe siècle, il n'est pas téméraire de penser que la date des voûtes d'Airvault et de Saint-Jouin est très voisine de l'an 1250.

 Ce fait que les voûtes d'Airvault et de Saint-Jouin sont des copies des voûtes de Toussaint d'Angers, n'avait été remarqué avant nous (2) par aucun archéologue.

(1) « Rainaldus prœsul, anno 1108, canonicos regulares ibi constituit. Acciti sunt ex abbatia Aureae Vallis, apud Pictones, Rigaudus et Amalgerius, qui canonicorum instituta cœteros ejusdem domûs hospites docerent » Gallia chistiana, éd. Hauréau, t. xiv. col. 709, D. — Cf. Répertoire archéologique de l'Anjou, 1860, P- 251, et GODARD-FAULTRIER Inventaire du Musée d'Antiquités Saint-Jean et Toussaint, 9- éd. 1884, p. 1884, p. 35.

(2) Cf. la Revue poitevine, tome III, n° 27. p. 7'9, le Bulletin de la Société de Statistique' des Deux-Sèvres, avril-juin 1886, p. 305, et le Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques, 1887, p.

 

DE QUELQUES INFLUENCES AUVERGNATES ET LIMOUSINES DANS LES ÉGLISES ROMANES DU POITOU ET DE LA SAINTONGE (1)

 

Les écoles d'architecture et de sculpture, qui ont régi les diverses provinces de France durant la période romane (2), ne présentent pas une homogénéité parfaite. Dans les écoles les mieux caractérisées, quelquefois au centre même de ces écoles (3), des monuments se rencontrent, dont le style est en désaccord avec les procédés habituels du pays où ils s'élèvent.

(1) Cf. Jos. BERTHELÉ, De quelques influences auvergnates et périgourdines dans les églises romanes du Poitou et de la Saintonge, apud Revue de l'Art chrétien, janvier 1888, p. 51 à 63.

(2) Sur les écoles régionales d'architecture et de sculpture, durant la période romane, voir spécialement: JULES QUICHERAT, Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome 11. Archéologie du moyen âge, mémoires et fragments réunis par ROBERT DE LASTEYRIE, p. 99 à 113, 453 à 455, 483 à 485 ; — VIOLLET-LE-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française, ve EGLISE, tome v, p. 163 à 167 ; — Du SOMMERARD, Les monuments historiques de France à l'Exposition universelle de Vienne, p. 392 à 395; — la Carte des monuments historiques de la France, dressée d'après la liste établie par la Commission des monuments historiques ; — ANTHYME SAINT PAUL, Les écoles d'architecture romane au XIIe siècle, apud Annuaire de l'archéologue français, 1877, p. 93 à 112; — VIOLLET-LE-Duc, apud Journal officiel, 30 juin 1879, p 5829 à 5833 ; ibid. Supplément au no du 24 juillet 1887 (Chambre, annexes), p. 3i5-316; — ANTIIYME SAINT-PAUL, Viollet-le-Duc et son système archéologique, 2e édit., p. 154 à 165 (Cf. le Bulletin monumental, tome XLVII, année 1881, p. 30 à 41). — ANTH. SAINT-PAUL, Histoire monumentale de la France, p. 110 à 125 ; — ANTH. SAINT-PAUL, etc. apud Journal officiel, 29 avril 1886, p. 1944-1945, et apud Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1886, p. 310 à 314.

(3) C'est le cas notamment des villes de Poitiers et de Saintes. — Cf. Jos. BERTIIELÉ. De Niort à Ruffec et de Ruffec à Angoulême, promenade archéologique, p. 3t et 36. Cf. également Revue poitevine et saintongeaise, tome n, n° 16, p. 97 et 102-103.

 L'explication de ces anomalies (1) ne doit être cherchée que rarement dans l'inspiration personnelle des constructeurs. Elle provient le plus souvent de l'imitation de monuments étrangers à la région : « pour un original il y a cent copies (2). » — On trouve assez fréquemment dans les textes historiques l'origine de ces imitations. Mais il y a bien des cas où l'étude comparée des formes architectoniques ou des caractères de la sculpture est seule à en affirmer la réalité.

Des imitations, voire même des reproductions de monuments français à l'étranger et vice versa, ont été depuis longtemps constatées. Tous les archéologues savent, par exemple, que l'architecte Villard de Honnecourt a construit à Cassovie, en Hongrie, une église sur le modèle de la collégiale Saint-Yved de Braine, — que la cathédrale de Laon a été imitée en Suisse et en Allemagne : à Lausanne, à Bamberg, à Naubourg-sur-Saale, — que l'architecte Guillaume de Sens s'est souvenu de la cathédrale de Sens dans sa reconstruction de la cathédrale de Cantorbéry, — que le plan de Saint-Sernin de Toulouse a été reproduit à Saint-Jacques de Compostelle. — La parenté de Saint-Marc de Venise et de Saint-Front de Périgueux avec Constantinople est bien connue.

(1) Des faits analogues se constatent dans le domaine de la philologie. « La Philologie, comme la géologie, a ses blocs erratiques. » Cf. BOUCHERIE, une Colonie limousine en Saintonge, Saint-Eutrope [Charente], apud Revue des Langues romanes) 2e série, tome 1er, n° du 15 mai 1876, p. 261 à 273.

 (2) « On reproche à tort, selon moi, à quelques archéologues (et des meilleurs) d'épiloguer sur la génération et la fusion des types, sur les analogies des plans et du style; de trop se préoccuper de la juste part à faire aux importations, aux transformations, etc. Mais comment traiter de l'archéologie monumentale, c'est-à-dire écrire l'histoire de l'architecture, sans remonter aux origines, sans rechercher : 1" de quelle façon nos écoles nationales se sont assimilé les éléments les plus divers Pour les fondre ensemble et s'e créer, en quelque sorte, une originalité par cet assemblage même ; 2° quelle influence ces écoles ont exercée les unes sur les autres? La grande question est d'observer et de comparer avec justesse; alors, à défaut de document probant, on peut établir de solides conjectures. Qu'on n'oublie Pas que si l'invention, même pour les petits détails, est difficile et toujours très rare, rien, au contraire, n'est plus facile que l'imitation, par conséquent, plus commun à rencontrer. Pour un original, il y a cent copies. » (G. THOLIN, Etudes sur  l'architecture religieuse de l'Agenais dit Xe au XVIe siècle p. 40.)

 — Bien connus également les liens qui rattachent un certain nombre de nos églises circulaires au Saint-Sépulcre de Jérusalem. — Il serait facile de citer d'autres faits analogues.

 Ce qui se passait entre la France et l'étranger devait à plus forte raison se passer entre nos diverses provinces. Des imitations à proximité ont été signalées partout. On s'est, moins intéressé, — quoique cependant dans cet ordre d'idées le terrain ne soit pas absolument vierge, — aux imitations à distance. Cette étude des exceptions monumentales a pourtant son utilité. On apprécie mieux ce qui appartient en propre à une école, ce qui constitue véritablement son originalité, quand on a dressé l'inventaire de ce qui, parmi elle, est d'importation plus ou moins lointaine.

 C'est un inventaire de ce genre que nous voudrions essayer pour l'école d'architecture du Poitou et de la Saintonge. Chemin faisant, nous demanderons aux textes historiques, toutes les fois qu'il sera possible, la raison d'être des faits archéologiques que nous constaterons.

 

I. — ÉGLISE SAINT-HILAIRE, A POITIERS.

 

« Le trait essentiel du genre roman », — Jules Quicherat l'a démontré depuis longtemps, — « c'est la voûte ». —

« La voûte considérée dans sa forme, dans sa montée, dans son économie, dans la disposition de ses pieds-droits, voilà la clef de la classification romane (1). »

Les églises romanes du Poitou et de la Saintonge ont, en règle générale, leurs nefs voûtées en berceau, qu'elles présentent des bas-côtés ou non.  

(1) JULES QUICHERAT, Mélangés d'archéologie et d'histoire, tome n, p. 101.

Les berceaux plein-cintre sont rares (1). Les berceaux brisés sont très fréquents. Nous possédons, en effet, beaucoup plus d'églises du XIIe siècle que du XIe, et dès le début du XIIe siècle le berceau brisé a été, dans notre région, d'un usage on peut dire universel. Peut-être même a-t-il été employé chez nous dès la fin du XIe (2).

Les églises poitevines et saintongeaises, dont les nefs ont été voûtées autrement que par des berceaux, et qui, par suite, constituent des exceptions, sont faciles à compter. Le Poitou en présente deux: Saint-Hilaire de Poitiers et Coussay-les-Bois.

La Saintonge en présente quatre : Saint-Pierre de Saintes, Notre-Dame de Saintes, Sablonceaux et Saint-Romain-de-Benet.

Saint-Hilaire de Poitiers a eu sa grande nef voûtée par une série de coupoles octogonales sur trompes (3), autrement dites coupoles romanes. — Coussay-les-Bois (4), Saint-Pierre et Notre-Dame de Saintes, Sablonceaux et Saint-Romain-de- Benet (5), ont été recouvertes de coupoles hémisphériques sur pendentifs, autrement dites coupoles byzantines.

(1) Exemples : Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers, — Saint-Savin (Vienne), — Champdeniers (Deux-Sèvres), — Vouvent (Vendée), — Cellefrouin (Charente).

(2) Sur la prédominance du berceau brisé dans les voûtes des églises romanes de l'école poitevine, et sur son emploi dès la fin du XIe siècle, aussi bien en Poitou qu'en Saintonge et en Angoumois, voir JULES QUICHERAT, Mélanges, t. n, p. 453; — JULES QUICHERAT, apud Revue des Sociétés savantes, 2e série, année 1859, 1er semestre, p. 588, reproduit dans l'Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée, 1861, VIIIie-année, p. 276 ; — 0. DE ROCHEBRUNE, apud Congrès archéologique de Fontenay-le-Comte, 1864, p. 17; — Jos. BERTHELÉ, apud Bulletins de la Société de Statistique des Deux-Sèvres, 1884, p. 500-501 ; — GEORGES MUSSET, Essai sur l'architecture religieuse en Saintonge pendant le cours des XI et XIIe siècles (extrait des Positions des Thèses soutenues par les élèves de l'École nationale des Chartes, de la promotion 1870-1871), chapitre vi — l'abbé MICHON, Statistique monumentale de la Charente, p. 270 et 276-277 ; — Revue poitevine et saintongeaise, t. u, p. 331334, et t. m, p. 144.

(3) C'est par erreur que Viollet-le-Duc les a données comme des coupoles sur pendentifs (Dictionnaire d'architecture, t. i, p. 171.) — Cf. l'abbé TEXIER, apud Mém. Soc. Antiq. Ouest, t. ix, p. 101, note.

(4) Coussay-les-Bois département de la Vienne, arr. de Châtellerault, canton de Pleumarlin. — Cfr. sur les coupoles de la nef de Coussay-les-Bois : Répertoire archéologique de la Vienne, apud Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1860, p. 329, et l'abbé LALANNE : Histoire de Châtelleraud et du Châtelleraudais, t. i. p. 117.

(5) GEORGES MUSSET, Essai sur l'architecture religieuse en Saintonge pendant le cours des XI, et XIIe siècles (positions), p. 9, chapitre xvi. — Cf. Bulletin monumental, tome x, p. 529.

 Les coupoles byzantines, nous n'avons pas besoin de le rappeler, constituent le caractère principal de Saint-Front de Périgueux et de l'école périgourdine. Elles ont profondément pénétré l'architecture de l'Angoumois.

Les églises à coupoles byzantines de Saintes et de Sablonceaux, près Saintes, se rattachent au Périgord par Cognac et par Angoulême, les deux villes autour desquelles se groupent toutes les églises entièrement voûtées par des coupoles, que possède le département de la Charente (2). Les coupoles de Saint-Romain-de-Benet ont leur explication dans ce fait que cette église dépendait de l'abbaye de Sablonceaux (3).

Les coupoles octogonales sur trompes de Saint-Hilaire de Poitiers ne sont pas byzantines ; elles ne dérivent pas du Périgord ou de l'Angoumois. Félix de Verneilh ne s'y est pas trompé : « Malgré le voisinage, dit-il, nous ne pouvons croire que les coupoles de Périgueux aient inspiré, de près ou de loin, le système de voûtes adopté à Saint-Hilaire (4). »

(2) Dans la Charente, « il en existe douze ou treize ». — « Les principaux de ces édifices... Angoulême et Cognac... ont servi de type au reste, car ils se présentent l'un et l'autre entourés d'un groupe d'églises à séries de coupoles. Cognac règne, pour sa part, sur Chastres, Gensac, Cherves, Mesnac et Bourg-Charente, toutes éloignées de moins de trois lieues, situées toutes dans cette partie du département qui provient du diocèse de Saintes. Autour d'Angoulême, nous trouvons Fléac, le Roulet, Péreuil et le Peyrat. » (F. DE VERNEILH, l'Architecture byzantine en France, Saint-Front de Périgueux et les églises à coupoles de l'Aquitaine, Paris, Didron, 1851, in-4°, p. 229-230). — Cf. Z. RIVAUD, apud Bulletin de la Société archéologique de la Charente, année 1850, p. 157-158.

(3) Cf. Bulletin monumental, t. x, p. 5t9.

(4) F. DE VERNEILH, l'Architecture byzantine, p. 271,

 

Où faut-il alors en chercher l'origine?

 

Quoique délicate, la question est peut-être plus facile à résoudre qu'on ne serait tenté de le croire au premier abord. En effet, aucune des écoles d'architecture des XIe et XIIe siècles n'a employé à l'état systématique les coupoles octogonales sur la nef des églises. Là où l'on rencontre des nefs voûtées de cette façon, on est en présence d'une anomalie, d'une exception. Cette anomalie est constatée d'une part en Poitou, d'autre part, dans une petite province voisine de l'Auvergne, et en dépendant architecturalement : le Velay. On n'en connaît pas d'exemples ailleurs. La difficulté se réduit à ceci : rechercher si ces deux exceptions, quoique placées à une assez grande distance l'une de l'autre, ont entre elles des rapports historiques et archéologiques qui puissent expliquer l'imitation de l'une par l'autre.

Ces rapports historiques et archéologiques existent. Ils ont même déjà été en partie signalés. Il n'y a qu'à compléter les observations faites, et à les appuyer d'arguments nouveaux.

P. de Verneilh a étudié, dans son livre sur l'Architecture byzantine, trois sortes de voûtes qui ne lui paraissent pas susceptibles, et à juste titre, d'être rattachées à l'école du Périgord : celles de la nef de la cathédrale du Puy, celles de la nef de Saint-Hilaire de Poitiers, celles de la nef de la collégiale de Loches (1). — Les dubes de Loches (2) forment une catégorie à part (3). Mais il existe une analogie entre les coupoles à huit pans de la cathédrale du Puy et celles de Saint-Hilaire....

(1) F. DE VERNEILH, Op. cit., p. 266 à 271

(2) Cf. notamment sur les dubœ construites à Loches par Thomas Pactius : VIOLLET-LE-Duc, Dictionnaire d'architecture, tome iv, p. 361 à 367. — DE COUGNY, Excursion en Poitou et en Touraine, tirage à part, p. 168 à 172 (cf. Bulletin monumental, tome xxxv, année 1869, p. 1'31 à 135). — Congrès archéologique de Loches, 1869, p. 30 à 34.

(3) On trouve quelquefois des coupoles formées d'un tronc de cône monté sur pendentifs. Ce genre de voûte n'a pas encore été étudié. Nous en connaissons quatre exemples aux environs de Niort: à Prahecq, à Épannes, à Sainte-Pezenne et à Frontenay-Rohan-Rohan. Ces troncs de cône sont aux coupoles hémisphériques ce que les troncs de pyramide (dubes) de Loches sont aux coupoles octogonales.

 de Poitiers ; cette analogie, F. de Verneilh l'a remarquée et il a fait observer que les voûtes de Saint-Hilaire sont « un peu dans le genre de celles du Puy (1) ». L'expression était bien un peu timide, car les coupoles du Puy sont d'un type nettement caractérisé, et la définition qu'en a donnée Jules Quicherat dans son cours d'archéologie (2) permet de les assimiler à celles de Saint-Hilaire. Elles sont parfaitement du même genre (3).

Ce rapprochement, dont F. de Verneilh n'avait pas deviné l'importance et dont il n'avait tiré aucune conclusion, fut, en 1867, un trait de lumière pour un des amis du regretté archéologue périgourdin. — L'histoire des reliques de saint Hilaire en main (4), M. G. de Cougny (5) émit sur la parenté de la cathédrale du Puy et de Saint-Hilaire de Poitiers une conjecture ingénieuse (6), qui a passé jusqu'ici assez inaperçue, même en Poitou (7).

(1) F. DE VERNEILH, Op. cit. p. 271.

(2) JULES QUICHERAT, Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome II, p. 488.

(3) C'est par erreur que Viollet-le-Duc a donné les coupoles de la cathédrale du Puy comme étant des coupoles sur pendentifs (Dictionn" t. i, p. 171.)

(4) DE LONGUEMAR, Essai historique sur l'église' collégiale de Saint-Hilaire-leGrand de Poitiers, apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t. xxn, année 1856, p. 29.

(5) M. de Cougny devait quelques années plus tard succéder à M. de Caumont dans la direction de la Société française d'archéologie. Il a depuis été remplacé dans ces fonctions par M. Léon Palustre. M. de Marsy a succédé à M. Léon Palustre.

(6) G. DE COUGNY, Excursion en Poitou et en Touraine, lettre à M. de Caumont, Caen, 1870, in-81 (extrait du Bulletin monumental, 1868 et 1869). L'étude sur l'église Saint-Hilaire de Poitiers occupe les pages 27 à 46 du tirage à part Cf. le Bulletin monumental, t. xxxiv, année 1868, p. 166 à 185. — Dans son Bulletin du 2e trimestre de 1870, la Société des Antiquaires de l'Ouest a publié: 1" Analyse des opinions de M. de Cougny sur l'église Saint-Hilaire de Poitiers, par M. DE GENNES (p. 38i à 386); 2° Objections présentées par M. DE LONGUEMAR au sujet du rapport fait par M. de Cougny sur les divers styles d'architecture de l'église de Saint-Hilaire-IeGrand de Poitiers (p. 387 à 398, avec une planche lithographiée hors texte).

(7) Cf. DE LONGUEMAR, Observations, apud Bull. de la Soc. des Antiquaires de l'Ouest, 1870, p. 394.

 

A l'époque des invasions normandes, les reliques du grand évêque de Poitiers avaient été transportées au Puy-en-Velay. A l'époque romane, une partie — une petite partie (1) — de ces reliques fut rapportée à Poitiers.

De ces relations entre Saint-Hilaire de Poitiers et le Puy et de l'analogie existant entre les deux églises, M. de Cougny a conclu que « la série des dômes de l'église Saint-Hilaire a été empruntée à la cathédrale du Puy (2). »

Historiquement, la chose est possible. L'absence d'un document formel ne peut rien prouver à l'encontre. — L'imitation de la cathédrale d'Angoulême dans la nef de Fontevrault est bien certaine, et cependant les documents historiques susceptibles d'éclairer l'origine de cette imitation (3) sont encore moins explicites que ceux que nous possédons sur les relations de Saint-Hilaire et du Puy. — L'origine orientale de Saint-Front de Périgueux n'est pas douteuse, et cependant les textes historiques précis (4) manquent pour l'établir.

Archéologiquement, l'opinion de M. de Cougny est également très vraisemblable, quoiqu'elle ne soit pas complétement démontrée. — La cathédrale du Puy a fait école autour d'elle, ainsi que l'a constaté M. Henri Parker (5) ; pourquoi les imitations qui se sont produites dans le Velay ne se seraient-elles pas produites aussi ailleurs?

 Cette possibilité d'une influence à distance, par la cathédrale du Puy, deviendra une probabilité, si nous trouvons à Saint-Hilaire de Portiers, en dehors des coupoles de la nef, d'autres caractères de construction ou d'ornementation propres à la région auvergnate.

 

(1) Cf. NICIAS GAILLARD, Dissertation sur les reliques de Saint-Hilaire, apud Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1re série (1835), p. 264 à 300.

 (2) DE COUGNY, Excursion, p. 42. —Bulletin monumental, t. xxxiv, p. 181.

(3) Cf. FÉLIX DE VERNEILH, apud Compte-rendu du Congrès archéologique de Saumur, 1862, p. 193-194.

(4) Cf. FÉLIX DE VERNEILH, l'Architecture byzantine, p. 125 à 136, et JULES QUICHERAT, Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. H, p. 485-486.

(5) Cf. FÉLIX DE VEBNEILH, l'Architecture byzantine, p. 268.

Nous n'admettons pas les idées de M. de Cougny en ce qui concerne l'époque de la construction des coupoles de Saint-Hilaire. Nous croyons celles-ci d'une date moins ancienne que celle qu'il leur a attribuée. Au lieu de les placer avec lui (1) clans la première moitié du XIe siècle, nous les descendons à la fin de ce siècle ou au commencement du suivant. — Mais nous sommes entièrement d'accord avec lui pour reconnaître dans notre église poitevine une imitation de la cathédrale du Puy. Trois particularités typiques, dont personne encore n'a tiré parti, nous paraissent établir la réalité de cette imitation, avec toutes les probabilités désirables.

L'église Saint-Hilaire de Poitiers a été consacrée en 1049 (2). C'était alors, — il est facile de s'en convaincre quand on visite les combles de l'édifice, — une basilique non voûtée, couverte de peintures jusqu'en haut des murailles (3\ et très probablement à une seule nef. — A la fin du XIe siècle, ou plutôt au commencement du XIIe, l'église fut remaniée. Les travaux sont mentionnés d'une façon très claire, dans un document des environs de l'année 1130 (?) qui a été retrouvé à la Bibliothèque nationale, par Dom Chamard (4).

 (1) Cf. également ÉD. AUBERT, Architecture carolingienne. Étude sur l'ancien clocher de l'église Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers, apud Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, t. XLII, p. 61 à 67.

(2) Chronique de Saint-Maixent, vulgo de Maillezais, apud MARCHEGAY et MABILLE, Chroniques des églises d'Anjou, p. 397.

(3) « Dans les combles,.... on remarque vers le haut des murailles qui soutiennent la charpente, des vestiges de fresques d'où résulte la preuve que les voûtes, bien que d'une date très reculée, ont été bâties postérieurement à ces peintures. » DE LA LIBORLIÈRE, Visite de l'église Saint-Hilaire, apud Compte rendu du Congrès archéologique de Poitiers (1843), Bulletin monumental, t. ix, p. 167 ; tirage à part, p. 107.

 (4) Bibliothèque nationale, fonds latin, mss. n° 5316. — Ce document a été publié à la suite des Observations de M. de Longuemar, apud Hull. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest. 1870, p. 398.

On remplaça le lambris (?) qui couvrait la nef, par des voûtes en pierre, lapidum voltura (1). Ces voûtes, ce sont les coupoles qui nous occupent et qui ont été restituées, il y a quelques années, par les soins de la Commission des monuments historiques. — A la même époque, le chevet fut remanié et augmenté de chapelles absidales (2) ; divers autres travaux, moins importants, furent également exécutés.

C'est dans ces chapelles absidales du chevet et dans ces travaux secondaires, que nous trouvons de nouvelles traces d'une inspiration auvergnate.

 En Poitou, les chapelles absidales qui garnissent le déambulatoire de nos grandes églises romanes sont universellement en nombre impair : trois ou cinq, selon l'importance du monument. Je citerai comme exemples : Notre-Dame-la-Grande, Sainte-Radégonde et Montierneuf à Poitiers, Saint-Savin, Saint-Pierre de Chauvigny, Saint-Hilaire de Melle, Airvault, Saint-Jouin-lès-Marnes et aussi Fontevrault, qui avait été commencé d'après les traditions du style poitevin, et dont les coupoles byzantines, ainsi que M. Léon Palustre l'a démontré en 1886 au Congrès archéologique de Nantes, ne sont qu'une addition à la nef primitive (3). — Il n'existe en Poitou qu'un seul monument dont les chapelles absidales soient en nombre pair : Saint-Hilaire de Poitiers.

 

(1) « Cum enim Sancti ejusdem basilica prius, antiquo more, testitudine supra fuisset camerata, ad tutelam ignis et compositionem operis libuit quibusdam civibus illius temporis eam totam fieri lapideam, ac, testitudine amota, supra lapidum tegi voltura. » (Loc. cit.) — M. de Longuemar, nous ne savons trop pourquoi, induit de ce texte que l'église Saint-Hilaire était primitivement couverte de « coupoles en bois (testitudines). » Sur le sens du du mot testudo, voir JULES QUICHERAT, Mélangés d'archéologie et d'histoire, t. n, p. 7 à 14.

(2) Cf. sur les observations faites à ce sujet par M. Léon Palustre lors du Congrès archéologique de Poitiers (1884), les Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, ne série, t. VII, année 1884, p. 90.

(3) Cette communication de M. Léon Palustre n'est pas encore publiée.

Ce chevet, exceptionnel en Poitou, ne présente pas de chapelle absidale dans l'axe de l'édifice : les chapelles existent exclusivement à droite et à gauche, deux de chaque côté (1). — Or, cette disposition, comme tous les archéologues le savent, est un des caractères propres à l'architecture auvergnate (2).

 Un autre caractère spécial au roman auvergnat réside dans un type de modillon, très original et très décoratif, qui a reçu le nom de modillon à copeaux (3). Tous les modillons du XIIe siècle, que présente l'église Saint-Hilaire de Poitiers, sont des modillons à copeaux (4).

(1) Voir le plan du chevet de. Saint-Hilaire de Poitiers dans le Dictionnaire de Viollet-le-Duc (t. i, p. 6, fig. 4), — dans l'Excursion de 31. de Cougny (p. 39, cf. Bulletin monumental, t. xxxxiv, p. 178), — et sur la planche hors texte qui accompagne les Observations de M. de Longuemar (Bull. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, 1870, pl. i, fig. n).

(2) Exemples : l'église de Notre-Dame du Port, à Clermont-Ferrand (cf. MALLAY Essai sur les églises romano-by zantines du dép. du Puy-de-Dôme, Moulins, Desrosiers, 1838, in-4°, planches 1, 3 et 6; BOUILLET, apud Mémoires de l'Acad. de Clermont-Ferrand, t. xvi, 1874, p. 106; VIOLLET-LE-DUC, Dictiunn. archit., t. il, p. 456), — l'église de Saint-Paul à Issoire (cf. MALLAY, Essai... pl. 12: 13 et 14; Bouillet, loc. cit., p. 246 ; BATISSIER, Éléments d'archéologie nationale, 1813, p. 473 ; etc.) — l'église d'Orcival (cf. MALLAY, Essai... pl. 36).

« Les ronds-points appliqués même aux églises de médiocre étendue, — les chapelles rayonnantes souvent au nombre de quatre distinguent clairement l'école auvergnate de toutes les autres, (ANTH. SAINT-PAUL, Annuaire de l'archéologue français, 1877, p. 102.)

Les chapelles absidales en nombre pair se retrouvent à la cathédrale d'Angoulême (cf. les plans donnés par Michon, apud Statistiq. monum. de la Charente, — de Verneilh, apud l'Architecture byzantine, — de Laurière, apud Bul. Soc. archéol. de la Charente, 1870, — et Corroyer, apud l'Architecture romane, 1888). C'est là une exception, qui doit peut-être trouver son explication dans l'analogie existant entre la cathédrale d'Angoulème et la cathédrale d'Agen, analogie telle que M. Léon Palustre a pu attribuer les deux monuments au même architecte. (Cf. LÉON PALUSTRE, apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, lie série, t. vu, année 1884, p. 91). Les imitations auvergnates que présente le chevet de la cathédrale d'Agen ont été signalées par Viollet-le-Duc (Dictt. v, p. 181. note 6). Cf. G. THOLIN, Etudes sur l'architecture religieuse de l'Agenais, p. 30 à 41.

(3) Sur les modillons à copeaux, voir notamment BATISSlER, Éléments d'archéologie nationale, 1843, p. 432 ; DE CAUMONT, ABC, architecture religieuse, 5" éd. p. 184-185; VIOLLET-LE-Duc, Dict. rais. de l'archit. fr., tome iv. p. 309 et 322. — Cf. MALLAY, Essai sur les églises romano-byzantines... du Puy-de-Dôme, planche 4 et surtout planche 9. — « Les grands modillons taillés de manière à rappeler les copeaux de menuisier..... distinguent clairement l'école auvergnate des autres écoles » (ANTH. SAINT-PAUL, Annuaire cit. 1877, p. 102 )

(4) 31. de Longuemar a publié le dessin d'un de ces modillons (Mém. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, t. XXIII, planche III, fig. 7), mais sans en soupçonner l'importance pour l'histoire de la construction du monument. — Cf. Mém. de la Soc. nat. des Antiq. de France,tome XLII, planche VII.

 Là encore nous sommes complètement en désaccord avec les habitudes du roman poitevin. Cette fois, cependant, nous retrouvons un similaire en Poitou : à Parthenay-le-Vieux (1), dont l'église appartenait aux moines de l'importante abbaye auvergnate de la Chaise-Dieu, qui la reconstruisirent au XIIe siècle en y reproduisant non seulement les modillons à copeaux, mais encore les voûtes en quart de cercle et le clocher octogonal de leur pays, — mais n'anticipons pas.

Dans son récent volume sur l'Architecture romane, M. Ed. Corroyer fait observer que, dans les grandes églises romanes auvergnates à déambulatoire, « entre les absidioles, on a ménagé des fenêtres pour éclairer largement le pourtour du sanctuaire » (2). — Ces fenêtres entre les absidioles se retrouvent au chevet de Saint-Hilaire de Poitiers (3).

On pourrait peut-être encore voir, dans les décorations en petit appareil varié qui garnissent les parties hautes du chevet de Saint-Hilaire, un souvenir des mosaïques extérieures du chevet des églises d'Auvergne (4). Nous n'osons toutefois hasarder à ce sujet aucune hypothèse. Il nous semble que ces appareils peuvent très bien n'être qu'une décoration dérivant directement — comme c'est très probablement le cas pour les similaires que l'on trouve à Notre-Dame-l a-Grande — des habitudes ornementales de l'époque latine, si tant est toutefois qu'ils ne soient pas, à Saint-Hilaire, un reste delà construction antérieure au remaniement du chevet.

(1) Viollet-le-Duc a eu tort de citer Parthenay-le-Vieux comme appartenant au « meilleur style du Poitou. » (Dict. d'arch., t. v, p. 192, note 10.)

(2) ED. CORROYER, l' Architecture romane, p. 230.

(3) Cf. la vue extérieure du chevet de Saint-Hilaire de Poitiers donnée par CORROYER, op. cit. p. 233.

(4) Cf; ANTH. SAINT-PAUL, MALLAY, etc.

 

 

II. — ÉGLISES DIVERSES.

Les bas-côtés de nos grandes églises romanes du Poitou et de la Saintonge sont voûtés de deux façons. Tantôt nous trouvons la voûte d'arêtes, tantôt la voûte en berceau, soit plein-cintre, soit brisé (1).

La voûte d'arêtes, qui paraît avoir été le système le plus anciennement employé, se rencontre : — dans la Vienne : à Notre-Dame-la-Grande (2) et à Montierneuf de Poitiers (3), à Saint-Savin (4), à Saint-Pierre de Chauvigny (5), à Ville-salem (6) ; — dans les Deux-Sèvres : à Champdeniers (7) et dans les constructions primitives de Saint-Hilaire de Melle et de Parthenay-le-Vieux (8) ; — en Vendée: à Vouvent (9).

La voûte en berceau, employée pour les bas-côtés, dès le XIe siècle, parallèlement avec la voûte d'arêtes, domine au XIIe siècle. J'en citerai comme exemples, dans la Vienne :

( 1 ) Cf. VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire de l'architecture française, tome Ier, p. 175, et la Revue poitevine et saintongeaise, 2" année, n" 23, p. 32L

(2) DE CHERGÉ, Guide du voyageur à Poitiers, 1851. p. 183. — DE Cor G K Y, Excursion, p. 16.

(3) DE COUGNY, Excursion, p. 12.

(4) MÉRIMÉE, Peintures de l'église de Saint-Savin, Paris, 1845, in-fol., p. 5 et 9, fig. — DE COUGNY, Excursion, p. 80. — DE LONGUEMAR, Les anciennes fresques des é<jlises dit Poitou, Poitiers, 1881, p, 110. — Cf. JU LES QUICHERAT, Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome II, p. 454, fi g. 58, et la Revue poitevine et saintongeaise, 2, année, n° 23, p. 335.

(5) DE COUGNY, Excursion, p. 71.

(G) JULES GOUDON DE LA LANDE, Notice historique sur l'ancien prieuré de Ville-salem. Description de l'église romane de Ville-salem, apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, tome XXXIII, p. 417. — DE COUGNY, Excursion, p. 81.

(7) LÉO DESAIVRE et SADOUX, Église de Champdeniers (Deux-Sèvres), lithogr. in-fol. (s. 1. n. d.) vue intérieure.

(8) Jus. BERTUELÉ, apud Bulletin de la Société de statistique des Deux-Sèvres, année 1881, p. 503, et apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e série, tome VII, année 1884, p. 185 ; cf. De Niort à Ruffec et de Ruffec à Angoulême, promenade archéologique, p. 15-16, et Revue poitevine et saintongeaise, 1re année n° 12, p. 387-388.

(9) IMBERT, apud Congrès archéologique de Fontenay-le-Comte, 180i, p. 156. — RENÉ VALLETTE, Vouvent et la forêt, apud Paysages et Monuments dit Poitou, 51 livraison, p. 8.

 

Sainte-Croix de Loudun (1), Saint-Maurice-en-Gençay (2), Saint-Nicolas de Civray (3), Lusignan (4), Nouaillé (5) ;  dans les Deux-Sèvres: Javarzay (6), Saint-Pierre de -Melle (7), la seconde construction de Saint-Hilaire de Melle (8), Airvault (9), Saint-Jouin-lès-Marnes (10); — en Vendée: Nieul-sur-l'Autize (11); — dans la Charente-Inférieure: Âulnay de-Saintonge (12) ; — dans la Charente:

(1) DE COUGNY, Excursion, p. 95. — DE LONGUEMAR, Fresques, p. 175.

(2) BROUILLET, Indicateur archéologique de l'arrondissement de Civray (1865), p. 355.

(3) BUOUILLET, Indicateur, p. 22-1. — DE LONGUEMAR, Fresques, p. 30. — FAYE, Notes historiques sur la ville de Civray, apud Bul, de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, 5e série, 1849, p. 423. -

(4) COUSSEAU, Mémoire historique sur l'église de Notre-Dame de Lusignan et ses fondateurs, apud Mém. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, tome xi, 1844, planche hors texte.

(5) L'abbé DEOCHON, Nouaillé, apud Paysages et monuments du Poitou, 23e liv.

P- 5. —M. H. de Curzon a écrit que les bas-côtés de l'église de Nouaillé sont voûtés en demi-berceau (Bull. du Comité des travaux historiques, section d'archéologie, 1884, p. 382). Les voûtes en demi-berceau n'existent, dans l'église de Nouaillé, qu'à droite et à gauche du clocher de style limousin placé en avant de la nef.

(6) ARNAULD, Monuments des Deux-Sèvres, 2" édit., p. 119.

(7) ARNAULD, Op. cit. p. 79.

(8) Cf. ci-dessus, p. 66, note 8.

(9) Jos. BERTHELÉ, La date de l'église d'Airvault, apud Revue poitevine et saintongeaise, 3e année, n° 33, p. 258 ; et ci-dessus p. 32.

(0) B. LEDAIN, Notice historique et archéologique sur l'abbaye de Saint-Jouin-lès-Marnes, apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e série, tome VI, année 1883, p. 57. — Jos. BERTHELÉ, L'église de Saint-Jouin-lès-Marnes, apud Bulletin monumental, 1885, p. 266.

(11) 0. DE ROCHEBRUNE, Notice sur l'abbaye et l'église de Nieul-sur-l'Autize (Vendée), apud Mémoires de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, tome xxii, année 1855, p. 265. — CH. ARNACLD, Histoire de l'abbaye de Nieul-sur-l'Autize, apud Mémoires de la Soc. de statistique des Deux-Sèvres, 2e série, tome II, année 1862, p. 218. — 0. DE ROCHEBRUNE, apud Congrès archéologique de Fontenay-le-Comte, 1864,.p. 121, — Jos. BERTHELÉ, Nieul-sur-l'Autize, etc., apud Paysages et monuments du Poitou, 15, livr, p. 4.

(12) LESSON, apud BRIAND, Histoire de l'église santone, tome III, p. 465. — ROBERT DE LASTEYME, Étude archéologique sur l'église Saint-Pierre d'Aulnay, apud Gazette archéologique, novembre-décembre 1886 ; tirage à part. p. 4. - .-

Saint-Amancl-de-Boixe (1), Lichères (2), Cellefrouin (3), Lesterps (4).

Les bas-côtés voûtés en demi-berceau, autrement dit en quart de cercle (5) des églises de Parthenay-le-Vieux, de Sainte-Croix de Parthenay et de Secondigny, dans les Deux-Sèvres ; de Saint-Eutrope de Saintes et de Sainte-Gemme, dans la Charente-Inférieure, et quelques autres rares spécimens dans la Vienne (6), la Vendée (7) et la Charente (8), constituent une exception.

La voûte en quart de cercle a été surtout employée dans les écoles romanes de l'Auvergne et du Languedoc (9). On la trouve aussi, et fréquemment, dans les provinces qui relèvent architecturalement, dans une mesure plus ou moins grande,

(1) MICRON, Statistique monumentale de la Charente, 1844, p. 310. — A visit to the domed Churches of Charente, France, by the architectural Association of London in the year 1875, published of a mémorial to EDMUND SHARPE, ivith an historical and descriptive texte, illustrated by sixty lithographed plates, Londres, 1874, in-4°, planche 3, fig. B. — LIÈVRE, Explorat1on archéologique de la Charente, tome i, p. 60. — Jos. BERTRELÉ, De Niort à Ruffec et de Ruffec à Angoulême, p. 64.

— Revue poitevine et saintongeaise, tome n, p. 224.

(2) MICHON, Statistique, p. 301. - LIÈVRE, Exploration, t. i, p. 101. — BERTHELÉ, De Niort..... à Angoulême, p. 35 et 59. — Revue poitevine et saint., tome II, p. 214215 et 219.

(3) MICRON, p. 294. — SHARPE, pl. 3, fig. À. — LiÈvRE, p. 135. — BERTHELÉ, p. 16 et 55. — Revue poit. et saint., n, p. 214.

(4) NICHON, p. 260. — BERTHELÉ. p. 55.

(5) Cf. J05. BERTHELÉ. La date de l'église de Parthenay-le-Vieux et l'influence de l'architecture auvergnate en Poitou et en Saintonge, apud Bulletin de la Société de statistique des Deux-Sèvres, 1887, p. 493 à 523, et A propos de l'emploi de la voûte en demi-berceau dans quelques églises romanes du Poitou et de la Saintonge, apud Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e Série, tome VII, année 1884, p. 182 à 188.

(6) Charioux, Brux, Nouaillé. — Cf. Bull. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest; 1884, p. 280-281, et Bull. de la Soc. de stat. des Deux-Sèvres. 1884, p. 516 à 519 et 522.

(7) La Caillère (arr. de Fontenay, canton de Sainte-Hermine). — Cf. l'abbé AUBER, apud Bull. Soc. Antiq. Ouest, 1884, p. 281 et Bull. Soc. Stat. Deux-Sèvres, 1884, p. 523 et 533.

(8) Lichères (arr. de Ruffec, canton de Mansle).

(9) VIOLLET-LE-DUC, Dict. d'architecture, tome ii, p. 482 et 483.

 

de ces deux écoles: dans le Limousin (1), le Bourbonnais (2), le Nivernais (3) et le Lyonnais (4). — On la rencontre quelquefois ailleurs: en Provence (5), en Normandie (6), en Touraine (7), en Suisse (8).

L'ARCHITECTURE PLANTAGENET(1)

 

Il est impossible d'étudier l'histoire de l'architecture gothique en France sans être frappe des différences considérables qui existent, dans les provinces de l'Ouest, — Anjou, Touraine, Poitou, etc., — entre les voûtes construites de la première moitié du XIIe siècle à la seconde moitié du XIIIe.

Le gothique de l'Ouest, — généralement désigné aujourd'hui, grâce à M. Godard-Faultrier, sous le nom de Style Plantagenet (2), — n'est pas seulement fort dissemblable du gothique des autres provinces françaises ; il est encore, à cent ans de distance, presque totalement dissemblable de lui-même.

(1) Ce chapitre a été lu au Congrès des Sociétés savantes de 1888. — Cf. le Journal officiel, 25 mai, p. 2136 ; la Revue poitevine et saintongeaise, tome v, n° 52, p. 120 ; le procès-verbal de la séance de la Société archéologique de Château-Thierry, du 1er juin, apud Journal de Château-Thierry du 7 juin ; le Mémorial des Deux-Sèvres du 22 juin ; l'Ami des Monuments, tome Il, n° 7, p. -130 ; la Revue d'Anjou, etc.

(2) C'est un peu avant 1810 que le gothique de l'Anjou et de l'Ouest a été nommé Style Plantagenet par M. Godard-Faultrier, directeur-conservateur des musées archéologiques de la Nille d'Angers :

« Ce nom nous a paru convenir (écrivait M. Godard-Faultrier vers 1810), attendu que le style dont il est ici question prit naissance sous Henri Plantagenet » (L'Anjou et ses monuments, tome n, p. 204).

Cf. Godard-Faultrier disait en 1884: « Il y a plus de quarante ans que nous crûmes devoir donner le nom de Plantagenet à notre architecture angevine : on devine sans peine qu'elle le doit à cette circonstance qu'elle naquit et se développa sous les règnes des comtes d'Anjou, Henri II et Richard Cœur-de-Lion, roi d'Angleterre » (Inventaire du Musée d'Antiquités Saint-Jean et Toussaint [d'Angers], 2e édit., p. 14).

Cf. Congrès archéologique de France, xxixe session (Saumur, 1802), p. 316; — Annuaire de l'archéologue français, 1866, p. 30; — etc.

 

Ces différences apparaissent d'une façon particulièrement marquée dans les églises d'Angers. — La voûte de la tour Saint-Aubin, par exemple, n'a pas du tout le même système de construction que les voûtes de la nef de la cathédrale ; — à la cathédrale, la nef n'a pas le même type de voûtes que le chœur et le transept ; — à Saint-Serge, les voûtes du chœur sont tout autres que celles de la cathédrale ; — celles de Toussaint, au temps où elles existaient, s'en écartaient bien davantage encore.

L'architecture gothique de l'Ile-de-France, qui cependant n'a pas cessé, aux XIIe et XIIIe siècles, d'aller toujours en progressant et en s'améliorant, est restée stationnaire ou à peu près en ce qui concerne la combinaison des voûtes. — De la première moitié du XIIe siècle où la croisée d'ogives (1) se répand, jusqu'à la période flamboyante, dont la voûte à liernes et à tiercerons est un des caractères distinctifs, le gothique de l'Ile-de-France n'a employé que la voûte sur croisée d'ogives pure et simple, toujours foncièrement identique, — qu'elle recouvre deux travées barlongues (2) ou une seule travée carrée, que les lignes des berceaux qui la composent soient horizontales ou se rejoignent suivant un angle très obtus. Les voûtes que l'on trouve au XIIIe siècle dans les cathédrales de Reims et d'Amiens, etc., sont du même genre que celles que l'on trouve au XIIe dans les cathédrales de Paris et de Laon, et même dans les églises de l'extrême début du style nouveau, telles que Poissy. On ne peut établir entre elles que des différences d'espèce.

(1) « Je me sers du terme ogive dans l'acception qui est la seule qu'il ait eue au moyen-âge, la seule que tous les dictionnaires français et traités d'architecture lui ont conservée jusqu'en 1830. J'entends par là l'une ou l'autre des nervures, ou, pour parler plus exactement, des membrures qui se croisent diagonalement dans les voûtes gothiques. Les deux pièces réunies composent ce qu'on a appelé la croisée d'ogives. —Cette explication est indispensable, vu la confusion produite par l'usage que l'on fait aujourd'hui de ce mot ogive a (JULES QUICHERAT, Mélanges, t. n, p. 497).

(2) Les voûtes du gothique primitif présentent la croisée d'ogives établie sur deux travées. Exemples : les cathédrales de Paris, de Laon, etc. — Dès la fin du xiie siècle, chaque travée a sa croisée d'ogives.

 

En Anjou et dans les provinces circonvoisines, au contraire, la voûte Plantagenet a passé par une série de transformations dont la dernière arrive à ne presque plus rappeler en rien celle du début. Qui serait porté à croire, à première vue, que les systèmes de voûtes de Toussaint et de Saint-Maurice d'Angers sont de la même famille, que l'un est l'arrière-petit-fils de l'autre ? La filiation est pourtant parfaitement certaine.

Ces transformations constituent des genres successifs, se subdivisant chacun en plusieurs espèces. Toussaint est une espèce d'un genre dont les éléments sont différents du genre auquel appartient la nef de Saint-Maurice.

Malgré son très grand intérêt, la série des transformations de l'architecture Plantagenet a été peu étudiée jusqu'ici. Quelques archéologues (M. l'abbé Choyer et M. G. d'Espinay notamment) se sont préoccupés des caractères techniques des principaux types que présente cette architecture. L'évolution n'a pas, que nous sachions, été suivie rigoureusement dans toutes ses étapes (1).

Cette étude de généalogie archéologique nous a tenté, et nous présentons aujourd'hui au public spécial, que la question peut intéresser, un essai de classification, dont le but est de préciser l'ordre chronologique dans lequel ces divers systèmes de voûtes ont fait leur apparition, — chacun ayant ses caractères propres, distincts de ceux qui l'avaient précédé comme de ceux qui devaient le suivre, — chacun vivant d'abord côte à côte avec ceux dont il dérivait, arrivant ensuite à les remplacer, puis disparaissant à son tour devant des combinaisons plus élégantes et plus riches.

Cf. F. DE VERNEILH, Influences byzantines en Anjou, apud Congrès archéologique de France, XXIXe session (Saumur, 1862), p. 315.

On voudra bien nous pardonner le caractère aride, technique, méticuleux de notre exposition. L'architecture Plantagenet est une des plus admirables choses que le moyen âge ait créées (1). Nous laissons à d'autres Je soin de la célébrer avec la poésie dont elle est digne. — Pour nous, nous allons analyser des pierres. C'est, une opération où la littérature n'a rien à voir.

 

I. — ORIGINES DU STYLE PLANTAGENET.

 

Avant de passer en revue les divers types de voûtes constituant ce que nous appellerons :

1" La période byzantine à quatre nervures,

2° La période gothique à quatre nervures,

3° La période à huit nervures,

4° La période à plus de huit nervures,

périodes qui se sont succédé des environs de l'an 1140 aux environs de l'an 1250, — nous devons rappeler les origines de ce style d'une si étonnante mobilité.

Voici en quels termes M. Godard-Faultrier a résumé; « cette filiation mêlée d'ogive, de byzantin et de roman » :

« D'après M. Parker.... le style Plantagenet, parfaitement développé à l'hôpital d'Angers, émanerait de la nef de Saint-Maurice; et ce que notre cathédrale a de byzantin émanerait à son tour de la nef de Fontevrault, d'après M. de Verneilh; puis la nef de Fontevrault, bâtie de 1101 à 1120, émanerait de l'école byzantine du Périgord. Inutile d'ajouter que le style périgourdin, qui a pour très nette expression l'église de Saint-Front de Périgueux, paraît être une imitation de celui de Saint-Marc de Venise, lequel a fait de grands emprunts à Sainte-Sophie de Constantinople » (2).

(1) « Nous ne croyons pas... qu'on ait dans l'Ile-de-France trouvé rien de plus parfait que les ravissants intérieurs de la cathédrale de Poitiers, de Saint-Maurice et de Saint-Serge d'Angers, rien de plus élégant que la voûte angevine » (ANTHYME SAINT-PAUL, Viollet-le-Duc.... et son système archéologique, 2° édition, p. 169).

(2) GODARD-FAULTRIER, Inventaire du musée d'antiquités Saint-Jean et Toussaint, 2e éd., p. 17. — Des réserves sont nécessaires sur la filiation de Saint-Front de Périgueux, de Saint-Marc de Venise et de Sainte-Sophie de Constantinople. Il y a tout lieu de croire que Saint-Front et Saint-Marc sont sœurs et que leur mère commune est non pas Sainte-Sophie j mais l'église des Saints-Apôtres de Constantinople.

 Et ailleurs: « Malgré de nombreuses modifications, ce type de voûte dérive de la coupole byzantine » (1).

La coupole est, en effet, un des éléments essentiels du style Plantagenet, et ce n'est pas sans raison que ses voûtes sont désignées par certains auteurs sous le nom de voûtes coupoliformes. — Mais à côté de la coupole, il y a autre chose.

« L'architecture angevine a fait son style avec des styles divers. Si elle a emprunté ses coupoles à l'Orient », — ou tout au moins aux imitations orientales existant en Anjou, elle doit « aux pays du Nord.... ses voûtes ogivales » (2), sa croisée d'ogives.

La situation géographique de l'Anjou ne fut sans doute pas étrangère à cette fusion de deux éléments si différents d'origine. — L'Anjou, en effet, « n'eut point, comme la Bretagne, sa voisine, de puissante autonomie ; au nord de la Loire, elle se rattachait à ce qu'on appelait autrefois le Duché de France, dont Angers était une limite ; vers le sud, à ce qu'on nommait l'Aquitaine. Naturellement, elle était une province de trait d'union » (3).

La coupole byzantine, — circulaire en plan, hémisphérique en élévation, avec pendentifs comme supports aux quatre angles de la travée qu'elle recouvre, — se présente sous deux formes au commencement du XIIe siècle :

D'une part, la coupole à pendentifs distincts, la plus fréquemment employée en Périgord et en Angoumois, et que nous trouvons en Anjou sur la nef, aujourd'hui découronnée, de l'abbatiale de Fontevrault.

  (1) Ibid. p. 14,

(2) Ibid. p. 14.

(3) Ibid. p. 14-15.

D'autre part, la coupole à pendentifs non distincts, beaucoup plus rare que la précédente en Périgord et en Angoumois, et que nous trouvons en Anjou sur le carré du transept de l'abbatiale de Fontevrault, et, par dérivation de Fontevrault, au carré du transept de Saint-Martin d'Angers et au Ronceray de la même ville.

Lors de l'avènement du style gothique, on s'empressa d'adopter le système des nervures, qui réalisait un progrès immense. Mais on ne voulut pas renoncer radicalement à ce que l'on avait coutume d'employer. Les coupoles byzantines se transformèrent,

Nous dirons plus loin ce qui advint de la coupole à pendentifs distincts, dont la structure, établie d'après deux rayons différents, — un rayon égal à la moitié de la diagonale du carré de la travée pour les pendentifs, et un rayon égal à la, moitié du côté du carré pour la calotte, — ne pouvait s'accommoder de la croisée d'ogives, qui eût seulement longé et soutenu ses pendentifs sans atteindre sa calotte.

Pour le moment, nous ne nous occuperons que de la coupole à pendentifs non distincts, — formée d'un rayon unique égal à la moitié de la diagonale du carré, — qui seule pouvait adapter entièrement à la croisée d'ogives et ses pendentifs et sa calotte, et par suite s'assimiler toute la puissance de ce nouveau membre d'architecture.

 

C'est la coupole à pendentifs non distincts, — ainsi que M. Félix de Verneilh l'a parfaitement observé en 1862, à propos de l'inter-transept de Fontevrault, — qui « nous fournit le premier des jalons qui conduisent au style Plantagenet » (1).

(1) F. DE VERNEILH, Excursion à Fontevrault, apud Congrès archéologique de France, xxix, session (Saumur, 1862), p. 195. 1

« Les nervures arrivaient du nord de la France avec les premières notions du style ogival. On imagina de fortifier ou plutôt de décorer au moyen de nervures les coupoles sans pendentifs distincts » (1).

Si les deux éléments qui ont formé l'architecture Plantagenet sont bien connus, il n'en est pas de même de l'époque précise où ce style nouveau a fait son apparition. Sous ce rapport, nous n'avons pas été plus heureux que nos devanciers, et nous ne pouvons proposer qu'une date approximative. —Impossible également de dire avec certitude dans quel monument la fusion de la coupole et de la croisée d'ogives s'est produite pour la -première fois. Quant à l'architecte auquel il faudrait rapporter l'honneur de cette innovation si féconde, il est probable qu'il restera toujours ignoré.

Ce qui est certain, c'est que le style Plantagenet est né un peu avant 1150.

L'imitation à Fontevrault des coupoles de la cathédrale d'Angoulême eut lieu postérieurement à la fondation de l'abbatiale. L'établissement de ces coupoles est un remaniement, M. Léon Palustre l'a définitivement démontré en 1886, au Congrès archéologique de Nantes. L'introduction du style byzantin en Anjou ne peut donc être placé, comme on l'avait fait-jadis, au début du XIIe siècle. — Mais vers quelle partie de la première moitié du XIIe siècle cette introduction doit-elle être descendue ?

(1) F. DE VERNEILH, Influences byzantines en Anjou, apud Congrès archéologique «e France, XXIXe session, p. 315. -

En 1862, au Congrès archéologique de Saumur, M. Félix de Verneilh a proposé, pour expliquer la reproduction à Fontevraud dés coupoles d'Angoulême, ce fait, qu'il n'avait pas connu lors de la rédaction de son Architecture byzantine, que « l'on voit, en 1117, les chefs de l'abbaye de Fontevrault venir plaider à Angoulême une affaire très importante pour les intérêts de leur communauté devant l'évêque Girard, légat du Saint-Siège pour les provinces de l'Ouest » (1). — Ce voyage fournirait peut-être l'explication cherchée, mieux que les voyages de Robert d'Arbrissel et de ses premiers disciples dans la région des églises à coupoles (2). Mais il est impossible de rien affirmer.

Les coupoles de Fontevrault donnèrent naissance autour d'elles, avant la formation du style Plantagenet, à un certain nombre de coupoles conservant absolument leur caractère byzantin, sans aucune immixtion de gothique. Nous citerons les coupoles de Saint-Martin et du Ronceray, à Angers, — celles de Villandry, Monts, Cormery, et celle de Savonnières, en Touraine.

En tenant compte du temps nécessaire pour que les imitations de Fontevrault aient pu se produire, nous arrivons bien vite au second quart du, XIIe siècle, si même nous ne le dépassons pas. A cette même époque correspond le développement de la croisée d'ogives dans l’Ile-de-France et aux environs de cette province. — Ce n'est pas avant le second quart du xiie siècle qu'a dû avoir lieu la mise en présence de la croisée d'ogives et de la coupole.

Nous trouvons la voûte Plantagenet complètement formée à la cathédrale d'Angers entre 1150 et 1153. Les voûtes de la nef de ce monument sont le premier type à date absolument certaine de cette architecture, mais ce ne sont certainement pas les plus anciennes qui aient été construites. Avant elles, il y a eu quelque chose. Leur forme est fixée ; auparavant, il y a eu forcément des tâtonnements. En tout, on trouve la période d'incubation.

(1) Congrès archéologique de France, XXXIe s ssion, p. 103.

(2) L'Architecture byzantine, p. 276-277.

Il n'est pas douteux que cette période d'incubation doive se placer vers 1130 ou 1140 (1).

 

II. — PÉRIODE BYZANTINE A QUATRE NERVURES.

 

Nous venons de dire que, dans la nef de la cathédrale d'Angers, la voûte Plantagenet apparaît déjà complètement formée. Les deux éléments byzantin et gothique se sont fondus ensemble. L'un toutefois domine l'autre. La voûte gothique s'est imposée à la coupole. Durant la période d'incubation, antérieure de quelques années à 1150-1153, la voûte gothique et la coupole se modifient, s'altèrent réciproquement, mais la voûte gothique n'a pas encore pris le dessus sur la coupole.

 Ce premier type — l'un des plus intéressants, et, autant que nous avons pu en juger, le plus rare de toute la série que nous avons à parcourir —conserve les éléments d'appareil de la coupole: les assises sont encore ce qu'elles ont été durant toute la période romane, horizontales, convergentes (je n'ose dire normales à la courbe). — Mais la disposition de cet appareil n'est déjà plus la même.

Les deux berceaux brisés se coupant suivant une ligne horizontale, ou à peu près, qui constituaient les quatre doubles compartiments de la voûte sur croisée d'ogives, ne pouvaient être reproduits sans altérer profondément le caractère hémisphérique de la coupole.

A la place d'une série d'anneaux, formant tous une circonférence parfaite, nous avons huit portions de voûte juxtaposées circulairement, ayant chacune leur concavité propre. Chaque assise forme, au lieu d'un anneau d'une courbe unique, sans retrait et sans saillie, un anneau en huit parties distinctes. Ces huit parties s'appuient chacune par un de leurs côtés sur la croisée d'ogives, tandis que les autres côtés se rencontrent sans aucune adjonction de nervures. Le tout constitue un dôme à huit pans. Ces huit pans sont autant de triangles sphériques, tous posés en sens inverse des pendentifs des coupoles byzantines.

(1) «. C'est.... sous la dynastie des Plantagenets qu'eut lieu l'élaboration de cette architecture. Elle naquit sous Geoffroy (1129-1150), et atteignit sa perfection sous son fils Henri (1150-1189), qui, devenu roi d'Angleterre en 1154, tint souvent sa cour à Angers, y protégea les arts, et y fit élever de vastes et somptueux édifices.

Saint-Maurice d'Angers, par la grandeur de ses proportions et l'importance qu'elle devait à son titre de cathédrale, n'a pu manquer de contribuer dans une large mesure aux développements du style Plantagenet, et peut en être regardée comme le plus ancien type complet » (ANTHYME SAINT-PAUL, Origine du style ogival Plantagenet, apud Annuaire de l'Archéologue français, 1’ann e, 1877, p. 126).

 A cette modification du caractère hémisphérique de la coupole par les berceaux de la voûte sur croisée d'ogives, correspond une modification de la croisée d'ogives par la coupole.

La croisée d'ogives a sa clef au point de jonction des lignes des clefs des deux berceaux qui se pénètrent ; ces lignes, se prolongeant, rencontrent les clefs des doubleaux et des formerets qui circonscrivent la voûte. Toutes ces clefs sont, à peu de choses près, au même niveau. — La fusion avec la coupole, substituant un arc en tiers point à la ligne horizontale ou à l'angle très obtus de la pénétration des berceaux, la clef de la croisée d'ogives, tout en continuant à se trouver au point de jonction des lignes des clefs des berceaux, arrive à être reportée beaucoup plus haut que les clefs des doubleaux et des formerets.

Cette différence de niveau entre la clef de la croisée d'ogives et celles des arcs latéraux supportant les échancrures de la voûte, se perpétuera à travers toutes les évolutions de l'architecture Plantagenet (1) et donnera aux voûtes de ce style le..

(1) « La caractéristique du style Plantagenet est facile à saisir; c'est notamment une voûte surhaussée, où le sommet des arcs diagonaux est toujours plus élevé que la clef des arcs doubleaux et que celle des formerets. Cette disposition donne de la profondeur aux voûtes ...... (GODARD-FAULTRIER, Inventaire du Musée d'Antiquité Saint-Jean et Toussaint, 2e édit., p. 14, cité par la Revue de l'Art chrétien, octobre 1885, p. 534).

« Ce qui caractérise uniquement ce style, c'est la forme domicale des berceaux établis sur la diagonale des piliers. La double croisée de nervures, les petites figurines posées à leur rencontre ne sont que les accessoires fréquents, mais non point les éléments nécessaires et obligés de ce style » (G. DE COUGNY, Excursion en Poitou et en Touraine, p. 7. Cf. Bulletin monumental, t. xxxiv, p. 146).

 

caractère bombé, qui a porté M. Parker à les désigner sous le nom général de voûtes domicales (1).

Cette première étape du style Plantagenet se personnifie dans la voûte du premier étage de la tour Saint-Aubin, à Angers, et dans le transept de l'église de Mouliherne.

Dans son Étude sur la construction des voûtes en briques, publiée en 1861 dans les Mémoires de la Société impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers (ancienne Académie d'Angers) (2), M. l'architecte Ernest Dainville a donné une coupe et un plan de la voûte de la tour Saint-Aubin (3). — Il la décrit ainsi :

« Quatre formerets s'appuient sur les murs de la voûte; — sur ces formerets reposent huit portions de voûtes se coupant en formant de légères arêtes ; — les arêtes diagonales sont seules ornées d'une nervure, tandis que celles qui passent par le sommet des formerets sont simplement formées par l'intersection de deux parties de la voûte. — L'appareil rappelle encore celui des coupoles des époques précédentes, avec cette modification que la voûte est formée par triangles appareillés annulairement, mais séparément, à l'aide des nervures sur lesquelles ces triangles reposent » (4).

(1) Cf. F. DE VERNEILH, l'Architecture byzantine, p. 288; — Congrès archéologique de France, XXIXe session (Saumur, 1862), p. 315.

(2) Nouvelle série, tome IV, 31 cahier, p. 173 à 194, avec 14 planches.

(3) Planche v.

(4) Page 175,

La construction de la partie romane de la tour Saint-Aubin semble bien devoir être attribuée à l'abbé Robert de la Tour Landry, qui gouverna l'abbaye de Saint-Aubin de 1127 à 1154 (1).. Mais l'année exacte n'a pas pu être précisée.

L'église de Mouliherne, entre Saumur et Baugé, a été construite à plusieurs reprises. — Le sanctuaire et le choeur sont romans. Au-dessous de la voûte en cul de four du sanctuaire s'ouvrent des fenêtres dont les archivoltes présentent des dessins d'appareil rappelant ceux que l'on trouve à Notre-Dame de Nantilly et à Distré. Le chœur est recouvert d'une voûte en berceau brisé avec doubleaux rectangulaires. La nef présente successivement : 1° une voûte à liernes et à tiercerons ; 2° une voûte Plantagenet à huit nervures formées d'un seul tore, sans addition de petites têtes aux points de jonction des nervures secondaires avec les clefs des doubleaux et des formerets; 3° une voûte Plantagenet à plus de huit nervures, avec voûtins nervés dans les deux angles déterminés par le mur de façade (2) ; la décoration sculptée de cette dernière voûte se compose de petites têtes, de figurines et de médaillons (les figurines sans encadrement s'allongeant sur les nervures).

Le transept est la partie qui présente le plus d'intérêt à cause de sa rareté. Le bras droit est de la famille de la voûte de la tour Saint-Aubin, mais il en diffère dans certains détails. Il nous paraît difficile de dire si ces différences sont dues à une ancienneté plus grande, ou à une infériorité de savoir-faire de la part du constructeur. L'inter-transept et le bras gauche se rattachent au type de la nef de la cathédrale d'Angers.

 (1) Cf. CÉLESTIN PORT, Dict.... de Maine-et-Loire, t. m, p. 609,

(2) La voûte de cette troisième travée a été étudiée et dessinée par Viollet-leDuc. (probablement d'après une communication d'un architecte local), dans son Dictionnaire de l'Architecture française, tome iv, p. 114 à 116. - Cf. ANTHYME SAINT-PAUL, apud Bulletin monumental, 1888, p. 176.

 Le bras de droite est recouvert d'une voûte domicale à assises horizontales, montée sur une grosse croisée d'ogives à profil absolument quadrangulaire. Des quatre compartiments de cette voûte, l'un est sphérique, les autres presque plans.

Les voûtes du carré du transept et du bras, de gauche ne sont plus à assises horizontales, mais à assises perpendiculaires aux arcs d'encadrement. La croisée d'ogives est d'un type voisin de celle du bras droit. Cette croisée d'ogives, également quadrangulaire, mais moins volumineuse que sa voisine, a ses arêtes arrondies en creux. C'est évidemment un spécimen des plus anciens du premier type de la période gothique à quatre nervures, qui succédera à la période byzantine.

 La juxtaposition de ces deux types augmente singulièrement l'intérêt qui s'attache à l'étude de l'église de Mouliherne.

Nous retrouvons la disposition d'appareil en assises horizontales avec les nervures gothiques au carré du transept des églises de Notre-Dame de Nantilly et de Saint-Pierre, à Saumur. Mais ici nous avons certainement affaire à des voûtes d'une date postérieure. Trois caractères le démontrent péremptoirement: 1° la présence de huit nervures au lieu de quatre, les huit nervures n'apparaissant que vers la fin du troisième quart du XII° siècle ; — 2° la forme des moulures, qui nous reporte vers la même époque ; — 3° l'adjonction de têtes ou de bustes de petits personnages au point de jonction des nervures secondaires avec les clefs des doubleaux et des formerets. Les voûtes des inter-transepts de Notre-Dame de Nantilly et de Saint-Pierre, à Saumur, procèdent du premier type Plantagenet, mais elles n'en sont qu'un écho déjà un peu lointain.

 

Le château du Coudray-Salbart (1), aux environs de Niort,

(1) Le château Salbart a été décrit par Ch. Arnauld, dans ses Monuments des Deux-Sèvres, par M Bélisaire Ledain, dans sa Gâtine historique et monumentale, 6t par d'autres auteurs. — Le meilleur travail à consulter sur ce château est celui de M. B. Ledain. Mais pas plus que les autres M. Ledain né s'est attaché à l'analyse de la construction des voûtes. — M. le lieutenant Espérandieu songe à étudier à nouveau le château Salbart.

— construction du XIIIe siècle, où l'on trouve une curieuse réunion de presque toutes les voûtes qui ont été employées de 1150 à 1220 ou 1230 : berceau brisé, coupole byzantine, voûtes Plantagenet, etc., — a l'une de ses salles recouverte d'une voûte à quatre pans, à assises horizontales, les quatre pans s'appuyant sur une croisée d'ogives. — C'est un souvenir bâtard du premier style Plantagenet.

 

III. — PÉRIODE GOTHIQUE A QUATRE NERVURES,

 

2e TYPE. —' Au milieu du XIIe siècle, la transformation de la coupole byzantine est chose faite. Le style Plantagenet est définitivement constitué. La croisée d'ogives a imposé à la coupole son mode d'appareil. Les assises horizontales du 1er type sont remplacées par des assises parallèles à l'axe des berceaux (1), autrement dit perpendiculaires 'aux arcs d'encadrement. La forme bombée, domicale, rappelle seule l'élément byzantin.

A cette date, la croisée d'ogives se présente encore dans la simplicité première de ses moulures. Les quatre fortes nervures qui la constituent sont essentiellement quadrangulaires. Les deux arêtes non adhérentes à la voûte sont remplacées par des tores. Je demande la permission de désigner cette nervure sous le nom de quadrangulaire-bitorique. — Le bandeau entre ces deux tores est quelquefois décoré (2).

(1) « Il est facile de distinguer les voûtes Plantagenet cupuliformes des fausses coupoles en style auvergnat, par la disposition des assises. Dans la voûte Plantagenet, les assises sont parallèles à l'axe des berceaux ; elles se dirigent de la circonférence au centre et ne sont pas concentriques, tandis que dans les fausses coupoles octogonales, comme dans les coupoles hémisphériques, les assises sont toutes parallèles à la base de la coupole et par conséquent concentriques. » (G. d'ESPINAY, Congrès archéologique de France, XXXVIe session, Loches, 1869, p. 63).

(2) « A la cathédrale d'Angers, les « larges nervures » formant les croisées d'ogives des voûtes de la nef, « sont ornées de sculptures représentant des feuilles crucifères » (G. d'ESPINAY, Notices archéologiques, 1r4 série, p. 71). -

 Le spécimen le meilleur que l'on puisse citer de ce second type, — j'entends le spécimen le plus exactement daté, le plus heureusement exécuté et celui qui a dû avoir le plus d'influence, — se trouve, ainsi qu'il a déjà été dit, à Angers, dans les belles voûtes qui couvrent la nef de la cathédrale.

« Ces voûtes, d'une grande portée et d'une remarquable élévation (a dit M. d'Espinay), font l'admiration des architectes ; elles sont d'un puissant effet, d'un aspect imposant et majestueux » (1).

 Il y a un demi-siècle, Prosper Mérimée les décrivait ainsi : « La voûte est ogivale, renforcée d'épaisses nervures et de larges arcs-doubleaux. Partout les arcs, soit en ogive, soit en plein cintre, paraissent accompagnés du même ornement, deux tores avec une moulure chevronnée au milieu. Les arcs-doubleaux seulement présentent sur leur intrados une suite de riches rosaces à la place des moulures chevronnées » (2).

L'époque précise de la construction de ces voûtes est connue, et il n'y a pas lieu de tenir compte du passage de l'Architecture byzantine, où Félix de Verneilh a parlé du « silence des chroniques » en ce qui concerne la date de cette partie du monument. On possède un texte fort explicite, duquel il résulte que c'est à l'évêque Normand de Doué, — mort en 1153, après avoir occupé trois ans seulement le siège d'Angers, — que revient l'honneur de les avoir fait construire :

« MCLIII . iv° nonas maii (dit l'Obituaire de St-Maurice), obiit bonae mémoriae Normandus de Doë, episcopus noster, qui de navi ecclesiae nostræ trabibus pree vetustate ruinam

(1). Cf. ci dessus p. 124, note 2.

(2) PR. MÉRIMÉE, Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France, édit. de Bruxelles, 1837, p. 332. -

 

minantibus ablatis, voluturas lapideas miro effectu sedificare cœpit, in quo opere 800 libras de suo expendit » (1).

Nous citerons comme autres exemples :

1° Deux des églises secondaires de l'ancienne abbaye de Fontevrault : — Saint-Lazare, qui sert aujourd'hui d'infirmerie, et Saint-Benoît, qui sert de brasserie, — l'une et l'autre antérieures peut-être (?) de quelques années à la nef de la cathédrale d'Angers (1) ; — 2° le bras du transept du, côté de l'épître de l'ancienne abbatiale d'Asnières; — 3° les deux travées centrales du chœur de la cathédrale de Poitiers ; — 4° une partie de la nef latérale de l'église Saint-Laon à Thouars (Deux-Sèvres) ; ;— tous ces monuments ou parties de monuments, postérieurs incontestablement, de même que la nef de la cathédrale d'Angers, aux voûtes du carré et du bras gauche du transept de l'église de Mouliherne, dont nous avons parlé dans le paragraphe précédent (3).

 

3c TYPE. — Dans les provinces de l'Ouest, plus encore que dans les autres parties de la France, les moulures de la seconde moitié du XIIe siècle ne sont pas identiques à douze ou quinze ans de distance. — En Anjou et dans la région circonvoisine, la nervure quadrangulaire-bitorique que nous avons constatée vers 1150-1153, nous apparaît transformée dans les monuments des environs de 1170. Le bandeau placé entre les deux tores de la nervure est devenu saillant, il s'est...

(1) Cf. MARCHEGAY ET MABILLE, Chroniques des églises d'Anjou, p. 192, note. — G. d'EsPINAY, apud Congrès archéologique de France, xxxvme session (Angers, 1871), p. 24. — L. de FARCY, Construction de la cathédrale d'Angers, apud Congrès archéologique de France, XXXVIIIe session3 p. 254. — G. d'EspiNAY, Notices archéologiques, lra série, p. 92. — CÉLESTIN PORT, Dictionnaire historique de Maine-etLoire, tome i, p. 52. — Gallia christiana, éd. Hauréaa, t. xiv, col. 543, 569 et 570.

(2) On ne montre pas aux touristes les anciennes églises de Saint-Lazare et de Saint-Benoît. Pour les visiter, il faut une autorisation spéciale du directeur de la prison. 1.

(3) Cf. ci-dessus p. 122-123.

 arrondi comme ses deux voisins, mais en les dépassant en ampleur. La partie postérieure de la nervure reste toujours à l'état de massif carré, mais la partie antérieure, détachée de la précédente par deux gorges placées à droite et à gauche, devient un composé de trois tores, celui du milieu plus volumineux et plus saillant que les deux autres. — Je demande la permission de donner à ce type de nervure le nom de tritorique.

La voûte que supportent ces nervures a la même disposition d'appareil que celle du 2e type Plantagenet. Le nombre des nervures est également le même que dans le 2e type : les quatre branches de la croisée d'ogives, rien de plus. Ce 3e type est uniquement caractérisé par ses moulures.

Nous en citerons comme exemples :

À Angers, le transept de l'église de la Trinité ;

A Saumur, le chœur et les bras du transept de l'église de Saint-Pierre ;

A Poitiers, les bas-côtés du chœur de la cathédrale ;

A Bressuire, la nef de l'église Notre-Dame;

A Parthenay, le chœur de l'église Ste-Croix.

.....

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