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PHystorique- Les Portes du Temps
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10 mars 2019

Charte d’Henri II Plantagenêt pour les levées de la Loire et des Turcies

Le douzième siècle doit être considéré comme une époque mémorable pour Saumur et la Vallée d'Anjou. C'est vers le milieu de ce siècle [1150] qu'une grande crue de la Loire, secondée peut-être par la résistance de petites digues déjà élevées sur la rive droite, vint en changer le cours et le fixer pour longtemps.

Dans cette inondation la Loire- s'éleva très-haut : abandonnant son ancien lit au pied du coteau septentrional, elle se porta avec impétuosité sur les prairies de sa rive gauche, et s'y fraya une nouvelle route depuis les environs de Saint-Patrice jusqu'au-dessous de Saumur, où , après avoir coupé la prairie d'Offard , elle vint se précipiter dans la Vienne.

Alors les petites rivières du Doil, du Lenne, et plusieurs ruisseaux, qui jusqu'alors avaient débouché dans la Loire, suivirent le lit qu'elle abandonnait, et formèrent l'Authion, nom qui rappelle l'origine de cette rivière, car les paysans de cette contrée appellent encore un Authion, soit une mare , soit un cours d'eau, formés momentanément par les ploies ou par les débordements des rivières.

Cette grande révolution dans le cours du fleuve en fit naître une autre dans la construction des Levées ; souvent négligées et quelquefois tout-à-fait abandonnées.  

Les trois rivières, la Loire, la Vienne et le Thouet, se trouvaient alors réunies dans un même lit, un peu au-dessous de l'abbaye de Saint - Florent près Saumur;  il était important de les y fixer pour toujours, afin de ne plus être exposé par de nouveaux changements à tous les maux qu'on avait si souvent éprouvés.

 Vers 1154. — Privilèges et avantages accordés par Henri, roi d’Angleterre, à tous ceux qui habiteraient les levées de la Loire pour travailler à leur entretien. (Sans date. — Cartul. rouge de St-Florent de Saumur, f° 95, r°).

 

Le comte d'Anjou, Henri II, roi d'Angleterre (36), vint à Saumur dix à douze ans après ce grand évènement (1161). Il avait été plusieurs fois témoin des malheurs causés par les inondations fréquentes de la Loire et des autres rivières; il prit la résolution d'y remédier.

Ce prince crut avec raison que l'un des meilleurs moyens était d'achever promptement la Levée, et que pour y parvenir il fallait la peupler ainsi que la Vallée. Il fit venir des troupes qu'il obligea à travailler avec les habitants, et , pour les attacher au pays , il leur accorda plusieurs privilèges , et les dispensa du service militaire lorsque leurs bras seraient indispensables aux travaux des Levées.

L'ordonnance qu'il rendit à cet effet dans la prairie de Saint-Florent mérite d'être connue ; l'original, écrit en latin, était autrefois dans les archives de l'abbaye de Saint - Florent (37), en voici la traduction :

 

«Henri, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquitaine, comte d'Anjou, à l'évêque d'Angers, et à tons ses hommes et fidèles sujets de l'Anjou et de la Touraine, salut :

 «Sachez qu'en l'honneur de la sainte et indivisible Trinité, et de la glorieuse vierge Marie, pour le salut de mon âme et celui  de mes parents trépassés et à venir, j'ai voulu, sur la prière de l'évêque, des abbés, chanoines, barons et chevaliers, que la levée fût habitée.

Et en conséquence, parce que j'ai vu et reconnu les maux et dommages que la Loire occasionnait dans la Vallée, touché de compassion, j'ai choisi dans mes troupes à pied et à cheval, un certain nombre d'hommes, auxquels j'enjoins d'habiter sur les Levées; et je déclare qu'à l'avenir je n'exigerai d'eux aucun service militaire ordinaire.

Mais, s'il arrive que moi ou mes successeurs dans le comté d'Anjou les commandent pour quelqu' expédition, ils marcheront ensemble, réunis sous la même bannière ; et ce, seulement dans le cas où le comte d'Anjou commanderait son armée en personne.

Cependant, en considération de mes serviteurs préposés à la garde des Levées, j'ordonne qu'ils seront employés à tous les travaux que l'on jugera nécessaires. En faveur du don que j ‘accorde par les présentes, j'ai voulu savoir quels avantages les propriétaires de  la Vallée feraient à leur vassaux.

Sur ce, il a été  convenu,  en ma présence , que tous ceux de leurs hommes qui habitent sur les bords du chemin qui traverse l'Anjou , en côtoyant la Loire , seront tenus de se rendre sur les Levées et d'y travailler, excepté les militaires et serfs féodaux , et seront affranchis des corvées tant d'hommes que de bêtes de charge et de voiture, et de tous repas de coutume.

Ceux qui doivent le terrage et la dîme, et sont obligés de les conduire jusqu'aux lieu  indiqués par leurs seigneurs et jusqu'à leurs granges, seront seulement tenus de les amener en gerbes dans l'intérieur de la Vallée et non au –delà.  Le cultivateur, en avertissant le terrageur le matin, sera tenu de l'attendre jusqu'à midi, et si le terrageur ne se présente pas à l'heure de midi, alors le cultivateur, après avoir fait constater l'appel qu'il lui aura fait le matin, sera libre de laisser les gerbes dans le champ; et, si le cultivateur avertit le terrageur vers midi , il sera tenu de l'attendre jusqu'au soir, et si celui-ci ne se présente pas le soir, le cultivateur sera autorisé, après avoir fait constater l'avertissement fait par lui , à laisser sur le même champ la dîme un le terrage.

Si quelques habitants de la Vallée ou d'ailleurs ont quelques contestations avec les hommes employés aux travaux des Levées, leurs seigneurs seront tenus de venir les juger sur les Levées; et, s'ils refusent de s'y transporter, mes préposés aux Levées auront la charge de les juger.

«Il a été convenu de plus que tous ceux qui fixeront leur domicile sur les Levées seront exempts de toute espèce d'impôts envers leur seigneur, excepté trois qui lui seront dus dans les cas suivants:

1° Lors de l'admission de son fils aîné à l'ordre de chevalerie;

2° Lors du mariage de sa fille aînée;

3° Lorsqu'il faut payer la rançon du seigneur.

Si les habitants des Levées font entr'eux quelqu'achat ou vente d'objets mobiliers, ils ne seront assujettis à aucune taxe de coutume pour raison de ce trafic ; quant aux marchands étrangers, ils seront tenus de payer les droits accoutumés pour ces mêmes objets qu'ils auraient achetés des habitants des Levées.

 D'après ces principes ainsi voulus et établis, et desquels il ne peut résulter de très-grands avantages , il est arrêté que chacun des habitants paiera deux deniers de cens son seigneur, pour la maison dans laquelle il aura fixé son domicile , et que les seigneurs qui percevront ce sens en rendront l'échange au seigneur suzerain.

 

 

Il est enfin arrêté que, si quelques serfs viennent à s'établir sur les Levées, ils ne devront aucun droit à  leur seigneur, pas mémé les quatre deniers pour leur capitation; tant qu'ils habiteront les Levées »

Signatures des témoins: «Froger, abbé de Saint-Florent; A .... , abbé de Bourgueil; Jean, sous-doyen de Saint-Martin-de-Restigné; Guillaume de Montsoreau; Guillaume son fils; Joscelin Rognard ; Ulger de l'Isle - Bouchard ; Aimeric de Savary ; Aimeric d'Avoir. »

Et de la cour royale : « Guillaume, comte d' Arondel ; Richard de Humet, connétable, Étienne de Tourre, Chambellan.  

Fait dans la prairie de Saint-Florent en Vallée».

 

Quoique cet édit soit sans date, on peut cependant savoir en quel temps il a été fait, puisqu'au nombre des témoins qui l'ont signé on trouve Froger , abbé de Saint - Florent, élu le 2 juin 1160, mort le 12 janvier 1173.

Rien ne pouvait contribuer pins efficacement à l'achèvement de la Levée, que l'établissement d'un corps de militaires qu'on peut considérer comme des vétérans auxquels le roi donnait une sorte de retraite. A cette époque, l'exemption du service militaire était d'autant plus précieuse qu'il durait presque toute la vie, parce 'que la guerre était, pour ainsi dire , perpétuelle, soit entre les princes , soit entre les barons , et que les vassaux et arrière-vassaux étaient tenus de prendre les armes sur le premier appel que leur faisaient les seigneurs immédiats ou suzerains.

Cette chartre nous apprend que les cultivateurs devaient rendre les terrages et dîmes au domicile de leurs seigneurs et décimateurs. Une telle obligation devait être bien onéreuse pour les habitants de la Vallée, qui relevaient pour la plupart de châteaux ou clochers situés sur le coteau méridional. En les obligeant seulement à celle d'avertir le décimateur, et de l'attendre l'espace de six heures sur le champ où les gerbes avaient été formées, Henri  donnais le plus puissant encouragement  à ces cultivateurs, et les disposait ainsi, par leur propre intérêt, à remplir la tâche qui leur était imposée de travailler  à la Levée.

C'est en exécution de cet édit que les seigneurs firent bâtir dans la Vallée, pour y déposer leurs gerbes, toutes ces granges qui existent encore aujourd'hui, telles que la grange de Trèves, celles de Cunault, de la Dîme, de la Couronne, etc.

 L'article qui concerne le nouveau mode de rendre la justice aux habitants des Levées présente encore de grands avantages, qu'il est facile d'apprécier pour peu qu'on se rappelle l'ancienne organisation des justices seigneuriales, et les difficultés que le passage des rivières occasionnait souvent pour se transporter à jour nommé aux chefs-lieux des seigneurs justiciers.

Enfin, on sait que, dans ces temps-là, les seigneurs exigeaient arbitrairement des impôts de tous leurs vassaux et sujets. Leur suppression ou limitation à un modique cens, sauf trois cas extraordinaires, formait un privilège bien précieux en faveur des habitants de la Vallée et de tous ceux qui s'établirent sur les Levées.

En mettant ta main à l'œuvre en vertu de cette chartre, on aura sans doute conservé tout ce qui  avait été fait par les habitants depuis plusieurs siècles, et les nouveaux travaux auront commencé par la réunion des petites digues qui restaient encore isolées; car les alignements multipliés que l'on remarque  aujourd'hui dans la Levée prouvent qu'ils n'ont jamais été coordonnés à un système général.

Les angles saillants et rentrants, les replis tortueux qu'elle forme dans son ensemble et dans ses détails, prouvent aussi qu'elle fut d'abord établie, comme nous l'avons dit, en autant de parties qu'il y avait de propriétés à garantir contre les  inondations.

Cependant, si l'on examine avec attention les plus grandes directions de cette digue, l'on reconnaîtra que, malgré leur irrégularité, il existe néanmoins un mode réfléchi dans les positions respectives de chaque partie ; et que les courbes, soit simples, soit doubles , qui réunissent les principaux alignements, ne sont que des raccordements successifs et postérieurs des portions construites séparément.

 

 

 

Turcie de Loire Vidimus et confirmation par le Roi, du mois de juin 1365.

Extraits des cartulaire et chartes de Bourgueil, f° 71 V 'coll. Gaignères,Lat. 17127.

Loys fils du Roy de France, conte d'Anjou et du Maine, seigneur de Montpellier, et lieutenant de Monseigneur en nosd. contés et en Touraine et es parties d'environ, à tous ceulx qui ces presentes lectres verront, salut.

Savoir faisons à tous presens et à venir nous avoir veu les lectres saines et entieres en seel et en escripture cy-dedans incorporées, contenant la forme qui s'ensuit :

Henricus………….

Et comme les habitans de lad. Turcie, especialement des villes et parroisses de Rosiers, de Saint-Martin de la Place, de Saint-Lambert, de Ville-Bernier, de Varennes, de Chozé et de la Chapelle blanche, et des autres paroisses, villages et estasiers appartenans et habitanz à lad. Turcie entre Loyre et grand chemin ou chemin comme 1’en va de Tours à Angers, et des le port de Sourges jùsques à La Flanniere, nous aient monstré et supplié que combien que ilz tiengnent lad. Turcie en estat, à grans travaulx et couz, sanz laquelle le païs de Valée ne pourroit estre sauvez, ains seroit perdu, tout non contrestant les officiers et seigneurs du pays ne lours laissent joyr paisiblement desd. privileges, ne n'ont laissié ou temps passé mesmement durant les guerres, nous voulsissions ratifier et confirmer lesd. privileges et faire joïr lesd. habitans d'iceulx paisiblement sur lesquelles choses Nous, voulans proceder meurement, avons fait faire bonne et solempnee informacion, laquelle raportée nous avons fait veoir à grant deliberation de nostre conseil par laquel nous appareu que lesdiz habitans tiennent et tousjours ont tenu lad. Turcie en estat à grans couz et mises, et si ce n'estoit, tout le païs de Valée seroit perdu si comme dit est, et que ilz ont tousjours ce fait entierement et acompli, par laquelle lesd. privileges leur furent donnez; pour quoi Nous, eue consideration aux choses dessusd. eu conseil et deliberation à ce, lesd. lectres et tout ce que est contenu en ycelles aïanz fermes, estables et agreables, de nostre grace espicial et de l'auctorité et puissance à nous sur ce donnée et commise de par nostredit seigneur et de la nostre, voulons, louons, greons et ratifions et approuvons, et par la teneur de ces presentes confirmons et voulons que elles soient tenues de point en point, non obstant touz usages ou exploix faiz au contraire par quelque forme ou personne que ce soit.

 Si donnons en mandement à nostre seneschal d'Anjou et du Maine et au baillif de Touraine ou à leurs lieuxtenans, et à tous autres justiciers, officiers, sergens, commissaires et subgez de nostred. seigneur et de nous qui sont ou pour le temps seront, que de nostre presente grace, don et confirmacion dessusd. facent et laisent joïr et user paisiblement d'ores en avant lesd. habitanz, sanz metre en ce aucun empeschement ou contredit, non obstant quelconque chouse que l'on leur ait fait ou temps passé au contraire; lesquelles choses et chacune faictes au contraire nous revocons, et du tout en tout adnullons parces presentes.

Et pour ce que ce soit ferme et estable chose à tousjours Nous avons fait -mettre nostre grant seel en ces présentes, sauf en autre chose nostre droit et l'autruy en toutes.

Donné en nostre chastel de Chinon, l'an de grace mil ccc cinquante et sept, ou moys de mars.

 

Construction de la levée de la Loire, la première « turcie » du Val de Loire d’Henri II Plantagenêt <==.... ....==> Histoire de l'Anjou et du Maine-et-Loire; La construction des ponts sous Plantagenêt (Henri II et Aliénor d’Aquitaine)

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