Saint-Mexme de Chinon - le siège du général Ægidius (Bas-empire Romain et haut Moyen Âge)
Vers l’an de Notre-Seigneur 461, Théodoric, roi des Visigoths, envoya le prince Frédéric, son frère, pour s’emparer de Chinon. Celui-ci prit la ville après un siège assez long et qui lui coûta grand nombre de ses meilleurs guerriers ; mais attaqué, selon le témoignage de Marius, évêque d’Avenches, entre les rivières de Loire et de Loiret, proche d’Orléans, par Aegidius, général romain, qui était Comte de l’une et l’autre milice, le roi des Visigoths fut vaincu et perdit la vie dans le combat.
Aegidius, sans plus tarder, entre en Touraine et se dirige vers Chinon, dont il forme le siège. Les habitants des terres environnantes, saisis d’effroi à son aspect, fuient et vont se renfermer dans les murs de la ville. Ils y sont reçut par Maxime, disciple de Saint-Martin, apôtre de Chinon, venu en ce lieu pour y répandre les lumières de la foi et y fonder un monastère. De tous côtés on se prépare au combat ; on court aux armes ; les guerriers ceignent leur épée, attachent au bras leur bouclier, et pleins d’une ardeur martiale ils volent à l’ennemi ; mais celui-ci était déjà prêt à les recevoir : leur choc ne l’ébranle pas, la lutte s’engage, continue : le succès est douteux, enfin Aegidius s’écrie :
« Soldats, regardez devant vous, Romains et Francs, que j’ai l’honneur de commander, vous que le Rhône n’a pu arrêter, vous laisserez-vous décourager par ce ruisseau ! »
Il dit : et ses troupes s’élancent, traversent la Vienne, et sont en peu d’instant au pied des murailles de Chinon ; les assiégés refoulés se voient contraints de se retrancher dans la ville ; ils y rentrent en désordre. Aegidius ordonne à ses troupes de camper sur le penchant de la colline, dans le lieu même où vécut jadis, loin du bruit des camps, Jean-le-Reclus.
Non content d’intercepter la Vienne, le général romain voulant ôter aux assiégés tout moyen de prolonger une résistance à laquelle il ne s’attendait point, fait combler le seul puits qui fournit alors de l’eau aux ennemis, et attend en repos le résultat de ses ordres.
Sept jours s’écoulent, les grains mis en réserve sont épuisés, une soif ardente se joint à la faim. Le peuple se répand dans les rues, les places sont encombrées de guerriers se trainant à peine, et pour comble de maux, un soleil brûlant darde ses rayons sur la tête de ces infortunés, qui, poussés à bout par tant de souffrances, errent çà et là, demandant du pain, criant qu’ils veulent se rendre, que les ponts-levis doivent être baissés, les portes ouvertes, et que dût le vainqueur les passer au fil de l’épée, mieux vaut la mort qu’une telle vie ! Découragés, sans force, les gardes sont près de céder.
Désespérés, ceux-ci se jettent du haut des murs qu’ils avaient juré de ne point abandonner, et leurs corps affaiblis par la souffrance viennent se briser aux pieds des assiégeants ; ceux-là, servant ainsi les vues d’Aegidus, tournent contre eux-mêmes une arme qu’ils n’eussent dû employer que contre les ennemis, tandis que d’autres, importunés des plaintes de l’enfance qui meurt, étouffent des derniers accents de leur fils ! Cependant, émus d’une pitié guerrière, les soldats d’Aegidus font retentir le camp de leurs murmures ; ils demandent qu’on les mène à l’assaut, et qu’un dernier effort éteigne avec la vie la résistance et les douleurs du peuple de Chinon.
Ferme dans son dessein, le général refuse ; un morne silence succède aux cris ; l’obéissance est le premier devoir du soldat.
Soudain, un moine parait sur les murailles de la ville. Ce moine, c’est Maxime, le disiple de Saint-Martin, l’apôtre de Chinon.
« Peuple, et vous soldats, s'écrie-t-il, cessez de tourner contre vous vos propres armes ; apaisez vos plaintes, tarissez la source de vos larmes, le Seigneur a pitié de vous : dans sa miséricorde il a résolu de mettre un terme à vos maux, et de vaincre pour vous. Le soleil disparait à l'horizon, rentrez dans vos demeures et priez ! demain , au point du jour, le Dieu des armées aura dispersé au loin vos fiers ennemis, il les aura balayés comme la poussière que le vent répand dans les airs. Peuple de Chinon, et vous soldats, rentrez dans vos demeures et priez ! »
La nuit répand son ombre sur tous les objets.
Les rues de la ville, si pleines de monde il n'y a qu'un instant, sont maintenant désertes ; on n'entend plus que les cris de : « Sentinelles, prenez garde à vous! » qui viennent de loin à loin, rompre le silence uniforme dans lequel est plongée la place assiégée. Pendant que tous ces infortunés cherchent un repos qu'ils appellent en vain, Maxime est humblement prosterné devant l'autel du Seigneur. Semblable à la flamme de la lampe du chœur, sa prière veille seule, et seule s'élance vers Dieu. Il invoque Martin, le saint guerrier, et ne s'aperçoit des heures qui fuient, que lorsque le crépuscule du matin, perçant à travers les vitraux, vient répandre dans le sanctuaire une lueur incertaine.
Il se lève alors : les portes de l'église sont ouvertes, et le peuple se précipite dans le saint lieu.
Un guerrier s'avance, porteur d'une pique, d'un bouclier, d'une cotte de mailles.
« Maxime, dit-il, tu nous a promis la victoire, viens donc à notre tête et guide-nous. Prends en main ce fer, saisis ce bouclier, couvre-toi de cette -armure! »
Maxime sourit à ces paroles : « Reprenez, répond-il, ces dons que vous m'offrez : ce ne sont point là les armes d'un prêtre du Seigneur ! Retournez, prenez avec vous les coupes de vos repas et suivez-moi ! » Une heure après, le peuple et les soldats sont réunis sur la place de Chinon. Maxime est au milieu d'eux ; « Regardez le ciel, s'écrie-t-il, là est votre espérance ! »
L'horizon, en effet, ne tarde pas à se couvrir de nuages, qui épars d'abord, se réunissent ; poussés par un vent frais, ils se balancent un instant indécis, puis enfin s'arrêtent au-dessus de Chinon.
Le soleil se voile, une obscurité bénite se répand au loin: « Soldats et peuple, s'écrie Maxime, montrant la croix, soldats et peuple, élevez vos coupes au-dessus de vos tètes, et remerciez celui dont la main prodigue répand sur vous ses trésors ! »
Et tandis qu'assiégeants et assiégés, déposant les armes, ont cessé de combattre, par un curieux contraste, les nues s'agitent, s'écartent, se choquent, et se livrent une lutte violente ; bientôt elles se brisent, s'entr'ouvrent avec un bruit terrible, et versent dans la coupe des habitants altérés de Chinon des torrents de l'eau la plus pure.
La foudre retentit : répétée par les échos de la colline, elle va rouler au milieu des soldats d'Ægidius, les éclairs brillent ; Francs et Romains effrayés, également saisis d'une terreur soudaine, jettent leurs armes et repassant à la hâte la Vienne, s'éloignent avec effroi du théâtre de leur désastre.
En vain le général les rappelle, en vain il veut les réunir, tous fuient : le camp retentit d'un long cri de rage, la ville retentit d'une solennelle actioa de grâces.
C'est ainsi qu'à la voix d'un ministre du Seigneur fut délivrée la ville de Chinon !
A la mort de Maxime, en reconnaissance de la vie qu'ils lui devaient, les habitants de cette cité le choisirent pour leur patron et lui élevèrent un mausolée au milieu de l'église de Saint-Mexme, où ses cendres reposèrent pendant onze siècles, jusques au jour où dans leur fureur et leur sombre fanatisme, les Calvinistes les en arrachèrent pour les jeter aux vents, après avoir renversé et brûlé le temple qui les contenait.
S'il faut en croire le témoignage de Grégoire de Tours, que nous n'oserions prendre sur nous de confirmer, des miracles sans nombre furent dus par la suite à l'intercession de Maxime, et les malades qui lui furent redevables de leur guérison, entrèrent dans le monastère qu'il avait fondé à Chinon, vouant ainsi à Dieu la vie qu'il leur avait rendue.
Ce monastère jouissait de droits assez étendus, ses revenus étaient considérables, et des usages curieux s'y établirent peu à peu qui ne s'éteignirent qu'avec le couvent.
Ainsi, quel que fut le rang qu'occupât le prêtre officiant, les répons ne se prononçaient qu'aux grand'messes seulement.
Une tradition locale nous apprend de plus, que les Goret descendaient en ligne directe de saint Mexme, de sorte que les membres de cette famille, par suite d'un ancien usage qui subsistait encore vers 1700, se rendaient une fois par an, sur l'invitation formelle des chanoines de Chinon, le jour de la fête du Saint, à l'église collégiale où ils entendaient l'office à des places qu'eux seuls avaient le droit d'occuper.
Depuis la célèbre victoire due aux prières de saint Mexme, la fortune d'AEgidius l'abandonna complètement. Childéric, que les Francs avaient déposé pour mettre à sa place le général romain, étant de retour d'un exil qui avait duré huit années, employa l'ardeur de ses sujets contre celui-ci, qui fut chassé de Cologne. Trêves fut également prise et brûlée. AEgidius appela alors à la défense des villes situées au-dessus de la Loire, les troupes auxiliaires des Saxons, commandées par leur roi Odoacre ; mais étant mort en 464, on nomma à sa place le comte Paul, qui fut attaqué et défait par Childéric près d'Orléans.
Ce dernier, comme on le sait, mourut lui-même en 482, au retour d'une expédition contre les Allemands. Vers 470, Euric, roi des Visigoths, ajouta le Berry aux provinces qu'il possédait déjà dans la Gaule, savoir : le Languedoc et la Guyenne, et étendit ses conquêtes presque jusques à la Loire.
Chinon, soumise aux Visigoths, lors de l'attaque d'AEgidius, demeura donc en leur pouvoir bien longtemps après et jusques au moment où Amalaric, fils d'Alaric II, ayant été tué dans un combat contre Clovis, laissa pour successeur Theudis, qu'on soupçonne être l'auteur de sa mort. Ce dernier, vaincu par Childebert qui s'empara du Languedoc vers 531, se retira en Espagne, abandonnant tout ce que ses prédécesseurs avaient possédé dans la Gaule. Au nombre de ses états, Childebert comptait déjà le Berry ; nous sommes donc autorisé à penser, malgré le silence des historiens à cet égard, que Chinon, qui de même que le Languedoc et le Berry appartenait aux Visigoths, tomba entre les mains de ce prince avec ces deux provinces.
Chinon et Agnès Sorel / par A. Cohen
VOYAGE DANS LE TEMPS DE CHINON ET DE NOTRE HISTOIRE <==.... ...==> SANCTUS MAXIMUS CAINONIS LIBERATOR 446 (Saint-Mexme de Chinon) à la paroisse aux 21 clochers Ste Jeanne d’Arc en Chinonais