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PHystorique- Les Portes du Temps
23 février 2019

Retour de la campagne d'Egypte, Napoléon débarque à Fréjus - PACIFICATION DE LA VENDEE (Napoléon Ier auteur du texte)

retour campagne d'Egypte Napoléon débarque à Fréjus - PACIFICATION DE LA VENDEE

18 BRUMAIRE.

Lorsqu'une déplorable faiblesse et une versatilité sans fin se manifestent dans les conseils du pouvoir; lorsque, cédant tour à tour à l'influence de partis contraires, et vivant au jour le jour, sans plan fixe, sans marche assurée, il a donné la mesure de son insuffisance, et que les citoyens les plus modérés sont forcés de convenir que l'Etat n'est plus gouverné; lorsque enfin à sa nullité au dedans l'administration joint le tort le plus grave qu'elle puisse avoir aux yeux d'un peuple fier, je veux dire l'avilissement au dehors, alors une inquiétude vague se répand dans la société, le besoin de sa conservation l'agite, et, promenant sur elle-même ses regards, elle semble chercher un homme qui puisse la sauver.

Ce génie tutélaire, une nation nombreuse le renferme toujours dans son sein; mais quelquefois il tarde à paraître.

(1) Les deux chapitres suivants sont reproduits ici d'après le texte du général Gourgaud (Mémoires de Napoléon, etc. édition de 1830, t. VI, p. 49 à 144.)

 

En effet, il ne suffit pas qu'il existe, il faut qu'il soit connu; il faut qu’il se connaisse lui-même. Jusque-là toutes les tentatives sont vaines, toutes les menées impuissantes; l'inertie du grand nombre protège le gouvernement nominal et, malgré son impéritie et sa faiblesse, les efforts de ses ennemis ne prévalent point contre lui. Mais que ce sauveur impatiemment attendu donne tout à coup un signe d'existence, l'instinct national le devine et l'appelle, les obstacles s'aplanissent devant lui, et tout un grand peuple, volant sur son passage, semble dire : Le voila!

I

Telle était la situation des esprits en France, en l'année 1799, lorsque, le 9 octobre (16 vendémiaire an vin), les frégates la Muiron, la Carrère, les chebecs la Revanche et la Fortune, vinrent, a la pointe du jour, mouiller dans le golfe de Fréjus. Dès qu'on eut reconnu des frégates françaises, on soupçonna quelles venaient d'Egypte. Le désir d'avoir des nouvelles de l'armée fit accourir en foule les citoyens sur le rivage. Bientôt la nouvelle se répandit que Napoléon était à bord. L'enthousiasme fut tel, que même les soldats blessés sortirent des hôpitaux, malgré les gardes, pour se rendre au rivage. Tout le monde pleurait de joie. En un moment la mer fut couverte de canots. Les officiers des batteries, les douaniers, les équipages des bâtiments mouillés dans la rade, en fin tout le peuple, assaillirent les frégates; le général Perreimond, qui commandait sur la côte, aborda le premier : c'est ainsi qu'elles eurent l'entrée. Avant l'arrivée des préposés de la Santé, la communication avait eu lieu avec toute la côte.

Manifestations enthousiastes qui accueillent l'arrivée de Napoléon l, Fréjus.

L'Italie venait d'être perdue, la guerre allait être reportée sur le Var, et dès lors Fréjus craignait une invasion; le besoin d'avoir un chef à la tête des affaires était trop impérieux; l'impression de l'apparition soudaine de Napoléon agitait trop vivement tous les esprits pour laisser place à aucune des considérations ordinaires; les préposés de la Santé déclarèrent qu'il n'y avait pas lieu à la quarantaine, motivant leur procès-verbal sur ce que la pratique avait eu lieu à Ajaccio. Cependant cette raison n'était pas valable, c'était seulement un motif pour mettre la Corse en quarantaine; l'administration de Marseille en fit, quinze jours après, l'observation avec raison. Il est vrai que, depuis cinquante jours que les bâtiments avaient quitté l'Egypte, aucune maladie ne s'était déclarée à bord, et qu'avant leur départ la peste avait cessé depuis trois mois.

Sur les six heures du soir, Napoléon, accompagné de Berthier, monta en voiture pour se rendre à Paris.

Les fatigues de la traversée et les effets de la transition d'un climat sec à une température humide décidèrent Napoléon à s'arrêter six heures à Aix. Tous les habitants de la ville et des villages voisins accoururent en foule, et témoignaient le bonheur qu'ils éprouvaient de le revoir. Partout la joie était extrême : ceux qui des campagnes n'avaient pas le temps d'arriver sur la route sonnaient les cloches et plaçaient des drapeaux sur des clochers; la nuit ils les couvraient de feux. Ce n'était pas un citoyen qui rentrait dans sa patrie, ce n’était pas un général qui revenait d'une armée victorieuse, c’était déjà un souverain qui retournait dans ses Etats…….

 

 

 

 

 

 

 

 

PACIFICATION  DE LA VENDÉE(1).

 

La première Vendée était-elle anglaise? Non. Elle a été clans le principe toute populaire; elle était le mouvement spontané d'une population nombreuse, composée d'hommes simples et ignorants, qui, séparés de toute civilisation et du reste de la France par le défaut de grandes communications et surtout par les circonstances des localités impénétrables de leur pays, ne connaissaient d'autres lois que le respect à la religion, à la royauté, à la noblesse. Les avantages de la liberté, la suppression de la féodalité, ceux résultant des décrets de l'Assemblée nationale, ne flattèrent point leurs passions; ils ne virent dans les lois nouvelles que des attaques à la religion de leurs pères et à l'ancienne monarchie, à laquelle ils devaient leur affranchissement. Du moment où ils comprirent le danger de l'autel et du trône, ils se levèrent en masse.

(1) Cette dictée est reproduite ici d'après le texte du général Montholon, Mémoires de Napoléon, etc. t. V, p. 175, édit. de 1830.

 

Cette insurrection fut spontanée, comme le mouvement qui porte à défendre son patrimoine.

La conspiration de La Rouarie est l’ouvrage des nobles du Poitou et de la Bretagne; elle avait pour but le rétablissement de l'autel, du trône et de la noblesse. La religion et les paysans seraient ses auxiliaires et ses instruments; son champ de bataille, les cinq provinces de l'Ouest: la Normandie, la Bretagne, le Maine, l'Anjou et le Poitou. Dès 1791, les prêtres non assermentés préparèrent les éléments de la Vendée.

En 1792, les mandements des évêques émigrés réfugiés à Londres, ceux de leurs grands vicaires résidant dans les diocèses, les prédications des curés et des missionnaires se refusant au serment de fidélité à la constitution civile du clergé; mais, bien plus encore, la haine générale contre les prêtres intrus, avaient exalté les imaginations populaires, particulièrement dans la Vendée et dans les Deux-Sèvres.

A la mort de La Rouarie, des conjurés, effrayés de la possibilité de la découverte de leur complot, précipitèrent leurs opérations dans la Vendée : l'explosion fut terrible; elle eut des succès parce qu'elle était imprévue. La noblesse s'empara de l'élan des paysans, et ces malheureux devinrent les instruments de la féodalité et de la politique anglaise. De là découlèrent tous les maux qui ont affligé cette belle partie du territoire français.

La Vendée a constamment présenté deux aspects : ses villes, ses bourgs, en communication facile depuis longues années avec les autres villes de l'intérieur, manifestèrent dès le principe des opinions favorables à la révolution; les campagnes, au contraire, livrées aux croyances héréditaires, restèrent, à toutes les époques, dévouées aux idées monarchiques. Un rapport du député Gallois à la Convention, relatif il des pièces enlevées par la garde nationale de Cholet, démontre à l'évidence que l'esprit des paysans vendéens avait été de longue main disposé à l'insurrection, qu'il existait une scission complète entre les campagnes et les villes, et que, dans celles-ci même, la scission était manifeste entre les propriétaires de biens-fonds, les marchands et les ouvriers.

Cet état de choses changea, mais insensiblement et par le seul effet du contact de ces masses ignorantes avec la civilisation nouvelle. Le consulat pacifia la Vendée, parce qu'il était un premier pas vers une réorganisation monarchique, et que le Premier Consul, protecteur des prêtres réfractaires lorsqu'il n'était encore que le vainqueur d'Italie, donnait à cette population fanatique l'espérance de lui devoir le rétablissement du culte. Le Concordat réalisa cet espoir. L'Empire éteignit les derniers restes de la Vendée; et, en 18 4, on vit 6,000 paysans de ces contrées, entourés à la Fère-Champenoise par des forces décuples, se battre en héros pour la cause de Napoléon, et préférer la mort à rendre leurs armes aux alliés de ces mêmes princes pour lesquels ils avaient pendant six ans résisté à tous les efforts de la République. L'héroïsme de ces braves prouve que la grande réconciliation des Français avait été opérée par Napoléon, et que la France de 1814 n'était plus la France de 1793.

Si l'ouverture des routes dans les campagnes est un grand bienfait de toute administration, indispensable au développement de l'agriculture et du commerce, elle n'est pas d'une moindre importance pour les progrès de la civilisation, de ces connaissances salutaires, de cette communauté d'intérêts qui donnent à une nation l'aspect et l'esprit de famille. Elle est également nécessaire à l'ordre et à la sûreté publique. La Vendée, pacifiée sous le consulat, fournil à L'Empire d'héroïques défenseurs.

Aucune  révolte, quelles qu'en soient la cause ou les ramifications, ne peut résister à la répression du gouvernement, quand les communications sont faciles avec et entre les points de l'insurrection. La guerre de la Vendée, celle de la chouannerie, n'auraient jamais été sérieuses si les départements de l'Ouest avaient été percés de routes, comme le sont les provinces de l'est de la France. Les Vendéens, éclairés comme les peuples de la Bourgogne, seraient accourus au-devant de la commotion qui anéantissait les débris de la servitude féodale et assurait l'indépendance et les droits politiques des Français. Une bonne administration eût prévenu tant de malheurs. La guerre civile, le plus grand fléau des peuples, n'aurait pas souillé pendant six années le sol du Poitou, de l'Anjou, de la Bretagne, et fait couler sous des armes françaises des flots de sang français.

 Sans la Vendée, sans ces masses soulevées et armées au nom de Dieu et du roi pour combattre la liberté, la Convention n'aurait pas eu de prétexte pour ordonner ou sanctionner tant de crimes; et l'on pourrait soutenir, avec force, que les moteurs de l'insurrection vendéenne sont coupables d'attentat contre les prêtres et les nobles des autres provinces françaises, en attirant chaque jour sur ces deux classes non la rage, mais la vengeance révolutionnaire. La Vendée n'a point combattu sous l'étendard royal; son armée s'est proclamée Armée catholique; elle s'est levée sous l'étendard de la foi.

La guerre de la Vendée se divise en trois époques; elle a été soutenue par deux armées distinctes : l'une, l'armée catholique, l'autre, l'armée des Chouans.

Le grand vicaire de Luçon ordonna à ses curés de s'opposer a l'admission des intrus, de conserver ou de tenir des registres doubles des actes de l'état civil, de frapper d'excommunication, comme concubines, les femmes mariées par les intrus, de repousser, comme bâtards, les enfants nés de ces mariages, et de refuser à ces impies les derniers sacrements.

Le fanatisme du paysan de la Vendée, ignorant et superstitieux, était mûr pour une guerre civile. Six semaines après la mort de Louis XVI, et quinze jours seulement après le décret de la Convention qui ordonnait une levée de 3oo,ooo hommes, l'insurrection éclata à Cholet; le tocsin sonna dans toute la Vendée.

Au milieu de leurs succès, les Vendéens organisèrent un gouvernement. L'évêque d'Agra (1), se disant vicaire apostolique, les vicaires généraux de Luçon et d'Angers, quelques chefs des premières levées, composèrent ce qu'on appela le conseil suprême.

Les premiers actes de ce gouvernement annoncèrent ce qu'il était et ce qu'il devait être par la suite : son but, le rétablissement de l'autel et du trône. «  Nous n'avons pris les armes que pour soutenir la religion de nos pères, que pour rendre à notre auguste souverain, Louis XVII, l'éclat et la solidité de son trône et de sa couronne... Le ciel se déclare pour la plus sainte et la plus juste des causes; le signe sacré de la croix de Jésus-Christ et l'étendard royal l'emportent de toutes parts sur les drapeaux sanglants de l'anarchie... La France, succombant sous une affreuse anarchie, reconnaît enfin la vérité du principe : UNE FOI, UN ROI, UNE LOI. Nos biens, notre liberté, notre sûreté reposent à l'abri de l'unité sacrée de l'autel et du trône. Toute division de pouvoirs est un principe de désolation : saint Paul l'a ainsi prononcé... L'unité monarchique est représentée par un généralissime qui est un, par un conseil supérieur, principe de l'unité tutélaire de la monarchie. »

 

(1) L'abbé Guyot de Folleville.

 

Son action, elle devait être toute militaire : la dictature tombe dans la main des prêtres. Ce sont eux qui appellent au combat, qui dirigent les colonnes; le premier chef, le premier généralissime de ces intrépides paysans, est le plus pieux d'entre eux, Cathelineau; après lui, c'est le comte de Lescure, le comte de Bonchamp, non moins pieux, non moins braves, mais gentilshommes, qui sont appelés au commandement.

Cependant le sacerdoce conserve son influence; ce n'est que dans les revers que les généraux commencent à devenir indépendants. C'est à l'envie de se soustraire à la dictature ecclésiastique que l'on doit attribuer le passage de la Loire a -Varades, la plus funeste (les opérations militaires. C'est de cette époque que datent les dissensions entre les généraux vendéens.

Tout es les ordonnances du conseil supérieur de la Vendée, ont pour premier objet les intérêts du clergé : l'évêque d'Agra intime aux prêtres l'ordre de revenir dans leurs paroisses et de se mettre en relation directe avec lui. Les ventes des biens du clergé sont annulées dans tous les pays que la victoire soumet momentanément au pouvoir de l'armée catholique. La possession de ces biens est enlevée violemment aux acquéreurs. Les fermages doivent être payés aux fabriques des paroisses. Cependant le conseil supérieur n'ose pas prononcer le rétablissement de la dîme; il en réfère au régent; il se borne à ordonner aux curés d'en constater la valeur, et à inviter les fidèles à la paver en nature. La circulation des assignats occupe la sollicitude du conseil ; ceux à l'effigie royale auront seuls cours sans visa ni signature de ses préposés. Les paroisses nourriront les veuves et les enfants des Vendéens tués pour la cause sainte. Les justices seigneuriales reprendront leurs fonctions; les tribunaux républicains cesseront immédiatement les leurs. Les règlements de police imposent un serment de fidélité au conseil supérieur; ils condamnent à une double contribution tout individu qui ne prêterait pas serment dans un délai fixé, après lequel ils le bannissent et confisquent ses biens. Enfin, les propriétés, dans l'étendue de sa domination, de tout ce qui remplit en France une fonction publique, depuis le député, l'administrateur, le juge et le général, jusqu'au dernier soldat, lui répondent des actes hostiles à la cause de la Vendée et à ses défenseurs.

Le conseil supérieur organise ainsi par ses décrets le pillage et la dévastation des propriétés de tous les Français qui ne servent pas dans les rangs de ses armées. Il ne s'en tient pas la : il méprise les lois de la guerre, et proclame à l'envi, de concert avec les cannibales de la terreur, cet affreux système de représailles qui a rendu cette guerre célèbre par ses cruautés.

Dans les six premiers mois de la Vendée, du 10 mars au 17 octobre, on n'y voit qu'une domination, celle du sacerdoce : la Vendée n'était point encore anglaise. Cependant la Vendée a été soumise, dès les premiers moments, à une influence indirecte de l'étranger. Hérault de Séchelles, Bazire, Chabot, l'ont favorisée par les mesures qu'ils ont fait décréter; ils étaient vendus aux intrigues des puissances alliées; ils ont payé de leur tête leur trahison à la cause de la liberté.

Depuis le passage de la Loire à Varades et la bataille de Savenay, la Vendée a-t-elle été anglaise? Oui, directement et indirectement. Directement, le fait est prouvé. Elle a reçu de l'Angleterre de l'argent, des munitions, des secours de toute espèce, excepté en hommes. Elle a été en communication active avec Londres; d'Elbée lui-même, qui s'y était longtemps refusé, reconnut enfin la direction de l'Angleterre, et lui obéit.

Le Comité de salut public, de la fin de 1792, a sans doute contribué, par la mission de Carrier et les ordres incendiaires dont celui-ci était porteur, à donner une nouvelle activité à l'insurrection; mais cette mission et ces ordres étaient-ils le résultat du système de terreur qui dominait la France, ou l'effet des intrigues étrangères, dont le but premier était la destruction des Français par les Français et l'affaiblissement de la nation? L'Europe a si souvent sacrifié la cause des Bourbons dans les traités qu'elle a signés avec la République ou l'Empire, qu'elle a donné à la postérité le droit de douter de la sincérité de son manifeste, quand elle prit les armes pour soutenir le trône de saint Louis.

Un fait incontestable, c'est que Courtois, rapporteur du procès de Robespierre, a soustrait la plus grande partie des pièces relatives à la Vendée; c'est que Carrier, rappelé de Nantes après le 9 thermidor, fut dénoncé pour être traduit au tribunal révolutionnaire; qu'il livra aux meneurs sa correspondance, ses instructions secrètes, et qu'il échappa ainsi au danger qui le menaçait; plus tard il fut condamné, mais par l'effet de la réaction.

La seconde Vendée, ou la reprise d'armes de Charette, Stofflet et autres généraux vendéens ou chouans, en violation des traités de la Jaunaye et de la Mabilière, fut concertée entre Pitt, ses agents et les comités royalistes de l'intérieur. Charette a reçu des armes, des munitions de guerre et de l'argent de l'Angleterre ; il a été en communication avec le régent plus intimement qu'avec le comte d'Artois.

Après le 9 thermidor, trois partis royalistes bien distincts se formèrent à Paris; ils eurent des ramifications étendues et se traversèrent mutuellement dans les départements de l'Ouest.

1°  L'agence espagnole : Izquierdo, Tallien et quelques membres de la Convention. Le rétablissement de la royauté en France avait été présenté au cabinet de Madrid comme le motif de sa pacification avec la France. On avait été plus loin : « la régence ne pouvait être déférée qu'à un Bourbon d'Espagne, l'infant don Antonio, frère du roi. »

2° L'agence des comités royalistes de Paris: Lemaitre, Des Pommelles, l'abbé Brottier, Lavilleheurnoy, Duverne de Presles. Elle correspondait avec le régent par l'entremise du comte d'Entraigues en Italie. Elle intriguait à Paris; elle déjouait, dans les provinces de l'Ouest, les mesures de Puisaye et de l'agence anglaise; elle opposait Charette à Stofflet, Cormatin (1) à Puisaye.

Si les Vendéens et les Chouans du Maine et de Fougères ne firent pas à temps leur mouvement, si l'expédition de Quiberon échoua par le défaut de la coopération de tous les chefs vendéens, c'est à cette agence qu'il faut l'imputer. Le comte d'Entraigues voyait avec douleur l'éloignement où l'Angleterre tenait le régent de la Vendée, et les refus continuels du cabinet de Saint-James de lui permettre de se mettre à la tête de ses fidèles sujets. Il pensait que cette politique, vainement déguisée sous le masque de la prudence, avait pour but d'écarter le régent des affaires. Il essaya d'établir des communications plus intimes entre le régent et Charette. Les comités royalistes de Paris ont rarement agi sans les ordres précis de d'Entraigues, ou ceux qui leur étaient transmis par le comte d’Avaray. Lemaitre a payé de sa tête, après le 13 vendémiaire, son opposition à la faction espagnole. Des documents curieux à cet égard ont figuré à son jugement et ont été soustraits depuis.

 

(1) Desotteux, baron de Cormatin.

3° Enfin l'agence anglaise : Puisaye et ses correspondants à Paris et en Normandie. L'Angleterre fit des efforts à Quiberon; tout ce que pouvait créer la puissance de l'argent fut employé par elle. Pitt était financier, administrateur, homme d'état, mais il n'était pas général. L'expédition de l'Ile dieu, entreprise à la fin de la saison, devait échouer.

La guerre de la Vendée se divise en trois époques. Elle a été soutenue par deux armées agissant sous des directions différentes : l'une, l'armée catholique; l'autre, la chouannerie. Toutes deux ont fait en réalité la guerre pour les intérêts de l'Angleterre.

Enfermés dans leurs bois et dans leurs marais, les paysans de la Vendée n'avaient, comme on l'a déjà dit, d'autre religion que le roi, leurs nobles et leurs curés. L'ignorance des gentilshommes et des prêtres, presque égale à celle de leurs vassaux, formait de chaque paroisse une seule famille, dont les nobles étaient les chefs, et les prêtres les conseils. Aussitôt qu'ils apprirent le jugement du roi, les massacres de la noblesse et du clergé, se voyant ainsi attaqués dans tous les objets de leur culte, ils s'indignèrent.

Le décret du 25 février 1793, par lequel la Convention ordonna une levée de 300,000 hommes, décida de leur révolte. Ils jurèrent tous de mourir plutôt que de servir la République.

Ces mouvements n'éclatèrent d'abord que dans les campagnes, à Bressuire et à Châtillon; les villes partagèrent l'impulsion du reste de la France.

Des missionnaires républicains envoyés dans les campagnes furent écoutés du peuple, aussi longtemps qu'ils n'eurent d'autre but que de lui prouver les avantages qu'il retirerait de la révolution, qui abolissait les dîmes, les corvées, les droits féodaux, etc. mais du moment où ils dirent que le roi était un tyran, les nobles les ennemis de la patrie, les prêtres des imposteurs, la religion un mensonge, l'exaltation du peuple ne connut plus de bornes, et les prédicateurs de l'anarchie purent à peine se dérober à la fureur populaire. Le scandale fut plus grand encore lorsque le gouvernement voulut remplacer les curés par des prêtres assermentés, et que les prêtres insermentés, poursuivis, traqués, pour ainsi dire, dans toute la domination républicaine, se réfugièrent dans la Vendée. Ils y furent reçus comme des martyrs. La face de ces provinces devint encore plus théocratique, et la haine des paysans prit le caractère d'une haine sacrée, qui n'était que trop légitimée par les plus cruels excès.

L'institution des gardes nationales servit la Vendée; elle donnait au peuple le droit de s'armer, de s'organiser militairement et de nommer ses officiers. Les Vendéens les choisirent tous parmi leurs anciens seigneurs, auxquels ils étaient accoutumés d'obéir. Malgré les décades et l'abolition des fêtes, ils faisaient célébrer la messe les fêtes et dimanches, et se rendaient en armes à l'église pour défendre, disaient-ils, la maison du Seigneur et leur bon curé.

Jusqu'alors les nobles n'ont fait que suivre, et avec peu d’ardeur, le mouvement populaire. Ils ne furent pas les premiers à prendre les armes. Un riche artisan, nommé Delouche, maire de Bressuire, donna le signal de l'insurrection armée. Il avait eu l'imprudence de publier la loi martiale contre de chauds patriotes qui voulaient le contraindre à prendre des mesures de rigueur; obligé de fuir, il courut les campagnes, ameuta les paysans et se trouva bientôt à la tête de 1,500 insurgés.

La guerre civile commença. Au lieu de se porter aussitôt sur Bressuire, il marcha sur Châtillon, qui avait été évacué par les autorités. Le 24 août, il se présenta devant Bressuire, où étaient accourues les gardes nationales des villes environnantes. Le combat ne fut point un instant indécis : les insurgés, abandonnés de leurs chefs, se mirent en déroute. Le commandant des patriotes voulut haranguer les prisonniers; il leur dit : "Ce n'est pas à vous qu'en veut la République, c'est à vos officiers; ils vous ont trompés. Criez Vive la nation! et vous serez libres. — Non, Monsieur, s'écrièrent-ils; on ne nous a pas trompés, et c'est Vive le roi! que nous voulons crier. - Ils périrent courageusement. Une longue guerre devait suivre de l'héroïsme de ces braves paysans.

Dans ce temps, la levée de 300,000 hommes fut proclamée.

Les réquisitionnaires s'enfuirent dans les bois. Un perruquier, nommé Gaston, se mit à la tête de quelques-uns d'entre eux, tua de sa propre main un officier républicain, se décora de ses épaulettes, souleva plusieurs paroisses et se porta sur l'île de Bouin pour se mettre en communication avec la flotte anglaise. Mais, dans sa marche, il fut arrêté par deux bataillons républicains; il les attaqua avec impétuosité, ne consultant que son courage, et il tomba criblé de balles. Ses paysans prirent la fuite et se débandèrent. Cet événement, de peu d'importance sous le rapport militaire, est remarquable, en ce qu'il prouve la part que, dès cette époque, les Anglais avaient dans les affaires de la Vendée. Gaston agissait certainement en vertu d'instructions et d'un plan au moins projeté.

Son secret est mort avec lui : c'est une lumière importante qui échappe sur les commencements et surtout sur la cause de cette guerre. Cet homme était digne d'un meilleur sort; soit auteur du projet d'occuper File Bouin, soit instrument de la politique anglaise, il était homme de cœur. Ainsi, jusqu'à présent, ce sont deux artisans, Delouche, faiseur de poêles à Bressuire, et Gaston, perruquier, qui ont formé et commandé les premiers rassemblements. Delouche avait plusieurs gentilshommes sous ses ordres : c'était de la république royale.

La haute Vendée se souleva également contre la levée de 3oo,ooo hommes.

Le 10 mars 1793 le mécontentement se manifesta dans le Maine, la Normandie, l'Anjou, la Bretagne. 1 0,000 hommes se présentèrent en armes devant Nantes; mais, grâce à l'imbécillité du chef royaliste et à la vigueur des généraux républicains, cette menace fut sans effet; l'insurrection fut dissipée, et la levée eut lieu.

Il n'en fut pas de même à Saint-Florent-le-Vieil, petite ville sur le bord de la Loire, à 8 lieues d'Angers. Les jeunes gens appelés au tirage assaillirent les administrateurs; la garde courut aux armes et fit feu sur eux; plusieurs furent tués, mais la masse s'élança sur une pièce de canon et s'en empara; elle assomma les gendarmes à coups de bâton, brûla les papiers du district, et célébra par des orgies celle victoire. Après cet exploit, les vainqueurs disparurent. C'était assez pour exalter la jeunesse; aussi va-t-on voir commencer une véritable campagne, celle de 1793, et c'est encore un paysan qui lève l'armée royale et la rallie sous le drapeau.

La commune du Plessis-en-Mauge avait eu ses représentants parmi les vainqueurs de Saint-Florent. Quatre jours après, un voiturier de ce village, nommé Jacques Cathelineau, comprit le parti qu'on pouvait tirer de cette victoire; il courut les campagnes, harangua les paysans et les appela aux armes: bon nombre le suivirent. Il sentait le besoin d'un succès, et se porta dans leur première ivresse sur le château de Jallais, dont il se saisit. Il marcha ensuite sur Chemillé, chef-lieu de canton, où 5oo républicains avaient pris position avec de l'artillerie. Il les força, les mit en déroute, et forma dès lors le noyau de l'armée vendéenne avec les paysans dont il venait de couronner les premiers efforts, et avec les quatre pièces de canon qu'il avait enlevées à Jallais et à Chemillé.

Les homogènes s'attirent en révolution comme en physique.

A la nouvelle de la victoire remportée par Cathelineau, Stofflet. garde-chasse, lui amena 2,000 paysans de Maulévrier. Stofflet était un ancien soldat d'un régiment suisse. Un nommé Forêt. ancien domestique d'un émigré, qui s'était fait dans son village une réputation pour avoir tué un gendarme, lui amena également 700 hommes.

Tels furent les cadres de trois corps d'armée commandés, l'un par un garde-chasse de M. de Colhert-Maulévrier, l'autre par un domestique, et le tout par un voiturier, qui devint généralissime.

Celui-ci avait reçu de la nature la première qualité d'un homme de guerre, l'inspiration de ne jamais laisser se reposer ni les vainqueurs ni les vaincus.

L'affaire de Saint-Florent est du 4 mars; le 14 il quitta son village, réunit 200 hommes, et prit Jallais et Chemillé: le 15 il marcha sur Cholet avec une armée.

Cholet est une ville de 3,000 habitants, à 12 lieues de Nantes et d'Angers. Elle est destinée par sa position à jouer dans cette guerre un rôle malheureux; elle est la première ville du Bocage, où tant de combats vont avoir lieu. Elle était défendue par 7 à 800 hommes et une forte artillerie. L'attaque fut intrépide de la part des Vendéens; ce fut un vrai hourra.

Leur succès fut complet. Ils trouvèrent dans Cholet quatre pièces de campagne ,600 fusils et des munitions. Il est à remarquer qu'il n'y eut dans ce combat qu'un gentilhomme de tué, le marquis de Beauveau, qui était dans les rangs des patriotes.

 Le principal trophée de la prise de Cholet fut une superbe pièce de canon que Louis XIII avait donnée au cardinal de Richelieu. Les Vendéens la nommèrent Marie-Jeanne et attachèrent depuis à sa possession une espérance et une confiance superstitieuses.

 Chaque peuple a sa Marie-Jeanne. Le palladium des anciens, les boucliers de Numa, les reliques des modernes, les épées de la chevalerie, la Durandal, étaient autant de Marie-Jeanne : c'est le cachet du véritable fanatisme. La possession ou la défense de ces objets, devenus sacrés, rendaient les soldats invincibles. Les hommes simples, à qui il n'est point donné de concevoir la grandeur et la puissance de la Divinité, trouvent d'eux-mêmes des intermédiaires qui leur servent de repos entre le ciel et eux. L'idolâtrie n'eut pas d'autre origine, ainsi que les apothéoses et les béatifications. Les Vendéens traitèrent le canon de Louis XIII comme un de leurs patrons; ils le couronnèrent de fleurs et le couvrirent de rubans.



A saint Florent le VIEIL le 12 mars 1793 commença l'épopée vendéenne, la guerre de géants

" En 1793, la France faisait front à l'Europe, la Vendée tenait tête à la France. La France était plus grande que l'Europe ; la Vendée était plus grande que la France. " Victor Hugo Le 21 septembre 1792, la Convention nationale décrète l'abolition de la royauté.

Un canon surnommé la Marie-Jeanne pendant la guerre de Vendée (Photo Dernier Panache Puy du Fou) -

Connaissez vous un canon surnommé la Marie-Jeanne pendant la guerre de Vendée ? un canon calibre douze, initialement cadeau du roi Louis XIII au cardinal de Richelieu et qui est devenu un Symbole des armées vendéennes.

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