Sur les bords de la Charente, là où ses ondes sont dormeuses, s’élève sur la rive droite un abrupt coteau surmonté d’une vaste terrasse garnie d’une balustrade en pierre. Sur ce large plateau surplombant sur les maisons du bourg, étagées sur la rive et qui se serrent encore autour de l’ancien castrum comme pour réclamer son appui, une vielle tour ébréchée vient témoigner de la haute importance de Taillebourg dans les guerres du moyen âge.
Le nom de Taillebourg est gaulois et franck ; il est formé des syllabes tall, tail, grand, haut, élevé, et burg, d’où burgus, bourg.
Le château de Taillebourg, si célèbre dans l’histoire, a dû subir de nombreuses vicissitudes. Par sa position presque inexpugnable et commandant par sa situation le cours de la Charente, il a supporté des fortunes fort diverses.
Possédé par de puissants seigneurs, dominant un pays riche et fertile, convoité par les rois de France et d’Angleterre et se trouvant limiter leurs possessions, il a été brûlé, saccagé maintes fois et chaque fois rebâti. A ses pieds, d’ailleurs, commençait ce pont en pierre qui traversait la Charente et se continuait dans la prairie en partie submergée de Saint-James par la fameuse chaussée qui existe encore de nos jours.
Au temps des Gaulois et sous l’occupation romaine, Taillebourg, nommé peut-être simplement Tail, était un vicus, placé sur la voie de Mediolanum à Muro, de Saintes à Muron. On retrouve des traces de cette antique voie dans celle qui est appelée encore aujourd’hui l’ancien chemin de Taillebourg sur la rive gauche de la Charente ; puis la voeir qui passait à Ecurat, à Saint Saturnin et à Saint-James, venait déboucher sur la prairie ou devait exister, à la place de la jetée actuelle, un pont en bois.
Les localités que nous venons de nommer sont très riches en monuments celtiques :
Dans les bois de Dreux était placé un collège des Druides ; çà et là, des dolmens, des tumulus, des tombelles sont des preuves irrécusables de la faveur dont ces contrées jouissaient dans l’esprit de nos aïeux.
Taillebourg se trouvait donc être le point de jonction des deux routes, l’une conduisant à la côte, l’autre se perdant par Mazeray, Saint-Julien de Lescap, avec les routes des pagi de Varaise et de Saint-Martin de la Coudre.
Le castrum de Taillebourg me semble avoir été bâti dès les premières irruptions dans le fleuve des pirates Saxons.
En l’an 800, Charlemagne défit les Sarrasins dans les bois des héros, entre Saintes et le castel de Taillebourg. La dite bataille donna naissance à la légende suivante que Monsieur le Chanoine Fouché reproduit, dit-il, pour sa beauté. La voici :
Le lendemain les trouvèrent reprises et pleines d’écorces et de feuilles, ceux tant seulement qui pour l’amour de Jésus-Christ devaient mourir et recevoir martyre en cette bataille. Ceux qui leurs lances virent feuillues reprises furent moult liés de ce miracle, maintenant les coupèrent près de terre tous ensemble, se mirent dans une eschialle (bataillon) et se férirent les premiers dans la bataille, moult de Sarrasins occirent, mais à la parfin moururent en la bataille, martyrs pour l’amour de Notre-Seigneur.
Adoncques retourna Charlemaines en France ; et quant il eut ses osts assemblés il retourna en Espaigne et vint jusques devant la cité où Agoulant estoit : le siège mist entour, et assist Agoulant dedens et ses gens. Là fu entour six mois ; au septiesme fist drecier ses perrières et mangoniaux ; et ses truies fist fouir, ses chastiaux de fust venir et approchier des murs de la cité. Et quant Agoulant vit qu’il estoit en tel destroit, luy et les plus grans de son ost s’en issirent une nuit repostement par les chambres privées et trespassèrent le fleuve de Gironde qui près de la cité couroit.
En telle manière eschapa à celle fois Agoulant des mains Charlemaines ; lendemain entrèrent en la cité, les Crestiens à grant joie. Des Sarrasins qui furent trouvés en la cité les uns furent occis et les autres s en fouirent par le fleuve de Gironde. Mais toutes voies en y eut-il d’occis plus de dix mille. Puis vint Agoulant et sa gent jusques à la cité de Xaintes qui estoit el commandement des Sarrasins.
Charlemaines ala après et luy manda qu il luy rendist la terre et la cité. Mais Agoulant remanda qu’il ne la rendroit point ; mais s’il voulloit bataille, il l’auroit par tel convent que la cité feust à celuy qui vaincroit. D’ambedeux pars fu la bataille octroyée.
Mais le jour devant que les eschièles des Chrestiens feussent rangiées et ordonnées devant les héberges, pour combatre, avint une merveilleuse chose ès prés qui sont entre la cité et un chastel qui a nom Taillebourc. Là fichèrent aucuns leurs lances en terre devant les tentes ; lendemain les trouvèrent reprises et pleines d’escorces et de feuilles ceux tant seullement qui pour l’amour de Jhésu-Crist devoient mourir et recevoir martire en celle bataille. Celluy meisme miracle estoit jà avenu en une autre bataille si comme l’istoire l’a dessus racompté.
Ceulx qui leurs lances virent foillues et reprises furent moult liés de ce miracle ; maintenant les coupèrent près de terre, tous ensemble se mistrent en une eschiele et se férirent les premiers en la bataille ; moult de Sarrasins occistrent, mais à la parfin moururent-ils en bataille, martirs pour l’amour de nostre Seigneur ; si furent ceulx qui furent occis environ quatre mille.
En celle bataille fu Charles à si grant meschief que son cheval fu soubs luy occis, et fu-il moult empressé par la force des païens. Son cuer et sa force reprist avec sa gent à pié se férit en eux par grant vertu, et en fist moult grant occision ; et à la parfin les Sarrasins ne peurent endurer sa force ; ains guerpirent la bataille et s’enfouyrent en la cité ; et Charlemaines les suivit et assegia la cité de toutes pars fors par devers le fleuve.
Lendemain, ainsi comme après mienuit, se mist Agoulant à la fuite, par devers le fleuve qui a nom Charente. Mais Charles et sa gent qui bien les aperceurent les enchascièrent ; et en tel enchaus fu occis le roy d’Agaibes et le roy de Bougie, et environ quatre mille des autres Sarrasins.
Lors déguerpit Agoulant la terre de Gascongne, les pors passa et vint en Pampelune.
Notice Historique sur le Château de Taillebourg <==.... ....==> La Charente de Taillebourg à Angoulême, les raids des Vikings. (Histoires d'Eaux et de Régions)