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PHystorique- Les Portes du Temps
3 août 2018

Aliénor d'Aquitaine protectrice des Troubadours et Trouvères

La culture intellectuelle est en honneur dans le Poitou, Aliénor d'Aquitaine protectrice des troubadours et trouvères

(photo château-fort de Saint-Jean-d'Angle)

Les comtes-ducs et leurs vassaux, les évêques et les abbés contribuent à cet épanouissement de la vie intellectuelle. Avant que les Capétiens aient créé leur « librairie » du Louvre, Guillaume le Grand a fondé la bibliothèque de son palais de Poitiers, dont les rivales sont celles de l'Ecole épiscopale et de l'abbaye de Maillezais.

Les Guilhem et leur héritière Aliénor attirent auprès d'eux les savants, les lettrés et les artistes, s'intéressent à leurs travaux, appellent aux dignités ecclésiastiques et séculières les plus capables. Ils ont fait de Fulbert de Chartres, le type des beaux esprits du xie siècle, un trésorier de Saint-Hilaire, du philosophe Gilbert de la Porrée un évêque de Poitiers, de même que le mari d'Aliénor, Henri II, fera de l'humaniste Pierre de Blois un chancelier de Sicile et un archidiacre de Londres. Ils font résumer par Pierre de Thouars les connaissances scientifiques de leur temps. Ils protègent les troubadours et se glorifient de manier aussi bien qu'eux la langue de la poésie. Guilhem VII a pu inaugurer brillamment la lignée des poètes de la langue d'oc. La fille de ce Guilhem VIII, dont le troubadour Marcabrun avait obtenu le patronage, Aliénor, protège elle-même le prince de la poésie romane, Bernard de Ventadour.

La fille d'Aliénor, Marie de Champagne, a été la protectrice du troubadour Ricaut de Barbezieux et de Chrétien de Troyes.

Les fils de la dernière duchesse d'Aquitaine, Henri le Jeune, Geoffroi, Richard Cœur de Lion ont brillé dans les cercles poétiques, comme dans les tournois, ont stimulé par leur générosité et par leur exemple l'émulation des poètes de la langue d'oc. Leurs vassaux et vassales, les Ebles de Ventadour, les Hugues de Lusignan, les Savari de Mauléon, les Marie de Turenne, les Marguerite d'Aubusson prennent place dans ce chœur de lettrés ou d'inspirateurs et de protecteurs des lettres, et contribuent au splendide essor de la poésie romane. L'Eglise et les princes de la dynastie poitevine encouragent également les travaux des savants. Membres du haut clergé, comtes-ducs, grands vassaux, tous sont enfin les promoteurs de cette renaissance artistique qui a couvert le Poitou de chefs-d'œuvre.

La culture intellectuelle est en honneur aussi bien dans la classe aristocratique que dans le clergé et que dans la bourgeoisie naissante. Le Poitou possède alors des Ecoles de haut enseignement, qui sont nées et qui prospèrent à l'ombre des cathédrales et des cloîtres monastiques, à Saint-Hilaire, à SaintPierre, à Notre-Dame de Poitiers, ainsi qu'à Maillezais. Des maîtres illustres, Fulbert de Chartres, Gilbert de la Porrée, Geoffroi de Mauléon y attirent la foule des auditeurs. Auprès d'eux, se forment de futurs chefs d'églises, archevêques, évêques, patriarches, des canonistes, des théologiens, des professeurs, des sermonnaires, quelques hommes de science. On enseigne dans ces écoles la théologie, la philosophie ou dialectique et les belles-lettres.

Les femmes, elles-mêmes, s'intéressent à ces études, et Poitiers au XIIe siècle a son Héloïse dans la savante Adelige, nièce de l'archidiacre de Saint-Hilaire.

De ce milieu cultivé sortent des chroniqueurs, tels que Guillaume de Poitiers et Richard le Poitevin, moine de Cluni, dont la curiosité s'attache au récit des grands événements de leur temps, tandis que des annalistes plus obscurs, ceux de Maillezais et de Saint-Maixent, s'appliquent avec une patience érudite à conserver les souvenirs des faits de l'histoire de leur province. D'autres hommes d'Eglise s'efforcent à exploiter le domaine de la théologie et de la métaphysique. Le Poitou apparaît à cette époque comme un foyer de libre recherche. Abélard plonge par son ascendance paternelle en pleine terre poitevine.

Au XVe siècle déjà, le progrès des doctrines manichéennes inquiète un moment les penseurs orthodoxes poitevins. Les deux tendances se font jour en effet. D'un côté, se trouve le célèbre hérésiarque Bérenger de Tours, élève de l'école de Poitiers. De l'autre, est l'école traditionaliste, épiscopale et clunicienne, qui condamne l'hérétique dans le concile tenu au chef-lieu même du Poitou.

Ce dualisme persiste au XIIe siècle. Les théologiens conservateurs s'enorgueillissent des études de l'abbé de l'Etoile, Isaac, et de celles du futur chancelier de l'Ecole épiscopale de Paris, Pierre de Poitiers qui fut surnommé l'un des quatre labyrinthes, c'est-à-dire des plus profonds esprits de la France. Mais auprès d'eux, de libres esprits sont hantés de la noble ambition de concilier la raison avec la foi. Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, ancien collègue d'Abélard aux écoles de Chartres, ancien chef de l'Ecole épiscopale poitevine et rival de gloire du célèbre docteur breton, ainsi que de son émule Guillaume de Champeaux, se heurte au dogmatisme âpre et autoritaire de saint Bernard, mais n'en ouvre pas moins la voie par son oeuvre de philosophe chrétien à la vaste synthèse du docteur angélique, saint Thomas d'Aquin.

D'autres clercs s'illustrent par leur talent de sermonnaires, de moralistes ou d'humanistes.

Raoul Ardent, un Parthenaisien, élève de l'Ecole poitevine, est l'un des plus éloquents prédicateurs de ce temps. Pierre de Poitiers, qui fut grand-prieur de Cluny, peut être compté parmi les meilleurs poètes latins du XIIe siècle. Trois courants distincts se dessinent dans la vie intellectuelle des classes populaires et aristocratiques. Tandis que le latin reste la langue des clercs, le dialecte poitevin, variété de la langue d'oil, se forme dans le peuple, sans parvenir encore au rang de langue lettrée. Mais dans l'aristocratie, c'est l'idiome méridional qui triomphe. La féodalité poitevine, à l'exemple des comtes-ducs, parle de préférence la sonore langue d'oc.

Elle accueille avec une faveur persistante les troubadours et les jongleurs. C'est dans l'atmosphère des châteaux que s'épanouit avec les Guilhem VII, les Marcabrun, les Bernard de Ventadour, avec les princes poètes de la lignée d'Aliénor et leur rival Bertran de Born, cette poésie romane dont l'épanouissement rappelle celui d'une plante de serre chaude. Elle reflète les passions, les sentiments et les idées de l'aristocratie poitevine, sa sensualité, sa bravoure, sa légèreté brillante, sa curiosité d'esprit, son insatiable vanité. Variant à l'infini les formes poétiques, ingénieuse et subtile, elle multiplie pour lui plaire ses chants d'amour, de fête et de guerre, ses satires et ses jeux empreints de préciosité. Elle est comme le miroir de cette civilisation du Poitou, où la société chevaleresque, qui y tint une si large place, vécut surtout pour les raffinements du plaisir et l'enivrement des combats. Le foyer poétique qui brilla dans l'Aquitaine illumina de son éclat ou du moins réchauffa de sa flamme le reste de la chrétienté.

Ce mouvement littéraire contribua à adoucir, dans l'Ouest et le Midi d'abord, puis dans le reste de la France, les habitudes et les rapports sociaux.

La poésie des troubadours, à laquelle le Poitou fournit tant d'aliments, répandit par degrés le nouvel idéal de l'amour courtois, le sentiment des vertus chevaleresques, le goût d'une métaphysique sentimentale, subtile et raffinée, qui fit contrepoids à la grossièreté et à la licence des mœurs. Elle introduisit dans la vie des hautes classes plus de douceur, de dignité et de délicatesse. Elle ne changea pas assurément le fond brutal et rude de la société féodale, mais elle en transforma l'apparence et lui donna certains des dehors d'une société civilisée.

Cette floraison littéraire et scientifique s'accompagne d'une résurrection de la vie artistique.

Aucune autre époque de l'histoire du Poitou n'a dépassé par l'éclat de l'art le XVe et le XIIe siècle.

Le goût du luxe et la générosité, aussi bien que la foi profonde, des princes, des féodaux, des corps ecclésiastiques et laïques, contribuent à couvrir la province d'une foule d'édifices, où se font jour l'ingéniosité, la fécondité d'invention et souvent l'originalité des artistes. Les résidences seigneuriales commencent à être aménagées avec plus de souci de l'élégance et du goût. Le palais des ducs d'Aquitaine à Poitiers, reconstruit en grande partie au XIe siècle, peut, avec sa hardie charpente, sa grandiose salle des gardes et sa belle chapelle, donner une idée de la magnificence des comtes-ducs. De même, le clergé ne se contente plus des frustes constructions du passé.

Au XIIe siècle, quand est construite l'abbaye de Fontevrault, la même préoccupation artistique apparaît, aussi bien dans le délicat cloître roman que dans la fontaine et même les cuisines de cet établissement monastique. A Poitiers, l'évêché et les maisons canoniales sont décorés, à l'époque de Gilbert de la Porrée, avec un souci de l'art inconnu jusque-là. On retrouve cette préoccupation dans toutes les constructions de cette période, spécialement à partir du milieu du XIe siècle.

La civilisation artistique du Poitou aquitain brille surtout pendant ces trois cents ans dans les nombreux monuments de l'architecture religieuse. C'est en pays poitevin, en effet, que s'est constitué le centre le plus brillant de l'art architectural roman.

 

Histoire de Poitou  / P. Boissonnade

Les romans des Chevaliers de la table ronde à la cours Henri II Plantagenet et Aliénor d’Aquitaine. <==.... ....==> La vie d’Aliénor d’Aquitaine (la pensée poétique et chevaleresque des troubadours)

 

==> Qu'est-ce qu'un troubadour, Qu'est-ce qu'un trouvère ?

==>Le Goliard Gautier Map raconte l'histoire de Lancelot du lac à Henri II et Aliénor d'Aquitaine.

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