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PHystorique- Les Portes du Temps
30 mai 2018

Légendes du Moyen-Age: Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent

Légendes du Moyen-Age Maillezais, Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent

Rabelais a cité ainsi dans le Pantagruel et le Gargantua, plus de cinquante noms de lieu poitevins, dont quelques-uns  désignent d'obscures bourgades, que seuls les hasards des voyages avaient pu signaler à son attention.

Cette connaissance de la topographie poitevine n'est qu'une parcelle du trésor de renseignements que son œuvre nous livre sur la flore, la faune, les productions, les moeurs, les traditions, les légendes, et le parler même de cette province du Poitou.

Les énumérations de victuailles, les menus des repas qu'il compose pour ses Géants comportent des produits du terroir poitevin, dont la renommée ne dépassait pas les frontières de la province : le vin de Ligugé ou celui de La Faye-Monjault  (Foye Monjault), les chapons du Loudunois, les châtaignes du bois d'Estrocs  dans le voisinage de la maison épiscopale de L'Hermenault.

 Ses catalogues de poissons et d'oiseaux comprennent des vocables qui n'avaient cours qu'en Poitou. Ici ce sont des oiseaux de rivière, très abondants dans le marais poitevin ; là, des poissons de l'Océan, qui remontaient les cours d'eau jusqu'aux environs de Maillezais et qu'il avait pu voir, les jours maigres, aux étaux des poissonneries ou sur les tables des couvents.

De chaque canton, de chaque ville de la province, il connaît les particularités et les productions spéciales. Il cite le Mirebalais pour ses ânes, fameux aujourd'hui encore ; pour ses moulins à vent ; pour ses « chandelles de noix)), sorte de pâte de noix pilées, d'où émergeait une mèche de chanvre.

Il fait venir de Châtellerault, dont l'industrie principale était la fabrication de la toile, les neuf cents toises d'étoffe nécessaires pour fabriquer la chemise de Gargantua. Il a poussé jusqu'aux confins de la province, jusqu'aux rives de l'Océan.

A Olonne-en-Talmondois, il a noté que le chanvre dépasse la hauteur d'une lance, par la vertu du « terroir, doux, uligineulx, legier, humide, sans froidure ».

A La Rochelle, le grand port de l'ouest depuis la découverte du Nouveau Monde, il a remarqué la grosse chaîne que l'on tendait entre les deux tours de Saint-Nicolas et de la Chaîne, qui se dressent à l'entrée du port.

Il a admiré la lanterne gothique, qui abritait au sommet d'une tour le fanal destiné à guider les navires en quête du havre.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (5)



Comment Rabelais a-t-il recueilli toutes ces notions locales?

Revêtu de son froc de bénédictin, il s'est mêlé au peuple, plus qu'aucun écrivain du temps. Il a su faire parler le picque-bœuf sur son sillon, l'artisan dans son ouvroir, le marchand à l'auberge. Il peut, à l'occasion, user de leur idiome dialectal, de leurs métaphores familières , de leurs jurons ordinaires.

Les personnages de son livre invoquent volontiers les saints qui étaient honorés en Poitou. Ici, par exemple, c'est saint Jago de Bressuire, saint Jacques, qui avait sous sa protection dans cette ville une aumônerie destinée aux malades pauvres et aux pèlerins de Compostelle ; là, c'est le « bras saint Rigomer », un reliquaire conservé à l'église de Maillezais depuis le début du XIe siècle et vénéré dans tout le Poitou ; ailleurs, c'est le bienheureux Goderan , abbé de Maillezais au XIe siècle.

Des serments plus vulgaires : rn'ai-rne ! (par mon âme), mer dé ! (par la mère de Dieu), inei-digué ! (forme atténuée du même serment), pé le quaudé ! (par le corps de Dieu), quelques vers d'un noël poitevin témoignent du commerce qu'avait Rabelais avec les bonnes gens du pays.

On se le représente volontiers mêlé à la cohue des rustres dans ces foires de Niort, de Saint-Maixent ou de Fontenay, dont il a fait mention dans son livre, observant, en artiste épris de mouvement et de couleur, les gens et les bêtes, notant les manèges des marchands et les âpres barguignages des acheteurs. Une des physionomies les plus truculentes de son œuvre, Dindenaut, le marchand de bestiaux s, a sans doute été dépeinte, de souvenir, d'après quelques individus rencontrés sur les champs de foire.

La jactance avantageuse de ce gros négociant qui traite de haut les clients de mauvaise mine comme Panurge, ses formules de civilité rustique, ses quolibets, ses facéties, tous ces traits, qui ne se rencontrent antérieurement dans aucune peinture de marchand, semblent bien avoir été pris sur le vif.

Rabelais s'est mêlé aussi à d'autres assemblées non moins bruyantes, celles qui se pressaient autour des échafauds où se jouaient des mystères, des farces ou des moralités.

Le premier quart du xvie siècle a vu l'apogée de cet art dramatique qui a été une des créations les plus originales du moyen âge. Les représentations théâtrales se multiplièrent alors en Poitou ; celles de Montmorillon, de Saint-Maixent et de Poitiers étaient fameuses.

 Elles excitaient un grand intérêt dans toutes les classes de la société. Les gens d'église, comme les laïcs, tenaient à honneur de figurer dans les mystères ; quelques-uns même jouaient un rôle bouffon dans les farces et les autorités ecclésiastiques devaient les rappeler au sentiment de leur dignité.

Or, c'est bien en Poitou que Rabelais semble avoir connu ces représentations dramatiques, auxquelles il fera de fréquentes allusions dans le Pantagruel et le Gargantua  et qu'il pourra décrire, au besoin, avec des termes du métier.

 Il énumère les plus notables des « diableries » poitevines, celles de Montmorillon, Saint- Maixent et Poitiers.

Il raconte une scène scandaleuse qui eut lieu à Saint-Maixent un jour qu'on y jouait le mystère de la Passion. Il décrit lui-même une « diablerie », c'est à-dire un cortège de diables, avec une rare précision  et place le lieu de la scène à Saint-Maixent, où sans doute il avait eu l'occasion de l'observer. Il doit donc au Poitou son initiation aux choses du théâtre.

Il s'est plu également à recueillir des contes du terroir et des anecdotes locales. Telle est, par exemple, cette historiette qui représente le poète Villon « retiré sur ses vieux jours » à Saint-Maixent, et y faisant jouer la Passion, en langage poitevin, à l'issue des foires de Niort.

Comme il cherchait à se procurer les habillements aptes aux personnages, le frère Étienne Tappecoue, secrétaire des Cordeliers du lieu, refusa de lui prêter une chape et une étole qui devaient habiller un vieux paysan représentant Dieu le Père. Villon, indigné de ce refus, décida d'en tirer vengeance. « Au samedy subséquent, il eut advertissement que Tappecoue sur la poultre du couvent (ainsi nomment-ils une jument non encore saillie) estoit allé en queste à Saint-Ligaire et qu'il seroit de retour sur les deux heures après midy. Adoncques feist la monstre de la diablerie parmy la ville et le marché. »

Puis il conduisit sa horde grotesque dans une maison de campagne sur le chemin de Saint-Ligaire. A peine Tappecoue y était-il arrivé que tous les diables, hurlant, sonnant de leurs cymbales et « jetant feu de leurs fusées et tisons », se précipitèrent au-devant de lui.

 

« La poultre toute effrayée se mist au trot, à petz. à bonds et au gualot, a ruades, fressurades, doubles pedales et petarrades ; tant qu elle rua bas Tappecoue, quoy qu'il se tint à i aube du bast de toutes ses forces. Les estrivières estoient de chordes : du cousté hors le montouoir son soulier fenestré estoit si fort entortillé qu'il ne le peut oncques tirer. Ainsi estoit trainné a escorche-cul par la poultre tousjours multipliante en ruades contre luy et fourvoyante de paour par les hayes, buissons et fossez. De mode qu'elle luy cobbit toute la teste, si que la cervelle en tomba pres la croix Osannière, …..

 

Légendes du Moyen-Age Maillezais, Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (37)

Cette légende était fort ancienne. Il semble que primitivement Mélusine ait été une divinité celtique, protectrice d'une source qui jaillit aux flancs de la colline de Lusignan Le christianisme ne parvint pas à chasser le souvenir de cette divinité bienfaisante.

Au moyen âge, une grande famille féodale, les Lusignans, qui s'illustrèrent aux Croisades, exploitèrent habilement cette légende en faisant de Mélusine la fondatrice de leur lignée. Dans l'imagination populaire le mythe avait pris d'autres formes.

On prêtait à Mélusine la puissance de bâtir, la nuit, avec une rapidité magique. Les plus imposantes des constructions de la région lui étaient attribuées : les arènes de Poitiers, par exemple, et surtout les forteresses féodales des Lusignans et de leurs alliés.

Le Guide des chemins de France (1552) engage le voyageur à admirer les châteaux de Lusignan, Vouvent et Mervent (ces deux derniers au nord de Fontenay-le Comte), qui sont l'œuvre de Mélusine.

Elle avait édifié encore les tours de Parthenay, ruinées sous Charles VIII. Le donjon de Pouzauges, en Bas-Poitou, avait été sa dernière construction.

Surprise dans son travail, en pleine nuit, par le regard d'un indiscret, elle avait lancé une malédiction sur ses oeuvres :



Pouzauges, Tiffauges, Mervent, Chateaumur et Vouvant  

Iront chaque an, je le jure, d'une pierre en périssant.



C'est dans quelqu'une de ces localités que Rabelais avait entendu parler de la femme-serpent : « Visitez, dit-il, Lusignan, Parthenay, Vouvent, Mervent, Pouzauges : là trouverez tesmoings authentiques et de bonne forge, lesquels vous jureront que Mélusine leur première fondatrice avait corps féminin jusqu'à la ceinture et que le reste en bas étoit andouille serpentine ou bien serpent andouillique . »

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (3)



De la race de Mélusine était Geoffroy II de Lusignan, seigneur de Vouvent dans le voisinage de Fontenay-le- Comte, surnommé Geoffroy-à-la-Grand-Dent, dont Rabelais a fait le « grand père du beau cousin de la sœur aisnée de la tante du gendre de l'oncle de la bruz de la belle-mère » de Pantagruel.

Il vivait au début du XIIIe siècle et s'était rendu fameux par ses violences. A la suite de différends qui s'élevèrent entre lui et l'abbé de Maillezais, les bâtiments de l'abbaye furent pillés et incendiés, les moines chassés et poursuivis par les gens de Geoffroy.

Le pape prononça l'excommunication contre l'auteur de ces attentats. Alors Geoffroy se rendit à Rome en pénitent et, après avoir fait amende honorable, scella sa paix avec l'abbaye de Saint-Pierre-de-Maillezais par de riches donations. Lorsqu'il mourut, les moines, ne se souvenant que de sa pénitence et de la généreuse réparation de ses outrages, élevèrent en son honneur, dans leur église abbatiale, un cénotaphe orné de son effigie sculptée dans la pierre. Geoffroy fut inhumé à Vouvent.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (6)

Mais, par la suite des temps, on crut communément que la tombe de l'église de Maillezais renfermait ses restes, comme en témoignent ces vers du poète Couldrette, à la fin du XVe siècle :



« Encore y est ensevelis
Geoffroy le chevalier gentils ;
Là q'est Geoffroy et là repose,
Je l'ai veu, bien dire l'ose
Pourtrait en une tombe en pierre,
Dessoubs celle fu mis en terre. »

C'est ce tombeau que le jeune Pantagruel, étudiant à Poitiers, vint visiter un jour. Rabelais nous rapporte que le Géant eut quelque frayeur, « voyant la pourtraicture » de Geoffroy ; car « il y est en imaige (sculpture)  comme d'un homme furieux tirant à demy son grand malchus de la gaine ».

Ainsi l'artiste qui avait taillé cette « imaige », avait représenté le défunt non dans l'attitude de la repentance, mais sous cet aspect de guerrier furibond qu'avait fixé dans la mémoire du peuple le surnom de Geoffroy-à-la- Grand-Dent.

De cette horrifique « pourtraicture », il ne reste aujourd'hui que la tête, qui a été découverte, en 1834, dans les ruines de l'église de Maillezais et transportée au musée de Niort. ==> Histoire de l'abbaye de Maillezais, plan des fouilles archéologiques exécutées sous la direction d’Apollon Briquet en 1834

 Les sourcils froncés, le regard dur et fixe, la moustache hérissée, la bouche ouverte, les dents aiguës, tout dans cette figure exprime naïvement la colère et l'on comprend la frayeur du jeune Pantagruel, ainsi que sa réflexion devant cette effigie de son ancêtre : sans doute, dit-il, lui a-t-on fait « quelque tort duquel il demande vengeance à ses parents. Je m'en enquesteray plus à plein et en feray ce que de raison. »

Ces souvenirs du Poitou, si variés et si précis, se rencontrent dans des livres que Rabelais écrivit cinq ans, sept ans, et même dix-neuf et vingt-cinq ans après qu'il eut cessé d'habiter cette province. D'autre part, c'est pour les commentateurs modernes une surprise que de constater qu'il n'évoque pas moins fréquemment, dans son œuvre, le Poitou que sa terre natale, le Chinonais.

La vivacité de ses impressions aux alentours de la trentième année égale donc celle des années d'enfance, comme si ses sens s'étaient joyeusement ouverts à la vie, lors de ses pérégrinations en Poitou, au sortir de son laborieux noviciat d'humaniste à Fontenay-le-Comte.

Il ne négligeait point, d'ailleurs, les lettres grecques et latines : seulement son cabinet d'études semble avoir été, non au monastère bénédictin de Saint-Pierre-de- Maillezais, mais au prieuré de Ligugé, à deux petites lieues au sud de Poitiers…..

 

De sa verve comique, et peut-être de quelques-uns de ces essais conservés en portefeuille, il fut, un jour, tenté de tirer profit.

Au temps où il fréquentait chez Sébastien Gryphe et prêtait l'oreille aux propos de la rue Notre-Dame-de-Confort, il apprit le succès prodigieux d'un petit ouvrage de littérature facétieuse, un humble livret en caractères gothiques, publié à Lyon, sans nom d'auteur, ni de libraire, sous le titre des Grandes et inestimables Chroniques du grand et énorme géant Gargantua.

Il en fut vendu, nous dit-il, plus d'exemplaires eu deux mois « qu'il ne sera acheté de Bibles en neuf ans. » Il conçut l'idée d'un livre de même « billon », c'est-à-dire de même métal, dans lequel, peut-être, il insérerait ou fondrait ses essais facétieux encore inédits ; et pour exploiter le succès des Chroniques, il s'avisa d'annoncer que son livre en était la suite.

Ce qu'il racontait, c'était la vie du fils de Gargantua, le géant Pantagruel. Partant, il devait adopter le ton de ces Chroniques. Qu'étaient-elles donc ?

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (2)


Elles racontaient l'histoire d'une famille de géants, créée par les enchantements du nigromancien Merlin pour le service du roi Artus.

 Des ossements de deux baleines mâles et des rognures d’ongles de la reine Genièvre, arrosés du sang des plaies de Lancelot, Merlin fait naitre magiquement les géants Grandgosier et Galemelle, de qui naîtra Gargantua. Il les dote d'une gigantesque jument et les envoie à Arthur.

 Arrivés au mont Saint- Michel, Galemelle et Grandgosier meurent d'une « fièvre continue, par faulte d'une purgation).

Merlin transporte alors Gargantua sur une nue, « au bord de la mer, près Londres » et le présente au roi Arthur, qui était en guerre contre les Gos et Magos De sa massue, don de Merlin, le géant écrase les ennemis de son suzerain : Hollandais et Irlandais, Gos et Magos cueille des prisonniers par centaines, les serre dans la fente de ses manches, dans le fond de ses chausses, dans sa gibecière, dans sa dent creuse.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane,

(Exposition Mélusine les secrets d'une Fée Historial de la Vendée)

Ses dernières prouesses sont un combat singulier contre un géant haut de douze coudées. Il passe ainsi « deux cens ans troys moys et quatre jours justement, puis il est transporté au pays de Féerie par Morgane et Mélusine.

Où le rédacteur inconnu des Grandes Chroniques a-t-il recueilli le sujet de son récit ?  C'est ce qu'on ignore encore.

La légende de Gargantua semble bien avoir été populaire longtemps avant cette publication : on trouve sur un registre des comptes du receveur de l'évêque de Limoges, à la date de 1470, le nom de Garganluas, donné comme sobriquet à un invité de l'évêque.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent

Merlin, le roi Arthur, la reine Genièvre, Lancelot, Morgane, Mélusine défrayaient depuis longtemps la littérature des romans de chevalerie, mise par l'imprimerie à la portée du commun des lecteurs dès la fin du xv* siècle.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (1)

Tout populaires sont également les effets comiques qui  égaient les Chroniques. Leur rédacteur savait qu'il provoquerait un rire ingénu par la description de l'énormité gigantesque de son héros. Il s'attarde donc volontiers à narrer comment Gargantua déjeuna de deux navires de harengs frais et de trois barriques de maquereaux salés ; comment il dina de trois cents bœufs et de deux cents moutons ; comment il emporta les deux cloches de Notre-Dame de Paris pour les suspendre au col de sa jument ; comment ses éclats de rire s'entendaient de sept lieues et demye ; comment pour c son bonnet à la cocarde », il fallut bailler au bonnetier « deux cens quintaux de laine deux livres et demye et ung quart justment ». Car le conteur affecte plaisamment dans les descriptions les plus invraisemblables une précision minutieuse, comme une garantie de sa véracité ; et cette spécieuse exactitude est un autre trait de comique populaire.

Légendes du Moyen-Age Rabelais, Pantagruel et le Gargantua , Merlin, le roi Arthur, Morgane, Mélusine, Geoffroy-à-la-Grand-Dent (7)


Tel est l'ouvrage dont le succès engagea Rabelais à écrire le Pantagruel. Il lui doit le plan général de son livre, semblable d’ailleurs à celui des nombreux romans de chevalerie dont l'imprimerie multipliait alors des éditions remaniées. Comme ces gestes fabuleuses qu'énumère le Prologue, comme Robert le Diable, Fierabras, Guillaume sans peur ou Huon de Bordeaux, le Pantagruel comprend trois parties : la naissance merveilleuse du héros, accompagnée d'une généalogie qui le rattache par-delà les siècles au temps du meurtre d'Abel, puis des « enfances », qui nous racontent comment le géant fut élevé dans les universités de France et finalement à Paris ; enfin des (prouesses », un voyage sur mer et une guerre contre les habitants de la Scythie ou Dipsodie.

Le héros de ces aventures, Pantagruel, est un géant qui a, comme tous les géants des épopées ou romans antérieurs, les Fierabras ou les Morgant, des forces et un appétit proportionnés à sa taille. Mais il se distingue de ceux-ci par un trait particulier : il a le don d'engendrer la soit chez tous ceux qui l'approchent.

 Cette singularité n'est pas de l'invention de Rabelais, pas plus que le nom de Pantagruel, qu'il a donné à son héros.

Ce nom, sans être populaire comme celui de Gargantua, n’était pas inconnu en France. Le Mystère des Actes des Apostres de Simon Gréban, dont il y eut maintes représentations à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, l'avait vulgarisé.


Pantagruel y était le nom porté par un petit diable qui régnait sur l'un des quatre éléments, l'eau. Il parcourait les régions marines, y puisait du sel et en jetait la nuit dans la gorge des ivrognes.

Par suite, la même dénomination avait passé de la cause à l'effet : le Pantagruel dans d'autres textes de la littérature dramatique désigne la soif, ou une irritation de la gorge provoquant la soif.

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