Alors Charette écarte brusquement les paysans qui le serrent de trop près, et la tête haute, le geste impérieux, il impose le silence.
De sa voix stridente, il parle nettement, sèchement. Il accepte de marcher avec eux, mais à la condition qu'on lui obéira quand il commandera;
il entend être le chef de ses soldats comme il l'était de ses matelots à son bord et il punira de mort toute désobéissance.
Une immense acclamation lui répond, et pendant qu'il rentre au petit manoir s'équiper pour la vie d'aventures, tandis qu'un serviteur selle le bidet de chasse qui devient un cheval de bataille, l'allégresse est à son comble.
Cette foule a trouvé son maître, cette armée a élu son général. « A Machecoul ! » crie Charette, monté à cheval, botté, le sabre au côté et les paysans reprennent le chemin de la ville, sans formation militaire, en cohue comme ils sont venus.
Soudain un geste de Charette indique à ceux qui sont en tête de cette singulière colonne la direction à suivre.
On défilera devant un ormeau, le plus bel arbre du domaine, où l'ancien lieutenant de vaisseau fait hisser le drapeau blanc, le pavillon du Roi qu'il a fidèlement servi et sous l'égide duquel, dès le premier jour, il veut placer l'insurrection.