Charette et la guerre de Vendée, manoir de Fonteclose
Le 14 mars 1793, une foule de paysans entourait les abords du petit manoir de Fonteclose, à une demi-lieue de la Garnache, l'un des derniers bourgs du pays de Retz avant de pénétrer dans le Marais.
La plupart de ces hommes étaient armés de faux, de fourches, de piques, de serpes emmanchées.
C'étaient des laboureurs des environs de Machecoul, les Moutons noirs, comme on les appelait, en raison de la nuance foncée de leurs costumes, auxquels se mêlaient quelques Maraichins, venus de Sallertaine ou de Challans, reconnaissables à leurs vestes rousses et à leurs longs fusils de chasse.
Des délégués impatients avaient franchi le petit pont rustique jeté sur les douves, traversé un grand jardin aux allées courtes et droites et pénétré dans un long bâtiment, couvert en tuiles, flanqué de deux étroits pavillons et composé d'un rez-de-chaussée avec premier étage.
Cette fois les solliciteurs se présentaient exigeants : leur récent succès, l'idée qu'ils avaient de leur force, la nécessité comminatoire, rendaient leur démarche impérieuse et les plus audacieux envahirent le jardin de Fonteclose en gens décidés à ne point quitter la place avant d'obtenir satisfaction.
Leur attitude, leurs cris, leur agitation tumultueuse et menaçante, témoignaient de leur détermination. Or Charette était également résolu à ne point se commettre dans une pareille équipée.
Ainsi que tout homme sensé ayant servi et fait la guerre, il considérait comme une tentative folle, condamnée d'avance au plus tragique désastre, cette levée de paysans sans armes, sans munitions, sans cadres, ignorant tout de la discipline et du métier militaire, et prétendant entrer en lutte contre un gouvernement, — odieux et tyrannique, à la vérité, — mais disposant d'une armée qui passait pour la plus forte et la plus aguerrie du monde.
Il est si convaincu de l'impossibilité du succès que, pour échapper aux insurgés, il se cache sous son lit dans l'espoir qu'ils se lasseront à ne point le voir paraître. Mais on sait qu'il est chez lui; on le veut, on l'appelle en longues clameurs obstinées et suppliantes : « Monsieur Charette!...